II. LA RECHERCHE DE RÉPONSES INTERNATIONALES ADAPTÉES

Dès le début des années 1960, la communauté internationale a cherché à opposer des réponses adaptées à la menace terroriste, par l'élaboration de conventions internationales destinées à mettre le terrorisme hors-la-loi, par le développement de la coopération internationale dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, et par l'adoption de sanctions contre les pays responsables d'actes de terrorisme.

1. L'élaboration d'un droit international contre le terrorisme

. Compte non tenu de la présente convention, dix conventions ont été conclues sous l'égide des Nations unies pour tirer les conséquences, essentiellement juridiques, de la menace terroriste :

- convention relative aux infractions et à certains autres actes survenus à bord des aéronefs (Tokyo, 14 septembre 1963) ;

- convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs (La Haye, 16 décembre 1970) ;

- convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile (Montréal, 23 septembre 1971) ;

- convention pour la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques (New York, 14 décembre 1973) ;

- convention internationale contre la prise d'otages (New York, 17 décembre 1979) ;

- convention sur la protection physique des matières nucléaires (Vienne, 26 octobre 1979) ;

- protocole pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l'aviation civile internationale (Montréal, 24 février 1988) ;

- convention pour la répression des actes illicites dirigés contre la navigation maritime (Rome, 10 mars 1988) ;

- protocole pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental (Rome, 10 mars 1988) ;

- convention sur le marquage des explosifs plastiques aux fins de détection (Montréal, 1er mars 1988).

Cette première génération de conventions internationales antiterroristes a concerné des aspects sectoriels de la menace constituée par le terrorisme international. Ces conventions visent ainsi, de manière segmentée, les actes de terrorisme survenus à bord d'aéronefs, de navires, de plates-formes pétrolières, dans des aéroports ... Une forte proportion de ces textes a été inspirée par un événement ayant suscité une émotion particulière dans l'opinion internationale. Ainsi le détournement de l'Achille Lauro s'est-il trouvé à l'origine de la convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de la navigation maritime signée à Rome le 10 mars 1988 (et entrée en vigueur le 1er mars 1992). Dans le même esprit, les attentats perpétrés en décembre 1985 dans les aéroports de Vienne et de Rome ont inspiré un protocole à la convention de Montréal de 1971 pour la répression des actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile, protocole consacré à la répression des actes de violence dans les aéroports.

De même, la convention de La Haye (16 décembre 1970) a-t-elle été adoptée pour répliquer aux actes de piraterie aérienne qui s'étaient multipliés depuis la fin des années 1960, tandis que la convention de Montréal (23 septembre 1971) a été inspirée par la multiplication des attentats à la bombe contre des avions de ligne.

. Par rapport à cette première génération de conventions internationales, la présente convention présente le mérite de porter sur un spectre beaucoup plus étendu d'actes de terrorisme international, et de constituer ainsi une convention plus "généraliste" que les précédentes . En effet, la convention du 12 janvier 1998 concerne une très forte proportion des attentats terroristes commis dans le monde, puisque les attentats à l'explosif représentent quelque 60 % des actes de terrorisme international enregistrés chaque année (voir infra, III-1).

. D'autres conventions visent exclusivement à faciliter la répression des auteurs d'actes de terrorisme international. Il s'agit notamment de la convention européenne pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977. Elaborée dans le cadre du Conseil de l'Europe, cette convention a présenté le mérite de sortir du champ des infractions politiques les délits visés par les conventions de La Haye et de Montréal, de même que les actes commis au moyen de bombes, grenades, roquettes, armes automatiques ou colis piégés, ainsi que les enlèvements et les attaques contre des personnes jouissant d'une protection internationale. La convention de 1977 a donc constitué un progrès notable en faveur de la répression du terrorisme international , par rapport à la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 qui autorisait les Etats signataires à refuser l'extradition, si le délit pour lequel celle-ci était requise était un délit politique. Cette avancée est confirmée par la convention européenne d'extradition du 27 septembre 1996, dite "de Dublin ", qui vise en outre à racourcir les délais d'extradition.

. Parmi les réponses du droit international à la menace terroriste, on peut également citer des conventions à vocation régionale, comme la convention de Washington (2 février 1971) pour la prévention et la répression des actes de terrorisme prenant la forme de crimes contre des personnes, ou comme la convention arabe contre le terrorisme, signée le 22 avril 1998 au Caire par les 22 membres de la Ligue arabe, et non encore entrée en vigueur.

2. Le développement de la coopération internationale

La montée en puissance de la menace terroriste s'est traduite par la prise de conscience des Etats de la nécessité de développer la coopération internationale en matière de lutte antiterroriste, sous toutes ses formes. Ainsi la Déclaration ministérielle du Groupe des sept sur la lutte contre le terrorisme (Ottawa, 26 novembre 1995) vise-t-elle le renforcement de l'échange de renseignements et d'informations sur le terrorisme, et encourage-t-elle l'entraide judiciaire et l'extradition.

De même la résolution 49/60 des Nations unies du 17 février 1995 incite-t-elle les Etats, entre autres réponses au terrorisme international :

- à mettre en place des accords de coopération bilatéraux, régionaux et multilatéraux,

- à veiller au respect du principe "juger ou extrader" à l'égard des auteurs d'actes terroristes, conformément aux engagements souscrits dans le cadre des conventions antiterroristes ci-dessus évoquées (voir supra, 1),

- à aider les Etats à organiser des "cours de formation sur les moyens de lutter contre la criminalité liée au terrorisme international".

Dans la même logique, les Mesures visant à éliminer le terrorisme international adoptées par l'Assemblée générale des Nations unies le 17 décembre 1996 encouragent les échanges d'information entre Etats sur les faits liés au terrorisme.

Sur un plan plus pratique, on remarque que le développement de la coopération interétatique s'effectue, pour l'essentiel, à l' échelle régionale .

Ainsi l'Union européenne paraît-elle un cadre d'action privilégié, qu'il s'agisse des initiatives mises en place dans le cadre du Troisième ou du Deuxième pilier.

La coopération judiciaire et policière prend forme au sein du Troisième pilier. Une évaluation de la menace terroriste (interne et externe) à l'égard de l'Union européenne est effectuée chaque semestre, tandis qu'a été constitué un "répertoire des compétences" (c'est-à-dire une sorte d'annuaire des services) en vue d'une action antiterroriste commune. Dans le domaine judiciaire, l'adoption de la Convention d'extradition européenne du 27 septembre 1996 a pour objet d'améliorer les conditions de l'extradition entre les Etats membres en supprimant le principe de la double incrimination et en réduisant les délais nécessaires. Elle permettra d'éviter que le mobile politique puisse être invoqué par l'Etat requis pour refuser une demande d'extradition ou d'entraide judiciaire. Par ailleurs, dans le cadre de Schengen, il devient possible de poursuivre la surveillance policière, dans un autre pays, d'une personne soupçonnée d'avoir participé à une infraction, tandis que le système d'information Schengen vise à améliorer la circulation des informations.

Enfin, le groupe TREVI (terrorisme, radicalisme et violence internationale), créé en 1975 lors d'une réunion du Conseil de l'Europe, a établi un programme d'action relatif au renforcement de la coopération policière dans la lutte contre le terrorisme et les autres formes de criminalité organisée. Ce groupe réunit les ministres et les hauts fonctionnaires qui, dans chaque pays de l'Union européenne, sont responsables de la lutte contre le terrorisme. Il comporte quatre groupes de travail (terrorisme, formation de la police, trafic de drogue et autres formes de criminalité organisée, et coopération policière dans tous les domaines de la criminalité).

On relève également une amélioration récente de la coordination mise en place au sein du Deuxième pilier (politique étrangère et de sécurité commune) qui a débouché sur un dialogue avec d'autres forums internationaux (dialogue avec les PECOS, dialogue euroméditerranéen, dialogue transatlantique ...).

3. La question des sanctions

. A ce jour, deux Etats seulement se sont vu imputer par l' ONU la responsabilité d'actes de terrorisme international :

- la Libye , du fait des attentats contre les vols UTA 772 et PANAM à Lockerbie (résolutions 731 du 21 janvier 1992, 748 du 31 mars 1992, et 883 du 31 novembre 1993) ;

- l' Irak , mis en cause pour prise d'otages (affaire des "boucliers humains") lors de la guerre du Golfe (résolution 687 du 3 avril 1991.

Les résolutions onusiennes s'étaient toutefois bornées à constater que ces deux pays avaient commis des actes de terrorisme international (ou en avaient encouragé), à exiger de l'Irak et de la Libye qu'ils renoncent au terrorisme, et à constater qu'en ne se conformant pas à cette exhortation, la Libye constituait "une menace pour la paix et la sécurité internationale".

Il ne s'agissait donc pas véritablement de sanctions. A ce jour, la question des mesures susceptibles d'être adoptées par l'ONU à l'encontre d'un Etat qui, en commettant des actes de terrorisme international ou en soutenant des terroristes, violerait les principes des Nations unies, demeure entière. On peut imaginer que l'exclusion d'un tel Etat de l'Organisation des Nations unies ne constituerait pas une menace suffisamment grave pour justifier la renonciation au terrorisme.

. Certains Etats ont néanmoins déjà fait l'objet de sanctions unilatérales , le raid américain contre la Libye, en avril 1986, en ayant constitué le précédent le plus frappant.

Dans un genre différent, on peut rappeler que le Royaume-Uni a, en octobre 1986, rompu ses relations diplomatiques avec la Syrie, accusée de complicité dans l'attentat à la bombe projetée contre un avion d'El Al à Londres. En 1986, les Etats-Unis ont restreint leurs exportations d'équipements informatiques et de matériel de télécommunication vers la Syrie.

Notons que la législation américaine ("export administration act" de 1979 et "antiterrorism and arms export amendment act" de 1989) permet l'inscription d'un Etat sur la "terrorist list", réduisant ipso facto les exportations américaines vers ce pays. En 1998, la "terrorist list" comprend les Etats suivants : Cuba, Corée du Nord, Soudan, Syrie, Libye, Iran, Irak. Ce système de sanctions est aujourd'hui critiqué en raison de son caractère extra-territorial. Ainsi la loi d'Amato , adoptée après l'explosion en vol d'un avion de la TWA en juillet 1996, cette explosion ayant été imputée au terrorisme islamiste, prévoit-elle des sanctions contre toute société qui réaliserait un investissement de plus de 40 millions de dollars dans le secteur énergétique en Libye et en Iran. Ces sociétés peuvent se voir interdire d'exporter vers les Etats-Unis ou d'en importer des produits soumis à licence. Visant essentiellement des sociétés européennes, cette loi relève d'une conception très extensive des sanctions, puisqu'il s'agit là de punir ceux qui commercent avec des Etats soupçonnés de parrainer le terrorisme international, et non de sanctionner les Etats eux-mêmes ...

. Quant aux sanctions pénales contre les auteurs d'infractions, elles sont trop souvent contrariées par les obstacles apportés par certains Etats aux demandes d'extradition formulées par les Etats souhaitant effectuer des poursuites.

Ainsi l'Egypte, l'Italie et la Yougoslavie ont-elles, dans un premier temps, en 1986, refusé d'arrêter le principal organisateur du détournement de l'Achille Lauro, au motif que celui-ci, porteur d'un passeport diplomatique irakien, bénéficiait de ce fait de l'immunité diplomatique.

Une coopération judiciaire insuffisante se traduira prochainement par le jugement par contumace des six accusés libyens responsables de l'attentat contre le DC 10 d'UTA, et des six accusés djiboutiens responsables de l'attentat contre le café de Paris à Djibouti, en 1990.

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