PJL relatif au Conseil supérieur de la magistrature

JOLIBOIS (Charles)

RAPPORT 57 (98-99) - COMMISSION DES LOIS

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Table des matières




N° 57

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 5 novembre 1998

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration
générale (1) sur le projet de loi constitutionnelle, ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, EN DEUXIÈME LECTURE, relatif au
Conseil supérieur de la magistrature,

Par M. Charles JOLIBOIS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, François Marc, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Assemblée nationale
( 11 ème législ.) : Première lecture : 835, 930 et T.A. 142 .

Deuxième lecture : 1017, 1104 et T.A. 186 .

Sénat : Première lecture : 476 , 511 et T.A. 156 (1997-1998).

Deuxième lecture : 6 (1998-1999)


Justice.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 4 novembre 1998 sous la présidence de M. Jacques Larché, président, la commission a examiné, en deuxième lecture, sur le rapport de M. Charles Jolibois, le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature (CSM).

Le rapporteur s'est félicité que l'Assemblée nationale ait accepté, en deuxième lecture, la totalité des modifications introduites à l'initiative de la commission des Lois du Sénat, à l'exception de deux dispositions techniques, et ait notamment approuvé le maintien au sein du CSM de deux formations spécialisées pour le siège et pour le parquet ainsi que la consécration d'une formation plénière dont la compétence serait limitée à émettre des avis à la demande du Président de la République.

Il a constaté qu'un seul point restait en discussion sur le fond, à savoir les modalités de nomination des procureurs généraux, l'Assemblée nationale ayant rétabli en deuxième lecture l'exigence d'un avis conforme du CSM pour la nomination de ces hauts magistrats alors que le Sénat l'avait supprimée en première lecture.

Après avoir présenté les différentes hypothèses envisageables, le rapporteur a proposé à la commission d'accepter, comme elle l'avait fait en première lecture, l'exigence d'un avis conforme du CSM pour la nomination de l'ensemble des magistrats du parquet, tout en estimant qu'il conviendrait de veiller ultérieurement à ce que le Garde des Sceaux ne soit pas démuni des moyens lui permettant de garder la maîtrise de l'application de la politique pénale.

A l'issue d'un débat auquel ont participé MM. Jacques Larché, président, Guy Allouche, Jean-Jacques Hyest, Maurice Ulrich, Charles de Cuttoli, Patrice Gélard et Pierre Fauchon, la commission a adopté sans modification le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature issu des travaux de l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

EXPOSE GENERAL

Mesdames, Messieurs,

Après une deuxième lecture à l'Assemblée nationale, le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature revient aujourd'hui devant le Sénat pour une deuxième lecture dans une rédaction très proche de celle retenue par notre assemblée en première lecture.

S'inscrivant dans le prolongement de la révision constitutionnelle de 1993, cette nouvelle réforme du Conseil supérieur de la magistrature poursuit un double objectif :

- renforcer les pouvoirs de ce Conseil à l'égard des magistrats du parquet de manière à faire bénéficier ceux-ci de garanties constitutionnelles d'indépendance comparables à celles des magistrats du siège ;

- et en même temps élargir sa composition à une majorité de personnalités extérieures à la magistrature.

Après avoir adopté ce projet de loi constitutionnelle sans aucune modification en première lecture, l'Assemblée nationale a accepté, en deuxième lecture, la quasi totalité des modifications introduites par le Sénat qui avait pour sa part profondément amendé le texte en première lecture, suivant les propositions de votre commission des Lois.

En effet, hormis deux modifications d'ordre technique, l'Assemblée nationale a entièrement retenu le texte issu des travaux de votre commission des Lois.

Elle a ainsi notamment approuvé le maintien au sein du Conseil supérieur de la magistrature de deux formations respectivement compétentes à l'égard des magistrats du siège et à l'égard des magistrats du parquet, qui consacre la spécificité du parquet au niveau constitutionnel.

A ce stade de l'examen parlementaire, un seul point reste en discussion sur le fond, mais il est d'importance : il s'agit des modalités de nomination des procureurs généraux. En effet, l'Assemblée nationale a rétabli en deuxième lecture l'exigence d'un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature pour la nomination de ces hauts magistrats alors que le Sénat l'avait supprimée en première lecture, se prononçant alors en faveur du maintien de leur régime actuel de nomination en Conseil des ministres sans aucune intervention du Conseil supérieur de la magistrature.

I. SOUS RÉSERVE DE DEUX MODIFICATIONS TECHNIQUES, L'ASSEMBLÉE NATIONALE A ADOPTÉ LE TEXTE ISSU DES TRAVAUX DE VOTRE COMMISSION DES LOIS EN PREMIÈRE LECTURE

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a retenu la quasi totalité des modifications apportées au projet de loi constitutionnelle par le Sénat, dont le travail a d'ailleurs été jugé " excellent " par M. Jacques Floch, rapporteur de la commission des Lois, Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, ayant pour sa part déclaré que " les modifications apportées par le Sénat sont de nature à améliorer le texte de l'article 65 de la Constitution ".

En effet, si l'on excepte deux modifications d'ordre technique, c'est le texte issu des travaux de votre commission des Lois qui revient aujourd'hui devant le Sénat.

Ainsi, l'Assemblée nationale a approuvé le maintien par le Sénat de deux formations distinctes pour le siège et pour le parquet au sein du Conseil supérieur de la magistrature. Elle s'est également rangée aux modalités retenues par le Sénat pour la nomination des membres du Conseil supérieur de la magistrature n'appartenant pas à la magistrature.

A. LE MAINTIEN, AU SEIN D'UNE FORMATION PLÉNIÈRE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE, DE DEUX FORMATIONS DISTINCTES RESPECTIVEMENT COMPÉTENTES À L'ÉGARD DES MAGISTRATS DU SIÈGE ET À L'ÉGARD DES MAGISTRATS DU PARQUET

S'inscrivant dans la continuité des positions qu'il avait prises en 1993, le Sénat, suivant les propositions de votre commission des Lois, a jugé nécessaire de maintenir au sein du Conseil supérieur de la magistrature deux formations distinctes exerçant séparément les compétences relatives à la carrière et à la discipline, d'une part, des magistrats du siège et, d'autre part, des magistrats du parquet.

Constatant que les métiers exercés par ces deux catégories de magistrats sont profondément différents, puisque les uns jugent alors que les autres poursuivent et requièrent au nom de la société, le Sénat a en effet jugé indispensable de marquer symboliquement cette profonde différence au plus haut niveau de la hiérarchie des normes, afin d'éviter une regrettable confusion qui risquerait de mettre en cause le principe fondamental de l'indépendance du juge par rapport au ministère public.

Aussi a-t-il prévu le maintien de deux formations spécialisées en adaptant leur composition à la spécificité des questions traitées, en l'ouvrant à une majorité de non magistrats et en veillant à ne pas accroître excessivement le nombre des membres de manière à conserver des structures de travail opérationnelles :

- une formation compétente à l'égard des magistrats du siège comprenant, outre le Président de la République et le Garde des Sceaux, 5 magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d'Etat, comme actuellement, auxquels viennent s'ajouter 6 personnalités extérieures (soit 15 membres seulement, c'est-à-dire un nombre de membres sensiblement inférieur à celui de la formation unique initialement prévue par le projet de loi constitutionnelle qui comportait 23 membres) ;

- et une formation compétente à l'égard des magistrats du parquet comprenant, outre le Président de la République et le Garde des Sceaux, 5 magistrats du parquet et un magistrat du siège, le même conseiller d'Etat, comme actuellement, auxquels viennent également s'ajouter 6 personnalités extérieures (soit 15 membres comme pour la formation compétente à l'égard des magistrats du siège).

Cependant, le Sénat, toujours à l'initiative de votre commission des Lois, a en même temps souhaité réaffirmer le principe de l'unité de la magistrature pour bien marquer l'égale dignité des fonctions de magistrat du siège et de magistrat du parquet.

C'est pourquoi il a entendu consacrer l'institution d'une formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature, jusqu'ici non prévue par la Constitution, à laquelle serait confiée la compétence d'émettre des avis à la demande du Président de la République et pour laquelle il a retenu la composition suivante :

- le Président de la République, président ;

- le Garde des Sceaux, vice-président ;

- 5 magistrats du siège et 5 magistrats du parquet, élus ;

- et 10 personnalités extérieures (soit un total de 23 membres comme dans la formation unique initialement prévue par le projet de loi constitutionnelle).

Afin d'éviter des risques de dérives liées au développement de la pratique de l'autosaisine apparue depuis 1993, bien que la Constitution ne l'ait pas non plus prévue, le Sénat a toutefois souhaité que la possibilité reconnue à la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature d'émettre des avis soit subordonnée à la seule demande du Président de la République agissant là dans le rôle de garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire que lui confie l'article 64 de la Constitution.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a retenu, avec l'approbation du Gouvernement, la rédaction du Sénat concernant le maintien des deux formations spécialisées pour le siège et pour le parquet et la consécration de la formation plénière chargée d'assister le Président de la République par sa compétence d'avis.

Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a en effet indiqué au cours du débat en séance publique qu'elle était " sensible à l'opinion... selon laquelle les magistrats du parquet exercent des missions d'une nature distinctes de celles du siège, et dans un cadre différent puisqu'il est hiérarchisé " et que le Gouvernement n'était " pas opposé au maintien de deux formations au sein du Conseil supérieur, dès lors que juges et parquetiers bénéficieront de garanties comparables et que l'institution d'une formation plénière pour répondre aux demandes d'avis du Président de la République marquera nettement l'unité du corps ".

B. LES MODALITÉS RETENUES POUR LA DÉSIGNATION DES PERSONNALITÉS EXTÉRIEURES APPELÉES À FAIRE PARTIE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE

Lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle en première lecture, le Sénat s'est montré favorable à l'ouverture de la composition du Conseil supérieur de la magistrature à une majorité de non-magistrats, qui lui est apparue comme une nécessaire contrepartie de l'accroissement de ses pouvoirs, afin d'écarter tout risque de dérive corporatiste. Il a d'ailleurs tenu à ce que cette majorité de non-magistrats soit assurée, non seulement au sein de la formation plénière, mais également au sein de chacune des formations spécialisées.

Suivant les propositions de votre commission des Lois, le Sénat a cependant modifié sur deux points les modalités de la désignation des personnalités extérieures prévues par le projet de loi constitutionnelle.

Après s'être interrogé sur l'opportunité de la désignation de deux membres par le Président du Conseil économique et social, il a jugé préférable de substituer à cette désignation un accroissement de deux à quatre du nombre des membres désignés conjointement par les trois présidents des plus hautes juridictions françaises , à savoir le vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes.

En effet, il a eu le souci d'établir un certain équilibre entre les membres désignés par des autorités issues du suffrage universel (le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat désignant chacun deux personnalités) et ceux désignés par des autorités juridictionnelles.

Par ailleurs, de manière à ne pas fausser le rapport entre magistrats et non-magistrats au sein du Conseil supérieur de la magistrature, le Sénat a précisé que ne pourraient être désignées comme membre de ce Conseil que des " personnalités n'appartenant ni au Parlement, ni à l'ordre judiciaire, ni à l'ordre administratif ", cette rédaction excluant la désignation d'un parlementaire en exercice ou d'un magistrat en exercice, qu'il soit issu des juridictions judiciaires, administratives ou financières.

Là encore, sur ces deux points, l'Assemblée nationale, avec l'approbation du Gouvernement, s'est rangée à la rédaction adoptée par le Sénat.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté sans modification l'article 1er A introduit par le Sénat afin de préciser explicitement à l'article 19 de la Constitution que la nomination de membres du Conseil supérieur de la magistrature fait partie des compétences du Président de la République que ce dernier exerce sans contreseing.

L'Assemblée nationale a donc très largement retenu le texte du Sénat, ne se déclarant en désaccord avec lui que sur un seul point, même si celui-ci revêt une importance particulière : il s'agit de la nomination des procureurs généraux.

II. UN SEUL POINT DE DÉSACCORD IMPORTANT SUBSISTE AUJOURD'HUI ENTRE LES DEUX ASSEMBLÉES : LA NOMINATION DES PROCUREURS GÉNÉRAUX

Hormis deux modifications d'ordre technique, l'Assemblée nationale n'a modifié le texte du Sénat que sur un seul point : la nomination des procureurs généraux.

A. LE PROBLÈME DE LA NOMINATION DES PROCUREURS GÉNÉRAUX : LE RÉTABLISSEMENT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE DE L'EXIGENCE D'UN AVIS CONFORME DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE, SUPPRIMÉE PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE

En première lecture, le Sénat a approuvé l'extension des compétences du Conseil supérieur de la magistrature à l'égard des magistrats du parquet, prévue par le projet de loi constitutionnelle, mais il a souhaité maintenir l'exception actuelle à l'intervention de ce Conseil concernant la nomination des procureurs généraux, en adoptant à cette fin un sous-amendement à l'amendement de votre commission des Lois, sous-amendement présenté par notre collègue Charles Ceccaldi-Raynaud.

En effet, si le Sénat a accepté de prévoir l'exigence d'un avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature pour la nomination de l'ensemble des magistrats du parquet autres que les procureurs généraux, au lieu de l'avis simple actuellement requis pour la nomination de ces magistrats, il a toutefois exclu que l'avis conforme s'étende à la nomination des procureurs généraux qui sont actuellement nommés en Conseil des ministres sans aucune intervention du Conseil supérieur de la magistrature .

Le Sénat s'est donc prononcé en faveur du maintien du régime actuel de nomination en Conseil des ministres du procureur général près la Cour de cassation et des 35 procureurs généraux près les cours d'appel qui, aux termes du code de procédure pénale, sont chargés de veiller à l'application de la loi pénale dans toute l'étendue du ressort de leur cour d'appel et ont une autorité hiérarchique sur l'ensemble des magistrats du parquet de ce même ressort.

En laissant la nomination de ces hauts magistrats à l'appréciation du Gouvernement, il a entendu tenir compte de leurs responsabilités particulières en matière de coordination de l'action publique et d'application de la politique pénale définie par le Garde des Sceaux.

Cependant, l'Assemblée nationale a refusé le maintien de cette exception et a rétabli l'exigence d'un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature pour la nomination des procureurs généraux, considérant qu'il était indispensable que ceux-ci bénéficient des mêmes garanties de nomination que les autres magistrats du parquet.

De même que M. Jacques Floch, rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a en effet estimé que l'exception introduite par le Sénat concernant les procureurs généraux rompait la cohérence de la réforme qu'elle proposait, déclarant que " l'exigence d'un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature pour la nomination de tous les magistrats du parquet, sans exception, est... seule de nature à écarter le soupçon d'intervention de l'exécutif dans les affaires particulières ".

B. LES DEUX MODIFICATIONS TECHNIQUES APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE AU TEXTE DU SÉNAT

Les deux autres modifications apportées par l'Assemblée nationale au texte du Sénat portent sur des points techniques et n'ont qu'une importance mineure.

Tout d'abord, l'Assemblée nationale n'a pas jugé nécessaire de faire figurer dans le texte même de la Constitution la précision apportée par le Sénat quant aux modalités de nomination des présidents de certaines juridictions d'outre-mer .

En première lecture, le Sénat, reprenant à son compte une proposition de loi constitutionnelle présentée par notre ancien collègue Daniel Millaud, a souhaité préciser explicitement que les magistrats des territoires et des collectivités territoriales d'outre-mer présidant les tribunaux supérieurs d'appel et les tribunaux de première instance, qui constituent des juridictions équivalentes aux cours d'appel et aux tribunaux de grande instance, bénéficiaient des mêmes garanties de nomination que leurs collègues de métropole et qu'ils étaient donc nommés sur proposition de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège.

Cependant, Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, ayant déclaré en séance publique que selon une coutume constante les présidents de ces juridictions étaient déjà nommés sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature, l'Assemblée nationale, animée par le souci de ne pas alourdir le texte constitutionnel et de ne pas compliquer d'éventuelles modifications ultérieures de l'organisation des juridictions outre-mer, a jugé préférable de ne pas faire figurer la précision apportée par le Sénat dans le texte même de la Constitution et de la renvoyer à la loi organique.

La dernière des modifications apportées par l'Assemblée nationale au texte du Sénat est d'ordre purement formel et concerne l' article 2 , relatif aux dispositions transitoires .

Le Sénat avait prévu l'insertion de ces dispositions dans le corps même de la Constitution, en utilisant le cadre de son article 90 laissé vacant à la suite de l'abrogation de cet article par la loi constitutionnelle du 4 août 1995. L'Assemblée nationale a complété formellement cette insertion en faisant précéder le rétablissement de l'article 90 par le rétablissement d'un titre XVII intitulé " Dispositions transitoires ".

III. LA PROPOSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : L'ADOPTION SANS MODIFICATION DU TEXTE RETENU PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE

Votre commission des Lois se félicite que l'Assemblée nationale ait approuvé les modifications du projet de loi constitutionnelle issues de ses travaux et ait largement facilité la recherche d'un accord entre les deux Assemblées en adoptant un texte très voisin de celui retenu par le Sénat.

Elle vous propose tout d'abord d'accepter les deux modifications de caractère technique apportées par l'Assemblée nationale au texte adopté par le Sénat.

En particulier, partageant le souci d'allégement du texte constitutionnel manifesté par l'Assemblée nationale, votre commission ne voit pas d'objection à ne pas faire figurer explicitement les juridictions d'outre-mer dans le texte même de la Constitution, sous réserve de préciser ultérieurement dans la loi organique que ces juridictions sont assimilées aux juridictions équivalentes de métropole quant à la procédure de nomination de leurs présidents.

En ce qui concerne la question de la nomination des procureurs généraux, elle constate que le texte adopté par l'Assemblée nationale rejoint la position qu'elle avait prise lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle en première lecture, puisqu'elle n'avait pas elle-même jugé nécessaire de prévoir une exception à l'exigence d'un avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature pour la nomination des magistrats du parquet.

Souhaitant que les deux Assemblées puissent parvenir à un accord afin de permettre l'aboutissement de cette révision constitutionnelle qu'elles ont toutes deux approuvé dans son principe, votre commission des Lois vous propose de retenir la rédaction de l'Assemblée nationale sur ce point et donc d'accepter que l'ensemble des magistrats du parquet soient désormais nommés sur l'avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature.

Elle considère cependant que le Garde des Sceaux doit conserver la maîtrise de l'application de la politique pénale
qui ne peut relever que de sa seule responsabilité.

Votre commission sera donc particulièrement vigilante sur ce point lors de l'examen du projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale, car il importe que le Garde des Sceaux ne se trouve pas démuni de moyens lui permettant d'assurer une application uniforme de la politique pénale sur l'ensemble du territoire.

Plus généralement, elle tient à rappeler que la révision constitutionnelle relative au Conseil supérieur de la magistrature constitue la clé de voûte d'une réforme d'ensemble de la justice qui doit être appréciée dans sa globalité.

Cette réforme concerne également d'autres sujets importants comme les garanties offertes aux justiciables ou la responsabilité des magistrats qui seront abordés à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la présomption d'innocence ou du projet de loi organique envisagé sur le statut des magistrats, qui n'est pas directement conditionné par le texte constitutionnel.

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois vous propose d'adopter sans modification le présent projet de loi constitutionnelle.



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