CHAPITRE IV

LA RÉFORME DES TRIBUNAUX DE COMMERCE

Le rapport de la commission d'enquête parlementaire et le rapport d'inspection conjointe de l'inspection générale des services judiciaires et de l'inspection générale des finances ont révélé de nombreux dysfonctionnements dans l'organisation de la justice commerciale. Les principaux constats de ces rapports sont les suivants :

- une qualité très hétérogène des décisions rendues ;

- une grande diversité dans la pratique des procédures, notamment en ce qui concerne le principe du contradictoire et de la collégialité ;

- des connaissances juridiques et une formation parfois insuffisantes de certains juges consulaires ;

- une disponibilité insuffisante pour piloter les procédures et contrôler les mandataires de justice. Les juges consulaires doivent en effet concilier les contraintes de leur vie professionnelle et leur fonction au sein de la juridiction ;

- des risques de conflits d'intérêt liés à la proximité avec les justiciables.

Devant ce constat, le Garde des Sceaux a fort justement lancé une réforme de structure de la justice commerciale, visant notamment à revoir la carte judiciaire, à introduire la mixité dans les tribunaux de commerce, à renforcer le contrôle des greffiers et à revoir leurs tarifs 7( * ) .

I. LA RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE

Les tribunaux de commerce, composés de juges élus et d'un greffe privé, constituent la forme dominante mais non exclusive de l'organisation de la justice commerciale en France. Dans les circonscriptions où il n'existe pas de tribunal de commerce, c'est le Tribunal de grande instance qui est responsable du contentieux commercial.

Aujourd'hui, il existe :

- 227 tribunaux de commerce ;

- 23 juridictions composées de magistrats professionnels statuant en matière commerciale, au sein des Tribunaux de grande instance ;

- 14 juridictions échevinées, à savoir les 7 chambres des tribunaux de grande instance d'Alsace Moselle et les 7 tribunaux mixtes de commerce d'oure-mer.

Or, la carte judiciaire n'est manifestement plus adaptée à la réalité économique et géographique des bassins d'emplois : elle n'a pas été retouchée depuis la loi du 16 octobre 1809. Elle néglige les techniques et les infrastructures modernes de communication qui permettent des relations rapides, régulières et sûres : les temps de trajet importent désormais plus que les distances, ce qui oblige à repenser la notion de proximité.

Par ailleurs, la carte des tribunaux de commerce est très émiettée, ce qui conduit, dans un grand nombre de juridictions, à un niveau d'activité trop faible pour garantir la qualité des décisions rendues.

Le rapport Carrez avait dénombré, en février 1994, 71 tribunaux de commerce traitant à la fois moins de 200 affaires nouvelles de contentieux général et moins de 100 procédures collectives par an. Or, il rappelait qu' " à l'occasion de l'élaboration de la circulaire du 27 avril 1988 relative à la détermination des effectifs des tribunaux de commerce, la Chancellerie et la Conférence générale des tribunaux de commerce s'étaient accordées pour considérer que le niveau minimum permettant d'assurer un bon fonctionnement des juridictions consulaires, se situait autour de 500 affaires par an, soit 10 affaires par juge et par mois pendant 10 mois par an pour un tribunal de 5 juges . "

En outre, l'implantation d'un tribunal dans un ressort de faible dimension ne garantit pas la distance et d'indépendance que le juge, issu du milieu économique local, doit avoir vis-à-vis des justiciables.

C'est pourquoi le gouvernement a fait de la réforme de la carte judiciaire des tribunaux de commerce dans six cours une priorité dès 1998. Il s'agit des cours comptant le plus grand nombre de juridictions consulaires (Caen, Dijon, Montpellier, Riom, Rouen) et de la cour de Poitiers qui présente plusieurs petits tribunaux commerciaux, des tribunaux de grande instance faiblement actifs et mal répartis et une urgence à régler des questions immobilières.

La situation des autres tribunaux de commerce devrait être étudiée en 1999 de telle sorte que la situation des juridictions consulaires soit entièrement traitée fin 1999.

Votre rapporteur se félicite de cette réforme, même s'il doute qu'elle soit achevée avant la fin de l'année 1999 . En effet, la Chancellerie, souhaite traiter ce sujet avec pragmatisme, et, en conséquence, fait preuve d'une très grande prudence. Ainsi, afin de justifier les propositions à venir, elle a demandé à ce que soient prises en compte " les données, sociales, sociologiques, culturelles, géographiques, climatiques, démographiques ainsi que l'état des voies de communication ou l'existence d'un pays " !

En outre, la Chancellerie estime que la prise en compte des données locales nécessite une concertation approfondie, sur place, entre les personnes chargées d'étudier la réforme de la carte judiciaire et les parties directement concernées. Cette concertation est organisée par les chefs de cour, pour toutes les relations avec les autorités et les organisations représentatives des magistrats, des fonctionnaires et des autres professions concernées par la réforme. Les préfets sont chargés des relations avec les élus locaux.

Votre rapporteur reconnaît l'importance de la concertation. Toutefois, il rappelle que celle-ci ne doit pas paralyser la réforme de la carte judiciaire et que la Chancellerie aura obligatoirement à passer outre les protestations de certains intérêts catégoriels. C'est pourquoi il préconise d'expérimenter dans trois ressorts de cours d'appel une présence judiciaire améliorée qui s'accompagnerait des moyens financiers nécessaires pour en assurer le succès.

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