Proposition de loi relative à la validation législative d'actes pris après avis du comité technique paritaire du ministère des affaires étrangères

GOULET (Daniel)

RAPPORT 128 (98-99) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES

Table des matières




N° 128

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 décembre 1998

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relative à la validation législative d' actes pris après avis du comité technique paritaire du ministère des affaires étrangères,

Par M. Daniel GOULET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1205, 1218 et T.A. 213.

Sénat
: 109 (1998-1999).

Ministères et secrétariats d'Etat.

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale le 8 décembre 1998, tend à valider l'ensemble des actes pris après avis du Comité technique paritaire du Ministère des Affaires étrangères tel qu'il avait été composé sur la base d'un arrêté du 14 octobre 1994 déterminant les organisations syndicales aptes à désigner les représentants du personnel à ce Comité, et fixant la répartition des sièges entre les différentes organisations.

Le Conseil d'Etat ayant annulé cet arrêté le 29 juillet 1998, tous les actes pris après consultation du Comité technique paritaire dont la composition est ainsi contestée paraissent entachés d'illégalité. Cette constatation s'étend aux textes adoptés après avis du Comité technique paritaire suivant, institué sur la base d'un arrêté du ler octobre 1997 qui fondait la composition de ce comité sur les mêmes critères de représentativité syndicale que l'arrêté de 1994 annulé par le Conseil d'Etat.

La présente proposition de loi vise donc à consolider l'ensemble de la vie juridique du Ministère des affaires étrangères , l'arrêt du Conseil d'Etat étant à l'origine d'une situation d' insécurité juridique qui s'étend sur l'ensemble de la période 1994-1998, et concerne de surcroît la réorganisation du Ministère fondée sur la fusion entre le Quai d'Orsay et le Ministère de la coopération.

La présente proposition, il faut le souligner, ne constitue pas un blanc-seing donné par le législateur au gouvernement pour maintenir à l'avenir une situation irrégulière.

Cette proposition de loi, en effet, ne vise pas à donner force de loi à un arrêté jugé contraire au droit par le Conseil d'Etat, ce qui constituerait une violation du principe de séparation des pouvoirs et de l'autorité de la chose jugée, mais concerne la validation de textes adoptés après avis d'un comité technique paritaire dont la composition, pourtant conforme aux habitudes administratives du Ministère des affaires étrangères, est contestée par le Conseil d'Etat. Dans cette logique, la présente proposition a pour objet de valider des actes pris depuis 1994 par le ministère des affaires étrangères, ces textes étant fondés sur une base qui s'est révélée par la suite irrégulière.

Après un rappel des faits qui ont conduit à l'annulation, par le Conseil d'Etat, de l'arrêté précité du 14 octobre 1994, et après avoir commenté la situation juridique créée par cette annulation, qui permettent de conclure à l'opportunité de l'adoption de la présente proposition de loi, votre rapporteur présentera les interrogations suscitées par les mesures d'ores et déjà prévues au Ministère des affaires étrangères pour tirer les conséquences des observations formulées par le juge.

*

* *

I. RAPPEL DES FAITS AYANT CONDUIT À L'ANNULATION DE L'ARRÊTÉ DU 14 OCTOBRE 1994 PAR LE CONSEIL D'ETAT

1. Les comités techniques paritaires de la fonction publique

Institués dans la fonction publique de l'Etat par la loi du 19 octobre 1946, et maintenus par l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires, les comités techniques paritaires sont régis par le décret n° 82-452 du 28 mai 1982 modifié.

. Le décret de 1982 prévoit deux types de CTP :

- Les CTP dont la création est obligatoire : il s'agit du CTP ministériel , institué auprès de chaque ministre (article 2), ainsi que du CTP Central devant être mis en place "auprès de chaque directeur du personnel de l'administration centrale" et auprès des directeurs d'administration, comportant des services centraux et des services extérieurs (article 3). Des comités techniques paritaires régionaux ou départementaux doivent également être créés auprès des chefs de service déconcentré lorsque les effectifs du service sont supérieurs à 50 agents (article 4).

. Les CTP dont la création est facultative : il s'agit des CTP spéciaux , susceptibles d'être mis en place "dans les services (...) dont la nature ou l'importance le justifie" (article 4 bis).

. La composition des comités techniques paritaires est assise sur les organisations syndicales "regardées comme représentatives du personnel" en fonction des effectifs qu'elles représentent. Les organisations syndicales aptes à désigner des représentants au CTP sont déterminées par arrêté ministériel. Un autre arrêté fixe le nombre des sièges attribués à chaque organisation à partir du nombre de voix obtenues lors des élections des représentants du personnel aux commissions administratives paritaires (article 8).

. Le décret de 1982 permet la participation aux comités techniques paritaires d' agents non titulaires (article 3) : cette disposition tire les conséquences du fait que les attributions des CTP concernent tous les agents travaillant dans le ressort d'un CTP, que ces agents soient ou non titulaires.

. L'article 11 du décret de 1982 invite le ministre intéressé à procéder à une consultation du personnel afin de déterminer le nombre de sièges susceptibles d'être attribués à chaque organisation, "en cas d'impossibilité d'apprécier la représentativité des organisations syndicales".

. Les attributions définies par le décret de 1982 (article 12) concernent, pour l'essentiel :

- les problèmes généraux d'organisation des administrations, établissements ou services,

- les conditions générales de fonctionnement des administrations et services,

- les programmes de modernisation des méthodes et techniques de travail et leur incidence sur la situation des personnels,

- les règles statutaires,

- l'examen des grandes orientations à définir pour l'accomplissement des tâches de l'administration concernée,

- les problèmes d'hygiène et de sécurité.

2. L'organisation retenue au Ministère des affaires étrangères

Le décret n° 94-726 du 19 août 1994, relatif aux comités techniques paritaires du ministère des affaires étrangères et dérogeant à certaines dispositions du décret n° 82-452 du 28 mai 1982, pose le principe d'une organisation particulière pour le ministère des affaires étrangères. D'autres départements ministériels disposent de CTP dérogeant aux principes posés par le décret de 1982 : il s'agit des ministères de la défense, de l'intérieur et de l'éducation nationale.

Au ministère des affaires étrangères, le décret de 1994 précité institue :

- un premier comité technique paritaire ministériel , "compétent pour connaître des questions intéressant les fonctionnaires du ministère des affaires étrangères et les agents contractuels en fonctions à l'administration centrale du ministère des affaires étrangères ou dans les missions diplomatiques et les postes consulaires" ;

- un second comité technique paritaire , compétent pour les questions concernant les personnels contractuels et les fonctionnaires détachés auprès du ministre des affaires étrangères et exerçant une mission dans un établissement ou organisme de diffusion culturelle à l'étranger.

La répartition des compétences entre ces deux CTP est donc essentiellement sectorielle.


Le premier comité technique paritaire ministériel connaît, en effet, des questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des services centraux, des missions diplomatiques et des postes consulaires du ministère des affaires étrangères, et des questions concernant les règles statutaires et les rémunérations, les problèmes d'hygiène et de sécurité, ainsi que les programmes de modernisation des méthodes et techniques de travail et leur incidence sur la situation des personnels. Le second comité technique paritaire (le CTP "culturel"), quant à lui, a pour attributions la situation des personnels exerçant leur mission dans un établissement ou organisme de diffusion culturelle à l'étranger. Notons, à cet égard, que l'article 4 (concernant le second CTP) du décret du 19 août 1994 vise les fonctionnaires, les contractuels recrutés en France et, s'agissant des contractuels recrutés localement, les personnels contractuels de nationalité française : cet article exclut donc les recrutés locaux de nationalité étrangère du champ de compétence du second CTP .

3. Les arrêtés fixant la composition des comités techniques paritaires du Ministère des affaires étrangères

. L'arrêté du 14 octobre 1994 du ministre des affaires étrangères annulé par le Conseil d'Etat déterminait les organisations syndicales aptes à désigner les représentants du personnel aux CTP, en se fondant sur les résultats des élections aux commissions mixtes paritaires. Dans la logique définie par cet arrêté, un second arrêté du 10 novembre 1994 fixait la composition du CTP ministériel du Ministère des affaires étrangères.

. Le mandat des CTP étant de trois ans, deux nouveaux CTP ont été institués en 1997 . Dans la même logique que précédemment, l'arrêté du ler octobre 1997 établissait la liste des organisations syndicales aptes à désigner les représentants du personnel au premier CTP ministériel, en se fondant sur les mêmes critères que l'arrêté du 14 octobre 1994. Il était donc fait référence, conformément d'ailleurs à la formule qui a toujours été retenue à cet égard par le Ministère des affaires étrangères, aux résultats des élections aux commissions mixtes paritaires. Enfin, l'arrêté du 5 novembre 1997 déterminait, comme l'arrêté du 10 novembre 1994, la composition du CTP ministériel du ministère des affaires étrangères.

4. Les arguments du Conseil d'Etat

Le Conseil d'Etat a estimé que, pour apprécier la représentativité des organisations syndicales susceptibles de représenter le personnel aux CTP du ministère des affaires étrangères, le ministère des affaires étrangères n'aurait pas dû se référer aux résultats des élections aux commissions mixtes paritaires. En effet, ces élections ne concernent pas les contractuels et, parmi ceux-ci, les recrutés locaux de nationalité étrangère. Or ces derniers, a constaté le Conseil d'Etat, représentent quasiment la moitié des agents relevant du Ministère des affaires étrangères, soit, en 1994, 5 072 personnes sur un effectif de 13 681 (dont 591 recrutés locaux de nationalité française). En 1998, le nombre de recrutés locaux est passé à 5 530 agents (au terme du schéma quinquennal d'adaptation des réseaux, qui a prévu le recrutement de deux recrutés locaux pour un emploi de titulaire supprimé), dont 1 191 Français.

Le Conseil d'Etat a souhaité tirer "mécaniquement" les conséquences de l' importance des effectifs de recrutés locaux -et, notamment, des recrutés locaux de nationalité étrangère -dans les effectifs du ministère des affaires étrangères. Il a donc estimé que le ministre des affaires étrangères aurait dû, conformément à l'article 11 du décret de 1982, procéder à une consultation des agents titulaires et non titulaires afin de déterminer le nombre de sièges susceptible d'être attribués à chaque organisation syndicale. Le Conseil d'Etat a donc fait valoir que ces organisations doivent être représentatives des personnels contractuels, sans exclure les recrutés locaux, y compris ceux de nationalité étrangère, alors que la liste qui résulte de l'arrêté du 14 octobre 1994 ne permet pas la représentation spécifique des personnels contractuels.

L'argumentation du Conseil d'Etat s'appuie sur la constatation que les personnels contractuels recrutés localement constituent une proportion très importante des effectifs du Quai d'Orsay . On peut se demander si l'interprétation faite par le juge de la composition du CTP ministériel du ministère des affaires étrangères pourrait être étendue aux CTP des autres ministères recourant aussi à des recrutés locaux, dans leurs services à l'étranger. Tel est le cas, en effet, des ministères de la défense et de l'économie. Selon les informations transmises à votre rapporteur, les recrutés locaux employés par ces départements ministériels représenteraient une proportion suffisamment modeste de leurs effectifs pour que leur représentation aux comités techniques paritaires ne soit pas considérée comme indispensable.

II. DIFFICULTÉS LIÉES À L'ANNULATION DE L'ARRÊTÉ DU 14 OCTOBRE 1994

1. Conséquences juridiques

L'annulation de l'arrêté du 14 octobre 1994 a pour effet d' entacher d'illégalité l'ensemble des actes et des textes pris après avis du comité technique paritaire constitué en 1994. La conséquence juridique est la même pour les actes et textes pris en application de l'arrêté du ler octobre 1997 établi sur la même logique que le précédent arrêté de 1994, même si ce second texte n'a pas fait, à ce jour, l'objet d'un recours devant le juge administratif.

De ce fait, c'est toute la vie du Ministère des affaires étrangères pendant quatre années (entre 1994 et 1998) qui se trouve suspendue par la décision du juge.

La liste des actes soumis à l'approbation du CTP ministériel du ministère des affaires étrangères est, à cet égard, éclairante des conséquences de l'arrêt précité du Conseil d'Etat.

. En effet, le CTP ministériel désigné sur la base de l'arrêté du 14 octobre 1994 annulé s'est prononcé, pour l'essentiel, sur les textes suivants :

- projets de décrets relatifs au statut particulier des agents diplomatiques et consulaires (chiffreurs, secrétaires de chancellerie, secrétaires-adjoints...),

- projet de décret relatif au calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à l'étranger,

- projet d'arrêté relatif à l' expérimentation de l'annualisation du service à temps partiel au ministère des affaires étrangères,

- projets de décrets concernant la nouvelle bonification indiciaire dans les services du Ministère des affaires étrangères,

- projets d'arrêtés d'application de dispositions du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l' hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique,

- projet d'arrêté créant une mission pour l'adoption internationale au ministère des affaires étrangères.

. Le CTP ministériel constitué sur la base de l'arrêté du ler octobre 1997 -qui n'a fait à ce jour l'objet d'aucun recours, mais qui s 'appuie sur les mêmes critères que le précédent arrêté de 1994- s'est, lui aussi, prononcé sur des textes décisifs pour l'organisation du ministère des affaires étrangères :

- projet de décret portant intégration des chanceliers dans le corps des secrétaires de chancellerie,

- projet de décret instituant un congé spécial pour les ministres plénipotentiaires,

- projet d'arrêté modifiant l'arrêté du 4 novembre 1993 relatif à l' organisation de l'administration centrale du ministère des affaires étrangères,

- projet de décret portant organisation de l'administration centrale du ministère des affaires étrangères.

C'est ce dernier décret (décret n° 98-1124 du 10 décembre 1998), il convient de le souligner, qui traduit les conséquences administratives de la réforme de la coopération annoncée par le gouvernement le 4 février 1998, et qui prévoit la fusion des services du ministère des affaires étrangères et des services du ministère délégué à la coopération et à la francophonie.

L'annulation de l'arrêté du 14 octobre 1994 rend donc particulièrement vulnérables des textes (décrets ou arrêtés) déterminants non seulement pour la carrière des personnels concernés (recrutement, statuts des corps spécifiques, rémunérations) mais aussi pour l'organisation du ministère des affaires étrangères.

2. Une validation législative justifiée

. La présente proposition de loi vise donc à sécuriser l'environnement juridique du ministère des affaires étrangères entre 1994 et 1998 . Certes, le procédé tendant à recourir à la validation lui-même a pu, par le passé, susciter quelques réticences de la part du législateur 1( * ) . Celui-ci reconnaît cependant généralement que "nécessité fait loi" et que seule, la validation permet de résoudre les difficultés causées par la décision du juge.

. La présente proposition de loi est non seulement opportune, elle est également fondée juridiquement.

En effet, cette proposition respecte les critères de constitutionnalité définis par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 22 juillet 1980. Notons la ressemblance entre le cas porté à l'appréciation du Conseil constitutionnel en 1980, et la situation que vise à résoudre la présente proposition.

La loi déférée au Conseil constitutionnel le 30 juin 1980 résultait d'une proposition de loi de validation portant sur les décrets pris après consultation du comité technique paritaire du Ministère des Universités en 1977, 1978 et 1979, après l'annulation, par le Conseil d'Etat, de l'un des décrets adoptés après l'avis de ce comité technique paritaire . Notons que, en 1980 comme dans le cas couvert par la présente proposition de loi, la validation concernait l'ensemble des textes pris après avis de ce CTP pendant plusieurs années, alors même que ces textes n'avaient fait l'objet d'aucun recours contentieux .

Les conditions de conformité à la constitution des lois de validation appréciées par le Conseil constitutionnel sont les suivantes :

- la validation ne doit pas intervenir a posteriori , c'est-à-dire violer l'autorité de la chose jugée en remettant en vigueur un acte annulé par le juge administratif : or la présente proposition de loi ne tend pas à donner force de loi à l'arrêté annulé par le Conseil d'Etat, mais à valider les actes pris après consultation du CTP dont la composition est contestée par le juge administratif ;

- en ce qui concerne les validations préventives , portant sur un acte qui, non encore annulé par le juge, risquerait de l'être s'il faisait l'objet d'un recours (ce qui est le cas de l'arrêté du 1er octobre 1997), les conditions définies par le Conseil constitutionnel portent sur :

. le fait que l'acte validé soit en vigueur au moment de la validation (tel est le cas du décret tirant les conséquences de la réforme de la coopération sur l'organisation du Ministère, publié au Journal officiel du 13 décembre 1998),

. le fait que l'acte soit intervenu en matière non répressive , c'est-à-dire qu'il ne doit prévoir ni sanctions administratives, ni sanctions pénales (car la loi ne peut être rétroactive en matière pénale),

. le fait que la validation ait pour objet de "préserver le fonctionnement continu des services publics" ainsi que le "déroulement normal de la carrière des personnels", ce qui est le cas de la présente proposition de loi , s'agissant du fonctionnement du Ministère des affaires étrangères et du déroulement de la carrière de ses agents,

. l'acte à valider doit être réglementaire.

A ces diverses conditions a plus récemment été ajoutée la notion de "proportionnalité de la mesure de validation par rapport à sa justification qui est elle-même fonction des nécessités d'intérêt général ". En l'occurrence, l'enjeu que constituent la vie administrative d'un ministère ainsi que la sécurisation des carrières de quelque 13 000 agents justifie le recours à une loi de validation.

III. QUELQUES INTERROGATIONS POUR L'AVENIR

Le Ministère des affaires étrangères a d'ores et déjà tiré les conséquences de l'annulation, par le Conseil d'Etat, de l'arrêté du 14 octobre 1994 en mettant en place une consultation référendaire de l'ensemble de ses agents , en vue de l' appréciation de la représentativité des syndicats auprès des personnels non titulaires , et de la désignation de son prochain comité technique paritaire ministériel . Cette consultation sera réalisée en mars 1999 sur la base de l'article 11 du décret n° 82-452. Elle concernera donc l'ensemble des personnels du ministère des affaires étrangères et de la coopération, y compris les recrutés locaux et, parmi ceux-ci, les recrutés locaux de nationalité étrangère .

Le Conseil d'Etat a motivé cette exigence par le fait que les recrutés locaux de nationalité étrangère sont particulièrement nombreux (voir supra) dans les services du Quai d'Orsay à l'étranger. Cette situation résulte notamment, comme votre rapporteur l'a relevé précédemment, aux conséquences du schéma quinquennal d'adaptation des réseaux , mis en oeuvre pour la période 1994-1998, et qui prévoyait, en contrepartie de la suppression de 610 emplois de titulaires, le recrutement de personnels de droit local dans la proportion d'un recruté local pour deux emplois de titulaire supprimés.

Or la participation de ces personnels, dans leur pays, à une consultation syndicale organisée par un pays étranger n'est pas sans poser de substantielles difficultés :

.
Sur le plan pratique , tout d'abord :

- le scrutin prévu pour le mois de mars 1999 pose des problèmes de communication , pour les recrutés locaux ne connaissant pas notre langue, ce qui nécessite la traduction préalable des bulletins et des informations relatives aux modalités du scrutin et aux attributions du CTP ministériel ;

- des délais relativement importants sont imposés par les textes en vigueur et par les modalités pratiques d'un vote intéressant quelque 10 500 agents en poste à l'étranger.

. D'autres difficultés sont d' ordre juridique , voire diplomatique . En effet, les droits -y compris les droits syndicaux- des recrutés locaux relevant d'un contrat de travail de droit local , il n'est pas exclu que leur participation à une consultation syndicale française soit en contradiction avec la loi locale si, par exemple, celle-ci exclut l'exercice du droit syndical, ou limite celui-ci à l'affiliation à un syndicat unique.

Mentionnons enfin, par ailleurs, que la loi française ne s'oppose pas à ce qu'un ressortissant étranger, adhérent à un syndicat, accède aux fonctions d'administration ou de direction de ce syndicat, à condition qu'il ait dix-huit ans révolus, et qu'il n'ait encouru aucune des condamnations prévues aux articles L. 5 et L. 6 du code électoral (article L. 411-4 du code du travail).

Les difficultés soulevées pour l'avenir ne sauraient toutefois affecter la pertinence de la présente proposition de validation, qui porte exclusivement sur la sécurisation de la vie juridique du Ministère des affaires étrangères entre 1994 et 1998.

CONCLUSION

Il ressort des analyses ci-dessus que la présente proposition de validation paraît offrir les garanties requises de conformité à la Constitution. Elle consiste à prendre les dispositions nécessaires afin de régler, comme le législateur seul, en l'espèce, peut le faire, les situations nées de l'annulation de l'arrêté du ministre des affaires étrangères du 14 octobre 1994, et de valider les actes pris après consultation du premier comité technique paritaire ministériel des affaires étrangères entre 1994 et 1998.

Votre rapporteur conclut donc favorablement à l'adoption de la présente proposition de loi, telle qu'elle nous est transmise par l'Assemblée Nationale.

EXAMEN EN COMMISSION

Votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné la présente proposition de loi au cours de sa réunion du 16 décembre 1998.

A la suite de l'exposé de M. Daniel Goulet, M. Xavier de Villepin, président, est revenu, avec le rapporteur, sur le recours à une proposition de loi plutôt qu'à un projet de loi pour apporter une solution au problème posé.

La commission a alors, suivant l'avis de son rapporteur, adopté sans modification la présente proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE LOI
relative à la validation législative d'actes
pris après avis du comité technique paritaire du ministère des affaires étrangères

Article unique

Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les actes pris après avis du comité technique paritaire ministériel institué par l'article 2 du décret n° 94-726 du 19 août 1994 relatif aux comités techniques paritaires du ministère des affaires étrangères et dérogeant à certaines dispositions du décret n° 82-452 du 28 mai 1982 relatif aux comités techniques paritaires, réuni dans sa composition fixée respectivement au vu des arrêtés du 14 octobre 1994 et du 1er octobre 1997 déterminant les organisations syndicales aptes à désigner les représentants du personnel au comité technique paritaire du ministère des affaires étrangères et fixant la répartition des sièges entre ces organisations, en tant que leur légalité serait contestée par le moyen tiré du défaut de consultation de l'ensemble des agents titulaires et non titulaires relevant de la compétence dudit comité en application du deuxième alinéa de l'article 11 du décret n° 82-452 du 28 mai 1982 précité.



1 Voir notamment les rapports de M. Paul Girod (rapport sur le projet de loi portant validation des résultats du concours 1976 d'élèves-éducateurs des services extérieurs de l'éducation surveillée, Sénat, n° 342, 1981-1982) et M. Paul Séramy (rapport sur le projet de loi de validation de la liste principale et de la liste complémentaire d'admission à l'internat en médecine, Sénat, n° 413, 1981-1982).



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