3. Audition de Mme Sylvie Di Gracia, Vice-présidente du Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA)

Au cours d'une première séance, tenue dans la matinée, le mercredi 9 décembre 1998, la commission a tout d'abord entendu Mme Sylvie Di Gracia, vice-présidente du Centre des jeunes agriculteurs (CNJA).

A titre liminaire, Mme Sylvie Di Gracia, vice-présidente du CNJA, a souligné que ce projet de loi d'orientation agricole répondait à la nécessité de redéfinir les objectifs de la politique agricole et de préparer l'agriculture française aux évolutions en cours au niveau tant communautaire qu'international. Elle a estimé que ce texte devrait contribuer à instaurer une agriculture aux services des hommes. Elle a, en particulier, considéré qu'il devrait favoriser l'installation de jeunes agriculteurs, une diversification des activités agricoles susceptible de répondre aux attentes des consommateurs en matière de qualité et d'environnement et un meilleur aménagement du territoire.

Indiquant que le CNJA était favorable à la mise en place des contrats territoriaux d'exploitation (CTE), elle a fait valoir que ce nouvel outil contractuel, qui associe une approche territoriale et une approche économique, était un moyen de rompre avec les dispositifs actuels, qui conduisaient à une concentration des exploitations et des productions au détriment des jeunes agriculteurs. Elle a également considéré que le CTE devrait permettre d'adapter la politique agricole aux attentes des consommateurs en favorisant la diversification de la production.

Mme Sylvie Di Gracia, vice-présidente du CNJA, a ensuite exposé les points lacunaires. Regrettant l'insuffisance des moyens financiers prévus, elle a tout d'abord appelé de ses voeux un allégement des charges fiscales et sociales des exploitants agricoles et une extension des mécanismes d'assurances afin de mieux prémunir les agriculteurs contre les aléas et les risques.

Elle a souligné la nécessité de clarifier la politique de qualité, estimant que faire de l'indication géographique protégée (IGP) un signe d'identification à part entière paraissait incohérent avec la politique menée en matière d'information du consommateur, car celui-ci n'était pas en mesure d'identifier clairement des garanties qui se multiplient.

Elle a, enfin, relevé que les jeunes agriculteurs étaient largement favorables aux dispositions du projet concernant le contrôle des structures -qui pourraient faciliter une véritable politique d'orientation du foncier-, soulignant qu'il s'agissait d'une politique " de priorités et non d'interdits ". Le CNJA, a-t-elle cependant indiqué, demandait que cet aspect soit complété par une véritable politique incitative en faveur de l'installation. Elle a, à ce propos, souhaité une meilleure prise en compte des jeunes qui s'installent hors du cadre familial, en particulier en matière de transmission des baux.

Evoquant le Contrat territorial d'exploitation (CTE), M. Michel Souplet, rapporteur, a tout d'abord indiqué que s'il partageait les objectifs poursuivis par ces contrats, il s'interrogeait sur les moyens mis en oeuvre. Dans cette perspective, il a demandé si le CNJA n'estimait pas que les dispositions relatives au contrôle des structures étaient trop contraignantes. Il a estimé qu'il ne semblait pas souhaitable, par exemple, qu'on puisse imposer à un exploitant agricole qui part à la retraite de céder son exploitation à un jeune agriculteur, s'il a la possibilité de la céder à un prix plus élevé à un exploitant déjà installé, soulignant que pour les agriculteurs la cession de leur exploitation constituait l'équivalent d'une retraite complémentaire. Il a indiqué, à ce propos, qu'il fallait étudier des moyens de favoriser des transitions progressives entre des exploitants partant à la retraite et de jeunes agriculteurs désirant s'installer, soit -comme le proposait M. Jean-Paul Emorine-, en favorisant la mise en place de préretraites conditionnées par la prise en charge d'un jeune, soit en permettant aux jeunes agriculteurs d'acquérir progressivement leur exploitation par le paiement au cédant d'un revenu défiscalisé.

En ce qui concerne la composition des commissions départementales d'orientation agricole, il a demandé quelle était la position du CNJA sur la représentativité des différents membres de ces commissions. Après avoir souligné que la concurrence sur les marchés internationaux des biens agricoles mettait en jeu des modèles d'agricultures très différents, il a, enfin, souhaité que le projet de loi d'orientation agricole contribue au renforcement d'un modèle européen d'agriculture.

En réponse aux questions du rapporteur, Mme Sylvie Di Gracia, vice-présidente du CNJA, a apporté les précisions suivantes :

- le renforcement du contrôle des structures des exploitations agricoles ne devrait pas conduire à encadrer trop strictement l'activité des exploitants agricoles, mais à inciter à une réelle concertation ;

- la mise en place d'incitations fiscales à la reprise d'une exploitation agricole est, en effet, de nature à favoriser l'installation de jeunes agriculteurs. Dans cette perspective, le CNJA serait également favorable à ce que la dérogation au principe de non-cessibilité du bail rural, aujourd'hui réservée aux descendants des détenteurs de bail, soit étendue aux jeunes agriculteurs qui souhaitent s'installer. Il serait, par ailleurs, opportun d'améliorer le dispositif d'exonération des plus-values réalisées lors de la transmission d'une exploitation à un jeune agriculteur, en instaurant un barème progressif lorsque le chiffre d'affaires se situe entre 1 et 2 millions de francs ;

- les règles de représentativité des membres des commissions départementales d'orientation agricole semblent a priori satisfaisantes ;

- il importe que dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune, la France mette en avant un modèle d'agriculture respectueux des territoires, de l'environnement et de la qualité des produits. Il serait, dans cette perspective, souhaitable que les contrats territoriaux d'exportation puissent bénéficier d'un financement communautaire.

M. Charles Revet a ensuite estimé qu'en matière de cessibilité du bail rural, il fallait, avant d'introduire une nouvelle dérogation en faveur des jeunes agriculteurs, prendre en considération la situation des propriétaires. Il a ensuite sollicité des précisions sur la position du CNJA en matière de quotas de production et de droit aux aides financières, soulignant que le projet de loi était muet sur ce sujet, qui suscite pourtant de nombreuses difficultés sur le terrain, en particulier pour l'installation des jeunes agriculteurs. Il a enfin souhaité la mise en place de dispositifs facilitant la transmission progressive des exploitations agricoles.

M. Jean Huchon a insisté sur l'insuffisance des financements prévus pour le contrat territorial d'exploitation.

M. Jean-Marc Pastor a souhaité connaître la réaction du CNJA sur les critiques selon lesquelles l'articulation entre les aides publiques et les CTE contribuerait à faire des agriculteurs " des fonctionnaires ". Il s'est également interrogé sur l'opportunité du plafonnement des aides publiques aux exploitants agricoles.

M. Daniel Percheron a souligné la vision volontariste et optimiste du CNJA. Il s'est félicité de ce que, dans un monde marqué par une libéralisation croissante des marchés, l'Europe se singularise par une telle conception de son agriculture. Il a souhaité, à ce propos, connaître la position du CNJA sur la construction européenne.

En réponse aux différents intervenants, Mme Sylvie Di Gracia, vice-présidente du CNJA, a apporté les précisions suivantes :

- le CNJA propose, pour éviter les surenchères sur les droits aux aides financières, qu'en cas de cessation d'activité, ces droits soient reversés dans la réserve départementale ;

- la mise en place d'une dérogation aux principes de non-cessibilité des baux ruraux pour l'installation de jeunes agriculteurs consistant simplement à étendre une dérogation qui existe déjà dans la cession à un descendant, le coût pour les propriétaires en semble limité ;

- les préoccupations des jeunes agriculteurs sont les besoins à long terme. De ce point de vue, le projet de loi contient des dispositions intéressantes. Les financements sont, en revanche, globalement insuffisants. Le CTE, en particulier, exigera des cofinancements de l'Etat, des collectivités territoriales et de l'Europe ;

- le poids de la politique agricole commune dans le budget de l'Union européenne s'explique par le fait que c'est la seule politique réellement commune. Par ailleurs, la mise en place, depuis la réforme de la PAC de  1992, des aides directes aux exploitants a freiné les initiatives des agriculteurs en direction d'une diversification de la production et des modes d'exploitation. C'est pourquoi le CNJA est favorable à des mécanismes de soutien aux produits variables selon la nature du produit et les méthodes d'exploitation ;

- le plafonnement des aides publiques au niveau où il est prévu a un intérêt limité dans la mesure où il ne concerne qu'une minorité d'exploitants.

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