N° 189

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 3 février 1999

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur l'évaluation de l'impact sur l' environnement dans un contexte transfrontière (ensemble sept appendices),

Par M. André ROUVIÈRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.

Voir le numéro :

Sénat : 134 (1998-1999).

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation de la convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière, adoptée à Espoo, en Finlande, le 25 février 1991.

Avec la convention consacrée aux cours d'eau et lacs internationaux, cette convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière trouve son origine dans les conclusions de la réunion de Sofia, en novembre 1989, de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe. Il s'agissait alors, dans l'esprit des initiateurs de ces conventions, de favoriser la prévention et la résolution pacifique des litiges internationaux liés à des problèmes environnementaux.

L'élaboration de la convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière, s'est effectuée dans le cadre de la commission économique pour l'Europe de l'organisation des Nations-Unies.

Adoptée en 1991, elle a été signée par 29 pays ainsi que par la Communauté européenne. La France, comme d'autres pays européens, n'a toutefois pas engagé le processus de ratification dans la foulée de la signature de la convention. Afin d'éviter des contradictions dans ses engagements internationaux, elle a proposé d'attendre que soit révisé le droit communautaire applicable à ces questions, qui remontait à une directive de 1985. L'adoption d'une nouvelle directive en mars 1997, qui se conforme à la convention, et va même au-delà sur certains points, permet désormais à la France de ratifier la convention d'Espoo.

Votre rapporteur analysera tout d'abord le dispositif de la convention avant de présenter la situation du droit français en matière d'études d'impact transfrontières.

I. LE DISPOSITIF DE LA CONVENTION SUR L'ÉVALUATION DE L'IMPACT SUR L'ENVIRONNEMENT DANS UN CONTEXTE TRANSFRONTIÈRE

L'objet principal de la convention est de généraliser la consultation du pays limitrophe, dans le cadre d'une procédure d'étude d'impact, dès lors qu'est envisagée la réalisation de projets ayant une importante incidence transfrontalière. Il s'agit bien ici de procédure consultative ne limitant en rien le droit souverain de chaque Etat partie pour décider en dernier ressort.

Il importe de préciser le champ d'application de la convention avant d'évoquer les modalités de mise en oeuvre des principes qu'elle entend promouvoir.

A. LE CHAMP D'APPLICATION DE LA CONVENTION

Cette convention a été élaborée dans un contexte européen. Elle touche toutes les activités ayant un impact important sur l'environnement.

1. Un contexte essentiellement européen

La convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière du 25 février 1991 a été élaborée dans le cadre de la commission économique pour l'Europe de l'Organisation des Nations unies, qui siège à Genève et constitue l'une des cinq commissions économiques régionales figurant parmi les organes subsidiaires du Conseil économique et social de l'ONU.

La commission économique pour l'Europe de l'ONU regroupe 55 Etats d'Europe, d'Asie centrale et de Transcaucasie ainsi que les Etats-Unis et le Canada. Sur la base d'un mandat qui trouve son origine dans la réunion de novembre 1989 à Sofia de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, qui souhaitait favoriser la prévention et la résolution pacifique des litiges internationaux nés de problèmes environnementaux , elle a préparé l'adoption de plusieurs conventions et notamment, outre la convention signée à Espoo (Finlande) le 25 février 1991 sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière, la convention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux adoptée le 17 mars 1992 à Helsinki, qui a été soumise au Parlement en 1997 et approuvée la même année par notre pays.

Sur les 55 Etats membres de la commission économique pour l'Europe de l'ONU, 29 ont signé la convention, ainsi que la communauté européenne. La convention a été ratifiée par 23 Etats, dont 16 étaient signataires et 7 non-signataires, ainsi que par la communauté européenne.

Ces pays se répartissent comme suit :

. 16 Etats signataires ont ratifié la convention : Albanie, Autriche, Bulgarie, Canada, Danemark, Espagne, Finlande, Grèce, Hongrie, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni et Suède ;

. 7 Etats non-signataires ont ratifié la convention : Arménie, Croatie, Lettonie, Liechtenstein , Moldavie, Slovénie et Suisse.

. 13 Etats signataires n'ont pas encore ratifié la convention : Allemagne, Belgique, Biélorussie, Etats-Unis, France, Irlande, Islande, Portugal, République tchèque, Roumanie, Russie, Slovaquie et Ukraine.

La communauté européenne , qui a signé la convention dès l'origine, y est devenue partie sur décision du Conseil européen prise en juin 1996 et la convention est entrée en vigueur à son égard en septembre 1997. L'adoption, en mars 1997 d'une directive conforme à la convention, a pour effet d'appliquer à tous les Etats membres de l'Union européenne les procédures d'étude d'impact pour les projets ayant une incidence transfrontière. La ratification de la convention d'Espoo demeure cependant indispensable pour couvrir les relations entre pays membres et pays non membres de l'Union européenne, comme par exemple la France et la Suisse.

2. Les activités visées par la convention

La convention s'applique aux activités susceptibles d'avoir un impact transfrontière préjudiciable important.

Ces activités sont énumérées dans une liste figurant à l'appendice I à la convention et couvrant les équipements ou opérations suivants :

1. Raffinerie de pétrole (à l'exclusion des entreprises fabriquant uniquement des lubrifiants à partir de pétrole brut) et installations pour la gazéification et la liquéfaction d'au moins 500 tonnes de charbon ou de schiste bitumineux par jour.

2. Centrales thermiques et autres installations de combustion dont la production thermique est égale ou supérieure à 300 mégawatts et centrales nucléaires et autres réacteurs nucléaires (à l'exception des installations de recherche pour la production et la conversion de matières fissiles et de matières fertiles dont la puissance maximale n'excède pas 1 kilowatt de charge thermique continue).

3. Installations destinées uniquement à la production ou à l'enrichissement de combustibles nucléaires, au traitement de combustibles nucléaires irradiés ou au stockage, à l'élimination et au traitement des déchets radioactifs.

4. Grandes installations pour l'élaboration primaire de la fonte et de l'acier et pour la production de métaux non ferreux.

5. Installations pour l'extraction d'amiante et pour le traitement et la transformation d'amiante et de produits contenant de l'amiante : pour les produits en amiante-ciment, installations produisant plus de 20 000 tonnes de produits finis par an ; pour les matériaux de friction, installations produisant plus de 50 tonnes de produits finis par an ; pour les autres utilisations de l'amiante, installations utilisant plus de 200 tonnes d'amiante par an.

6. Installations chimiques intégrées.

7. Construction d'autoroutes, de routes express et de lignes de chemins de fer pour le trafic ferroviaire à longue distance ainsi que d'aéroports dotés d'une piste principale d'une longueur égale ou supérieure à 2 100 mètres.

8. Oléoducs et gazoducs de grande section.

9. Ports de commerce ainsi que voies d'eau intérieures et ports fluviaux permettant le passage de bateaux de plus de 1 350 tonnes.

10. Installations d'élimination des déchets : incinération, traitement chimique ou mise en décharge des déchets toxiques et dangereux.

11. Grands barrages et réservoirs.

12. Travaux de captage d'eaux souterraines si le volume annuel d'eau à capter atteint ou dépasse 10 millions de mètres cubes.

13. Installations pour la fabrication de papier et de pâte à papier produisant au moins 200 tonnes séchées à l'air et par jour.

14. Exploitation minière à grande échelle, extraction et traitement sur place de minerais métalliques ou de charbon.

15. Production d'hydrocarbures en mer.

16. Grandes installations de stockage de produits pétroliers, pétrochimiques et chimiques.

17. Déboisement de grandes superficies.

Cette énumération appelle deux remarques.

En premier lieu, les projets liés aux activités figurant sur la liste ci-dessus entrent dans le champ de la convention dès lors qu'ils sont susceptibles d'avoir un impact transfrontière préjudiciable important.

D'autre part, l'article 2.5 envisage l'application de la convention pour des projets qui, bien que ne figurant pas sur cette liste, pourraient avoir un impact transfrontière préjudiciable important et devraient donc être traités comme s'ils figuraient sur la liste. L'appendice III définit des critères généraux permettant de déterminer l'importance de l'impact sur l'environnement d'activités ne figurant pas sur la liste. Ces critères sont la grande ampleur du projet, la particularité du site (zones sensibles du point de vue écologique, telles que zones humides, sites présentant un intérêt scientifique, archéologique, historique ou culturel particulier, ou zones dans lesquelles les populations seraient exposées aux effets de l'activité) et les effets néfastes sur l'homme, les espèces ou le milieu.

B. LES PRINCIPES ÉTABLIS PAR LA CONVENTION

Dans son article 2 relatif aux dispositions générales, la convention d'Espoo rappelle que les parties prennent "toutes mesures appropriées pour prévenir, réduire et combattre l'impact transfrontière préjudiciable important que des activités proposées pourraient avoir sur l'environnement", ainsi que les mesures juridiques, administratives ou autres à cet effet.

Cette obligation générale s'organise autour de 2 principes :

- la notification aux pays voisins de tout projet susceptible d'avoir un impact transfrontalier préjudiciable important,

- l'évaluation de l'impact sur l'environnement de tels projets dans le cadre de procédures permettant au public du pays voisin d'être informé et de formuler des observations.

D'autres dispositions sont par ailleurs prévues pour renforcer la coopération sur les questions d'environnement transfrontière.

1. La notification des projets ayant un impact transfrontière préjudiciable important

C'est l'article 3 qui précise les conditions de la notification, à toute partie pouvant être touchée, des activités entrant dans le champ de la convention susceptibles d'avoir un impact transfrontière préjudiciable important. La notification doit intervenir dès que possible, et au plus tard lorsque le public de la partie à l'origine est lui-même informé.

La notification doit s'accompagner d'un certain nombre de renseignements, sur l'activité proposée et sur la nature de la décision qui pourra être prise. La partie touchée bénéficie d'un délai pour répondre si elle entend participer à la procédure d'évaluation de l'impact sur l'environnement.

Lorsque la partie touchée a répondu qu'elle entendait participer à la procédure d'évaluation de l'impact sur l'environnement, la convention prévoit un échange de renseignements complémentaires entre les parties, et une information du public de la partie touchée de manière à ce qu'il puisse formuler des observations ou objections.

La convention envisage, à l'article 3.7, l'hypothèse dans laquelle un Etat considère qu'il aurait dû recevoir notification, de la part de l'Etat voisin, d'un projet ayant une incidence transfrontière. En cas de désaccord sur l'applicabilité de la convention, l'une ou l'autre des parties concernées peut demander la constitution d'une commission d'enquête qui sera composée de trois membres, deux étant désignés par chaque partie et le troisième par les deux membres ainsi désignés. Cette commission d'enquête émet un avis qui ne s'impose pas aux parties.

2. Les consultations engagées sur la base du dossier d'évaluation de l'impact sur l'environnement

L'article 4 prévoit la transmission au pays voisin par le pays d'origine du projet, d'un dossier d'évaluation de l'impact sur l'environnement devant respecter un niveau de renseignement minimal, précisé dans l'appendice II. Ce dernier doit notamment décrire l'activité proposée et son objet, les éventuelles solutions de remplacement, l'impact de cette activité sur l'environnement et les mesures correctives envisagées.

Précisons toutefois que l'article 2.8 préserve le droit des parties de protéger les renseignements dont la divulgation serait préjudiciable au secret industriel et commercial ou à la sécurité nationale.

Il est précisé (article 4.2) que "les Parties concernées prennent des dispositions pour que le dossier soit distribué aux autorités et au public de la Partie touchée dans les zones susceptibles d'être touchées et pour que les observations formulées soient transmises à l'autorité compétente de la Partie d'origine... dans un délai raisonnable avant qu'une décision définitive soit prise au sujet de l'activité proposée". L'article 2.6 oblige par ailleurs la Partie d'origine à veiller "à ce que la possibilité offerte au public de la Partie touchée soit équivalente à celle qui est offerte à son propre public.

Par l'article 3, les parties s'engagent à mener des consultations sur l'impact transfrontière de l'activité proposée et sur les mesures propres à réduire cet impact ou à l'éliminer.

Les consultations portent notamment sur les solutions de remplacement possibles, y compris ce que la convention appelle "l'option zéro". L'option zéro correspond à l'évaluation de la situation pour l'environnement si le projet n'était pas réalisé. Dans l'exemple d'un projet de déviation routière, l'option zéro consiste à étudier les effets de la non-réalisation du projet sur l'environnement tels que la pollution, les nuisances liées au bruit ou les risques pour la population liés à l'accroissement du trafic sur un axe saturé traversant une agglomération.

Les consultations portent également sur les mesures propres à atténuer l'impact sur l'environnement.

L'article 6 engage les parties à veiller à ce qu'au moment de la décision définitive, les résultats de l'évaluation sur l'impact sur l'environnement et les observations reçues puissent être pris en considération.

3. Les autres mesures de coopération et le contrôle de l'application de la convention

Les autres mesures de coopération reposent sur des analyses a posteriori (article 7) qui peuvent être menées pour surveiller l'impact transfrontière des activités une fois celles-ci engagées, et sur les accords bilatéraux ou multilatéraux que les parties peuvent conclure pour renforcer les objectifs de la convention (article 8).

Enfin, la convention encourage les parties à mener des programmes de recherche spécifiques (article 9) afin d'améliorer les méthodes d'évaluation de l'impact sur l'environnement.

En ce qui concerne le contrôle de l'application de la convention, celle-ci ne prévoit aucune sanction à l'encontre de la partie qui ne respecterait pas ses obligations.

Seul un mécanisme d'examen mutuel par les parties de leurs pratiques, lors de réunions périodiques, est envisagé par l'article 11. Quant au règlement des différends sur l'application de la convention, chaque partie peut déclarer, lors de la signature de la convention, qu'elle reconnaît la compétence obligatoire soit de la Cour internationale de Justice, soit d'un tribunal arbitral. Toutefois, ce mode de règlement des différends ne s'impose en rien aux parties qui n'ont pas déclaré s'y soumettre.

II. LA FRANCE ET LES ÉTUDES D'IMPACT TRANSFRONTIÈRES

Le délai de près de huit années s'étant écoulé entre la signature par la France de la convention d'Espoo et l'engagement de la procédure d'approbation ne doit pas laisser à penser que notre pays restait en deçà des objectifs prévus par cette convention. Le dispositif législatif et réglementaire français relatif aux études d'impact et aux enquêtes publiques a déjà été modifié pour prévoir le principe de la consultation transfrontalière, en application d'une directive communautaire de 1985.

Toutefois, afin de ne pas créer d'incertitude juridique, les autorités françaises ont préféré attendre la révision du droit communautaire, devenue effective en 1997, pour ratifier la convention d'Espoo. Ainsi notre droit sera-t-il en harmonie avec cette convention.

Par ailleurs, la pratique des études d'impact transfrontières a déjà été éprouvée dans le cadre des consultations entreprises avec les Etats voisins.

A. LE DROIT FRANÇAIS ET LES ÉTUDES D'IMPACT TRANSFRONTIÈRES

Dans le domaine des études d'impact transfrontières, le droit français découle très largement du droit communautaire, qui vient d'être révisé en 1997. Notre réglementation devra donc se conformer à la directive communautaire du 3 mars 1997 et à la convention d'Espoo, sous réserve, pour cette dernière, de la déclaration interprétative qu'envisage d'effectuer le Gouvernement français.

1. L'évolution du droit communautaire

Lors de la signature de la convention d'Espoo, le 25 février 1991, le droit communautaire résultant de la directive 85/337/CEE concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés pour l'environnement apparaissait quelque peu en retrait par rapport à cette convention. Son champ d'application était moins étendu, par exemple dans le domaine nucléaire où il se limitait aux installations de déchets radioactifs alors que la convention couvre toutes les activités en amont et en aval du cycle du combustible nucléaire. De même, la directive posait le principe de l'information et de la consultation du pays voisin sur les projets comportant un impact transfrontière en laissant aux partenaires le soin d'en définir les modalités, alors que la convention prévoit de manière beaucoup plus détaillée la procédure de consultation transfrontalière.

La Communauté européenne ayant elle-même signé la convention d'Espoo, une révision du droit communautaire a été entreprise. Par décision du Conseil en date du 24 juin 1996, la Communauté européenne est devenue partie à la convention, et ses dispositions lui sont applicables depuis septembre 1997. Dans le même temps, a été élaborée la nouvelle directive CE/97/11 du 3 mars 1997 modifiant le texte de 1985.

Cette nouvelle directive prend en compte la convention d'Espoo et comporte un dispositif qui en est très proche.

Le champ d'application de la directive, plus large que celui de la convention d'Espoo , est défini selon des principes similaires, sur la base de deux listes : une liste de catégories de très grands projets, pour lesquels les seuils et critères sont fixés directement par la directive (annexe I), et une liste beaucoup plus large de projets de taille et d'importance variable, pour lesquels les seuils ou critères sont laissés à l'appréciation des Etats membres (annexe II). L'annexe I de la directive, qui est passée de 9 à 21 catégories de projets, a repris celles des catégories de la convention qui sont assorties de seuils et de critères. Quant au catégories qui ne sont pas assorties de seuils ou de critères, elles figurent à l'annexe II de la directive. Toutes les catégories de la convention d'Espoo sont ainsi reprises dans la directive, soit à l'annexe I, soit à l'annexe II. Mais l'annexe II de la directive comporte en outre de nombreuses autres catégories de projets qui, n'étant pas susceptibles d'avoir un impact transfrontière, ne sont pas visées par la convention.

2. La législation et la réglementation françaises

L'approbation de la convention d'Espoo n'entraîne pour la France aucune nécessité de modifier sa législation. La procédure d'étude d'impact est prévue par l'article 2 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, qu'il s'agisse d'un dossier transfrontière ou non. La loi du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement fournit la base légale à la consultation du public . Elle permet d'engager en France une enquête publique pour l'instruction d'un projet conclu à l'étranger, lorsque la France sera consultée sur la base d'une évaluation d'impact transfrontalier.

Au niveau réglementaire , le décret du 12 octobre 1977 pris pour l'application de l'article 2 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, modifié dans son article 5 en 1993, fait déjà place dans son principe à la consultation transfrontalière . Cette modification a été adoptée pour mettre en oeuvre la directive communautaire 85/337 sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement. Cette disposition est de caractère général pour tous les projets et ouvrages entrant dans le champ de la législation sur les études d'impact.

La transposition de la nouvelle directive 97/11 du 3 mars 1997 sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement, qui doit intervenir avant la fin du mois de mars 1999 , va conduire à la révision de notre dispositif réglementaire et satisfera en même temps aux exigences de la convention.

Un premier décret en cours d'instruction est relatif aux installations classées pour la protection de l'environnement . Un de ses articles définit la procédure de communication du dossier de demande d'autorisation aux autres Etats concernés, qu'ils soient membres ou non de l'Union européenne, pour ce qui concerne les projets susceptibles d'avoir des incidences notables à l'étranger.

Un autre décret en cours d'instruction procédera à une nouvelle révision du décret du 12 octobre 1977 pour transposer la directive communautaire, et complétera notamment la procédure transfrontalière, conformément à la directive et à la convention. Une disposition modifiera le décret d'application de la loi du 12 juillet 1983 précitée, pour adapter les modalités de mise à l'enquête en cas de procédure transfrontalière.

Ainsi les adaptations de textes réglementaires actuellement prévues permettront-elles de satisfaire à la fois aux exigences de la transposition de la directive communautaire et à celles de l'application de la convention d'Espoo.

Précisons toutefois que, du fait de la convention, ces dispositions s'appliquent également aux dossiers affectant nos relations avec la Suisse, pays voisin non membre de la Communauté européenne.

3. Le projet de déclaration interprétative assortissant l'approbation par la France de la convention d'Espoo

Selon les informations transmises à votre rapporteur, le Gouvernement français envisage de joindre la déclaration interprétative suivante à l'instrument d'approbation de la convention d'Espoo :

" Au moment d'approuver la Convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière, signée à Espoo le 25 février 1991, la République française déclare qu'elle s'associe au déclarations faites par la Commission européenne tant à la signature par celle-ci de cette Convention qu'au moment du dépôt de l'instrument de ratification communautaire et souligne en particulier que :

dans ses relations avec les Etats membres de l'Union elle appliquera la Convention conformément aux règles internes de l'Union, y compris celles du traité Euratom, et sans préjudice des modifications appropriées apportées à ces règles ;

• lorsque l'information du public de la partie d'origine a lieu à l'occasion de la mise à disposition du public du dossier d'évaluation de l'impact sur l'environnement, la notification à la partie touchée par la partie d'origine doit être réalisée au plus tard en même temps que cette mise à disposition ;

• la convention implique qu'il appartient à chaque partie de pourvoir, sur son territoire, à la mise à disposition du public du dossier d'évaluation de l'impact sur l'environnement, à l'information du public et au recueil de ses observations, sauf arrangement bilatéral différent.

Elle précise en outre qu'au moment de l'entrée en vigueur de la Convention pour la France, les projets pour lesquels une demande d'autorisation ou d'approbation est requise et a déjà été soumise à l'autorité compétente ne sont pas soumis à la Convention.

La France précise enfin que l'expression "à l'échelon national" dans l'article 2 paragraphe 8 de la Convention s'entend comme visant les lois nationales, les règlements nationaux, les dispositions administratives nationales et les pratiques juridiques nationales couramment acceptées."


Il s'agit, par cette déclaration de préciser :

- que dans un but de simplification, le droit communautaire régira les relations entre Etats membres en ce qui concerne l'application de la convention ;

- que, toujours dans un souci de simplification, les différentes étapes prévues par la convention pour la communication entre la Partie d'origine et la Partie touchée seront réunies en une seule, à condition que la notification d'ensemble de la Partie touchée intervienne au plus tard en même temps que la mise à l'enquête en France, ce qui est compatible avec la convention.

- que la Partie touchée supporte une responsabilité prééminente dans l'organisation des consultations sur son territoire, la Partie d'origine devant fournir tous les éléments nécessaires mais n'étant pas en mesure d'organiser directement des consultations en dehors de son propre territoire, sauf arrangement bilatéral.

Par ailleurs, la France entend préciser clairement, comme cela est sous-entendu dans la convention, que celle-ci ne s'applique qu'aux projets à venir et non à ceux en cours d'instruction lors de son entrée en vigueur.

Enfin, la dernière précision permet de préciser la clause de protection des renseignements sensibles figurant à l'article 2 de la convention, en validant notamment l'application des règles nationales relatives au secret défense.

B. LA PRATIQUE DES ÉTUDES D'IMPACT TRANSFRONTIÈRES EN FRANCE

D'ores et déjà, certaines procédures prévues par la convention sont entrées dans les faits.

1. Les consultations entreprises dans le cadre d'étude d'impact transfrontière

En ce qui concerne les consultations conduites par la France, on peut signaler qu'une circulaire interministérielle du 16 août 1982 demande aux préfets, en application de l'article 8 de la directive communautaire du 24 juin 1982 relative aux risques d'accidents majeurs de certaines activités industrielles , de transmettre directement, pour information, à l'Etat voisin un exemplaire du dossier déposé par le demandeur pour toutes les demandes d'autorisation d'une installation classée, dès lors que la décision est de leur compétence et que le périmètre d'enquête inclut au moins une commune frontalière.

Les consultations transfrontalières interviennent aussi dans d'autres domaines que les installations classées, mais sont moins fréquentes.

A titre d'illustration, on peut citer, dans les cas les plus récents :

- le dossier de l'Entreprise Vernay, dans le département de l'Ain, adressé aux autorités suisses (autorisation de carrière, mars 1998),

- le dossier de la société Toyota, dans le département du Nord, adressé aux autorités belges (usine de construction automobile, octobre 1998),

- le dossier de la société Altem, dans le département du Bas-Rhin, adressé aux autorités allemandes (centre de tri des emballages ménagers et déchets assimilés, juillet 1998).

En ce qui concerne les consultations de la France par ses voisins, le nombre en est plus faible. Ceci tient à ce que le seuil de l'étude d'impact est plus élevé chez nos voisins qu'en France. Il s'agit alors de grosses installations. Ainsi, les autorités allemandes et suisses ont déjà communiqué des dossiers de demandes aux autorités françaises pour des ouvertures de carrière ou l'aciérie de Kehl, en raison de l'impact sur l'environnement en Alsace.

2. Les projets d'accords bilatéraux

La France n'est pour l'instant liée avec ses voisins par aucune convention bilatérale telle que prévue en application de la convention d'Espoo.

Mais lors de l'engagement de la procédure d'approbation, ainsi que lors de la première conférence des Parties tenue à Oslo en mai 1998, des contacts préliminaires ont été établis avec les délégations de pays voisins. Les autorités suisses et les autorités belges qui ont déjà conclu un accord avec les Pays-Bas, paraissent désireuses d'établir un tel accord avec la France.

Lors de cette première conférence un modèle d'accord bilatéral, qui pourra servir de guide à ces arrangements futurs a d'ailleurs été élaboré.

La directive communautaire, quant à elle, laisse place à des arrangements bilatéraux entre Etats membres, pour préciser certaines modalités pratiques, et éventuellement étendre le champ d'application par rapport à la liste obligatoire.

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