Projet de loi sur la création d'une couverture maladie universelle

DESCOURS (Charles)

RAPPORT 376 (98-99), Tome 1 - Commission des Affaires sociales

Table des matières




N° 376

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 26 mai 1999

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, portant création d'une couverture maladie universelle ,

Par M. Charles DESCOURS,

Sénateur.

Tome I

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Simon Loueckhote, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (11
ème législ.) : 1419 , 1518 et T.A. 288 .

Sénat : 338 et 382 (1998-1999).


Assurance maladie maternité.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE MME AUBRY, MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ

Réunie le mardi 18 mai 1999 , sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le projet de loi n° 338 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant création d'une couverture maladie universelle (CMU) .

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
a rappelé que la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, par certaines de ses dispositions (programmes régionaux d'accès aux soins, permanences d'accès aux soins de santé), avait annoncé le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle. Elle a souligné que l'apport essentiel de la CMU consistait à mettre un terme à l'inadmissible injustice que représentait l'inégalité devant la prévention et les soins, le niveau de revenu ne devant plus introduire de discrimination dans le domaine de la santé. Elle a indiqué qu'un Français sur quatre renonçait à se soigner pour des raisons financières et que l'espérance de vie variait considérablement en fonction des critères socioprofessionnels, l'écart ayant tendance à s'accroître à nouveau, tandis que des pathologies, comme la tuberculose, réapparaissaient.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que le projet de loi comprenait deux parties distinctes. La première partie correspondait au projet d'assurance maladie universelle sur lequel avait travaillé le précédent Gouvernement. Elle a indiqué que le projet de loi disposait ainsi que tout résident stable et régulier qui n'aurait pas de droits ouverts auprès d'un régime de sécurité sociale bénéficierait, sur la seule justification de sa résidence régulière, des prestations du régime général. Elle a précisé que les personnes au revenu supérieur à 3.500 francs par mois, pour un célibataire, s'acquitteraient d'une cotisation proportionnelle au revenu au-delà de ce seuil. Elle a expliqué que l'affiliation serait à la fois immédiate -la caisse concernée recherchant ensuite si la personne ne peut bénéficier de droits à un autre titre- et automatique, sur présentation de la carte d'identité, ou, s'il s'agit d'un étranger, de la carte de séjour. Elle a souligné que les droits aux prestations en nature seraient ouverts dès le dépôt de la demande et que leur continuité serait garantie, le paiement de cotisations ne constituant plus un préliminaire à l'accès aux soins. Elle a observé que 700.000 personnes n'avaient pas accès actuellement à un régime de base obligatoire, 550.000 d'entre elles étant affiliées au régime de l'assurance personnelle (dont 50.000 cotisants), régime complexe qui laisse subsister une population de 150.000 personnes ne bénéficiant d'aucune couverture maladie.

Elle a observé que la seconde partie du projet de loi visait à ouvrir un droit à la couverture complémentaire pour les 10 % de personnes les plus modestes de la population. Elle a constaté que l'assurance maladie laissait 25 % des dépenses de santé à la charge des ménages, alors que de nombreux pays européens garantissent un accès gratuit. Précisant que 84 % de la population disposent d'une couverture complémentaire prenant en charge le forfait hospitalier et le ticket modérateur, elle a observé que cette proportion tombait à 45 % dans la tranche des revenus inférieurs à 2.000 francs par mois. Elle a indiqué que l'aide médicale gérée par les départements n'avait pas résolu ces problèmes d'accès aux soins, en raison de barèmes de ressources trop restrictifs dans certains départements, certains se limitant à l'obligation légale de prise en charge des bénéficiaires du RMI. Elle a précisé que la couverture maladie universelle permettrait à 6 millions de personnes de bénéficier d'une couverture complémentaire, définie de manière égale sur tout le territoire. Elle a souligné que les soins, comme le forfait hospitalier, seraient pris en charge à 100 % et que des remboursements adaptés seraient mis en place pour les prothèses dentaires et l'optique. S'agissant du problème de l'avance de frais, elle a observé que les personnes aux revenus les plus modiques bénéficieraient du tiers payant tant sur les prestations obligatoires qu'au titre de la couverture complémentaire.

Abordant la question de l'effet de seuil, induit par la fixation d'un plafond de revenus par unité de consommation fixé à 3.500 francs pour une personne seule, elle a constaté qu'il était particulièrement difficile de l'éviter. Elle a observé que les départements avaient, à l'heure actuelle, recours au même système. Elle a expliqué qu'un certain nombre de mécanismes serait mis en place pour en atténuer au maximum les effets :

- les droits à la couverture complémentaire seront ouverts pendant un an, quelle que soit l'évolution du revenu des bénéficiaires pendant la période de référence ;

- les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) qui viendraient à dépasser le seuil de revenus et qui auront choisi une mutuelle ou une assurance, verront leurs droits à la couverture complémentaire prolongés d'un an à un tarif préférentiel ;

- les fonds d'action sociale des caisses, soulagés par la mise en place de la CMU, pourront intervenir pour les personnes dont les ressources sont supérieures au barème, mais qui rencontreraient des problèmes particuliers.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a évoqué les critiques des députés de l'opposition, qu'elle a jugées contradictoires. Elle a constaté qu'il n'était pas possible simultanément de dénoncer un système d'assistance généralisé et demander le relèvement du plafond de ressources de 3.500 francs à 3.800 francs, ce qui concernerait 2,5 millions de personnes supplémentaires, pour un coût de 2,5 à 3 milliards de francs.

Présentant le financement du dispositif, elle a constaté que la mise en oeuvre de la couverture maladie universelle n'aggravait pas le déficit de la sécurité sociale, le coût de la couverture complémentaire étant pris en charge, au sein d'un fonds spécifique, par l'Etat et par une contribution des organismes de protection complémentaire, portant sur 1,75 % de leur chiffre d'affaires consacré à la santé. Elle a précisé que les sommes consacrées par les départements au titre de la couverture complémentaire seraient transférées à l'Etat à hauteur de 95 %, les 5 % restants, conservés par les départements, pouvant être consacrés à l'action sociale. Elle a reconnu que les départements qui avaient consacré des efforts importants en matière d'aide médicale étaient pénalisés. Elle a observé que ces départements disposaient de ressources plus importantes que les autres. Elle a précisé que ce système -dont le principal mérite est la simplicité- avait reçu l'aval de l'Association des départements de France.

Evoquant le chiffre de 1.500 francs retenu pour l'évaluation financière de la couverture santé d'un ressortissant de la CMU, elle a précisé que ce montant avait été retenu en concertation avec les mutuelles et les compagnies d'assurance. Elle a observé que les études réalisées au sein des départements montraient que la consommation médicale des plus défavorisés restait inférieure de 10 % à la consommation moyenne. Elle a reconnu qu'un phénomène de rattrapage pouvait exister, mais qu'il restait tout à fait temporaire.

S'agissant de la gestion de la prestation, elle a observé que le choix d'un système mixte était justifié par plusieurs considérations, au premier rang desquelles l'intérêt des bénéficiaires. Elle a constaté qu'il était apparu plus efficace de permettre leur inscription aussi bien auprès de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) que des sociétés d'assurance, des mutuelles et des institutions de prévoyance afin de ne pas courir le risque d'une carence dans l'application de la loi en cas d'engagement insuffisant de ces dernières ou d'une rupture d'adhésion. Elle a considéré que cette formule mixte était à la fois la plus simple et la plus souple, la CPAM pouvant compenser, le cas échéant, la défaillance des autres acteurs de la protection complémentaire.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité , a souhaité, en conclusion, que la réforme fondamentale que proposait le projet de loi puisse recevoir une large adhésion.

A titre préliminaire, M. Charles Descours, rapporteur, a indiqué au ministre que le dépôt de contre-propositions au projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle, par des membres de la majorité comme de l'opposition, ne signifiait pas que les parlementaires ne considéraient pas que l'accès aux soins pour tous constituait une base de la démocratie.

Il a demandé à Mme Martine Aubry ce qu'elle pensait des protocoles d'accord conclus entre l'assurance maladie et les représentants des assureurs et des mutuelles, si elle estimait que les 6 millions de personnes concernées par la CMU constituaient une catégorie homogène de la population devant se voir proposer une solution unique. Il l'a également interrogée sur la compatibilité des dispositions du projet de loi avec le droit européen et il lui a demandé selon quels moyens elle s'en était assurée.

Il a rappelé que M. Jean-Pierre Davant, président de la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF), avait affirmé devant la commission que l'estimation du coût de la couverture complémentaire à 1.500 francs par personne était sous-évaluée.

Il a demandé au ministre comment elle comptait éviter que les étudiants issus des classes moyennes décident de sortir du foyer fiscal de leurs parents afin de bénéficier de l'allocation logement et de la CMU.

Rappelant les propos du ministre selon lesquels ce sont les réticences du monde mutualiste à assurer la couverture complémentaire des populations bénéficiaires de la CMU qui ont conduit le Gouvernement à proposer qu'elles puissent s'adresser aussi aux caisses primaires, M. Charles Descours, rapporteur, s'est demandé si les réticences prises en compte n'avaient pas été celles des associations.

Il lui a enfin demandé à quelle date serait réunie la commission des comptes de la sécurité sociale.

Répondant aux questions du rapporteur, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a rappelé qu'à l'Assemblée nationale, pas un des députés membres de l'opposition n'avait affirmé de désaccord avec l'ambition poursuivie par le projet de loi, mais que pas un non plus n'avait voté en faveur du texte.

Elle a affirmé qu'elle ne pouvait accepter que le protocole conclu entre l'assurance maladie et les représentants des assureurs et des mutuelles ne prévoie l'intervention des caisses primaires d'assurance maladie pour assurer la couverture complémentaire des bénéficiaires de la CMU que sous des conditions restrictives.

Rappelant que les associations étaient au départ favorables au scénario partenarial proposé par M. Jean-Claude Boulard, parlementaire en mission, Mme Martine Aubry a déclaré qu'elles avaient ensuite exprimé des craintes face aux réactions des mutuelles et avaient finalement affirmé leur préférence pour la possibilité d'une gestion de la couverture complémentaire par les CPAM.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF) était à l'origine du chiffrage des 1.500 francs par personne et par an du coût de la couverture complémentaire et que ce chiffrage avait été vérifié à l'aide des statistiques des départements : cette vérification avait d'ailleurs permis de constater que le coût réel s'établissait à un niveau inférieur de 10 % à ces 1.500 francs.

Constatant que personne n'avait intérêt à sous-évaluer ce coût, elle s'est déclarée favorable à l'établissement d'un bilan d'application de la loi, qui pourrait conduire à une réévaluation, si celle-ci se révélait nécessaire.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a jugé importante la question posée par M. Charles Descours, rapporteur , sur l'homogénéité du groupe constitué par les bénéficiaires potentiels de la CMU et elle a rappelé qu'elle s'était interrogée sur la légitimité d'un droit à des soins gratuits sans aucune contribution de leur part. Elle a toutefois observé que l'institution d'une cotisation d'un montant peu élevé, de 30 à 50 francs, se heurterait aux difficultés financières de beaucoup de bénéficiaires de la CMU et se traduirait par un coût de recouvrement important. Elle a affirmé qu'elle préférait proposer une loi dont les dispositions seraient, en pratique, applicables, quitte à ne pas prévoir de contribution.

Evoquant la compatibilité des dispositions du projet de loi avec le droit communautaire, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que le secrétariat général du Gouvernement, comme le Conseil d'Etat, n'avaient formulé aucune observation à cet égard. Elle a également répondu à M. Charles Descours, rapporteur, que seuls pourraient bénéficier de la CMU les étudiants qui n'habitent pas chez leurs parents et ne sont plus inclus dans leur foyer fiscal. Elle a enfin déclaré que la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale se tiendrait le 31 mai prochain.

M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis de la commission des finances, a particulièrement insisté sur les dérives financières susceptibles d'être entraînées par l'application du projet de loi et affirmé que le budget de l'Etat n'était pas extensible. Il a rappelé la croissance considérable des dépenses publiques consacrées au revenu minimum d'insertion et, dans une moindre mesure, à l'allocation aux adultes handicapés. Il a fait part de sa crainte que l'adoption, par la France, de dispositions aussi généreuses que celle de la création de la CMU donne à notre pays une " attractivité sociale " certaine pour des populations de nationalité étrangère, qui pourraient ainsi être tentées de séjourner sur le territoire français. Prenant acte de la convocation de la commission des comptes de la sécurité sociale pour le 31 mai, il a regretté que le secrétaire général de cette commission ne dispose que d'une dizaine de jours pour rédiger son rapport.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a rappelé que, déjà, compte tenu du droit en vigueur, 2,5 millions de personnes bénéficiaient de prestations maladie sans payer de cotisation. Répondant à la crainte exprimée par M. Jacques Oudin, elle a affirmé que la CMU ne comportait que des prestations en nature, qui n'étaient pas susceptibles de connaître des dérives comparables à celles qui pourraient être constatées pour des prestations en espèces. Elle a également estimé qu'au-delà des premiers mois d'application de la loi au cours desquels se manifesteraient des effets de rattrapage dans l'accès aux soins, la règle selon laquelle les personnes défavorisées consommaient généralement moins de soins que la moyenne se trouverait à nouveau confirmée. Elle a enfin considéré que la CMU permettrait à ces personnes de bénéficier de soins préventifs, évitant ainsi de coûteuses hospitalisations.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a rappelé que les délais impartis pour la rédaction du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale avaient toujours été très brefs.

M. Jean Chérioux a pris acte de la reconnaissance, par le ministre, du rôle des départements, ainsi que de ses propos sur la solidarité financière entre départements que devrait traduire le mécanisme de récupération prévu par le projet de loi. Il a demandé si, dans les départements qui s'étaient dotés de mécanismes plus favorables que celui de la CMU, cette solidarité serait à la charge des bénéficiaires de la carte santé dont les droits seraient réduits ou à celle des contribuables de ces départements. Il a rappelé que le système de l'aide médicale ne comportait pas de cotisation à la charge de ses bénéficiaires, mais prévoyait l'application du principe de l'obligation alimentaire, ce qui le différenciait fondamentalement de la couverture maladie universelle.

M. Alain Vasselle a estimé que le ministre faisait un mauvais procès aux députés de l'opposition, ceux-ci approuvant le principe de l'amélioration de l'accès aux soins mais ayant exprimé leur désaccord sur les modalités prévues par le projet de loi. Il a fait siennes les craintes exprimées par M. Jacques Oudin sur " l'attractivité sociale " de la France en cas d'adoption du projet de loi sur la CMU. Il a exprimé le souhait que les communes puissent continuer à donner leur avis dans la procédure d'attribution de la CMU et rappelé que, dans le département de l'Oise, les titulaires du minimum vieillesse étaient aujourd'hui éligibles à l'aide médicale, mais ne bénéficieraient pas de la CMU demain. Il s'est enfin interrogé sur l'avenir des personnels départementaux chargés de l'aide médicale.

M. Gilbert Chabroux a affirmé que le Sénat s'honorerait s'il votait en faveur du projet de loi de la CMU. Evoquant les contingents communaux d'aide sociale et rappelant que la moyenne nationale de ces contingents s'élevait à 201 francs pour l'ensemble des communes mais à 332 francs dans les grandes villes, il s'est interrogé sur la possibilité de profiter du débat sur le projet de loi tendant à la création d'une couverture maladie universelle pour plafonner la contribution des communes à un taux proche de celui de la moyenne nationale, classer les communes en fonction d'un indice synthétique et répartir ensuite la contribution en fonction des résultats de ce classement.

Mme Nicole Borvo , constatant que la majorité sénatoriale s'étonnait d'une inégalité entre des Français qui cotisaient et d'autres qui ne cotisaient pas, a estimé encore plus choquant que certains aient accès aux soins et d'autres, pas. Elle a rappelé la nécessité d'améliorer les remboursements de la sécurité sociale pour tous les assurés sociaux, notamment en matière d'optique et de soins dentaires et a également évoqué les difficultés rencontrées par certaines personnes pour acquitter le montant du forfait hospitalier. Constatant qu'une trentaine de départements avait prévu un dispositif plus favorable que celui de la CMU, elle a demandé au ministre si elle s'était entretenue de cette question avec eux. Mme Nicole Borvo a enfin affirmé qu'elle souhaitait que le critère d'affiliation à l'assurance de base soit celui d'une résidence " stable ", mais pas nécessairement d'une résidence régulière.

M. Guy Fischer a souhaité que le ministre donne des informations complémentaires sur la réforme des contingents communaux d'aide sociale qui était envisagée.

M. Bernard Seillier a d'abord rappelé qu'il avait regretté, en tant que rapporteur du projet de loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, que ce texte ne comporte pas la création d'une assurance maladie universelle. Comparant les logiques respectives de cette première loi et du projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle, il a regretté que l'approche très personnalisée et très concrète qui avait été retenue l'an dernier n'ait pas été choisie cette fois-ci.

Observant que la gestion d'une couverture complémentaire ne constituait pas la vocation principale des caisses primaires d'assurance maladie, M. François Autain s'est inquiété de l'inégalité de traitement que semblait entériner le projet de loi entre les bénéficiaires de la CMU qui choisissaient les caisses primaires et ceux qui préféraient s'assurer auprès d'organismes de protection sociale complémentaire, notamment en matière de maintien des droits.

Mme Gisèle Printz et M. Louis Boyer se sont inquiétés de la situation des gens du voyage par rapport aux dispositions du projet de loi créant une couverture maladie universelle.

Se référant aux propos de M. Alain Vasselle, M. Roland Huguet a affirmé qu'il avait déjà étudié la reconversion, dans d'autres services sociaux, des personnels départementaux qui s'occupent aujourd'hui d'aide médicale. Il a également déclaré que les représentants de la mutualité devaient, dans leur discours, revenir aux sources qui avaient inspiré la création de ce mouvement. Il a manifesté le souhait qu'aucun des bénéficiaires actuels de l'aide médicale ne soit perdant à la suite de l'institution de la CMU. Citant enfin l'exemple de son département, qui consacrait 205 millions de francs à l'aide médicale légale et 15 millions de francs à des remboursements additionnels résultant de conventions conclues avec les chirurgiens-dentistes et les opticiens, il a demandé au ministre si l'Etat allait prendre à ce département 205 ou 220 millions de francs.

Répondant aux intervenants, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a rappelé que, dans la préparation du projet de loi, elle avait été confrontée à la question des remontées financières des départements et que celle-ci n'avait trouvé aucune réponse simple, évidente et parfaite. Constatant que les départements au dispositif d'aide médicale plus favorable que celui du projet de loi se verraient demander la contribution la plus forte, mais observant également qu'ils se caractérisaient souvent par un potentiel fiscal élevé, elle a estimé que cette différence de contribution entre départements constituait l'expression d'une certaine solidarité financière.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, estimant que les diverses propositions des députés de l'opposition pour remédier à l'effet de seuil étaient difficilement compatibles entre elles, a rappelé qu'environ 2 milliards de francs, sur le terrain, demeuraient disponibles dans les centres communaux d'action sociale, les fonds d'action sociale des caisses et les départements pour aider les personnes dont le revenu se situait au-dessus du seuil retenu par le projet de loi à bénéficier d'une couverture complémentaire. Elle n'a pas souhaité modifier la définition du critère de résidence stable et régulière pour l'affiliation à l'assurance maladie, rappelant toutefois que les personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière continueraient à bénéficier, dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui, de l'aide médicale.

Au terme d'une discussion avec M. Alain Vasselle, s'appuyant sur le barème d'aide sociale du département de l'Oise qui inclut les bénéficiaires du minimum vieillesse, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a estimé que la situation des personnes âgées était différente en fonction de leur lieu de résidence.

Evoquant la réforme des contingents communaux d'aide sociale, elle a indiqué que plusieurs tables rondes réunissant toutes les institutions intéressées avaient été réunies, mais que les conclusions de leurs discussions n'étaient pas encore connues.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, s'est déclarée favorable à une amélioration de la prise en charge des dépenses de soins au-delà du tarif de responsabilité actuel pour l'optique et les soins dentaires et a affirmé que le Gouvernement comptait s'appuyer sur les changements introduits par la création de la CMU pour améliorer ce niveau de prise en charge pour tous les assurés sociaux. Elle a enfin précisé que la situation des gens du voyage au regard du projet de loi était identique à celle des personnes sans domicile fixe.

M. Charles Descours, rapporteur, ayant évoqué les questions posées par l'article 14 du projet de loi, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a estimé que les dispositions qu'il comportait étaient particulièrement protectrices.

II. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 26 mai 1999 , sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Charles Descours et Claude Huriet sur le projet de loi n° 338 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant création d'une couverture maladie universelle (CMU).

M. Charles Descours, rapporteur,
a présenté les grandes lignes de son rapport (cf. exposé général, tome I).

M. Jean Chérioux a souligné que le rapporteur se référait aux travaux de M. Jean-Claude Boulard en tant que parlementaire en mission, qui présentait un autre système que celui proposé par le projet de loi. Il a considéré que le dispositif de l'article 13 de ce projet pénaliserait les départements ayant réalisé un effort supplémentaire en faveur des plus démunis et a fait part de sa volonté d'amender cet article.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a estimé que le projet de loi était très satisfaisant et que les propositions d'amendements qu'elle ferait veilleraient à ne pas toucher au coeur du texte, contrairement aux orientations présentées par le rapporteur. Elle a rappelé que l'ensemble des institutions et des associations souscrivaient aux objectifs fixés par le projet de loi et a estimé qu'il n'avait certainement pas été facile, pour le rapporteur, d'écrire un nouveau projet.

M. Louis Souvet a observé que l'objectif n'était pas de critiquer le Gouvernement ou l'Assemblée nationale, mais d'améliorer le projet de loi. Il a expliqué que les travaux du rapporteur lui semblaient aller dans une excellente direction, en évitant l'aspect inégalitaire et déresponsabilisant du dispositif proposé par le texte.

M. Alain Vasselle a considéré que deux philosophies s'affrontaient, et que les propositions du rapporteur répondaient aux objectifs de solidarité et de responsabilité. Revenant sur les déclarations de Mme Martine Aubry sur la diminution de la dotation globale de décentralisation, il a rappelé que les départements qui avaient réalisé des efforts supplémentaires n'étaient pas forcément les départements les plus riches. Il s'est interrogé sur le devenir des contingents communaux d'aide sociale et sur la formation du personnel des collectivités locales gérant actuellement l'aide médicale.

M. Guy Fischer a salué l'effort d'imagination du rapporteur, tout en précisant que la philosophie de cette contre proposition reposait sur une analyse radicalement différente de la sienne. Il a observé que le rapporteur était resté, en termes de financement, aux dispositions du texte, montrant ainsi l'étroitesse de la marge de manoeuvre. Il a rappelé que la CMU était l'aboutissement du débat de la loi sur les exclusions. Il a reconnu que le projet de loi était perfectible et que des problèmes restaient posés : effet de seuil, droit de recours, définition de la résidence stable et régulière. Regrettant la procédure d'urgence, il s'est déclaré inquiet qu'un amendement ne mette fin au système des contingents communaux d'action sociale.

M. Serge Franchis a observé que le principal grief fait au système de l'aide médicale était d'en stigmatiser les bénéficiaires. Il a considéré que le projet de loi faisait passer de 2,5 à 6 millions de personnes le nombre de bénéficiaires de la couverture complémentaire, sans pour autant mettre fin à cette stigmatisation. Il a noté que la proposition du rapporteur d'une allocation personnalisée à la santé permettrait de résoudre cette situation d'exclusion.

M. Claude Huriet, rapporteur du titre IV du projet de loi, a rappelé que des départements avaient réalisé, à partir des années quatre-vingts, d'importants efforts, en instituant des cartes santé. Il a considéré qu'il était nécessaire de partir de cette expérience. Il a observé que, selon les associations, cinq objectifs devaient être atteints : faciliter l'accès à la couverture maladie grâce à un guichet unique, tenir des délais courts, simplifier les formalités administratives, éviter les effets pervers des seuils et maintenir, le cas échéant, le principe d'une contribution des bénéficiaires. Il a estimé que si ces objectifs n'étaient pas tous atteints, la CMU ne représenterait pas un grand progrès. A cet égard, il a souscrit pleinement au principe d'une allocation personnalisée à la santé.

M. Charles Descours, rapporteur, a rappelé que ses propositions reposaient sur les conclusions du rapport Boulard et que Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, avait elle-même évoqué la question d'une contribution des bénéficiaires de la CMU. Il a estimé que même si ces propositions n'étaient pas retenues par l'Assemblée nationale, il était important de prendre date. Il a insisté sur l'évaluation nécessaire du coût de la CMU pour les finances de l'Etat et de la sécurité sociale, qui n'apparaîtra que de manière fragmentaire en loi de financement et en loi de finances.

En réponse à M. Jean Chérioux, il a expliqué qu'il n'avait pas voulu modifier l'article 13 et toucher au système des contingents communaux d'action sociale, estimant que le sujet était davantage lié aux finances locales qu'aux finances sociales.

Répondant à M. Alain Vasselle, il a précisé que le système qui pourrait être envisagé est une suppression des contingents communaux compensée pour les départements. S'agissant de la formation des personnels des collectivités locales, il a indiqué qu'il serait difficile d'apprécier ces coûts de reconversion.

Il a remarqué, en réponse à M. Guy Fischer, que certaines analyses qu'il avait faites sur l'effet de seuil était les mêmes que les siennes. Répondant à M. Claude Huriet, il a estimé que le mécanisme de l'APS semblait répondre aux cinq objectifs fixés, principalement concernant l'effet de seuil.

Puis la commission a abordé l'examen des articles. Elle a examiné tout d'abord les articles des titres préliminaires, I à III et V et les amendements proposés à ces articles par M. Charles Descours, rapporteur.

A l'article premier (création d'une couverture maladie universelle et d'une protection complémentaire avec dispense d'avance de frais pour les plus démunis), la commission a adopté un amendement tendant à préciser, conformément au dispositif proposé par M. Charles Descours, rapporteur, dans son exposé général, que la protection complémentaire prévue par le projet de loi est assurée par la création d'une allocation personnalisée à la santé.

La commission a adopté l'article 2 (principe de l'affiliation et du rattachement aux nouveaux régimes obligatoires et suppression du régime de l'assurance personnelle) sans modification.

A l'article 3 (nouveaux critères d'affiliation au nouveau régime et cotisation), elle a adopté un amendement permettant aux personnes résidant en France qui sont affiliées à la caisse des Français de l'étranger de rester affiliées à cette caisse.

A l'article 4 (immédiateté et automaticité du droit à l'accès aux soins), la commission a adopté un amendement tendant à prévoir que le régime général pourra obtenir le remboursement des prestations servies aux personnes qui relèvent, après examen, d'un autre régime.

La commission a adopté l'article 5 (continuité du droit à l'accès aux soins) sans modification.

A l'article 6 (accès aux soins sans restriction financière), elle a adopté un amendement tendant à étendre à l'ensemble des régimes, et non pas seulement au régime de résidence, la possibilité de suspendre les prestations en cas de mauvaise foi des assurés qui ne paieraient pas les cotisations dont ils sont redevables.

Elle a adopté un amendement de précision à l'article 7 (régime applicable aux ayants droit des personnes affiliées au régime général).

La commission a adopté l'article 8 (dispositions applicables aux personnes qui, bien que résidant ou séjournant en France, ne sont pas concernées par le régime), sans modification.

A l'article 9 (incidences financières sur le fonds de solidarité vieillesse), elle a adopté un amendement tendant à supprimer l'affectation, proposée par cet article, d'une part des droits sur les alcools actuellement perçus par le fonds de solidarité vieillesse (FSV).

A l'article 10 (incidences financières de la mise en place de la couverture obligatoire sur la branche famille), la commission a adopté un amendement tendant à supprimer l'affectation à la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) de 28 % du produit du prélèvement social sur les revenus du patrimoine et des produits de placement et à rétablir le financement par la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), à hauteur de 60 %, de l'allocation de parent isolé (API).

A l'article 11 (énumération des ressources complémentaires des régimes obligatoires de base), elle a adopté un amendement de conséquence visant à supprimer les nouvelles ressources affectées par le projet de loi à la CNAMTS qui bénéficiera d'une part supplémentaire des droits de consommation sur les tabacs.

A l'article 12 (modification de l'affectation de la cotisation due par les personnes assurant des véhicules terrestres à moteur), la commission a adopté un amendement de précision visant à tirer la conséquence de l'affectation intégrale à la CNAMTS de la cotisation sur les véhicules terrestres à moteur, en supprimant la mention de cette ressource dans les recettes de la caisse nationale d'assurance maladie maternité des professions indépendantes (CANAM) et en précisant que l'intégralité de cette ressource sera versée à la CNAMTS.

Puis, la commission a adopté l'article 13 (transferts financiers entre l'Etat et les département) sans modification ; M. Jean Chérioux a indiqué qu'il déposerait un amendement à cet article qu'il ne pouvait donc voter en l'état.

A l'article 14 (exécution des recouvrements forcés de cotisations dues par les non-salariés non agricoles et les agriculteurs), la commission a adopté un amendement tendant à préciser que la contrainte décernée au titre de l'article L. 244-9 du code de la sécurité sociale sera obligatoirement signifiée par acte d'huissier de justice.

La commission a adopté sans modification les articles 15 (durée de maintien des droits selon qu'il s'agit des prestations en nature ou des prestations en espèces), 16 (maintien des régimes actuellement applicables aux étudiants et aux ministres des cultes), 17 (régime applicable aux pupilles de l'Etat), 18 (résiliation de certains contrats d'assurance privée) et 19 (possibilité de maintien de certaines personnes dans le régime général à titre temporaire et dans le régime agricole à titre définitif).

A l'article 20 (définition de la couverture complémentaire en matière de santé attribuée aux bénéficiaires de la CMU), la commission a adopté dix-neuf amendements qui substituent à la couverture complémentaire maladie gratuite proposée par cet article, une allocation personnalisée à la santé (APS). Ces amendements tendent respectivement :

- à introduire à l'article L. 861-1 du code de la sécurité sociale, la notion d'allocation personnalisée à la santé dégressive en fonction des revenus ;

- au même article, à harmoniser avec le droit des prestations familiales la notion de personnes à charge ;

- à préciser, à l'article L. 861-2, que les titulaires du revenu minimum d'insertion (RMI) bénéficient du montant maximal de l'APS et à supprimer le dernier alinéa de cet article ;

- à décrire à l'article L. 861-3 le contenu de la couverture complémentaire dont bénéficieront les titulaires de l'APS ;

- à compléter cet article L. 861-3 pour autoriser les régimes obligatoires d'assurance maladie et les organismes de protection complémentaire à établir ensemble une définition d'un panier de soins éligible à la couverture complémentaire santé ;

- à supprimer dans cet article L. 861-3 une disposition consistant en réalité à valider un élément de la convention des médecins généralistes annulé par le Conseil d'Etat ;

- à permettre, à l'article L. 861-4, aux personnes bénéficiaires de l'APS d'obtenir une couverture complémentaire dans des conditions de droit commun mais à prendre également en considération la spécificité de la situation des bénéficiaires du RMI qui resteront gérés par les caisses d'assurance maladie ;

- à préciser, à l'article L. 861-5, que les demandes d'attribution de l'APS sont faites auprès de l'organisme d'affiliation du demandeur, et à prévoir que les organismes de protection complémentaire peuvent aider les bénéficiaires potentiels de l'APS à accomplir les démarches nécessaires ;

- à limiter, au même article, à deux mois le droit immédiat à une protection complémentaire avant vérification des ressources du demandeur ;

- à exonérer, dans un nouvel article L. 861-5-1, l'APS de contribution sociale généralisée et autres impôts ;

- à prévoir, à l'article L. 861-6, que l'APS n'est due qu'en contrepartie du versement des cotisations et primes qu'elle finance et la possibilité d'un versement direct de l'APS aux organismes de protection complémentaire ;

- à mettre en cohérence avec les précédents amendements le texte de l'article L. 861-7 ;

- à prévoir, à l'article L. 861-8, que les bénéficiaires de l'APS ont droit à une couverture complémentaire dans les délais de droit commun et qu'une procédure simplifiée s'applique aux titulaires du RMI ;

- à prévoir, à l'article L. 861-9, la possibilité de concours des administrations fiscales pour le contrôle des ressources des demandeurs.

A l'article 20 bis (obligation de négociation annuelle des modalités d'établissement d'un régime de prévoyance maladie pour les salariés non couverts), elle a adopté un amendement de suppression.

A l'article 20 ter (modalités d'extension des conventions de branche et régime de prévoyance maladie), la commission a également adopté un amendement de suppression, le rapporteur ayant estimé que par ces deux articles, il était en quelque sorte demandé aux entreprises de pallier les imperfections du dispositif proposé par le Gouvernement.

A l'article 21 (prolongation de la couverture des bénéficiaires de la CMU couverts par un organisme complémentaire), elle a adopté trois amendements ; le premier dispose que lorsqu'une personne perd le bénéfice de l'APS elle se voit maintenir pendant un an les mêmes tarifs et prestations ; le second prévoit le maintien des droits pendant un an aux anciens bénéficiaires du RMI ; le troisième est de coordination.

Par cohérence avec les amendements adoptés à l'article 20, la commission a adopté des amendements de suppression des articles 22 (tarifs pratiqués par les médecins conventionnés en faveur des bénéficiaires de la CMU), 23 (accords entre les organismes d'assurance maladie, les organismes complémentaires et les distributeurs de dispositifs médicaux à usage individuel) et 24 (tarifs pratiqués par les chirurgiens-dentistes conventionnés en faveur des bénéficiaires de la CMU).

A l'article 25 (création du fonds de financement de la protection complémentaire), la commission a adopté dix amendements tendant :

- à harmoniser, à l'article L. 861-10 du code de la sécurité sociale, l'intitulé du fonds de financement prévu par cet article avec le dispositif précédemment adopté tendant à créer une APS ; à prévoir la participation de tous les partenaires de la protection complémentaire au conseil d'administration de ce fonds et à supprimer en conséquence son conseil de surveillance et à supprimer le nouveau fonds introduit par l'Assemblée nationale, chargé d'atténuer l'effet de seuil figurant dans le projet de loi, dès lors que les amendements précédemment adoptés suppriment cet effet de seuil ;

- à harmoniser à l'article L. 861-11 les dispositions relatives aux dépenses du fonds de financement ;

- à prévoir, à l'article L. 861-13, en coordination avec l'article 20 amendé, l'intervention des sections d'assurance complémentaire de la Mutualité sociale agricole ; à préciser l'assiette de la taxe dont sont redevables les organismes de protection complémentaire ; à éviter une imposition en cascade des sociétés passibles de la taxe sur les conventions d'assurance ; à prévoir, enfin, le remboursement intégral des dépenses des organismes complémentaires non couvertes par les cotisations et primes versées par les bénéficiaires de l'APS ;

- à coordonner la rédaction de l'article L. 861-15 ainsi que celle de l'article L. 861-16.

La commission a adopté sans modification les articles 26 (régime transitoire pour les titulaires actuels de l'aide médicale), 27 (habilitation des caisses d'assurance maladie à la mise en place d'un fichier informatisé de données nominatives), 28 (dispositions réglementaires pour l'application du titre II), 29 (abrogation de certaines dispositions relatives à l'aide sociale), 30 (transfert de compétences des départements à l'Etat en matière d'aide médicale) et 31 (dispositions de coordination).

Après le titre III, la commission a adopté un amendement tendant à insérer une section et un intitulé nouveaux ainsi qu'un article additionnel après l'article 31 tendant à prévoir un rapport d'application de la loi et une identification au sein des comptes du régime général des recettes et des dépenses relatives à la CMU.

Abordant le titre V, la commission, sur proposition de M. Charles Descours, rapporteur, a adopté, à l'article 38 (entrée en vigueur de la loi), un amendement tirant la conséquence des amendements adoptés aux articles 9, 10 et 11.

La commission a alors adopté le projet de loi ainsi amendé .

III. SÉANCE DU MERCREDI 7 AVRIL 1999

A. AUDITION DE MM. MICHEL HERMANT, PRÉSIDENT, GILLES MARCHANDON, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL, ET PHILIPPE DELEMARRE, SECRÉTAIRE NATIONAL, DE LA FÉDÉRATION NATIONALE INTERPROFESSIONNELLE DES MUTUELLES (FNIM)

Sous la présidence de M. Jean Delaneau, président , M. Michel Hermant a d'abord présenté la FNIM et indiqué que cette structure, créée il y a neuf ans, regroupait une centaine de mutuelles sur l'ensemble du territoire. Il a indiqué que, selon les critères utilisés, elle constituait la deuxième ou la troisième fédération de mutuelles en France.

Avant d'aborder la question de la couverture maladie universelle (CMU), M. Philippe Delemarre a évoqué la transposition des directives européennes sur les assurances et a affirmé que, si certains aspects de ces directives, comme leur volet financier, n'étaient pas contestés, il convenait de mieux définir l'objet social de la mutualité. A cet égard, il s'est interrogé sur le point de savoir s'il était possible de comparer un contrat d'assurance classique à l'adhésion à des statuts mutualistes.

M. Gilles Marchandon a affirmé que la FNIM ne faisait aucune objection au principe de la couverture maladie universelle de base, mais il a estimé que certaines critiques adressées à l'aide médicale étaient excessives. Il s'est en revanche déclaré déçu et inquiet par le volet de la CMU instituant une couverture complémentaire, estimant que le projet de loi instituait, non une couverture complémentaire pour les plus démunis, mais une prestation de base modulée selon les revenus. Il a ainsi critiqué à la fois la gratuité totale de la couverture pour les bénéficiaires, la gestion de la couverture complémentaire par les caisses primaires d'assurance maladie, le caractère obligatoire de la contribution demandée aux organismes complémentaires et les effets de seuil qui ne manqueront pas d'apparaître, créant une division sociale regrettable au sein d'une même population. Il a estimé que l'institution de la CMU remettait en cause l'équilibre général de la protection sociale façonné depuis la Libération et il a constaté que, dans sa rédaction actuelle, le projet de loi était susceptible d'engendrer d'importantes difficultés juridiques au regard du droit européen.

M. Gilles Marchandon a affirmé que le projet de loi ne mettait pas en place les conditions d'une véritable concurrence entre assureurs sur le marché de la couverture maladie complémentaire des Français disposant des plus bas revenus. Il a ainsi observé que les caisses primaires d'assurance maladie, qui pourront assurer cette couverture complémentaire au même titre que les mutuelles, les compagnies d'assurance ou les institutions de prévoyance, ne seraient pas soumises à la taxe qu'institue le projet sur le chiffre d'affaires réalisé par les organismes de protection sociale complémentaire. De même, il a regretté que les mutuelles et les compagnies d'assurance ne soient remboursées que pour une partie forfaitaire des dépenses engagées alors que les caisses primaires bénéficiaient d'un remboursement intégral. Evoquant le remboursement forfaitaire annuel de 1.500 francs par personne couverte, il a estimé qu'il était très inférieur au coût moyen réel, qui avoisinerait plutôt 3.000 francs par an.

M. Gilles Marchandon a regretté que les auteurs du projet de loi semblent avoir pris pour hypothèse que les 6 millions de bénéficiaires de la CMU ne disposent pas d'une couverture complémentaire. En effet, environ 20 à 30 % des adhérents actuels des mutuelles disposent d'un niveau de revenus qui les feront entrer dans le périmètre des bénéficiaires de la CMU. Enfin, il a affirmé que, si la plupart des compagnies d'assurance pouvaient se permettre des pertes techniques sur leur branche santé, ce n'était pas le cas des mutuelles, qui n'intervenaient que dans le secteur sanitaire et social et qui étaient le plus au contact des populations en difficulté.

M. Gilles Marchandon a affirmé que la FNIM aurait préféré que le projet de loi institue une couverture complémentaire volontaire, rendue possible par la solvabilisation des bénéficiaires et complétant une couverture de base d'un niveau suffisant.

M. Jean Delaneau, président, a regretté que le Gouvernement ait choisi d'imposer au Parlement une procédure d'urgence pour l'examen d'un texte aussi important et à l'architecture aussi contestée.

M. Charles Descours, rapporteur, s'est étonné que les nombreuses critiques adressées par plusieurs fédérations mutualistes au contenu du projet de loi ne rencontrent pas plus d'écho, alors que la France compte environ 30 millions de mutualistes. Il a demandé aux représentants de la FNIM s'ils n'avaient pas le sentiment d'avoir participé à une négociation de dupes, englobant non seulement la CMU, mais aussi la transposition des directives sur les assurances, à moins que les organismes complémentaires acceptent tacitement l'intrusion de l'assurance maladie dans le domaine de la couverture complémentaire, dans la mesure où elle permettra de légitimer celle des organismes complémentaires dans la couverture de base. Il leur a demandé de préciser les informations selon lesquelles 20 à 30 % des adhérents des mutuelles pourraient, demain, devenir bénéficiaires de la CMU. Enfin, M. Charles Descours, rapporteur, s'est vigoureusement élevé contre la dérive, amorcée par le Gouvernement, qui allait transformer le projet de loi sur la CMU en un projet portant diverses mesures d'ordre social.

M. Michel Hermant a confirmé que 20 à 30 % des adhérents des mutuelles étaient concernés par l'effet de seuil induit par le projet de loi et qu'il s'agissait en majorité de personnes actives soumises à des statuts précaires.

M. Philippe Delemarre a complété cette réponse en évoquant la situation des jeunes et s'est demandé s'il entrait dans les intentions du Gouvernement que près de 2 millions d'étudiants deviennent bénéficiaires de la CMU. Il a indiqué que jamais le Gouvernement n'avait proposé à la FNIM de discuter de la transposition des directives dans le cadre de la concertation sur la CMU.

M. François Autain a demandé aux représentants de la FNIM s'ils avaient des propositions pour éviter les effets de seuil susceptibles d'être induits par le projet de loi et si les assurances privées ne seraient pas conduites à revendiquer une entrée sur le marché de la couverture de base.

Mme Nicole Borvo leur a demandé ce qu'ils attendaient d'une participation à la mise en oeuvre de la CMU.

M. Gilles Marchandon a répondu à Mme Nicole Borvo que la FNIM avait pour ambition de participer à cette mise en oeuvre dans des conditions réelles de concurrence. Il a indiqué à M. François Autain que des propositions avaient été faites, soit pour généraliser le système du tiers payant, soit pour instituer une aide à la cotisation complémentaire dégressive en fonction des revenus. Il a nié toute intention spontanée de revendiquer une entrée sur le marché de la couverture de base mais a observé qu'elle ne serait pas illogique en cas d'intrusion de l'assurance maladie sur le territoire des organismes complémentaires.

M. Philippe Delemarre a affirmé en conclusion que la FNIM était favorable au monopole de la sécurité sociale, mais pas à celui de sa gestion.

B. AUDITION DE M. CLAUDE MAFFIOLI, PRÉSIDENT DU CENTRE NATIONAL DES PROFESSIONS DE SANTÉ (CNPS)

En préalable, M. Claude Maffioli a regretté qu'après son passage devant la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle, qui comportait déjà dans sa version initiale des articles ayant un objet étranger à la CMU, se transforme en un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social.

Tout en se déclarant très favorable à toute mesure tendant à améliorer l'accès aux soins, M. Claude Maffioli s'est inquiété du risque prévisible d'une inflation des dépenses incompatible avec une politique de maîtrise fondée sur le respect d'enveloppes financières par les professionnels de santé. Il a déclaré son opposition au tiers payant tel qu'il était conçu par le projet de loi, car il rendait les professionnels de santé directement tributaires du bon vouloir de l'assurance maladie qui les rémunérait et il induisait une déresponsabilisation complète des assurés sociaux, elle aussi incompatible avec une politique de maîtrise des dépenses d'assurance maladie. Il s'est en revanche déclaré tout à fait favorable à des techniques de paiement différé grâce à la monétique ou l'intervention d'organismes intermédiaires entre les professionnels de santé et l'assurance maladie.

Rappelant son attachement à la décentralisation de la gestion de la protection sociale, M. Claude Maffioli a estimé que le projet de loi mettait en place un système étatique et centralisateur. Evoquant l'activité des chirurgiens-dentistes, il a souligné la contradiction existant entre les dispositions des articles 20 et 24 du projet de loi, rappelé l'attachement du CNPS à la politique contractuelle et a regretté que l'article 20 mette en place une double nomenclature. Il a souhaité que, contrairement aux dispositions du projet de loi initial, les professionnels de santé soient représentés au sein des conseils de surveillance du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie. Evoquant enfin les dispositions diverses du projet de loi, il a souhaité, à l'article 32, que le secteur libéral soit intégré au dispositif de consultation de dépistage anonyme et gratuit et que l'article 37 mentionne les unions régionales des médecins libéraux. Il a regretté la complexité des dispositions de l'article 33 relatives au volet de santé de la carte d'assuré social et formé le voeu que les syndicats médicaux, comme le Conseil national de l'ordre des médecins, soient appelés à donner leur avis sur le décret qu'elles prévoient. Il a regretté les dispositions de l'article 36 validant les effets des actes pris en application de la convention nationale des médecins généralistes. Il s'est enfin déclaré favorable à l'adoption d'une mesure législative en faveur des aides opératoires non titulaires du diplôme d'infirmier.

M. Charles Descours, rapporteur, a demandé à M. Claude Maffioli s'il n'estimait pas que, les caisses primaires d'assurance maladie gérant des prestations complémentaires, les organismes de protection sociale complémentaire ne seraient pas, tôt ou tard, fondés à intervenir dans la couverture de base. Faisant siennes les craintes exprimées par M. Claude Maffioli concernant une dérive des dépenses, il lui a demandé s'il estimait que l'inclusion des bénéficiaires de la CMU dans des filières de soins permettrait de l'éviter. Evoquant l'utilisation de la monétique pour instituer un paiement différé des professionnels de santé, M. Charles Descours, rapporteur , a affirmé qu'un tel projet ne serait crédible que si le CNPS soutenait activement la mise en place de l'informatique médicale.

M. François Autain a interrogé M. Claude Maffioli sur un amendement adopté par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale concernant les médecins à diplôme non européen.

M. Claude Maffioli a estimé que le texte du projet de loi ouvrait la porte à une concurrence de tous les financeurs pour la couverture maladie de base. A cet égard, il ne s'est pas déclaré favorable à l'entrée des compagnies d'assurance privées dans le champ de cette couverture, mais a souhaité une réflexion sur les modalités d'une concurrence de gestion qui pourrait être introduite, peut-être dans un premier temps, entre caisses primaires d'assurance maladie. Il a observé qu'une telle concurrence nécessitait la définition d'un cahier des charges et supposait que l'on réfléchisse à la notion de " panier de soins ".

M. Claude Maffioli s'est déclaré défavorable à la mise en place de filières de soins, même pour une partie de la population, et a affirmé que son organisation militait pour une mise en réseau, c'est-à-dire une coordination horizontale des soins au service du patient et non d'une discipline.

M. Claude Maffioli a affirmé son attachement à l'informatisation des cabinets médicaux, à condition qu'elle se traduise par un vrai partage de l'information médicale, qu'elle soit favorisée par l'octroi d'une aide d'un montant suffisant aux professionnels de santé qui transmettaient les feuilles de soins électroniques et qu'elle ne soit pas organisée pour servir des intérêts commerciaux d'aucune sorte. Evoquant la situation des médecins à diplôme non européen, il a observé que la régularisation de la situation de ces médecins allait poser des problèmes en termes de démographie médicale, alors que se développait parallèlement un discours selon lequel l'offre de soins libéraux était trop importante.

A M. Bernard Cazeau qui se félicitait de l'évolution du discours du président du CNPS sur l'informatique médicale, M. Claude Maffioli a répondu que son discours n'avait pas changé depuis 1985 et qu'il maintenait la revendication d'un réel partage de l'information médicale entre l'assurance maladie et les professionnels.

Mme Nicole Borvo a demandé à M. Claude Maffioli de préciser ses propos sur la nécessaire mise en réseau des professionnels de santé et lui a demandé qui en serait le pivot.

M. Claude Maffioli a critiqué la filière de soins, avec un passage obligé par le médecin généraliste, qui traduit une vision économique du système de santé. Il a confirmé son attachement à un système dont le patient serait le pivot et autour duquel se mettrait en place une coordination en fonction de thèmes spécifiques, notamment des pathologies ou des catégories de populations concernées. Dans un tel système, le patient garderait sa liberté mais bénéficierait des dispositions d'une charte de fonctionnement conclue au préalable entre les professionnels de santé. Il a affirmé que, si la mise en réseau comportait des avantages en matière de maîtrise des dépenses de santé, elle ne procédait pas d'une vision économique du système de santé.

M. Claude Huriet, citant l'exemple d'un réseau de cancérologie en Lorraine, a affirmé qu'il était fondé sur la définition collective de stratégies thérapeutiques dont le patient était l'unique bénéficiaire.

C. AUDITION DE M. MARC ZAMICHIEI, MEMBRE DU BUREAU FÉDÉRAL, CHARGÉ DU SECTEUR SANITAIRE ET SANTÉ, DE LA FÉDÉRATION DES MUTUELLES DE FRANCE (FMF)

M. Marc Zamichiei a d'abord indiqué que sa fédération regroupait environ 600 mutuelles et 300 réalisations sanitaires et sociales. Avant d'aborder directement la question de la couverture maladie universelle, il a évoqué celle de la transposition des directives sur les assurances et estimé que, si les organismes de protection sociale complémentaire exerçaient leur activité dans un champ concurrentiel, cette dernière concernait le risque très spécifique de la maladie. Il a affirmé que celui-ci méritait la définition de principes, comme l'absence de sélection des assurés et la participation de ces derniers à la gestion. Il a estimé que l'institution d'une couverture maladie universelle pouvait ouvrir la voie à une meilleure reconnaissance de la spécificité du risque santé et était de nature à faire reculer des inégalités inacceptables devant les soins. Il a également indiqué qu'elle permettrait à la mutualité de mieux remplir sa mission solidaire et de renouveler ses propres pratiques. Affirmant sa préférence pour un système dans lequel la gestion de la couverture complémentaire serait réservée aux organismes de protection sociale complémentaire, il a toutefois déclaré comprendre les raisons qui avaient conduit le Gouvernement à proposer le projet de loi dans son équilibre général actuel.

M. Marc Zamichiei a toutefois regretté les effets de seuil susceptibles d'être engendrés par le projet de loi, estimé que la CMU devait demeurer un mécanisme bénéficiant aux plus défavorisés et qu'elle ne réglerait pas tous les problèmes d'accès aux soins. Il a déclaré que la FMF était favorable à l'institution d'un tiers payant généralisé, à l'amélioration de certaines prestations de sécurité sociale dans des domaines où les renoncements aux soins étaient importants et à la mise en place d'une aide accordée par les employeurs aux salariés dont le revenu était inférieur ou égal au SMIC afin de leur permettre un accès à la couverture complémentaire. Observant que des institutions qui gèrent actuellement des fonds sanitaires et sociaux vont être déchargées de leur mission par l'institution de la CMU, il a souhaité qu'elles réorientent leur action en direction des personnes dont les revenus se situent au-dessus du seuil prévu par la loi. Il a estimé que le forfait de 1.500 francs par personne couverte qui serait remboursé aux organismes de protection complémentaire correspondait à un coût moyen masquant de fortes disparités selon les lieux et les personnes couvertes et qu'il serait probablement inférieur, au moins à court terme, aux dépenses réellement engagées en raison des effets de rattrapage dans l'accès aux soins des personnes démunies. Il a souhaité que ce coût fasse l'objet d'une évaluation continue et que l'on tienne compte de la réalité du coût du risque afin de sécuriser l'engagement des organismes de protection sociale complémentaire.

M. Marc Zamichiei a regretté que le projet de loi ne prévoie pas la participation de ces organismes, ni celle de l'assurance maladie, dans le conseil d'administration du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie. Il a souhaité que ce fonds soit le lieu institutionnel d'évaluation de la mise en oeuvre de la CMU.

M. Charles Descours, rapporteur, a interrogé le représentant de la FMF sur la transposition des directives sur les assurances, la maîtrise des dépenses d'assurance maladie, les perspectives d'une privatisation de l'assurance maladie et les modalités d'une compensation d'une éventuelle dérive des dépenses pour les organismes de protection sociale complémentaire.

M. Marc Zamichiei s'est interrogé, en réponse, sur l'opportunité de banaliser l'intervention d'un acteur comme la mutualité à travers la transposition des directives sur les assurances au moment où, en créant la CMU, l'on s'orientait vers une meilleure prise en compte de la réalité sanitaire et sociale. Il a estimé que le projet de loi n'induisait pas de risque de privatisation de l'assurance maladie, la gestion de la protection sociale complémentaire par les caisses primaires susceptibles de légitimer des revendications des compagnies d'assurance n'étant prévue que par délégation de l'Etat. Il s'est déclaré favorable à une politique de maîtrise des dépenses d'assurance maladie mise en oeuvre en coordination avec les organismes de sécurité sociale. Evoquant le coût réel de la protection complémentaire maladie, il a indiqué, par référence à celle qui était engagée par l'union mutualiste des Bouches-du-Rhône, déjà très active en ce domaine à travers l'aide médicale, qu'il avoisinait une moyenne de 1.900 francs. Observant que ce montant ne reflétait qu'une moyenne, il a souhaité la mise en place, au niveau de tous les groupements mutualistes, de mécanismes de péréquation du risque.

M. François Autain a demandé à M. Marc Zamichiei quelle était sa réponse à l'argument selon lequel la généralisation du tiers payant était inflationniste.

Mme Nicole Borvo lui a demandé s'il n'estimait pas illusoire l'instauration de la définition de principes tels que l'absence de sélection des assurés ou de refus d'assurance pour le risque maladie, ces principes pouvant être détournés grâce aux stratégies commerciales des compagnies d'assurance et à la publicité.

M. Marc Zamichiei a affirmé que l'expérience de la FMF, comme des études réalisées en la matière, montraient qu'après un effet de rattrapage dans l'accès aux soins, l'effet inflationniste du tiers payant disparaissait très vite. Il a observé que les lois de 1989 et de 1990 qui avaient banni la discrimination en matière de risque santé excluaient de leur champ d'application les contrats individuels ou les compagnies d'assurance.

IV. SÉANCE DU MERCREDI 28 AVRIL 1999

A. AUDITION DE M. HUGUES FELTESSE, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'UNION NATIONALE INTERFÉDÉRALE DES OEUVRES ET ORGANISMES PRIVÉS SANITAIRES ET SOCIAUX (UNIOPSS) ET DES MEMBRES DU GROUPE DE TRAVAIL " SANTÉ PRÉCARITÉ "

Sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, M. Hugues Feltesse , directeur général de l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) et des membres du groupe de travail " santé précarité " constitué en son sein a tout d'abord rappelé que de nombreuses personnes ne bénéficiaient pas encore d'une couverture maladie. Il a observé que notre niveau de prise en charge collective des dépenses de soins n'était pas le meilleur d'Europe et que le ticket modérateur était devenu pour beaucoup un " ticket d'exclusion ". Il a souligné que les jeunes étaient particulièrement concernés par les difficultés d'accès aux soins. Il a par ailleurs estimé que la complexité des procédures applicables avait rendu théorique ce qui devrait être considéré comme un droit universel.

Dans ces conditions, M. Hugues Feltesse a considéré que le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle s'inscrivait dans la continuité des grandes lois sociales relatives aux handicapés, à la création du revenu minimum d'insertion (RMI) et au droit au logement. Il a souhaité que ce texte puisse redéfinir les missions des caisses, des organismes de protection sociale complémentaire et des organismes sociaux pour réorienter leur action autour de l'accueil de ce nouveau public.

Mme Michèle Mézart , représentante d'ATD-Quart Monde, a considéré que le seuil de revenus de 3.500 francs retenu par le Gouvernement pour accéder à la CMU était insuffisant, notamment au regard du seuil de pauvreté qui avait été fixé à 3.800 francs. Elle a observé que ce seuil de 3.500 francs excluait, de fait, du nouveau dispositif les bénéficiaires du minimum vieillesse ou de l'allocation adulte handicapé (AAH). Elle a donc souhaité que le seuil retenu soit au minimum de 3.800 francs.

Pour limiter les effets de seuil, elle a également demandé l'institution d'une aide dégressive à la souscription d'une couverture complémentaire. Elle a considéré que le système du tiers payant pourrait être utile pour accompagner un tel dispositif.

M. Bernard Michel , représentant de Médecins du monde, a observé que la formation des personnels des caisses primaires d'assurance maladie et des organismes de protection complémentaire devait être adaptée à l'accueil de ce nouveau public.

Il a estimé qu'il était indispensable que la continuité des soins soit assurée en dépit des changements de résidence ou de situation personnelle et a donc souhaité que le bénéfice de la couverture maladie universelle soit en principe maintenu au-delà d'un an, de manière à éviter aux bénéficiaires d'avoir à accomplir des formalités administratives complexes.

M. Bernard Michel a déclaré que le droit à la CMU devrait être accordé immédiatement sur la base d'une présomption de droit, les justificatifs n'étant fournis que dans un second temps. Il a estimé que les obstacles administratifs étaient souvent incontournables et excluaient, de fait, du bénéfice de la protection sociale une partie importante des populations les plus fragiles. Il a rappelé que six millions de personnes étaient concernées par le projet de CMU, et huit millions si l'on retenait un seuil à 3.800 francs.

Il a considéré que les bénéficiaires devaient pouvoir exercer un droit d'option pour choisir leur interlocuteur, qu'il s'agisse du régime général, d'une entreprise d'assurance, d'une mutuelle ou d'un organisme de prévoyance. Il a par ailleurs jugé indispensable le maintien de l'engagement de l'Etat afin d'éviter tout risque de discrimination.

Mme Chantal Gueneau , représentante du Secours catholique, s'est déclarée opposée à la participation des organismes privés à la gestion du fonds assurant le financement de la CMU. Elle a par ailleurs estimé que l'accès aux soins ne devait pas être conditionné à une participation financière de la part des bénéficiaires de la CMU.

M. Charles Descours, rapporteur , a observé que la fixation du seuil au niveau de 3.800 francs conduirait à inclure dans le nouveau dispositif la majorité des retraités du milieu agricole et du commerce. Il a estimé que cette perspective n'était pas sans soulever des difficultés, ces derniers ne pouvant être considérés comme non insérés et acquittant d'ores et déjà, le plus souvent, une cotisation mutualiste. Il a considéré qu'il était difficile de proposer des solutions uniformes pour huit millions de personnes.

En réponse aux remarques de M. Charles Descours, rapporteur, MM. Hugues Feltesse et Bernard Michel ont observé que nombre de retraités n'avaient pas les moyens de souscrire à une mutuelle et que, de façon plus générale, 23 % des Français renonçaient à des soins pour des raisons financières.

Citant l'exemple de la carte Paris-santé, M. Jean Chérioux a rappelé que les départements avaient entrepris des actions ambitieuses pour assurer une couverture maladie aux plus démunis.

M. Guy Fischer a regretté que des amendements déposés à l'Assemblée nationale prévoient d'associer les mutuelles et les organismes d'assurance à la gestion de la protection maladie complémentaire.

M. Paul Blanc a jugé que le fonctionnement de l'aide médicale était satisfaisant.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a évoqué la notion de " reste à vivre ", qui devrait être prise en compte pour calculer les revenus des personnes endettées ou qui doivent payer une pension alimentaire.

M. Philippe Nogrix s'est interrogé sur les modalités du contrôle des ressources des bénéficiaires dans le cas où les droits seraient accordés immédiatement. Il a rappelé que l'action des départements et des centres communaux d'action sociale s'inscrivait dans une logique de solidarité, et non de charité.

M. Hugues Feltesse a souhaité que le fonds chargé de financer le volet " complémentaire " de la CMU soit géré par l'Etat. Il a estimé que la carte Paris-santé constituait un instrument très intéressant, mais qu'il rencontrait des limites pour les personnes qui déménagent dans un autre département d'Ile-de-France ou qui sont confrontées à un changement de situation familiale. Il a renouvelé son attachement à la reconnaissance de l'immédiateté des droits.

M. Bernard Michel a souligné que l'aide médicale gratuite n'était pas uniforme dans tous les départements et a souhaité qu'un délai de quinze jours à un mois après l'ouverture immédiate des droits soit accordé pour apporter les pièces nécessaires à la constitution des dossiers d'admission à la CMU.

B. AUDITION DE M. MARCEL RAVOUX, PRÉSIDENT DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE ET MATERNITÉ DES TRAVAILLEURS NON SALARIÉS DES PROFESSIONS NON AGRICOLES (CANAM), ET DE M. DANIEL POSTEL-VINAY, DIRECTEUR GÉNÉRAL AINSI QUE DE M. DANIEL LENOIR, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE (MSA).

M. Marcel Ravoux a exprimé les inquiétudes que soulevait le projet de loi de la part de la CANAM.

S'agissant de la couverture de base, il a souligné tout d'abord que le principe de la déconnexion entre le paiement des cotisations et le versement des prestations dans le cadre de la CMU allait à l'encontre du principe appliqué aux personnes assujetties au régime de base de la sécurité sociale qui subordonne le droit aux prestations en nature des assurances maladie et maternité au paiement de cotisations.

Il a considéré que la déconnexion susciterait une contestation croissante du monopole des régimes obligatoires d'adhésion à la sécurité sociale, contestation qui était déjà à l'oeuvre dans le secteur professionnel des artisans. Il a craint une baisse du taux de recouvrement des cotisations.

Il a émis des réserves sur la rénovation de la procédure d'opposition à tiers détenteur applicable pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale dues par les travailleurs indépendants, en soulignant les risques d'un allongement des délais de procédure et d'un accroissement des contentieux.

Concernant le régime de protection complémentaire, M. Marcel Ravoux a rappelé que, dans la mesure où la CANAM connaissait les revenus professionnels des travailleurs non salariés non agricoles, mais qu'elle ne disposait pas d'informations sur les autres sources de revenus, l'évaluation du nombre d'assujettis au régime de l'assurance maladie des professions indépendantes susceptibles de bénéficier de la nouvelle protection complémentaire était très approximative.

Il a estimé toutefois que 390.000 ressortissants de la CANAM faisant état de revenus professionnels inférieurs à 67.000 francs par an étaient susceptibles de bénéficier de la couverture complémentaire.

Il a noté, par ailleurs, que la CANAM ne connaissait ni les revenus des assurés qui étaient en début d'activité, ni ceux des assurés qui présentaient un déficit d'exploitation.

Il a rappelé que, si le régime d'assurance maladie des professions indépendantes ne gérait pas l'assurance personnelle, il existait néanmoins environ 700 personnes qui avaient adhéré volontairement à ce régime en vertu de l'ordonnance du 21 août 1967 et pour lesquelles le projet de loi ne contenait aucune disposition. Il a souhaité le maintien du statu quo pour ces personnes.

Il a observé, par ailleurs, que la CMU était de nature à remettre en cause le principe de la cotisation minimale due actuellement par les travailleurs indépendants.

La cotisation minimale, calculée en fonction du taux de cotisation et du plafond de l'assiette de calcul des cotisations de sécurité sociale, s'élève à 4.098 francs par an pour les commerçants et les professions libérales et à 4.445 francs pour les artisans et concerne environ 400.000 travailleurs indépendants.

M. Marcel Ravoux a considéré que, dès lors que, au titre de la CMU, il n'était pas prévu de cotisation minimale et qu'en outre les personnes concernées étaient exonérées du paiement de cotisation en dessous d'un certain plafond, des ajustements seraient nécessaires, qui auraient un coût pour la CANAM.

S'agissant de la protection complémentaire, M. Marcel Ravoux s'est inquiété de l'effet de seuil important qui apparaîtrait entre les personnes qui seraient en dessous du seuil de revenus ouvrant droit à la CMU et celles qui se situeraient à peine au-dessus du seuil et devraient acquitter une assurance complémentaire de droit commun.

Il a rappelé que le coût minimal d'une telle protection complémentaire était de l'ordre de 6.000 francs par an pour un ménage de travailleurs indépendants d'âge actif sans enfant et de 9.000 francs à 10.000 francs environ par an pour un couple de retraités.

Il a estimé que les prélèvements pesant sur les ménages actifs seraient une incitation forte au développement du " travail au noir ".

Abordant les amendements proposés par la CANAM, M. Marcel Ravoux a souhaité tout d'abord la possibilité de prélever le montant des cotisations non acquittées sur le paiement des prestations dans l'hypothèse où le principe de la déconnexion serait maintenu.

Il a demandé, par ailleurs, que le dispositif actuellement en vigueur de cotisation minimale soit remplacé par un régime de cotisation proportionnelle au revenu.

Concernant la couverture complémentaire, il s'est prononcé en faveur du maintien du principe de la gratuité pour les personnes titulaires du RMI, pour le versement d'une cotisation symbolique par les personnes dont les ressources seraient comprises entre celles ouvrant droit au RMI et le seuil de revenu prévu par la CMU, et pour le versement d'une cotisation proportionnelle au revenu, assortie d'une aide dégressive jusqu'à un niveau de ressources correspondant à deux fois le plafond de la sécurité sociale, pour les autres assurés.

Il a souhaité que la date de mise en oeuvre de la réforme soit reportée du 1er janvier au 1er avril 2000 pour tenir compte des délais nécessaires à l'adaptation des applications informatiques des caisses.

M. Daniel Lenoir a indiqué que la MSA partageait de nombreux éléments d'analyse de la CANAM.

Tout en faisant part de son adhésion de principe à l'objectif d'amélioration de l'accès aux soins poursuivie par le projet de loi, il s'est déclaré hostile au système de l'affiliation automatique à une caisse primaire d'assurance maladie en rappelant que certaines personnes en difficulté étaient déjà actuellement affiliées à une caisse primaire de la MSA.

Il a souligné l'importance de la question de la déconnexion entre le versement des prestations et le paiement des cotisations. Il s'est demandé si, dans la pratique, la CMU aurait bien un caractère subsidiaire par rapport au système d'assurance professionnelle et si des mesures de sanction ne devraient pas être envisagées à l'encontre des personnes relevant d'un régime obligatoire qui choisiraient abusivement de s'affilier à la CMU.

Il a regretté que le projet de loi supprime une disposition du code rural qui permettait à la MSA de recouvrer les cotisations impayées par opposition à tiers détenteur sans l'intervention d'un huissier qui avait parfois des effets négatifs.

Il a souligné que le principe de la cotisation minimale actuellement exigible dans le régime de la MSA devrait être modifié dès lors que la CMU entrerait en vigueur, en raison des effets de seuil.

S'agissant de la couverture complémentaire, il a constaté que le dispositif de la CMU créait d'importants effets de seuil, tout en remarquant que l'évaluation du nombre des assujettis à la MSA qui pourraient bénéficier de cette protection complémentaire était difficile en raison des insuffisances dans la connaissance des revenus.

Il a estimé que 800.000 personnes seraient concernées par l'assurance complémentaire de la CMU au sein de la MSA. Il a souhaité également un dispositif de lissage des effets de seuil.

Il a considéré que la CMU remettrait en cause les dispositifs de couverture complémentaire mis en place par la section sociale de la MSA sur la base de l'article 1049 du code rural. Il a rappelé que 40 % à 60 % des adhérents de la MSA bénéficiaient de la gratuité des soins grâce à ce mécanisme de couverture complémentaire.

M. Charles Descours s'est demandé comment les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) contrôleraient les informations sur les revenus non professionnels des personnes demandant à bénéficier de la CMU. Il a estimé normal que les règles de droit commun soient respectées en matière de recouvrement des créances de sécurité sociale. Il s'est interrogé sur la disparité de traitement entre, d'une part, un travailleur indépendant ou un agriculteur qui paierait des cotisations pour sa couverture de base et, d'autre part, une personne ayant les mêmes revenus mais affiliée à la CMU.

En réponse, M. Marcel Ravoux et M. Daniel Lenoir ont souligné que cette disparité de traitement prévisible était à l'origine de leur demande de la suppression du principe du versement d'une cotisation minimale dans les régimes obligatoires.

M. Guy Fischer s'est demandé sur quelle base la CANAM et la MSA estimaient que 40 à 60 % de leurs ressortissants se trouvaient en dessous du seuil de revenu prévu pour la CMU.

M. Marcel Ravoux a indiqué que cette statistique était fondée sur les déclarations des revenus professionnels des affiliés. Il a précisé que, compte tenu des ayants droit, un million de personnes déjà affiliées seraient concernées par la CMU et insisté sur le risque d'une déstabilisation du régime d'assurance complémentaire.

M. Daniel Lenoir a souligné en effet le niveau relativement faible des retraites agricoles et il a fait état du risque de déstabilisation des régimes complémentaires mis en place soit dans le cadre d'accords interprofessionnels, soit dans les sections sociales de la MSA.

M. Jean Delaneau, président , a souligné que la notion de seuil de pauvreté était variable dans le temps et qu'elle ne permettait pas de prendre en compte les ressources non monétaires ainsi que les effets de solidarité familiale.

M. Daniel Lenoir a indiqué que la MSA avait souhaité qu'une réflexion soit engagée pour mettre en place un indicateur statistique de précarité des personnes.

M. Marcel Ravoux a souligné qu'il conviendrait, au regard du dispositif mis en place dans le cadre de la CMU, d'examiner attentivement les modalités de remboursement des prothèses, notamment en matière dentaire ou optique, consenties actuellement aux assujettis des régimes obligatoires.

Il a souhaité que la discussion du projet de loi aboutisse à l'adoption d'une disposition urgente afin de permettre que les modifications du régime des indemnités journalières versées par la CANAM puissent être décidées par le vote des seuls membres élus de la section professionnelle intéressée du conseil d'administration de la CANAM, et non plus par l'assemblée des administrateurs des caisses régionales de la CANAM représentant le groupe professionnel intéressé, comme prévu actuellement par l'article L. 615-20 du code de la sécurité sociale.

M. Bernard Seillier a estimé, en effet, que des simplifications pouvaient être apportées en matière de procédure dès lors que le régime des indemnités journalières avait été institué en assemblée générale.

C. AUDITION DE M. JEAN-LOUIS FAURE, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DU CENTRE TECHNIQUE DES INSTITUTIONS DE PRÉVOYANCE (CTIP)

M. Jean-Louis Faure a indiqué que le CTIP représentait 74 institutions et unions adhérentes, soit 97 % des institutions de prévoyance. Exposant l'histoire et présentant les missions des institutions de prévoyance, il a rappelé que l'ordonnance du 4 octobre 1945, instituant le régime général de la sécurité sociale, avait prévu la création d'organismes de prévoyance à gestion paritaire " en vue d'accorder des avantages s'ajoutant à ceux qui résultent de la sécurité sociale ".

M. Jean-Louis Faure a précisé que l'apparition des régimes de prévoyance datait de la convention collective nationale du 14 mars 1947 portant création du régime de retraite complémentaire des cadres (AGIRC). Par la suite, le bénéfice des garanties de prévoyance avait été étendu à l'ensemble des salariés, notamment à l'occasion de la signature d'autres accords de retraite. Avec le développement des accords de prévoyance complémentaire, les années soixante avaient vu la création d'entités distinctes des caisses de retraite, professionnelles ou interprofessionnelles.

M. Jean-Louis Faure a souligné que les activités de prévoyance et de retraite devaient, depuis la loi du 8 août 1994, être obligatoirement gérées par des personnes morales différentes : institutions de retraite complémentaire pour la retraite et institutions de prévoyance pour la prévoyance.

Il a ajouté que les institutions de prévoyance, entreprises d'assurance au sens des troisièmes directives européennes sur l'assurance, avaient une double originalité : elles pouvaient couvrir tous les risques liés à la personne humaine, et uniquement ceux-ci ; elles ne pouvaient couvrir que des salariés et des anciens salariés des entreprises adhérentes. Il a précisé que les institutions de prévoyance étaient des sociétés de personnes à but non lucratif, gérées paritairement.

M. Jean-Louis Faure a indiqué que les institutions de prévoyance avaient couvert en 1997, à travers 1,6 million d'entreprises adhérentes, plus de 11 millions de participants salariés et anciens salariés, soit environ 20 millions de personnes avec les ayants droit. Il a précisé qu'elles avaient perçu 37 milliards de francs de cotisations.

Evoquant l'activité des institutions de prévoyance en matière de couverture complémentaire santé, M. Jean-Louis Faure a indiqué que les 51 institutions concernées avaient couvert à ce titre plus de 4,3 millions de salariés et d'anciens salariés, soit plus 10 millions de personnes avec les ayants droit, à travers près de 290.000 entreprises adhérentes, et encaissé 17 milliards de francs de cotisations.

Il a souligné que les institutions de prévoyance menaient en outre une action sociale importante en direction des personnes privées d'emploi, des jeunes en recherche d'emploi, des veufs et des retraités.

M. Charles Descours, rapporteur , a souhaité connaître la position des institutions de prévoyance sur le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle. Il a demandé à M. Jean-Louis Faure si le chiffrage du coût du dispositif -9 milliards de francs par an- lui paraissait raisonnable. Après l'avoir interrogé sur l'appréciation qu'il portait concernant le financement du dispositif, il s'est demandé si un financement par l'impôt n'aurait pas été préférable à une contribution des assureurs complémentaires qui risquait de renchérir le coût des contrats et être facteur d'exclusion.

M. Charles Descours, rapporteur , a rappelé que le projet de loi définissait l'assiette de la contribution des organismes complémentaires comme " le montant hors taxes des cotisations et primes afférentes à la protection complémentaire en matière de santé ". Il a souhaité savoir si cela incluait les cotisations et primes destinées à financer des indemnités journalières maladie, voire des indemnisations de l'invalidité.

En réponse à M. Charles Descours, M. Jean-Louis Faure a indiqué que le CTIP avait participé, dès l'origine, aux différentes consultations menées par M. Jean-Claude Boulard, ainsi qu'à l'élaboration d'un protocole d'accord avec les autres régimes complémentaires pour la mise en oeuvre de la CMU.

M. Jean-Louis Faure a souligné que le CTIP avait toujours manifesté son accord sur le principe d'un dispositif partenarial tout en souhaitant que les effets pervers que pouvait engendrer un tel dispositif soient les plus réduits possibles.

M. Jean-Louis Faure a mis l'accent sur les difficultés que pouvait susciter la disparité des bénéficiaires potentiels de la CMU. Il a estimé qu'une couverture de 1.500 francs ne constituait qu'une moyenne et que le coût de la couverture réelle était susceptible d'évoluer selon un rapport de un à trois en fonction de l'âge du bénéficiaire : de 800 francs à 20 ans à 2.400 francs au-delà de 60 ans. Il a, par conséquent, jugé indispensable que les charges réelles pesant sur les organismes complémentaires soient intégralement compensées par le Fonds de financement de la protection complémentaire prévu à l'article 25 du projet de loi. Il a suggéré que le remboursement au profit des organismes complémentaires soit effectué selon un coefficient actuariel qui tienne compte de l'âge des bénéficiaires.

M. Jean-Louis Faure a estimé qu'une autre difficulté résidait dans le fait que les caisses primaires d'assurance maladie seraient remboursées par le Fonds de la totalité des sommes effectivement dépensées tandis que les organismes complémentaires assureraient la couverture du risque et assumeraient, par conséquent, les déficits éventuels.

M. Jean-Louis Faure a souligné que la CMU allait également compliquer la gestion des contrats collectifs dans la mesure où ceux-ci offraient généralement des garanties inférieures à la CMU. Certains salariés bénéficieraient de la CMU et d'autres, non. Il s'est demandé comment s'effectuerait le remboursement de la part salariale des cotisations de couverture complémentaire aux bénéficiaires de la CMU si l'entreprise n'était pas en mesure de connaître le revenu de ses salariés. Il a considéré que la CMU risquait par conséquent de gêner le développement des contrats collectifs, alors même que ceux-ci favorisaient la généralisation et la mutualisation de la couverture complémentaire et la non-sélection des risques.

M. Jean-Louis Faure a mis l'accent sur les risques de désynchronisation que pouvait entraîner la CMU pour les jeunes. Il a expliqué que ces derniers occupaient souvent des emplois précaires et connaissaient des variations de revenus importantes selon les années. Un jeune pouvait, par conséquent, se voir refuser le bénéfice de la CMU au moment où il en avait besoin, parce que ses revenus de l'année précédente s'avéraient trop élevés.

M. Jean-Louis Faure a souhaité que la charge financière résultant du maintien pendant un an du bénéfice de la CMU pour les personnes qui ne remplissaient plus les conditions de son obtention soit mutualisée plus largement.

Evoquant le coût du dispositif, M. Jean-Louis Faure a souligné que celui-ci dépendait de deux éléments : le montant du plafond -une légère augmentation de ce plafond provoquerait l'entrée des 800.000 personnes âgées bénéficiant du minimum vieillesse- et de l'état sanitaire de la population qui avait vocation à bénéficier de la CMU. Il a considéré que cet état sanitaire était inconnu et que la CMU pouvait entraîner, en solvabilisant les besoins, un effet de rattrapage susceptible d'augmenter fortement le coût du dispositif.

S'agissant du financement de la CMU, a estimé que la contribution des organismes complémentaires risquait de se traduire par une augmentation du coût de la couverture complémentaire pour les assurés. Il a craint des effets de sortie des dispositifs de couverture complémentaire : les personnes aux revenus élevés pouvaient être amenées à effectuer des arbitrages les conduisant à renoncer à leur couverture complémentaire.

M. Jean-Louis Faure a également rappelé que les institutions de prévoyance étaient désormais soumises aux directives européennes qui leur imposaient une marge de solvabilité au moins égale à 25 % des prestations.

M. Jean-Louis Faure a considéré que la définition de l'assiette de la contribution des organismes complémentaires n'était pas suffisamment précise et a suggéré que l'on remplace les mots : " afférentes à la protection complémentaire en matière de santé " par les mots : " relatives à l'indemnisation ou au remboursement des frais complémentaires de soins de santé ".

M. Charles Descours, rapporteur , a jugé que le chiffre de 1.500 francs par personne pour les dépenses annuelles de couverture complémentaire était probablement sous-évalué. Il a considéré que les dépenses pouvaient s'avérer en réalité bien plus élevées, ce qui menacerait la situation financière de la CNAMTS et des organismes complémentaires.

M. Jean-Louis Faure a souligné que tout dépendait de la définition du " panier de soins " associé à ce montant moyen de 1.500 francs.

M. Charles Descours, rapporteur , s'est interrogé sur la façon dont la répartition allait se faire entre la CNAMTS et les organismes complémentaires dans la prise en charge des bénéficiaires de la CMU.

M. Jean-Louis Faure a considéré que, seules, les personnes les plus marginalisées devaient relever des CPAM pour leur couverture complémentaire. Pour les autres, en revanche, il convenait de faire en sorte qu'elles entrent dans le droit commun, c'est-à-dire qu'elles adhèrent à un organisme complémentaire. Il a souligné que la CNAMTS et les organismes complémentaires avaient signé la semaine précédente un protocole d'accord visant à organiser la répartition des rôles entre les différents acteurs en matière de couverture complémentaire.

D. AUDITION DE M. JEAN-MARIE SPAETH, PRÉSIDENT DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS SALARIÉS (CNAMTS)

M. Jean-Marie Spaeth a affirmé au préalable que l'institution d'une couverture maladie universelle constituait une réforme importante pour favoriser l'accès aux soins pour tous. Il a estimé que le moment était venu, pour des raisons de solidarité, de créer un droit personnel à l'assurance maladie. Compte tenu du progressif désengagement de la sécurité sociale dans la couverture des dépenses de santé, il lui a semblé fondé que le projet de loi traite également de la question de l'accès à une protection sociale complémentaire.

Examinant le dispositif proposé par ce texte, il a affirmé qu'il n'existait pas, en France, six millions de personnes exclues ou désocialisées et qu'il ne convenait donc pas de traiter différemment du reste de la population les 10 % de résidents éligibles à la CMU. Il a affirmé qu'il convenait de favoriser l'accès des personnes économiquement faibles à la couverture complémentaire et ne s'est donc pas déclaré favorable à ce que la sécurité sociale intervienne dans le domaine de compétence des organismes de protection sociale complémentaire. En effet, le financement de la sécurité sociale étant assuré par des contributions proportionnelles aux revenus, il n'est ni légitime, ni souhaitable que la sécurité sociale offre des prestations soumises à conditions de ressources. La sécurité sociale doit demeurer un système assuranciel qui rembourse en fonction des pathologies et non des revenus.

M. Jean-Marie Spaeth a souhaité que le bénéfice de la CMU corresponde à une période transitoire dans la vie des personnes qui y sont éligibles et estimé en conséquence qu'elles ne devraient pas basculer, à cette occasion, dans un système de protection sociale s'éloignant du droit commun.

M. Charles Descours, rapporteur , a affirmé son plein accord avec les propos du président de la CNAMTS. Il lui a demandé si une réforme préalable de l'assurance maladie n'aurait pas été nécessaire avant l'adoption d'une loi instituant une couverture maladie universelle. Il l'a également interrogé sur la nature de la concurrence instituée par le projet de loi entre le régime général de sécurité sociale et les organismes de protection sociale complémentaire. Il s'est inquiété de la mise en place, par le projet de loi, d'une sorte de " nomenclature bis " pour les bénéficiaires de la CMU. Il a demandé au président de la CNAMTS des informations sur le protocole d'accord conclu entre l'assurance maladie et les représentants des mutuelles et des compagnies d'assurances. Compte tenu du nombre très élevé d'organismes de protection sociale complémentaire, il s'est enfin inquiété des modalités selon lesquelles les médecins délivrant des soins aux bénéficiaires de la CMU pourraient être payés par ces derniers sans accomplir des démarches complexes.

M. Jean-Marie Spaeth a estimé qu'il ne fallait pas attendre une nouvelle réforme de l'assurance maladie avant d'instituer une couverture maladie universelle, mais a rappelé que la réforme engagée par les ordonnances du 24 avril 1996 n'était pas aboutie. Il a affirmé que toute nouvelle réforme devrait prendre en considération à la fois le système d'assurance maladie et l'offre de soins disponible, à partir d'une analyse des besoins de chaque assuré social. Il s'est déclaré opposé à la définition d'un panier de soins remboursables spécifique pour les bénéficiaires de la CMU. Il a toutefois indiqué que la question était posée de l'établissement d'une liste de prothèses et de lunettes à des tarifs opposables pour les bénéficiaires de la CMU, mais aussi pour l'ensemble des assurés sociaux. Il a déclaré que l'on ne pouvait se contenter d'un système dans lequel le Parlement votait des objectifs de dépenses et a affirmé que l'Etat devait définir en parallèle une politique de santé et le panier de soins remboursables correspondants.

Evoquant l'accord conclu avec les organismes de protection sociale complémentaire, M. Jean-Marie Spaeth a observé qu'il ratifiait un état de fait, celui de la complémentarité existant entre ces derniers et les organismes de sécurité sociale. Il a aussi affirmé que cet accord avait pour objet d'organiser une coopération des politiques suivies par les différents partenaires, dans une logique de donnant-donnant élaborée dans l'intérêt des Français. Il a en effet souligné les effets pervers entraînés, dans le passé, par une absence de coopération entre ces organismes, toute mesure appliquée par la sécurité sociale pouvant être contrecarrée immédiatement par les organismes de protection sociale complémentaire. Il a enfin déclaré que l'accord conclu avec ces derniers avait une portée plus générale que la seule mise en oeuvre de la couverture maladie universelle et qu'il devait être analysé comme l'organisation de tous les intervenants financiers en matière de couverture maladie pour faire évoluer l'offre de soins.

M. Jean Delaneau, président , s'est interrogé sur les calculs effectués par le Gouvernement dans le cadre de la préparation du projet de loi. Il s'est ainsi demandé si l'on avait multiplié six millions de personnes bénéficiaires par un coût de 1.500 francs pour arriver à 9 milliards de francs, ou bien si la somme de 1.500 francs avait été obtenue en divisant un coût financier jugé comme acceptable de 9 milliards de francs par le nombre de six millions de personnes bénéficiaires.

M. Jean-Marie Spaeth lui a répondu que les organismes de protection sociale complémentaire étaient mieux placés que lui pour évaluer le coût réel de la couverture complémentaire des bénéficiaires de la CMU. Il a toutefois souligné la difficulté d'un tel exercice et cité l'exemple des personnes âgées, dont les dépenses de soins sont élevées, mais dont une partie bénéficie de remboursements à 100 % par la sécurité sociale.

Répondant à M. Charles Descours, rapporteur, il a affirmé qu'allait être mis en oeuvre un système informatisé qui permette aux médecins d'être payés simplement, sur la base d'un décompte unique où apparaissent clairement les remboursements du régime de base et des régimes complémentaires.

Mme Gisèle Printz s'est interrogée sur les modalités de mise en oeuvre de la CMU dans les départements soumis au droit local.

M. Jean-Marie Spaeth lui a répondu qu'une difficulté pourrait surgir en raison des textes législatifs qui disposent que le régime local ne peut pas rembourser les dépenses de santé à 100 %.

M. Guy Fischer a fait part de son inquiétude quant à une possible immixtion des régimes complémentaires dans la gestion du système de soins.

M. Jean-Marie Spaeth lui a répondu que les organismes complémentaires participaient déjà au système de soins et que cette participation était d'autant plus grande que la sécurité sociale se désengageait du remboursement des dépenses de santé. Il a estimé que régimes de base et organismes complémentaires devaient s'unir pour agir ensemble sur l'offre de soins, sauf à prendre le risque que l'offre de soins organise elle-même la concurrence entre les financeurs.

M. François Autain s'est inquiété de la disparité des dispositifs prévus par le projet de loi pour les bénéficiaires de la CMU qui auront choisi, pour leur couverture complémentaire, les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) et ceux qui auront choisi les organismes complémentaires. En effet, seuls ces derniers bénéficieront d'une période de maintien des droits à la sortie du dispositif CMU.

M. Jean-Marie Spaeth s'est interrogé sur les modalités de financement d'une telle prise en charge si elle était instituée par la loi au profit des bénéficiaires de la CMU ayant choisi de confier aux caisses primaires la gestion de leur couverture complémentaire.

M. Charles Descours, rapporteur , constatant que l'Etat compensait trop rarement les charges nouvelles qu'il imposait aux organismes de sécurité sociale, a déclaré partager les craintes exprimées par le président de la CNAMTS.

V. SÉANCE DU MERCREDI 4 MAI 1999

A. AUDITION DE M. JEAN-PIERRE DAVANT, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION NATIONALE DE LA MUTUALITÉ FRANÇAISE (FNMF)

Sous la présidence de M. Jean Delaneau , président, la commission a poursuivi ses auditions sur le projet de loi n° 338 (1998-1999) portant création d'une couverture maladie universelle (CMU).

Elle a tout d'abord entendu M. Jean-Pierre Davant, président de la fédération nationale de la mutualité française (FNMF).

M. Charles Descours, rapporteur, a souhaité connaître la position générale de la FNMF sur le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle. Il lui a aussi successivement demandé combien les mutuelles allaient-elles perdre d'adhérents avec la mise en oeuvre de ce dispositif, s'il estimait qu'il était réaliste d'affirmer, comme le faisait le Gouvernement, que la CMU aurait un coût annuel de 9 milliards de francs et si la FNMF était à l'origine du chiffrage du coût de la couverture complémentaire individuelle à 1.500 francs par an. Il l'a interrogé sur le financement du dispositif et sur la légitimité de la participation des représentants des organismes complémentaires au Conseil d'administration du fonds chargé de financer la CMU. Il lui a demandé de porter une appréciation sur la pertinence du système imaginé par l'Assemblée nationale pour limiter les effets de seuil qui résulteraient de l'application du projet de loi. Il l'a enfin interrogé sur la définition de l'assiette de la contribution des organismes complémentaires instituée par ce projet de loi.

M. Jean-Pierre Davant a affirmé qu'il n'était pas acceptable que des personnes n'aient pas accès au système de soins, surtout dans un contexte où la collectivité nationale consacrait des ressources aussi importantes pour le financer. S'il a estimé que la CMU pouvait constituer une réponse à ce problème pour les citoyens qui en seraient bénéficiaires, il a déclaré qu'il aurait été possible de construire un autre dispositif que celui qui avait été prévu par le projet de loi. Il a notamment critiqué le fait que les organismes de protection sociale complémentaire soient appelés à financer la couverture maladie universelle et soient parallèlement opposés aux caisses primaires d'assurance maladie pour la mettre en oeuvre. Il a également observé que le projet de loi mettait les mutuelles en concurrence avec les compagnies d'assurance alors que ces deux types d'institutions n'incarnent pas la même éthique à l'égard de leurs assurés.

M. Jean-Pierre Davant a indiqué que 10 à 15 % des adhérents actuels des mutuelles interprofessionnelles seraient demain bénéficiaires de la CMU et que ce taux était beaucoup plus élevé pour les mutuelles qui assuraient la couverture complémentaire maladie des personnes non salariées. Soulignant le paradoxe de l'institution d'une couverture maladie universelle avant celle d'une assurance maladie universelle et les difficultés rencontrées pour obtenir une bonne connaissance des revenus des indépendants, il a estimé qu'au moins 20 % des personnes adhérant à des mutuelles de non salariés auraient désormais la possibilité de ne plus acquitter la cotisation pour leur couverture complémentaire.

M. Jean-Pierre Davant a estimé que l'évaluation d'un coût de 9 milliards de francs pour la mise en place de la CMU était probablement correcte pour la première année d'application du dispositif, mais a fait part d'une beaucoup plus grande incertitude pour les années qui suivraient. Evoquant l'estimation de 1.500 francs par personne et par an, il a apporté plusieurs précisions de nature à en relativiser la pertinence. Il a ainsi indiqué qu'elle avait été obtenue sur une base correspondant aux dépenses réalisées en 1995, et qu'il faudrait donc ajouter 15 % de cette somme pour obtenir un chiffrage réaliste au 1 er janvier 2000. Il a aussi affirmé que l'estimation avait été réalisée sur la base des dépenses engagées pour des personnes âgées de moins de 65 ans et indiqué que le coût de la couverture complémentaire des personnes plus âgées s'élevait en moyenne à 2.500 francs. Enfin, il a estimé que le coût de la couverture complémentaire dépendrait de la nature des accords qui pourraient être conclus entre les régimes obligatoires, les organismes de protection sociale complémentaire et les professionnels, craignant une explosion financière du coût de la CMU si les pouvoirs publics cédaient à la pression de ces derniers, notamment en matière dentaire et optique.

M. Jean-Pierre Davant a déclaré prendre acte de l'institution d'une contribution à la charge des organismes de protection sociale complémentaire, observant à cet égard que la mutualité en acquitterait l'essentiel en raison de sa position sur le marché de la protection complémentaire maladie. Répondant à l'argument selon lequel les mutuelles disposaient de réserves financières importantes qui pourraient être utilisées pour acquitter la nouvelle contribution, il a affirmé que ces réserves devraient être accrues plutôt que réduites dans le cadre de l'évolution européenne et qu'en dernier ressort les véritables contributeurs seraient les adhérents des mutuelles. Il a estimé légitime que les organismes de protection sociale complémentaire participent au conseil d'administration du fonds chargé du financement de la CMU.

Répondant à la question du rapporteur sur la création, par l'Assemblée nationale, d'un nouveau fonds dont les dépenses permettraient de limiter des effets de seuil , M. Jean-Pierre Davant a fait part de ses plus grandes réserves sur ce dispositif et il a estimé que seul un système faisant appel à une cotisation des bénéficiaires serait de nature à satisfaire cet objectif. Il a rappelé que la mutualité avait mis en place des systèmes solidaires permettant aux personnes titulaires de faibles revenus d'accéder à la protection complémentaire. Il a exprimé le voeu que l'institution de la CMU soit une mesure temporaire, dans l'attente d'une meilleure gestion du système de soins permettant à tous d'y accéder.

Evoquant enfin la définition de l'assiette de la contribution des organismes de protection sociale complémentaire, M. Jean-Pierre Davant a affiché sa préférence pour une référence au montant des prestations versées en matière de santé.

M. Charles Descours, rapporteur, a interrogé le président de la FNMF sur la prise de position d'une mutuelle de la fonction publique, selon laquelle l'institution de la couverture médicale universelle telle qu'elle était prévue par le projet de loi portait en germe une privatisation de la sécurité sociale. Il s'est demandé si les caisses primaires d'assurance maladie auraient les moyens de contrôler effectivement le niveau des ressources des personnes qui sollicitaient le bénéfice de la CMU.

Il a enfin demandé à M. Jean-Pierre Davant quelles institutions seraient chargées de déterminer le panier de soins remboursables et si la perte de 20 % d'adhérents entraînée par l'institution de la CMU pouvait menacer l'existence de certaines mutuelles.

M. Jean-Pierre Davant a estimé que la mise en concurrence des caisses primaires et des organismes de protection sociale complémentaire constituait un réel danger politique.

Il a émis des doutes sur l'importance des moyens dont disposaient les caisses primaires pour appréhender de manière efficace l'ensemble des ressources des personnes sollicitant le bénéfice de la CMU.

M. Jean-Pierre Davant a affirmé que l'accord qui venait d'être conclu entre la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAM) et les représentants des mutuelles et des compagnies d'assurance ne concernait pas seulement les bénéficiaires de la CMU, mais l'ensemble des assurés sociaux. Il a indiqué que les organismes de protection sociale complémentaire avaient le choix, soit d'acquitter une contribution représentant 1,75 % de leur chiffre d'affaires, soit d'entrer véritablement dans la gestion du dispositif de la CMU. Affirmant sa préférence pour un scénario partenarial avec la CNAM, il a affirmé que si les organismes de protection sociale complémentaire n'étaient pas associés à la maîtrise du dispositif, ils se contenteraient de payer la taxe, l'Etat étant alors invité à assumer ses responsabilités.

M. Jean-Pierre Davant a confirmé que l'avenir de certaines mutuelles de petite dimension pourrait être menacé par l'institution de la CMU.

Interrogé par M. Jean Delaneau, président, il a précisé que de grandes mutuelles avaient maintenu un système de solidarité se traduisant par des cotisations proportionnelles aux salaires des adhérents et que d'autres avaient mis en place des cotisations en fonction de l'âge, afin de permettre au plus grand nombre d'accéder à une couverture complémentaire.

M. François Autain a demandé à M. Jean-Pierre Davant s'il accordait sa préférence à un système où les caisses primaires d'assurance maladie continuent d'assumer la mission qui est la leur plutôt que d'entrer dans le champ de la protection sociale complémentaire.

M. Jean-Pierre Davant lui a répondu par l'affirmative.

B. AUDITION DE MME DOMINIQUE POLTON, DIRECTEUR DU CENTRE DE RECHERCHE D'ÉTUDE ET DE DOCUMENTATION EN ÉCONOMIE DE LA SANTÉ (CREDES), ET DE M. MICHEL GRIGNON, DIRECTEUR DE RECHERCHE

La commission a ensuite procédé à l'audition de Mme Dominique Polton, directrice du Centre de recherche d'étude et de documentation en économie de la santé (CREDES), et de M. Michel Grignon, directeur de recherche .

M. Charles Descours, rapporteur, a demandé quelle était la part de la population concernée par la CMU disposant déjà d'une couverture complémentaire, notamment dans le cadre de leur entreprise. Il s'est interrogé sur le niveau de la couverture maladie complémentaire de ces personnes et sur l'homogénéité existant entre les branches professionnelles. Citant l'évaluation faite par le Gouvernement d'un coût de 1.500 francs par personne, il a demandé si elle était raisonnable et si l'institution d'une couverture maladie universelle n'allait pas se traduire par un effet de " rattrapage ".

Répondant à la question du rapporteur sur la part de la population concernée par la couverture maladie universelle disposant déjà d'une couverture complémentaire , Mme Dominique Polton a détaillé les résultats d'une enquête réalisée en 1996 auprès d'un échantillon de bénéficiaires dépendant des trois principaux régimes d'assurance maladie. M. Michel Grignon a précisé que cette enquête se fonde sur une échelle d'équivalence, dite " échelle d'Oxford " (1 pour le chef de ménage, 0,7 pour le deuxième adulte et 0,5 pour les moins de quatorze ans), qui est différente de celle retenue par le projet de loi (1 pour le chef de ménage, 0,5 pour le deuxième adulte et 0,3 pour les moins de quatorze ans). Sur 8,5 millions de personnes ayant moins de 3.000 francs de revenu par unité de consommation (au lieu de 6 millions de personnes dans le cadre de l'échelle retenue par la CMU), 6,3 millions disposeraient déjà d'une couverture complémentaire, dont 2,7 millions via leur entreprise. Plus le revenu par unité de consommation est élevé, plus la part des personnes dont l'entreprise assure cette couverture est importante. Mme Dominique Polton a toutefois souligné que le pourcentage de personnes couvertes était probablement surestimé, du fait du mode d'enquête qui ne permet d'appréhender que des personnes disposant d'un logement et plus généralement celles qui sont le mieux insérées socialement.

En réponse à une observation de M. Charles Descours, rapporteur , Mme Dominique Polton a confirmé que la couverture maladie universelle aurait pour conséquence une perte de cotisations pour les organismes de protection complémentaire.

Concernant le niveau de couverture, Mme Dominique Polton a reconnu que cette question était effectivement essentielle. Elle a précisé qu'il n'existait malheureusement pas, pour l'instant, de données objectives sur la qualité de la couverture et que les seules informations connues étaient subjectives, fondées sur l'opinion des personnes interrogées sur le niveau de remboursement. Elle a observé que cette enquête faisait apparaître que le pourcentage de personnes jugeant que leur couverture prend en charge " intégralement ", ou " bien ", leurs dépenses n'était pas différent chez les personnes ayant des revenus inférieurs à 3.000 francs par rapport au reste de la population. Elle a toutefois précisé qu'il lui semblait probable que les couvertures collectives (d'entreprise) offrent un meilleur niveau de protection et un meilleur rapport qualité/prix, par rapport aux contrats souscrits individuellement.

M. Michel Grignon a remarqué que le niveau de revenus n'était pas un facteur déterminant de renoncement aux soins, contrairement au fait d'être couvert ou non par une assurance complémentaire.

Mme Dominique Polton a indiqué qu'elle ne disposait pas d'informations sur la question de l'homogénéité entre les différentes branches professionnelles.

Concernant l'évaluation d'un coût de 1.500 francs par personne retenu par le Gouvernement, Mme Dominique Polton a observé que trois types d'éléments devaient être pris en compte : les dépenses moyennes restant à charge des bénéficiaires, après couverture obligatoire, les caractéristiques de la population ciblée par la CMU et l'étendue de la couverture. Pour les dépenses moyennes restant à charge (ticket modérateur, forfait journalier, dépassements), l'évaluation est de 1.775 à 1.915 francs selon les sources et les méthodes d'estimation. M. Michel Grignon a expliqué que la population ciblée par la CMU présentait deux caractéristiques : sa structure d'âge, nettement plus jeune que la population totale, ce qui en fait un public moins dépensier, et ses comportements spécifiques de consommation, dont on ne sait s'ils vont s'aligner sur ceux de la moyenne générale, ou s'ils vont rester inférieurs pour des raisons socioculturelles. Les données recueillies auprès des départements ayant mis en place une carte santé semblent montrer la persistance de comportements spécifiques de recours aux soins. Enfin, le dispositif retenu pour la CMU peut conduire à ce que les dépassements pris en charge soient inférieurs au dépassement total.

Concernant un éventuel effet de " rattrapage " lié à la mise en place de la couverture maladie universelle, Mme Dominique Polton , après avoir précisé que le CREDES n'avait pas mené d'étude spécifique sur cette question, a remarqué que les données obtenues dans les départements montraient un phénomène de croissance de la consommation médicale, mais qu'il n'existait pas de " système d'investissement préalable ".

M. Jean Chérioux s'est interrogé, au-delà d'une bénéfique uniformisation, sur les modifications réelles apportées par la couverture maladie universelle, à partir du moment où les départements avaient mis en place des systèmes de couverture complémentaire, trop souvent méconnus.

Mme Dominique Polton a rappelé que le CREDES travaillait sur des sources fournies par les régimes d'assurance maladie, et non sur les données des conseils généraux.

Répondant à une interrogation de Mme Marie-Madeleine Dieulangard sur " l'échelle d'Oxford " et les systèmes définis pour apprécier le niveau des ressources, Mme Dominique Polton a observé qu'il s'agissait d'enquêtes sur des revenus déclarés et que l'échelle d'Oxford avait été très utilisée, avant le recours à l'échelle retenue pour le revenu minimum d'insertion (RMI) qui sert pour le projet de loi CMU. M. Michel Grignon a précisé qu'au-delà de la pertinence des échelles utilisées, il était particulièrement audacieux de garder la même échelle pour des personnes à faible revenu comme pour des personnes plus aisées.

M. Dominique Leclerc , établissant un parallèle entre les chiffres utilisés dans le cadre de l'objectif national d'assurance maladie (ONDAM) et les chiffres utilisés par le CREDES, a fait observer que les différentes enquêtes menées dépendaient de la fiabilité des chiffres fournis par l'assurance maladie.

Mme Nicole Borvo s'est interrogée sur le nombre de personnes (2,7 millions) disposant d'un revenu inférieur à 3.000 francs par unité de consommation et actuellement concernées par une couverture complémentaire dans le cadre de leur entreprise.

M. Michel Grignon a expliqué qu'une famille composée d'un salarié au SMIC, d'un adulte ne travaillant pas et de deux enfants, disposait d'un revenu inférieur à 3.000 francs par unité de consommation.

C. AUDITION DE M. MICHEL DOLLÉ, RAPPORTEUR GÉNÉRAL AU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'EMPLOI, DES REVENUS ET DES COÛTS (CSERC)

La commission a alors entendu M. Michel Dollé, rapporteur général au Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts (CSERC).

M. Jean Delaneau, président, a rappelé que le CSERC s'était intéressé aux phénomènes de " désincitation " et que la couverture maladie universelle pouvait présenter le risque de ne pas favoriser la recherche d'emploi.

M. Michel Dollé a tout d'abord précisé qu'il n'était un spécialiste ni de l'économie de la santé, ni de la sécurité sociale. Il a observé qu'un accord général existait sur la nécessité de reconnaître le droit à l'accès aux soins comme un droit fondamental, alors que la gratuité n'est pas assurée par le mode de fonctionnement du système de santé. Il a indiqué que l'existence d'une " zone de passage " entre la prise en charge totale des frais de santé et la prise en charge partielle posait problème. Citant l'exemple de l'allocation parent isolé (API), où le passage de l'API (revenu non imposable) à un salaire (revenu imposable) entraînait une diminution de l'allocation logement, alors que les revenus sont identiques, il a observé qu'un tel " effet de trappe " pouvait à la fois constituer une désincitation au travail et être condamnable au regard de la justice sociale. Citant un rapport relativement récent du CSERC, il a toutefois ajouté qu'il ne fallait pas surestimer ce facteur désincitatif, les personnes en recherche d'emploi espérant un gain futur plus important et, en tout état de cause, une réinsertion dans la société. Il a observé que les différentes enquêtes de l'INSEE sur les personnes touchant le RMI faisaient apparaître le frein important que représentent les problèmes de santé à la possibilité de trouver un emploi. Il a estimé que la généralisation de la couverture maladie pourrait, de ce fait, avoir un effet incitatif sur la recherche de travail.

M. Michel Dollé a estimé que le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle comportait deux effets de seuil. Il a observé que le premier effet de seuil, se situant au niveau de la couverture de base, ne se posait que pour les seules personnes prenant un emploi non salarié, ces personnes devant cotiser sur la totalité de leurs revenus. Il a indiqué que la seule solution pour supprimer cet effet de seuil était d'instituer une franchise, en remontant le taux moyen. En ce qui concerne le second effet de seuil, relatif à l'assurance complémentaire, il a observé que la difficulté tenait au caractère facultatif de cette assurance. Il a noté qu'il était de toute façon nécessaire d'atténuer cet effet de seuil, en adoptant un mécanisme similaire à celui prévu pour le revenu minimum d'insertion, à savoir une phase transitoire d'un an, ce qui est prévu par le projet de loi pour les bénéficiaires de la CMU ayant choisi les organismes de protection complémentaire. Il a remarqué que cette disposition ne valait que pour les personnes effectuant un passage temporaire au sein du dispositif, avant de disposer de revenus plus importants. Pour les personnes qui restent dans la zone proche du seuil de la CMU, la technique d'une année de transition n'est pas suffisante. M. Michel Dollé a estimé que la seule solution était d'attribuer une aide dégressive par rapport au revenu, et non pas par rapport à la date d'entrée du dispositif.

M. Jean Delaneau, président, a estimé qu'il convenait d'être d'une grande prudence concernant les phénomènes d'incitation ou de désincitation.

Répondant à une interrogation de M. Jean Chérioux sur la définition des ressources nécessaires, M. Michel Dollé a déclaré qu'il était essentiel, à partir du moment où le travail est considéré dans la société contemporaine comme la base de l'autonomie de la personne, qu'une situation de travail appelle des revenus plus élevés qu'une situation de non-travail.

VI. SÉANCE DU MERCREDI 19 MAI 1999

A. AUDITION DE M. MICHEL MERCIER, PRÉSIDENT, ET M. BERNARD CAZEAU, VICE-PRÉSIDENT, DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES DE L'ASSEMBLÉE DES DÉPARTEMENTS DE FRANCE (ADF)

Elle a d'abord entendu M. Michel Mercier, président, et M. Bernard Cazeau, vice-président, de la commission des affaires sociales de l'Assemblée des départements de France (ADF).

M. Michel Mercier
a tout d'abord évoqué la position générale de l'Assemblée des départements de France (ADF) concernant la couverture maladie universelle (CMU).

Il a tout d'abord rappelé que s'agissant de la couverture de base, les départements étaient essentiellement cantonnés à un rôle passif d'organisme payeur au vu des demandes d'aide médicale gratuite qui étaient transmises par les caisses d'allocations familiales.

Il a souligné en outre que les droits à l'assurance maladie étaient difficiles à établir, ce qui rendait particulièrement complexe la gestion administrative de cette compétence.

S'agissant de la couverture complémentaire, M. Michel Mercier a souligné que les départements avaient pris un certain nombre d'initiatives positives qui devaient être conservées. Il a évoqué également l'aspect positif du traitement personnalisé des demandes d'aide médicale.

D'une manière générale, il a souligné que l'ADF était favorable au principe de la CMU prévue par le projet de loi dans la mesure où les conseils généraux regrettaient la fracture entre la protection médico-sociale accordée aux travailleurs cotisant à la sécurité sociale et la situation de précarité des personnes qui n'était pas intégrées au monde du travail et ne remplissaient pas les conditions légales pour bénéficier de la sécurité sociale.

Il a tenu à rappeler que le projet de loi " ne partait pas de rien " et bénéficiait de l'expérience et des initiatives prises par les collectivités locales, notamment par les départements, afin d'assurer l'accès aux soins des personnes en difficulté.

Sur le plan financier, il a rappelé que la mise en oeuvre de la CMU soulevait divers problèmes relatifs à l'évaluation du coût actuel de l'aide médicale gratuite, aux transferts financiers consécutifs aux transferts de compétences en matière d'aide médicale et aux relations financières entre les diverses catégories de collectivités territoriales.

Soulignant qu'il convenait de ne pas opposer artificiellement les communes et les départements sur la question du contingent communal d'aide sociale, il a rappelé que l'ADF souhaitait la suppression de ce contingent tout en demandant que soit préservée la neutralité financière indispensable à l'exercice des compétences d'action sociale.

M. Charles Descours s'est interrogé sur la situation des départements qui avaient adopté des barèmes d'aide médicale plus avantageux que le minimum légal, sur le bien-fondé de l'imputation des dépenses facultatives d'aide médicale financée par les départements en diminution de la dotation générale de décentralisation (DGD), sur les conséquences pour les départements de l'effet de seuil pour les personnes dépassant le plafond de ressources de 3.500 francs fixé au titre de la CMU, sur l'évaluation du coût unitaire de la prise en charge à 100 % des personnes en difficulté, et sur les modalités concrètes de la réforme des contingents communaux d'aide sociale.

M. Michel Mercier , concernant le transfert financier consécutif au transfert de compétence en matière d'aide médicale, a tout d'abord rappelé que pour de nombreux départements, la mise en oeuvre de la CMU aboutirait à un calcul de DGD " négative ", c'est-à-dire à des reversements au profit du budget de l'Etat.

Après avoir rappelé qu'une dizaine de départements avaient mis en oeuvre une couverture complémentaire pour des niveaux de ressources plus élevés que le seuil de 3.500 francs retenu pour la CMU, il a estimé que l'ADF n'avait pas vocation à revenir sur des décisions prises au niveau local et qu'il lui appartenait, dans le cadre de son avis sur la compensation financière, de respecter le contenu des délibérations prises par chacun des départements.

En revanche, il a considéré que, dès lors que la réforme serait entrée en application, il n'incomberait pas aux départements de créer un barème spécifique d'aide médicale pour les personnes dépassant le niveau de ressources de 3.500 francs par mois et qui ne bénéficieront pas de la CMU.

Il a souligné néanmoins que les départements conserveraient une capacité d'intervention au titre de l'action sociale générale qui relève de leur compétence.

S'agissant de l'effet de seuil au-delà du plafond de ressources, il a rappelé que celui-ci avait toujours existé, même s'il était variable selon les départements, et il a observé que l'effet de seuil était amplifié par l'objectif même du projet de loi, qui est d'instituer une couverture complémentaire au niveau national.

Il a considéré que si le seuil de 3.500 francs paraissait trop bas, il appartiendrait à l'Etat de prendre les mesures nécessaires pour relever le niveau du plafond de ressources, mais que les départements n'avaient pas pour rôle de pallier les insuffisances du dispositif d'Etat.

Concernant le coût réel de la prise en charge de la couverture complémentaire des personnes, relevant actuellement de l'aide médicale, il a indiqué tout d'abord que le montant de 5,5 millions de francs retenus au titre des dépenses départementales devait être manié avec prudence dans la mesure où il s'agissait de dépenses brutes qui n'intégraient pas certaines compensations. En outre, prenant l'exemple du département du Rhône, il a rappelé que les bénéficiaires de l'aide médicale gratuite présentaient un profil de consommation médicale et pharmaceutique inférieur à la moyenne. Il a estimé toutefois que le montant de 1.500 francs retenu pour estimer le coût de la couverture complémentaire au titre de la CMU était sans doute sous-évalué, sans même prendre en compte l'effet induit par la mise en place d'une couverture généralisée sur le plan national.

S'agissant des relations entre les départements et les communes, il a rappelé que l'aide médicale devait représenter globalement en moyenne un peu plus de 10 % de l'assiette du contingent communal d'aide sociale et il a souligné que les conseils généraux ne pourraient pas durablement continuer à demander aux communes de participer à des dépenses liées à une compétence que les départements n'exerceraient plus.

Constatant par ailleurs qu'il était impossible de déterminer pour chaque commune quelle était la part du contingent communal imputable à l'aide médicale, il a estimé inévitable de supprimer le dispositif des contingents communaux d'aide sociale, qui apparaissait comme une source potentielle de conflit entre les communes et les départements.

Il a considéré que l'argument selon lequel le dispositif des contingents communaux jouerait le rôle d'un " ticket modérateur des dépenses communales " ne correspondait plus à la réalité en raison du caractère quasi automatique des admissions à l'aide sociale.

Il a regretté que l'opacité des modalités de calcul des contingents ouvre la voie aux critiques de la part des communes.

Il a donc estimé que l'Etat devait organiser la suppression des contingents communaux d'aide sociale, en assurant une compensation au travers de la DGD et de la dotation globale de fonctionnement (DGF), afin d'éviter le risque d'une augmentation de la pression fiscale locale.

M. Bernard Cazeau a apporté une nuance sur la question de la mise en place d'aide médicale complémentaire sur l'initiative des départements, en rappelant que certains conseils généraux considéraient qu'il ne leur était pas interdit de prendre en compte l'effet de seuil pour les personnes dont les ressources excéderaient 3.500 francs de ressources et de traiter sur le terrain, au cas par cas, ce type de problème.

Concernant le contingent communal d'aide sociale, il a souligné que cette question devait être traitée rapidement, en même temps que la mise en oeuvre de la CMU, tout en soulignant qu'il était impossible de distinguer à l'intérieur du contingent versé par chaque commune la part relevant de l'aide médicale.

M. Jean Delaneau, président, a rappelé qu'à la suite de la délibération du comité des finances locales du 17 mars dernier, un groupe de travail avait été constitué entre la direction générale des collectivités locales et les associations d'élus locaux. Il a estimé nécessaire de se référer aux résultats de ces travaux de concertation.

M. Jean Chérioux a souligné que le mode de calcul retenu pour compenser financièrement les transferts de compétence résultant de la CMU pénalisait les départements qui avaient mis en place des dispositifs de " carte-santé " en faveur des personnes à faibles revenus au-delà du montant de ressources prévu pour l'attribution du RMI. Il a souligné que l'application de la CMU risquait de défavoriser les personnes qui entraient dans le champ des dispositifs départementaux actuels mais dont le niveau de ressources excédait le plafond mis en place par la CMU.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard , après avoir constaté que la majorité des départements s'était déclarée favorable à la recentralisation de l'aide médicale, s'est demandé si la décentralisation de cette compétence en 1983 avait été, dès l'origine, une erreur ou si le dispositif décentralisé avait été fragilisé par l'aggravation de la pauvreté dans notre pays. Elle s'est interrogée sur la mise en place de fonds locaux d'aide sociale adossés à des crédits versés par les communes, les départements et les caisses de sécurité sociale, qui permettraient de gommer les effets de seuil.

Elle a noté que la prise en compte d'un coefficient de réduction de 5 % sur le montant des dépenses nettes d'aide médicale pour le calcul du transfert au titre de la DGD permettrait aux départements de disposer de crédits pour renforcer les mesures d'action sociale générale. Elle s'est interrogée sur le coût de la mise en oeuvre d'un troisième niveau d'aide en faveur des personnes, au-dessus du seuil de ressources de 3.500 francs.

En réponse, M. Michel Mercier a tout d'abord noté que si l'action des départements au titre de l'aide médicale avait parfois pu faire l'objet de critiques en raison d'une certaine disparité des niveaux de prise en charge, la mise en oeuvre de la CMU montrait aujourd'hui qu'un système d'aide au niveau national soulevait également des problèmes. A cet égard, il a souligné que les départements avaient réalisé un effort important pour assurer un traitement personnalisé des demandeurs de l'aide médicale et il s'est demandé si l'administration de la sécurité sociale était aujourd'hui apte à opérer le " changement culturel " qui serait nécessaire pour accompagner efficacement les personnes en difficulté qui demanderaient la CMU.

Concernant le coefficient de réduction de 5 % sur le prélèvement au titre de la DGD, il a rappelé que la somme correspondante n'était pas un " gain " pour les départements mais qu'elle compensait le coût des dysfonctionnements du dispositif actuel qui aboutissait à ce que les départements prennent en charge les cotisations d'assurance personnelle de personnes qui avaient en réalité un droit à prestation de la sécurité sociale, mais qui avaient dû renoncer à obtenir l'application de ce droit, du fait de sa complexité administrative.

De ce point de vue, il a estimé que la mise en place de la CMU pourrait provoquer des économies si la sécurité sociale effectuait bien les rapprochements nécessaires pour éviter les doubles prises en charge.

S'agissant de l'hypothèse de la mise en place de fonds locaux pour pallier les effets de seuil, il a considéré qu'instaurer de tels dispositifs reviendrait à contester implicitement le projet de loi et à souligner ses insuffisances.

M. Charles Descours s'est demandé si le personnel des caisses de la sécurité sociale serait motivé pour prendre en charge dans de bonnes conditions les futurs titulaires de la couverture maladie universelle.

M. Jean Delaneau, président, s'est interrogé sur le risque d'une " sécurité sociale à deux vitesses ", plus défavorable pour les couches moyennes que pour les personnes bénéficiant des effets de seuil induits par le RMI ou par la CMU.

M. Bernard Cazeau a souligné que le mécanisme de la CMU connaîtrait une période de rodage et qu'il fallait éviter une approche caricaturale de l'action des services de la sécurité sociale.

M. Jean Delaneau, président, a rappelé que la CMU n'était pas un dispositif expérimental, et qu'il serait intégralement appliqué au 1 er janvier 2000.

M. Gilbert Chabroux a rappelé que l'objectif de la loi était positif, même si ses modalités étaient perfectibles. Il a rappelé que la réforme des contingents communaux d'action sociale devait impérativement éviter d'entériner les disparités actuelles en matière de calcul des contingents communaux entre départements et communes.

Prenant l'exemple du département du Rhône où une politique généreuse en matière d'aide sociale avait produit ses effets au cours des deux dernières années, il s'est demandé si le choix de l'année de 1997, pour l'année de référence d'évaluation des dépenses d'aide médicale, était la plus réaliste.

M. Alain Vasselle s'est interrogé sur les conditions dans lesquelles l'ADF avait pris sa délibération à propos de la CMU et a rappelé que dans le département de l'Oise, 10 % des bénéficiaires de l'aide médicale devrait être exclu du champ de la CMU du fait du seuil de ressources. Il a évoqué le problème du maintien du personnel administratif à la charge des départements en soulignant les difficultés de reconversion. Il a insisté sur la nécessité d'une instruction communale des dossiers afin de maintenir une analyse personnalisée des demandes.

M. Alain Gournac a souligné l'importance d'une approche de proximité pour les plus démunis tout en faisant valoir les effets pervers du texte pour les personnes au-dessus du seuil de ressources de 3.500 francs. Il a rappelé que les Français devaient continuer à être conscients du rôle important qui était joué par les départements en matière d'aide sociale.

M. Michel Mercier a rappelé que la concertation au sein des groupes de travail mis en place par la direction générale des collectivités locales (DGCL) du ministère de l'intérieur se poursuivait, en souhaitant que ces travaux puissent déboucher sur une traduction concrète dans l'actuel projet de loi. Il a souligné l'avantage que retireraient progressivement les communes, dès lors que la suppression des contingents communaux serait gagée par une diminution de la DGF dont le taux d'évolution était beaucoup plus modéré que celui des dépenses sociales.

Concernant la position de l'ADF, il a rappelé qu'il serait impossible de demander aux départements, qui avaient respecté les obligations légales, de supporter une baisse de leur DGD qui serait supérieure au niveau réel de leurs dépenses d'aide médicale. Il a donc estimé qu'il était raisonnable de s'en tenir au respect des décisions qui avaient été prises au niveau de chaque département.

Il a souligné qu'il serait important que les départements continuent à jouer un rôle d'action sociale de proximité en travaillant en amont de la demande de couverture au titre de la CMU.

Il a rappelé, en outre, que l'ADF était très attachée à l'article 37 novodecies du projet de loi tendant à imposer un taux directeur opposable aux dépenses des établissements sociaux médico-sociaux financés par les départements.

B. AUDITION DE M. DENIS KESSLER, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DES SOCIÉTÉS D'ASSURANCE (FFSA), ACCOMPAGNÉ DE M. ANDRÉ RENAUDIN, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DU GROUPEMENT DES ASSURANCES DE PERSONNES

Puis, la commission a entendu M. Denis Kessler, président de la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA), accompagné de M. André Renaudin, délégué général du groupement des assurances de personnes .

M. Charles Descours, rapporteur, a souhaité connaître la position de la FFSA sur le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle. Il s'est interrogé sur les raisons qui avaient incité la FFSA à participer à ce dispositif.

Il a demandé à M. Denis Kessler quelle appréciation la FFSA portait sur le financement du dispositif et a souhaité savoir si l'évaluation d'un coût de 1.500 francs par bénéficiaire de la CMU paraissait raisonnable.

Il a souhaité connaître la position de la FFSA sur le fonds inséré dans le texte par l'Assemblée nationale et destiné à atténuer les effets de seuil de la CMU ainsi que sur la définition de l'assiette de la contribution des organismes complémentaires prévue par le projet de loi. Il a interrogé M. Denis Kessler sur le protocole d'accord conclu entre la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), la FFSA et les représentants des mutuelles.

En réponse à M. Charles Descours, M. Denis Kessler a estimé que le projet de loi répondait à une intention louable, mais reposait sur des modalités qui n'étaient pas satisfaisantes.

M. Denis Kessler a observé tout d'abord que la CMU symbolisait l'échec du revenu minimum d'insertion (RMI), considéré comme le revenu minimum nécessaire pour répondre aux dépenses de première nécessité. En créant la CMU, on reconnaissait implicitement que le RMI était insuffisant pour assurer le minimum vital.

M. Denis Kessler a regretté que le Gouvernement ait finalement choisi, après six mois de concertation avec les organismes de couverture complémentaire, un dispositif différent de celui sur lequel les organismes d'assurance et les mutuelles s'étaient engagés. Il a jugé que l'on ne pouvait, comme le faisait le Gouvernement, à la fois prôner la concertation et renoncer à un scénario véritablement partenarial.

Il a considéré que le dispositif du projet de loi se caractérisait par une confusion des rôles entre les régimes de base et les organismes de couverture complémentaire. Il a jugé que cet aspect soulevait un réel problème de conformité au droit européen.

M. Denis Kessler a ajouté que le projet de loi allait entraîner de nombreux autres effets pervers tels que des effets de seuil, des effets d'aubaine, des effets d'éviction.

Evoquant l'estimation du coût par bénéficiaire de la protection complémentaire, il a jugé sous-évalué le montant choisi de 1.500 francs. Il a rappelé que les taux de remboursement n'étaient pas les mêmes dans tous les régimes de base de sécurité sociale. Il a jugé indispensable que soit institué un mécanisme d'évaluation des coûts réels et que la détermination des taux de prise en charge complémentaire se fasse en fonction du régime d'affiliation.

Il a indiqué que les organismes d'assurance avaient fait le choix de participer à la CMU, car l'assurance complémentaire était précisément leur métier. Il a rappelé que la couverture de base était prise en charge par la sécurité sociale et, par conséquent, interdite aux organismes d'assurance. En revanche, la couverture complémentaire, qu'elle soit réalisée par des mutuelles ou des sociétés d'assurance, relevait d'une logique de marché.

Il a souligné que la solution au problème réel que constituait l'accès aux soins d'une partie de la population aurait été de solvabiliser cette population afin de lui permettre de s'adresser à l'organisme complémentaire de son choix.

Evoquant le fonds de financement de la protection complémentaire, M. Denis Kessler a estimé que la présence des représentants des organismes complémentaires au conseil d'administration de ce fonds aurait été légitime. Il a regretté que l'amendement en ce sens présenté par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale ait finalement été rejeté par cette Assemblée. Il a souligné que les organismes complémentaires, qui constituaient les financeurs de ce fonds, demandaient simplement à être représentés au conseil d'administration de ce fonds, sans y être naturellement majoritaires.

S'agissant du système imaginé par l'Assemblée nationale pour limiter les effets de seuil, M. Denis Kessler a jugé qu'il s'apparentait à une boutade.

Après avoir estimé que la multiplication des seuils dans la législation fiscale et sociale semblait une spécialité française, M. Denis Kessler a constaté que toute tentative pour supprimer un seuil aboutissait inéluctablement à la création d'un nouveau seuil. Il a indiqué que les sociétés d'assurance auraient préféré un mécanisme dégressif de solvabilisation de la demande, grâce à une aide personnalisée à la santé versée par les caisses d'allocations familiales, lesquelles connaissaient déjà les revenus d'une grande partie de la population.

M. Denis Kessler a souligné que les sociétés d'assurance n'étaient pas satisfaites de la définition de l'assiette de la contribution des organismes complémentaires prévue par le projet de loi, qui comprenait les frais de soins, mais également les indemnités journalières et d'invalidité qui ne devraient pas y figurer. Il a rappelé que les sociétés d'assurance devaient acquitter une taxe de 7 % sur leurs contrats d'assurance santé et a souhaité que cette taxe ne s'applique pas à la cotisation de 1,75 % destinée à financer la couverture complémentaire.

Evoquant la nécessité de préserver la répartition des rôles entre les différents acteurs de la protection sociale, M. Denis Kessler a indiqué que les sociétés d'assurance, les mutuelles et la CNAMTS avaient signé un protocole prévoyant que les caisses primaires d'assurance maladie n'interviendraient pour la couverture complémentaire qu'en cas de carence des organismes complémentaires.

En réponse à M. Charles Descours qui s'interrogeait sur le coût réel de la couverture complémentaire, M. André Renaudin, délégué général du groupement des assurances de personnes, a indiqué que le montant de 1.500 francs devait être réévalué. Il a expliqué que ce chiffre avait été établi à partir d'un profil de population différent de celui choisi pour la CMU ; il a également rappelé que les différences entre la Caisse nationale d'assurance maladie maternité des professions indépendantes (CANAM) et la CNAMTS en matière de prestations de base se traduisaient par un coût moyen plus élevé de 500 francs pour les bénéficiaires de la CMU qui ressortissent de la CANAM.

M. Charles Descours, rapporteur, a considéré que la sous-estimation du coût de la couverture complémentaire pouvait entraîner un désengagement des organismes complémentaires, qui ne seraient guère incités à accueillir les bénéficiaires de la CMU. Il a jugé qu'une telle situation risquait de provoquer un afflux de demandeurs de la CMU dans les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) et, par conséquent, une dérive des dépenses de la branche maladie. Il a craint que cette augmentation des dépenses ne soit pas compensée par l'Etat et soit constatée dès l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

M. Denis Kessler a souligné que le projet de loi risquait de susciter un effet d'éviction : un certain nombre de personnes cotisant jusqu'ici pour une couverture complémentaire pourraient en effet bénéficier d'une couverture complémentaire gratuite. Il a considéré que les conséquences de cet effet d'éviction seraient particulièrement lourdes pour certaines sociétés d'assurance et certaines mutuelles.

M. André Renaudin a confirmé que les petites structures mutualistes risquaient de rencontrer, de ce fait, de graves difficultés financières.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à débattre d'un projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle dont la moitié des articles... ne concerne pas la couverture maladie universelle.

Le Gouvernement a en effet choisi, en complétant le texte de son projet de loi initial par un titre IV intitulé " Modernisation sanitaire et sociale " et comportant six articles, de donner une légitimité aux multiples amendements relevant de la catégorie des " diverses dispositions d'ordre sanitaire et social " qui seraient ensuite déposés au Parlement.

Le projet de loi est de surcroît soumis à déclaration d'urgence qui empêche toute navette avant la réunion d'une commission mixte paritaire.

Votre rapporteur reviendra sur ce point avec son collègue M. Claude Huriet, rapporteur des dispositions du titre IV du projet de loi, dans le tome 2 du présent rapport.

Mais il a souhaité le rappeler ici, les conditions d'examen des deux volets du projet de loi, la création d'une couverture maladie universelle et les diverses dispositions d'ordre sanitaire et social étant affectées par la procédure qu'a cru devoir retenir le Gouvernement.

Votre commission a procédé, malgré cela, à de nombreuses auditions et à un travail sérieux qui lui ont permis d'élaborer un scénario alternatif au projet de loi qui lui est présenté, d'ambition généreuse mais " mal ficelé " et porteur de graves dérives, tant sur le plan financier que pour l'avenir de la sécurité sociale.

A cet égard, elle souhaite que le projet comporte un véritable dispositif d'évaluation sous la forme d'un bilan annuel de son application et d'un suivi précis, au sein des comptes sociaux, des recettes et des dépenses tant de la couverture de base prévue au titre I du projet de loi que de la couverture complémentaire mise en place par son titre II.

Votre commission tient à affirmer son attachement au projet de loi tel qu'il avait été envisagé par M. Jean-Claude Boulard, parlementaire en mission, dans son rapport publié au mois d'août 1998, plutôt qu'à celui qui a été accepté par le même M. Jean-Claude Boulard, rapporteur de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales à l'Assemblée nationale.

Votre commission tient à souligner le paradoxe existant entre, d'un côté, un projet de loi très généreux, devant bénéficier à 10 % de la population française et remédier aux difficultés d'accès aux soins et qui aurait dû emporter l'adhésion enthousiaste de tous, et les réactions unanimement réservées ou hostiles de tous les interlocuteurs et partenaires rencontrés par votre commission, qu'il s'agisse des associations oeuvrant en faveur des personnes défavorisées, des représentants des organismes de protection sociale complémentaire qui avaient initialement accepté de participer au projet et de le financer, ou des représentants des régimes de base de l'assurance maladie.

Sans rien enlever à la générosité du projet, votre commission vous propose de le modifier très sensiblement de telle sorte que, dépourvu de ses possibles dérives, il puisse recueillir l'accord de tous.

PREMIÈRE PARTIE
-
LE PROJET PRÉSENTÉ PAR LE GOUVERNEMENT

Votre commission estime tout d'abord que le projet généreux du Gouvernement, fondé sur un double constat, procède aussi d'un double oubli.

Elle souhaite ensuite évoquer quatre défauts majeurs du projet de loi, qui ne peuvent être acceptés : il repose sur des erreurs d'analyse, s'attaque aux fondements de la protection sociale, est inégalitaire et déresponsabilisant, et porte en germe, à très court terme, de graves dérives financières.

I. UN PROJET GÉNÉREUX, FONDÉ SUR UN DOUBLE CONSTAT ET UN DOUBLE OUBLI

Le projet de loi du Gouvernement est un projet de loi ambitieux et généreux : il vise à restaurer l'égalité d'accès aux soins, garantie par les principes constitutionnels, en donnant à tous les résidents réguliers l'accès à une couverture de base et à ceux dont les revenus sont les plus faibles une couverture complémentaire gratuite couvrant 100 % des dépenses engagées.

A. UN DOUBLE CONSTAT

1. Environ 150.000 personnes ne bénéficient pas, en pratique, de la sécurité sociale et celle-ci rembourse de plus en plus mal les dépenses de soins

a) 150.000 personnes exclues : une question d'accès aux droits plus que de droits

La sécurité sociale a été fondée, à la Libération, sur une logique professionnelle qui était demandée par tous les acteurs. Le besoin d'universalisation s'est traduit, au fil des ans, par de nombreuses améliorations législatives qui ont conduit au rattachement aux régimes existants de professions non couvertes, à l'élargissement de la notion d'ayant droit, à l'extension des périodes de maintien des droits mais aussi à la prise en charge de cotisations d'assurance maladie pour les bénéficiaires de certaines prestations, à la définition de droits à l'assurance maladie pour les personnes au chômage et à l'assouplissement des conditions d'affiliation aux régimes professionnels.

L'assurance personnelle, pour toutes les personnes ne relevant à aucun autre titre d'un régime professionnel, et l'aide médicale, pour celles qui sont dans le besoin, étaient de nature à " boucler " le dispositif pour assurer, en pratique, l'universalité de la couverture de base dans des régimes demeurés professionnels.

Pourtant, quelque 150.000 personnes, aujourd'hui, demeurent dépourvues de toute couverture de base. Est-ce à dire pour autant qu'elles n'ont droit à rien ?

Certes, non. Elles doivent pouvoir, si elles ont suffisamment de revenus, adhérer à l'assurance personnelle et, si elles n'en n'ont pas, bénéficier de l'aide médicale.

La question est, dès lors, moins une question de droit que d'accès au droit : il convient, notamment pour les personnes défavorisées, voire désocialisées, de prévoir des mécanismes simples, rapides d'affiliation et des mécanismes continus d'accès aux droits.

C'est ce qu'ambitionne le projet de loi, dans son titre premier consacré à l'assurance de base. Supprimant le régime de l'assurance personnelle pour le transformer en régime de résidence, il prévoit l'affiliation immédiate et l'immédiateté du versement des prestations. En dissociant paiement des cotisations et versement des prestations, il assure en outre la continuité de ces droits.

Le projet de loi procède donc à la simplification des procédures plutôt qu'à la création d'une " assurance maladie universelle ".

C'est pourtant à la mise en place d'une telle " assurance maladie universelle " qu'avait aspiré le précédent Gouvernement en travaillant à la définition d'une assurance maladie ouverte à tous et dont les caractéristiques auraient été harmonisées entre les différents régimes.

Simplification de l'accès au droit, dans le cadre du présent projet de loi, contre assurance maladie universelle assortie d'une harmonisation des droits : votre commission aurait, bien entendu, préféré la seconde solution.

Elle ne critiquera cependant pas le contenu de la première, qui constitue un moyen utile pour rendre effectifs les droits à l'assurance maladie.

b) L'assurance maladie n'assure plus, comme le prévoit le premier article du code de la sécurité sociale " la couverture des charges de maladie " : elle devient elle-même un facteur d'exclusion

Selon une étude réalisée par le service des statistiques, des études et des systèmes d'information du ministère de l'emploi et de la solidarité consacrée aux revenus sociaux de 1981 à 1996, la part des revenus sociaux dans le revenu des ménages a progressé de 3 % par an au cours de cette période mais la couverture des dépenses de soins par la sécurité sociale a été ramenée de 76,5 % à 73,6 %.

Cette proportion moyenne cache en outre de profondes disparités : si l'hospitalisation est globalement très bien prise en charge par la sécurité sociales, les soins ambulatoires et les biens médicaux sont très mal remboursés.

 

Total

Hôpital

Soins ambulatoires

Biens médicaux

Financement socialisé

81,4

92,2

69,3

71,5

Sécurité sociale

73,5

88,9

57,5

57,8

Etat et collectivités locales

0,9

1,0

0,7

0,7

Mutuelles

7,0

2,3

11,1

13,0

Assurances et institutions de prévoyance

4,7

1,4

8,2

8,4

Ménages

13,8

6,4

22,6

20,1

Source : SESI, chiffres 1996

Ce tableau permet de dresser trois conclusions :

1/ Il est aujourd'hui indispensable, en France, d'être couvert par une mutuelle, une société d'assurance ou une institution de prévoyance, non seulement si l'on considère l'ensemble des dépenses de santé, prises en charge à hauteur de 11,7 % par ces trois types d'organismes, mais aussi, en leur sein :

- pour les soins ambulatoires et les biens médicaux : la prise en charge par les organismes de protection sociale complémentaire s'élève, en effet, respectivement à 19,3 % et à 21,4 % ;

- mais également, pour les soins hospitaliers. En effet, si la prise en charge des dépenses y afférentes par la sécurité sociale est plus élevée, les 10,1 % de frais qui demeurent à la charge des ménages représentent des sommes très élevées, en valeur absolue. De fait, les organismes de protection sociale complémentaire interviennent pour 3,7 %, laissant 6,4 % des dépenses à la charge des ménages.

2/ Même après l'intervention des organismes de protection sociale complémentaire, 13,8 % des dépenses de santé demeurent à la charge des ménages. Ainsi, sur une moyenne de 12.015 francs dépensés annuellement, malgré l'intervention de la sécurité sociale et des mutuelles et assurances pour l'intervention desquelles les Français paient des cotisations, des impôts et des primes, environ 1.700 francs demeurent à leur charge.

3/ La sécurité sociale, paradoxalement, devient facteur d'exclusion et d'inégalité. Ainsi, beaucoup de résidents acquittent, en tant que salariés ou indépendants, des cotisations et la CSG mais, dépourvus de couverture complémentaire, ils ne peuvent en pratique accéder à tous les soins ou acquérir tous les biens médicaux dont ils auraient besoin.

Ils paient donc en pure perte ces contributions, ne pouvant accéder aux soins pour lesquels ils ne bénéficient que d'une couverture très partielle.

Pour justifier les dispositions du projet de loi, le Gouvernement a cité, dans l'étude d'impact, des chiffres selon lesquels 17 % de la population française déclarent avoir renoncé à des soins pour des raisons financières au cours de l'année précédente. Ces chiffres doivent être avancés avec prudence : il conviendrait plutôt en effet de connaître la proportion de Français ayant renoncé pendant longtemps à des soins utiles, proportion qui n'est certainement pas négligeable mais qui ne peut être chiffrée avec précision.

De même, les autres chiffres cités par le Gouvernement selon lesquels la consommation médicale de ville des plus démunis est inférieure à la moyenne ne veut pas dire grand chose dans l'absolu. Il conviendrait plutôt de démontrer que la consommation médicale moyenne des plus démunis est inférieure à celle qui serait nécessaire pour satisfaire les besoins utiles de prévention et de soins.

2. Tous les résidents ne bénéficient pas encore d'une couverture complémentaire

a) Le taux de couverture est inégal

Si la part des résidents couverts par une assurance complémentaire santé a très sensiblement augmenté depuis 20 ans, parallèlement à l'élévation du niveau de vie -notamment des retraités- et surtout du désengagement de la sécurité sociale dans la prise en charge des dépenses de santé, ce taux de couverture est très inégal en fonction des statuts (salarié ou non, contrat à durée indéterminée ou non) et des niveaux de revenus.

Ainsi, si l'on considère les professions, 90 % des cadres supérieurs bénéficient d'une couverture complémentaire, contre 82 % environ des ouvriers qualifiés et des artisans commerçants, et 70 % pour les ouvriers non qualifiés.

Toutefois, sur 100 personnes ne bénéficiant pas d'un contrat complémentaire, 13 % bénéficient de l'aide médicale gratuite, 10 % d'une prise en charge à 100 % par la sécurité sociale pour les dépenses liées à une affection de longue durée, et 2 % bénéficient à la fois des " 100 % sécurité sociale " et de l'aide médicale gratuite.

Les difficultés d'accès aux soins ne se rencontrent donc pas chez tous les résidents dépourvus d'une couverture complémentaire mais, ce qui est déjà beaucoup trop, chez les trois quarts d'entre eux.

Si l'on s'intéresse aux inégalités de couverture en fonction des revenus, des enquêtes du CREDES ont montré que sont couverts :

- 47 % des personnes disposant de revenus par unité de consommation inférieurs à 2.000 francs par mois ;

- 72 % pour un revenu mensuel compris entre 2.000 et 3.000 francs par unité de consommation ;

- et 91 % pour des revenus supérieurs à 3.000 francs.

Il est intéressant d'observer que, dans la première catégorie (revenus inférieurs à 2.000 francs), la couverture complémentaire résulte d'une initiative personnelle, et non pas de celle d'une entreprise.

b) Beaucoup de personnes, dépourvues de couverture complémentaire, ne peuvent accéder aux soins

Les chiffres fournis par des associations comme Médecins du monde sont, à cet égard, édifiants : ils montrent que des personnes qui ne sont, a priori, pas désocialisées peuvent, à la suite d'un accident de la vie ou parce qu'elles ne disposent pas de couverture complémentaire, accéder aux soins dans des conditions de droit commun. Ainsi, 40.000 patients ont fréquenté, en 1996, les dispensaires ouverts en France à l'initiative de cette association, soit 30 % de plus qu'en 1995.

Si l'on examine de près les caractéristiques sociales de ces personnes, on observe que :

- 20 % ont fait des études jusqu'au collège ;

- plus de 12 % ont fait des études supérieures ;

- un quart d'entre eux bénéficient d'une couverture maladie de base, mais ne peuvent faire face à l'avance de frais ou à l'absence de remboursements complémentaires.

Il est ainsi particulièrement injuste et choquant, à l'aube du troisième millénaire et compte tenu de l'ampleur des prélèvements sociaux en France, que la protection sociale soit aussi peu efficace et laisse autant de personnes au bord du chemin.

B. UN DOUBLE OUBLI : LES AVANCÉES PERMISES PAR L'ASSURANCE PERSONNELLE ET L'AIDE SOCIALE

" Nous ne voulons pas non plus d'un système de type " féodal ", comme les associations appellent l'aide médicale, qui conduit à traiter les cas à la tête du client et qui impose au demandeur d'expliquer sa situation dans le détail, de se mettre à nu et parfois à plusieurs reprises pour obtenir satisfaction " (Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, JO Débats AN, mercredi 28 avril 1999, p. 3651)

" Le mécanisme d'affiliation à l'assurance personnelle avec prise en charge des cotisations par un tiers est stigmatisant " Dossier de presse du ministère.

Afin de mieux souligner les progrès que devrait entraîner l'adoption du projet de loi, les documents fournis par le ministère (dossier de presse, étude d'impact), comme le discours du ministre, dénoncent à loisir les défauts du système existant, sans d'ailleurs toujours apporter la preuve que le nouveau dispositif sera plus efficace pour ses bénéficiaires. Cette critique ministérielle concerne à la fois l'assurance personnelle et l'aide médicale.

1. L'assurance personnelle

a) Un dispositif dont le défaut essentiel tient au taux de cotisation exigé ; mais ce défaut ne concerne que cinq pour cent de ses bénéficiaires

Depuis 1978, date de la généralisation de l'assurance maladie, " toute personne résidant en France et n'ayant pas droit à un titre quelconque aux prestations en nature d'un régime obligatoire d'assurance maladie et maternité relève du régime de l'assurance personnelle. (...) L'adhésion peut intervenir à tout moment. " (art. L. 741-1 du code de la sécurité sociale).

Ce régime a été conçu comme devant, non seulement assurer le " bouclage " de l'universalisation d'une sécurité sociale, fondée sur des régimes professionnels, mais aussi la " continuité " entre ces différents régimes.

Ainsi, l'article L. 741-3 du code de la sécurité sociale dispose que " lorsqu'une personne cesse de remplir les conditions exigées pour être assujettie à l'assurance maladie et maternité d'un régime obligatoire, l'organisme auquel elle était affiliée en dernier lieu en informe immédiatement la personne concernée et le régime de l'assurance personnelle qui, sauf refus de l'intéressé, exprimé dans un délai déterminé, procède à son affiliation ".

L'adhésion à l'assurance personnelle qui est obligatoire (art. L. 741-3-1) pour les personnes concernées, entraîne l'assujettissement à des cotisations fixées en pourcentage du revenu imposable.

Les taux de cotisations au 1 er janvier 1999 s'établissent à :

- 3,35 % dans la limite du plafond de la sécurité sociale,

- 11,70 % dans la limite de cinq fois le plafond.

Pour un revenu inférieur au plafond de la sécurité sociale, cette cotisation représentera donc 15,05 % du revenu, ce qui est un taux élevé.

Cette critique est d'autant plus justifiée que la cotisation annuelle ne peut être inférieure à un minimum fixé à 12.723 francs au 1 er janvier 1999.

Cependant, cette critique porte sur un défaut qui ne concerne, en pratique, que très peu de bénéficiaires de l'assurance personnelle. En effet, sur environ 640.000 affiliés :

- 590.000, soit 91 %, voient leurs cotisations prises en charge par des tiers, c'est-à-dire :

. par les conseils généraux ou l'Etat pour les bénéficiaires de l'aide médicale (400.000 personnes) ;

. par les caisses d'allocations familiales pour les titulaires de prestations familiales (140.000 personnes) ;

. par le fonds de solidarité vieillesse pour les titulaires du minimum vieillesse (50.000 personnes).

Votre commission ne comprend pas, à cet égard, en quoi cette prise en charge des cotisations par des tiers est " stigmatisante " pour ses bénéficiaires, comme l'affirme le dossier de presse...

- 25.000 personnes sont soumises à une cotisation forfaitaire qui s'élève, pour les élèves d'établissements d'enseignement secondaire âgés de moins de 26 ans, à 1.050 francs et, pour les jeunes de moins de 27 ans, à 1.300 francs. Ces cotisations forfaitaires s'apparentent, par leur montant, à la cotisation au régime étudiant.

En fait, si l'on excepte les 3.000 personnes redevables de la cotisation maximale de 104.576 francs, dont on ne peut pas penser qu'elles sont les plus défavorisées, les personnes acquittant une cotisation, soit proportionnelle au revenu, soit une cotisation minimale, sont un peu moins de 30.000, représentant ainsi 5 % des bénéficiaires du régime d'assurance personnelle.

b) Le nouveau " régime de résidence " créé par le projet de loi présente beaucoup de similitudes avec celui de l'assurance personnelle

Le nouveau régime institué par le projet de loi présente bien des similarités avec celui de l'assurance personnelle. Ainsi, l'article L. 380-1 nouveau institué par le projet de loi est quasiment identique à l'article L. 741-1, relatif à l'assurance personnelle, supprimé par le projet de loi.

La véritable nouveauté introduite dans le nouveau régime de résidence est l'existence d'un plafond de ressources en deçà duquel il ne sera pas demandé de cotisation, et l'abattement, d'une valeur égale au plafond, auquel il sera procédé pour calculer le revenu auquel sera appliqué le taux de cotisation proportionnel prévu par le projet de loi.

Votre commission approuve cette disposition, favorable aux personnes disposant des revenus les plus faibles, avec toutefois deux critiques :

- la première est la situation d'inégalité dans laquelle seront placées les personnes affiliées à titre professionnel à d'autres régimes que le régime de résidence : ces dernières seront appelées à verser une cotisation au premier franc, alors que celles qui relèvent du régime de résidence en seront exonérées ;

- la seconde concerne le plafond de ressources retenu et, surtout le taux de cotisation qui sera fixé. Si le Gouvernement a annoncé que ce plafond, et donc aussi l'abattement, qui sera fixé par décret, sera égal à 3.500 francs (il ne s'agit pas ici d'un revenu " par unité de consommation ", mais du revenu de la personne qui souhaite être affiliée au titre de la résidence). Les documents transmis au Parlement ne mentionnent pas le taux de cotisation qui sera fixé.

En réponse à une question de votre rapporteur, le ministre a toutefois indiqué que le taux de cotisation retenu serait voisin de 10 %. Même avec un abattement de 3.500 francs sur les ressources prises en compte, ce taux demeure élevé pour les personnes titulaires de faibles revenus.

2. L'aide médicale des départements

Le dossier de presse et les propos du ministre laissent à penser que le projet de loi assurerait désormais la couverture de 6 millions de personnes, alors que 2,5 millions de personnes seulement en bénéficieraient aujourd'hui au titre de l'aide médicale.

Sans vouloir minorer la portée de la CMU, ce chiffre de 2,5 millions de personnes doit être pourtant apprécié avec prudence.

D'une part, en effet, il résulte d'une enquête, à laquelle 20 départements n'ont pas répondu en ce qui concerne les bénéficiaires du RMI et 68 départements n'ont pas répondu en ce qui concerne les autres bénéficiaires.

D'autre part, ce nombre de 2,5 millions de personnes correspond à celles qui sont prises en charge à 100 % par l'aide médicale.

Le bilan de l'aide médicale, à laquelle les départements consacraient, en 1997, plus de 9 milliards de francs (l'aide médicale d'Etat représentant, à la même date, 800 millions de francs) est globalement très satisfaisant, si l'on excepte la réserve, importante, de l'insuffisante homogénéité de la couverture inhérente à un système décentralisé. Il faut toutefois atténuer la portée de cette réserve, des départements où le coût de la vie est élevé prenant en charge les bénéficiaires jusqu'à des niveaux de revenus supérieurs à ceux acceptés dans d'autres départements où la vie est moins chère.

Les procédures d'admission à l'aide médicale ont été réformées par les titres II et III de la loi n° 92-722 du 29 juillet 1992.

Les innovations de la réforme de l'aide médicale se sont traduites par :

* un accès élargi à l'aide médicale, en raison de :

- l'admission de plein droit, pour la prise en charge, au titre de l'aide médicale, des cotisations d'assurance personnelle pour les bénéficiaires du RMI, de l'allocation de veuvage, et pour les jeunes de 17 à 25 ans qui répondent aux conditions de revenu prévues pour l'octroi du RMI,

- l'admission de plein droit des bénéficiaires du RMI et de l'allocation de veuvage pour la prise en charge du ticket modérateur et du forfait journalier,

- l'instauration d'un barème de revenu pour l'admission de plein droit à l'aide médicale totale,

- la prise en compte des charges dans l'admission de droit commun,

* l'extension du droit à l'aide médicale, avec la suppression de la distinction antérieure (sauf pour les personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière) entre aide médicale à domicile et aide médicale hospitalière, l'instauration d'une durée d'un an et la prise en charge étendue, outre le demandeur, aux personnes qui sont à sa charge et à son conjoint ;

* une simplification de la procédure d'admission, par la réduction des délais d'instruction résultant du transfert du pouvoir de décision du préfet au président du conseil général et la possibilité de déposer son dossier, soit au conseil général, soit dans les centres communaux d'aide sociale, soit dans les CPAM ou dans des organismes agréés.

Une enquête effectuée par l'ODAS publiée le 1 er décembre 1998, a effectué un bilan de l'aide médicale.

Il en ressort une progression considérable du nombre des bénéficiaires de l'assurance personnelle qui est passé de 160.000 ménages en 1989 à 255.000 en 1997 et aussi du nombre de bénéficiaires du RMI qui est passé de 422.000 ménages en 1990 à 957.0000 ménages en 1997.

Ce bilan a aussi montré que les délais d'admission sont, en règle générale, relativement brefs :

- 60 % des départements prononcent l'admission dans les huit jours ;

- et 75 % la prononcent dans les quinze jours pour les bénéficiaires de plein droit.

Pour les autres bénéficiaires, l'ODAS indique que les délais sont plus inégaux mais que, dans 60 % des cas, la délivrance d'un titre provisoire est prévue pour éviter l'avance de frais.

L'étude montre ensuite que le titre d'accès aux soins est une " carte santé " dans 70 % des départements, l'accès à l'aide médicale étant mentionné sur la carte d'assuré social dans les autres départements.

En ce qui concerne la durée d'admission, l'ODAS indique qu'elle est supérieure à un an dans neuf départements. Enfin, plus d'un département sur deux effectue une prise en charge au-delà des tarifs de la sécurité sociale, notamment en matière de prothèses dentaires et d'optique.

L'ODAS conclut ainsi cette étude:

" Sous la double influence d'une volonté de modernisation de l'aide sociale et d'une meilleure protection des droits des plus démunis, l'aide médicale a profondément évolué dans notre pays depuis dix ans. N'échappent théoriquement aujourd'hui au bénéfice du dispositif d'accès aux soins que des personnes en situation irrégulière au regard des lois sur l'immigration, des personnes refusant explicitement ou implicitement l'instruction de leur droit, et des jeunes de moins de 25 ans.

" Et même si certains départements paraissent moins engagés que d'autres sur l'aide médicale, il faut relever qu'aucun d'entre eux ne cumule l'ensemble des dysfonctionnements.

" En outre, les arguments ne manquent pas pour promouvoir une évolution sur le plan, notamment, du développement de la protection sociale au détriment de l'aide sociale, de la simplification gestionnaire, et du renforcement de la citoyenneté.

" Si les propositions du rapport Boulard rencontrent un accueil plutôt favorable, il reste cependant à vérifier la capacité des caisses de sécurité sociale à prendre en charge les difficultés spécifiques aux familles précarisées. "

II. UN PROJET DE LOI QUI COMPORTE QUATRE DÉFAUTS MAJEURS

Le projet de loi présenté par le Gouvernement, et que l'Assemblée nationale n'a modifié qu'à la marge, présente quatre défaut majeurs :

- il propose des solutions qui révèlent une erreur d'analyse ;

- il s'attaque aux fondements de la sécurité sociale ;

- il induit inégalités et déresponsabilisation ;

- il n'est maîtrisé ni dans son coût ni dans ses conséquences.

A. IL PROPOSE DES SOLUTIONS QUI RÉVÈLENT UNE DOUBLE ERREUR D'ANALYSE

1. Il place hors de notre système de protection sociale, au lieu de les y intégrer, un ensemble de 6 millions de personnes, alors qu'elles ne constituent pas un groupe homogène de personnes " à part "

Le projet de loi propose de placer 10 % de la population dans un système de protection sociale " bis ", dont tous les éléments sont dérogatoires au droit commun.

Il s'agit d'un système de couverture complémentaire :

- entièrement gratuit,

- mis en oeuvre, au choix du bénéficiaire, par les organismes de protection sociale complémentaire ou par les organismes de base (CPAM, organismes de la CANAM, MSA) ;

- qui rembourse à 100 %, non seulement le ticket modérateur, le forfait journalier sans aucune limitation de durée, et des biens médicaux sélectionnés par l'Etat, qui seront proposés aux bénéficiaires de la CMU ;

- qui contraint les producteurs de biens et services médicaux à proposer des tarifs en fonction du revenu de leur client ;

- qui prévoit la résiliation de plein droit des contrats souscrits par des personnes qui, avant de bénéficier de la protection complémentaire en matière de santé, avaient fait le choix d'adhérer ou de souscrire à une protection complémentaire de droit commun.

Cette couverture complémentaire bénéficiera, selon le Gouvernement, à 6 millions de personnes, soit 10 % de la population.

Cette estimation repose sur l'exploitation de l'enquête " Panel européen " de l'INSEE, qui évalue à 5,7 millions le nombre de personnes qui disposent, aujourd'hui, d'un revenu par unité de consommation inférieur à 3.500 francs, et l'intégration d'une estimation du nombre de personnes dans cette situation qui résident dans les DOM.

Ces 10 % de la population ne constituent pas, pour votre commission, un groupe homogène de personnes " accidentées de la vie " qu'un souci de justice sociale justifierait qu'on les plaçât dans un régime hors du droit commun.

Ainsi, parmi ces six millions de personnes, on trouve les personnes rémunérées au-delà du SMIC (jusqu'à 6.300 francs net) avec un enfant, des ménages dont les deux personnes qui le constituent travaillent à temps partiel (le plafond retenu par le Gouvernement est de 5.250 francs pour deux personnes), des retraités agricoles ou de l'artisanat...

C'est aussi bien sûr dans ces six millions de personnes que se trouvent les bénéficiaires du RMI et les personnes les plus pauvres, les plus désocialisées, auxquelles il faut apporter des solutions spécifiques.

Mais en aucun cas, ces six millions de personnes ne sont placées dans une situation qui justifierait qu'on leur propose une solution hors du droit commun : l'immense majorité de ce groupe ne demande qu'une chose, l'intégration au droit commun, avec une solvabilisation leur permettant d'être " comme les autres ", y compris dans le domaine de la protection sociale.

2. En raisonnant d'une manière statique, les auteurs du projet de loi estiment que la CMU comblera les carences de notre système de protection sociale, alors qu'elle contribuera à emballer le cercle vicieux qui la mine

Depuis des années, faute de réformes structurelles suffisantes, à l'exception des ordonnances d'avril 1996 dont la mise en oeuvre mériterait d'être accélérée, notre protection sociale est minée par un cercle vicieux qui n'a pas, pour l'instant, été stoppé : l'augmentation continue des dépenses et le tassement des recettes dus au chômage concourent à l'aggravation des déficits de la sécurité sociale, qui se traduit par des déremboursements et donc des difficultés accrues d'accès aux soins ainsi que par des augmentations de cotisations qui contribuent à aggraver le chômage, et donc les déficits...

La sécurité sociale devient de plus en plus dépensière et de plus en plus chère, donc de moins en moins efficace, tout en contribuant à dégrader la situation de l'environnement économique extérieur à la protection sociale.

En raisonnant de manière statique, on pourrait penser qu'il suffit, à la date " t ", de proposer une solution à tous les exclus de l'assurance maladie et de la couverture complémentaire pour apporter une solution au problème posé.

Or, la solution que dessine le présent projet de loi doit être intégrée dans un raisonnement dynamique. Celui-ci montre que, non seulement la CMU n'apportera pas de réponse satisfaisante au problème posé, mais qu'elle contribuera à aggraver le cercle vicieux qui marque l'évolution de la sécurité sociale depuis de nombreuses années.

D'une part, en effet, la création de la CMU et donc, l'existence d'une solution pour toutes les personnes qui ne peuvent pas s'offrir de protection complémentaire, amoindrira les scrupules des gouvernements lorsqu'ils seront tentés, en raison de la persistance des déficits, à décider des " déremboursements " ou des diminutions des taux de remboursement de la sécurité sociale, ce qui rendra, non seulement de plus en plus nécessaire de bénéficier d'une couverture complémentaire, mais aussi de plus en plus onéreux les contrats de couverture complémentaire.

Deux autres facteurs contribueront au renchérissement de ces contrats : la taxe instituée par le projet de loi sur les organismes complémentaires, fixée pour l'instant à 1,75 % de leur chiffre d'affaires santé, et l'éventuel surcoût de la couverture complémentaire CMU par rapport au forfait de 1.500 francs par personne et par an que le projet de loi prévoit de rembourser aux organismes de protection sociale complémentaire. De plus en plus de personnes seront, en pratique, exclues de la couverture complémentaire.

Il ne faut pas négliger non plus les effets désincitatifs au travail, et au travail déclaré, induits par l'effet de seuil massif que provoquera la création de la CMU : en deçà d'un revenu de 3.500 francs par unité de consommation, la santé sera gratuite sans cotisation alors qu'au-delà, elle sera " payante " avec cotisation. Cet effet désincitatif aura un impact sur la situation du chômage, et aussi sur celui des recettes de l'assurance maladie, renforçant ainsi le cercle vicieux qui conduit à des cotisations de plus en plus élevées et des remboursements de plus en plus faibles...

En proposant une mauvaise solution au problème posé, le projet de loi va aggraver les défauts de notre système et créer un besoin de " toujours plus de CMU ".

B. IL S'ATTAQUE DOUBLEMENT AUX PRINCIPES FONDATEURS DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

D'une part, en mettant un terme au monopole des organismes de protection complémentaire pour la couverture complémentaire, il conduit à s'interroger sur la justification du monopole des organismes d'assurance maladie pour la couverture de base. D'autre part, il institue une couverture maladie " sous condition de ressources ", contraire au principe assurantiel et au caractère d'universalité affirmés sans discontinuer depuis la création de la sécurité sociale.

1. Supprimant le monopole de la couverture complémentaire, il conduit à s'interroger tôt ou tard sur la légitimité du monopole de l'assurance de base

Renonçant au scénario dit " partenarial " proposé par M. Jean-Claude Boulard, parlementaire en mission, qui était également unanimement souhaité par les organismes de sécurité sociale de base, les mutuelles, les institutions de prévoyance et les sociétés d'assurance, le projet de loi propose une solution qui fait intervenir les régimes de base dans la couverture complémentaire de 10 % de la population française.

Désormais, les CPAM comme les organismes de protection sociale complémentaire qui le souhaitent -ou qui n'ont pas d'autre choix, si la création de la CMU conduisait à leur faire perdre un nombre significatif de cotisants désormais susceptibles d'en bénéficier- proposeront un produit identique, se caractérisant par des prestations gratuites financées par un fonds alimenté par des subventions de l'Etat c'est-à-dire par l'impôt.

Quelle sera donc, demain, la différence de nature entre, d'un côté, un régime de base servant des prestations financées par la collectivité solidaire et un régime complémentaire servant aux bénéficiaires de la CMU d'autres prestations financées par la même collectivité solidaire ?

Or, c'est bien une différence de nature entre les deux catégories d'assurance de base et complémentaire, qui a conduit la cour de justice des communautés européennes (arrêt Garcia, 26 mars 1999) à limiter le champ d'application du principe de la liberté d'assurance au seul domaine de l'assurance complémentaire.

En créant la CMU, il est à craindre que le Gouvernement ait ouvert une brèche dans le monopole des régimes obligatoires pour l'assurance maladie de base.

C'est probablement les conséquences d'un tel " mélange des genres " que craignent aujourd'hui les représentants des régimes de base en émettant des réserves sur les modalités de gestion de la CMU telle que prévue par le projet de loi.

2. Il instaure une assurance maladie " sous condition de ressources "

Comme l'a affirmé M. Jean-Marie Spaeth, président de la CNAMTS, devant votre commission, les personnes bénéficiaires de la CMU qui auront choisi, par souci de simplicité, que la CPAM assure leur couverture complémentaire, ne se souviendront pas que celle-ci, juridiquement, n'interviendra que par " délégation de l'Etat " : ils constateront simplement qu'ils sont " couverts à 100 % " par la sécurité sociale.

Cette nouveauté induit un bouleversement majeur dans les principes fondateurs de la sécurité sociale qui, depuis la Libération, associent assurance et universalité.

Le principe d'assurance sociale repose sur une logique d'indemnisation du risque : plus celui-ci est élevé, plus le remboursement est important. C'est l'application de ce principe qui a conduit à instituer des remboursements proportionnels aux dépenses engagées. C'est ce principe aussi qui justifie que les dépenses d'hospitalisation, qui correspondent à un risque élevé, sont mieux remboursées que les dépenses de ville. C'est enfin en vertu de ce principe qu'a été institué le remboursement à 100 % des dépenses liées au traitement des affections de longue durée.

Le principe d'universalité garantit des remboursements identiques pour tous : les remboursements ne dépendent ni de la personne, ni de son lieu de résidence, ni de ses revenus.

La combinaison de ces deux principes conduit, pour les maladies de longue durée, à un " 100 % sur critère médical ". Elle ne saurait autoriser un " 100 % social ", comme le fait la CMU, sauf à faire de la sécurité sociale, non plus un assureur, mais un instrument de redistribution des revenus.

Lorsqu'en 1997, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a voulu placer les allocations familiales sous condition de ressources, de nombreux parlementaires, de nombreux gestionnaires de la sécurité sociale, s'opposant à cette mesure, ont lancé un avertissement, en disant que, si l'on n'y prenait garde, l'assurance maladie aussi pourrait être placée sous condition de ressources !

De ce point de vue, la création de la CMU remet en cause l'un des fondements du contrat social mis en oeuvre à la Libération, ainsi que les institutions de protection sociale qui en sont dépositaires.

C. IL EST INÉGALITAIRE ET DÉRESPONSABILISANT

La solution proposée par le projet de loi pour répondre au grave problème posé par les difficultés de l'accès aux soins rencontrées par les personnes titulaires de faibles revenus est inégalitaire et déresponsabilisante.

1. Il induit des inégalités

Les inégalités induites par le projet de loi sont nombreuses et graves.

a) Les inégalités entre résidents liées à l'effet de seuil

Le projet de loi crée une nouvelle inégalité entre les personnes dont les revenus se situent en dessous du seuil et celles dont les revenus sont également voisins du seuil, mais au-dessus.

Ces personnes, qui ne sont pas favorisées, ont les mêmes conditions de vie : ce n'est pas, en effet, une différence de revenus de 100, 200 ou 300 francs qui est de nature à modifier sensiblement les conditions d'existence.

Pourtant, ces personnes seront traitées différemment par le projet de loi : au-dessus du seuil, elles paieront des cotisations mutualistes ou des primes d'assurance pour obtenir une couverture complémentaire qui ne couvrira pas toutes leurs dépenses de santé alors qu'en dessous du seuil, elles seront gratuitement prises en charge à 100 %.

Le projet de loi crée aussi une inégalité entre les résidents en fonction de la connaissance plus ou moins précise de leurs revenus : avec un tel effet de seuil, il peut être assez tentant, lorsqu'on en a la possibilité, de dissimuler des revenus à hauteur de quelques centaines de francs...

b) Les inégalités entre organismes de protection sociale complémentaire et les CPAM

En laissant aux bénéficiaires de la CMU le choix de s'adresser, pour leur protection complémentaire, aux CPAM ou aux organismes de protection sociale complémentaire, le projet de loi n'a pas pour autant créé des conditions de concurrence égalitaires entre ces différents organismes.

D'abord, en effet, il est probable que, par souci de simplicité, les bénéficiaires de la CMU préféreront, en grande majorité, s'adresser au même organisme que celui qui assure aussi leur couverture de base : il y a là une première atteinte à l'égalité, tous les organismes ne pouvant pas offrir les mêmes produits.

Ensuite, le projet de loi ne prévoit pas un même système de remboursement, par le fonds, des dépenses engagées au titre de la couverture complémentaire des bénéficiaires de la CMU : alors que les régimes d'assurance maladie seront remboursés au franc le franc, les organismes de protection sociale complémentaire recevront un forfait de 1.500 francs par personne et par an supposé être représentatif du montant des prestations versées.

Il faut rappeler, enfin, que seuls les organismes de protection sociale complémentaire seront appelés à acquitter la contribution de 1,75 % du chiffre d'affaires santé instituée par la présente loi.

c) Les inégalités entre organismes de protection sociale complémentaire

Les représentants des organismes de protection sociale complémentaire entendus par votre commission ont affirmé qu'un nombre significatif de leurs adhérents ou souscripteurs relèveront, à compter de la promulgation de la loi, de la CMU. Cette proportion de bénéficiaires potentiels de la CMU dans le nombre total d'adhérents a été estimée, en moyenne, à 10 %, certains organismes devant perdre jusqu'à 20 ou 30 % de leurs ressortissants " payants ". Il est clair que ces organismes n'auront pas le choix, et devront s'inscrire sur la liste de ceux qui participent au dispositif CMU, sauf à perdre le quart ou le tiers de leurs adhérents.

Plus grave, certains organismes complémentaires sont, en pratique, spécialisés dans la couverture complémentaire des artisans et commerçants. Or, compte tenu du niveau de remboursement de la CANAM, qui est plus faible que celui de la CNAMTS, la couverture complémentaire d'un artisan ou d'un commerçant coûte plus cher que celle d'un salarié.

Elle coûtera donc beaucoup plus cher que le forfait de 1.500 francs, déjà sous-estimé en moyenne (cf. infra) : ces organismes de protection complémentaire se verront donc imposer d'importantes charges nouvelles, s'ajoutant à la contribution de 1,75 % du chiffre d'affaires instituée par le projet de loi. Le poids de ces charges nouvelles les mettra sans nul doute en difficulté et pourrait même menacer leur avenir.

2. Il est déresponsabilisant

" Il est vrai qu'une contribution, dans bien des domaines, est un moyen de faire appel à la responsabilité. " (Mme Martine Aubry, JO Débats AN, 2 ème séance du 27 avril 1999, p. 3652).

Le Gouvernement a choisi, dans le présent projet de loi, d'assurer gratuitement, sans aucune contribution de leur part, une couverture complémentaire à 100 % à 6 millions de Français, soit 10 % de la population.

Cette solution ne correspond pas aux propositions qui avaient été faites au Gouvernement par M. Jean-Claude Boulard, parlementaire en mission.

Celui-ci avait en effet affirmé sa préférence, comme votre commission le fait ici, pour une allocation personnalisée à la santé qui " ne doit pas nécessairement couvrir la totalité du coût de la couverture ".

M. Jean-Claude Boulard indiquait d'ailleurs, dans son rapport, que " l'effort contributif, même limité, est une valeur du monde mutualiste qu'il convient de prendre en compte. Contribuer, même faiblement, est une composante de l'insertion ".

Cette solution n'a pas été retenue par le Gouvernement, qui a avancé, pour s'y opposer, des prétextes d'ordre technique. Le ministre a ainsi (justement) affirmé qu'il serait très onéreux de tenter de recouvrer 30 ou 40 francs par mois, et que l'on ne pourrait " refuser des soins à une famille au motif qu'elle n'aurait pas déboursé les 30 ou 40 francs qu'elle devrait payer par mois ".

Ces obstacles techniques ne valent, en fait, que si l'on renonce à la création d'une allocation personnalisée à la santé reçue par les bénéficiaires, même avec possibilité d'affectation, et que si l'on raisonne en termes de " droits ouverts ", sans démarche responsabilisante d'adhésion à une couverture complémentaire, avec simplement une facture de 30 francs à payer chaque mois.

D. IL N'EST MAÎTRISÉ NI DANS SON COÛT NI DANS SES CONSÉQUENCES

Au printemps 1998, le Gouvernement avait annoncé que le présent projet de loi et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 seraient déposés simultanément, c'est-à-dire en octobre 1998. Puis, il s'était engagé, dans le rapport annexé à l'article premier de cette loi de financement, à déposer ce projet de loi au cours de l'automne 1998. La loi de financement a été promulguée le 23 décembre sans que cet engagement ait été tenu.

Les délais supplémentaires pris par le Gouvernement -le texte n'a été déposé en définitive que le 3 mars 1999- auraient dû lui permettre d'analyser dans le détail l'impact du projet de loi. Force est de constater que le résultat est de ce point de vue décevant.

1. Il est sous-estimé quant à ses coûts financiers

Le chiffrage du projet de loi par le Gouvernement repose sur une arithmétique simple : le produit d'un coût unitaire par un nombre de bénéficiaires.

Ainsi, le coût de l'extension de la couverture de base est estimé à 600 millions de francs ( 4.000 francs x 150.000 bénéficiaires ) et celui de la couverture complémentaire gratuite à 9 milliards de francs ( 1.500 francs x 6 millions de bénéficiaires ).

a) Le financement de la couverture de base repose sur des transferts financiers complexes et pèse en définitive lourdement sur l'assurance maladie

La suppression de l'assurance personnelle et la prise en charge par la CNAMTS de la couverture de base sur le critère de la résidence entraîne une modification profonde des flux financiers.

Le financement de l'assurance personnelle fait en effet intervenir aujourd'hui plusieurs acteurs :

- les départements prennent en charge les cotisations des bénéficiaires de l'aide médicale gratuite (allocataires du RMI, de l'allocation veuvage, jeunes de 17 à 25 ans remplissant les conditions de ressources et de résidence du RMI). Cette prise en charge peut être totale ou partielle ;

- les caisses d'allocations familiales prennent en charge, de manière totale ou partielle, les cotisations des titulaires de prestations familiales non couverts par un régime d'assurance maladie et, de manière totale, celles des bénéficiaires de l'allocation parent isolé et des personnes veuves ou divorcées ayant eu au moins trois enfants à charge ;

- le fonds de solidarité vieillesse assure la prise en charge des cotisations des titulaires de l'allocation spéciale, c'est-à-dire les personnes qui ne bénéficient d'aucun avantage versé par les régimes d'assurance vieillesse et qui, en outre, ne sont pas affiliés, en tant qu'ayants droit, à un régime d'assurance maladie ;

- l'Etat acquitte les cotisations des bénéficiaires de l'aide médicale sans résidence stable (SDF) ;

- les assurés, qui ne sont pas pris en charge, s'acquittent d'une cotisation en fonction de leur niveau de revenu ;

- enfin, le déficit structurel de l'assurance personnelle est pris en charge par les régimes d'assurance maladie.

L'arrêté du 10 décembre 1998 1( * ) , permet de mesurer l'ampleur du déficit actuel (4,5 milliards de francs) :

Répartition 1997 du déficit de l'assurance personnelle
(Extrait de l'arrêté du 10 décembre 1998)

Art. 1 er . - Le solde déficitaire de la section comptable prévue à l'article R. 741-40 du code de la sécurité sociale s'élève pour l'exercice 1997 à 4.538.733.446,05 francs.

Art. 2. - Le solde déficitaire mentionné à l'article précédent est réparti comme suit entre les régimes obligatoires d'assurance maladie maternité :

1. Régime général des salariés : 3.760.700.854,80 francs ;

2. Salariés agricoles : 141.171.478,08 francs ;

3. Exploitants agricoles : 208.012.327,83 francs ;

4. Travailleurs non salariés des professions non agricoles : 233.730.045,45 francs ;

5. Société nationale des chemins de fer français : 58.302.659,30 francs ;

6. Régie autonome des transports parisiens : 9.169.621,68 francs ;

7. Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines : 32.500.559,05 francs ;

8. Etablissement national des invalides de la marine : 12.483.772,51 francs ;

9. Caisse nationale militaire de sécurité sociale : 71.029.798,48 francs ;

10. Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires : 7.189.637,88 francs ;

11. Banque de France : 3.761.840,22 francs ;

12. Chambre de commerce et d'industrie de Paris : 680.850,77 francs.

Le déficit pris en charge par la CNAMTS s'élève à 3.972 millions de francs soit 3.760 millions de francs au titre du régime général et 212 millions de francs en raison de l'intégration financière du régime des salariés agricoles (141 millions de francs) et de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (71 millions de francs).

Les régimes d'assurance maladie autres que le régime général contribuent à hauteur du reliquat soit 566 millions de francs.

Les dépenses résultant de l'assurance personnelle se sont élevées en 1997 à environ 12 milliards de francs. Cette évaluation n'est qu'indirecte puisqu'elle est la somme des recettes et des déficits.

L'assurance personnelle en 1997

Financement

Millions de francs

Public

Nombre

Conseils généraux

3.766

Bénéficiaires de l'aide médicale

374.078

Etat

285

Bénéficiaires de l'aide médicale sans résidence stable

29.618

CAF

2.386

Titulaires de prestations familiales

136.534

FSV

610

Bénéficiaires de l'allocation spéciale du minimum vieillesse

47.014

Personnes acquittant leurs cotisations

440

personnes acquittant leurs cotisations

57.028

TOTAL financement

7.487

TOTAL

644.272

Déficit pris en compte par la CNAMTS

3.972

 
 

Déficit pris en compte par les autres régimes d'assurance maladie

566

 
 

Coût total (1)

12.025

 
 

(1) Cotisations et déficits

L'article R. 741-40 du code de la sécurité sociale dispose que " les opérations de recettes ou de dépenses de l'assurance personnelle, qu'elles soient effectuées par le régime général ou par d'autres régimes, sont suivies dans une section comptable distincte du fonds national de l'assurance maladie géré par la caisse nationale de l'assurance maladie ".

Les résultats 1997 de cette section comptable ont été communiqués à votre rapporteur. Ils corroborent un déficit de l'assurance personnelle de 4,5 milliards de francs, mais portent sur un total de charges de 10,4 milliards de francs, ce qui apparaît contradictoire avec les chiffres fournis par l'étude d'impact.

• Des réaffectations de recettes complexes et incertaines

Le projet de loi affecte à la CNAMTS de nouvelles recettes afin de compenser la suppression des cotisations d'assurance personnelle aujourd'hui prises en charge par les différentes collectivités publiques.

• Pour compenser la suppression de la prise en charge par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) d'une partie des cotisations d'assurance personnelle, le projet de loi prévoit de modifier la répartition des droits de consommation sur les alcools (" droits 403 ").

Cette répartition serait désormais de :

- 55 % pour le FSV (au lieu de 60 %) ;

- 40 % pour les régimes obligatoires d'assurance maladie (situation inchangée) ;

- 5 % pour la seule CNAMTS.

• Pour compenser la suppression de la prise en charge d'une partie des cotisations d'assurance personnelle par les caisses d'allocations familiales , le projet de loi modifie l'affectation du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine, réparti aujourd'hui pour moitié entre la CNAF et la CNAVTS.

Il prévoit l'attribution d'une partie de ce prélèvement à une troisième branche du régime général : la CNAMTS. La répartition serait de 50 % pour la CNAVTS (situation inchangée), 28 % pour la CNAMTS et 22 % pour la CNAF.

Le rendement estimé du prélèvement social de 2 % est de l'ordre de 9,7 milliards de francs, soit 4,8 milliards de francs pour la CNAF, selon le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1998.

La perte de recettes serait pour la CNAF de 2,7 milliards de francs, pour une moindre dépense de 2,4 milliards de francs.

•  Pour compenser la suppression de la prise en charge par les départements et l'Etat d'une partie des cotisations d'assurance personnelle, le projet de loi prévoit, dans son exposé des motifs et dans l'étude d'impact, une recette virtuelle : une modification de la clef de répartition des droits sur les tabacs en faveur de la sécurité sociale qui n'interviendra qu'en loi de finances pour 2000.

•  Pour compenser la suppression du système de la répartition du déficit de l'assurance personnelle , le projet de loi propose d'affecter l'intégralité de la cotisation sur les véhicules à moteur -dont le produit est aujourd'hui réparti entre les régimes d'assurance maladie- à la seule CNAMTS. Le surcroît de recettes attendu est de 830 millions de francs.

• Une dérive du coût qui sera supportée par l'assurance maladie

Aux termes de cette modification des flux financiers, il ressort que la charge supportée par la CNAMTS s'aggrave avant même que l'on s'interroge sur la pertinence des évaluations fournies par le Gouvernement.

Le financement de la couverture maladie de base
Projet du gouvernement

(en millions de francs)

DÉPENSES

RECETTES

Dépenses actuelles

12.025

Tabacs

3.500

Extension du champ

600

28 % prélèvement social

2.700

 
 

Droits alcools

600

 
 

Cotisations assurés

100

 
 

Cotisations VTAM

830

TOTAL

12.625

 

7.730

SOLDE- 4.895

L'Etat apparaît bénéficiaire de la mise en place du premier étage de la CMU aux dépens essentiellement de la CNAMTS mais également de la CNAF.

Conséquences sur le budget de l'Etat

(en millions de francs)

 

Dépenses

Recettes

Diminution DGD

- 3.766

Tabacs - 3.500

Suppression des cotisations d'assurance personnelle

- 285

 

Compensations autres régimes d'assurance maladie

+ 200

 

TOTAL

- 3.851

- 3.500

SOLDE + 351

La " compensation aux autres régimes d'assurance maladie " constitue une partie de la différence entre la perte de recettes liée à la CVTAM (830 millions de francs) et la moindre dépense liée à la suppression de la participation de ces régimes au déficit de l'assurance personnelle (566 millions de francs). Cette subvention semble être principalement affectée au régime de protection sociale agricole, la CANAM ne recevant à l'heure actuelle aucune subvention d'équilibre de la part de l'Etat.

Pour la CNAMTS , le surcoût net de la couverture de base est estimé à 900 millions de francs, sans prendre en compte les coûts supplémentaires de gestion, qui ne sont pas estimés par l'étude d'impact du projet de loi :

Conséquences sur l'équilibre de la CNAMTS

(en millions de francs)

Dépenses

Recettes

Extension du champ

+ 600

Pertes des cotisations
dont :

- 7.487

 
 

Etat

- 285

Intégralité déficit assurance personnelle

+ 566

Départements

- 3.766

 
 

CNAF

- 2.336

 
 

FSV

- 610

 
 

Assurés

- 440

 
 

Tabacs

+ 3.500

 
 

Prélèvement social

+ 2.700

 
 

Droits alcools

+ 600

 
 

Cotisations assurés

+ 100

 
 

Affectation intégralité CVTAM

+ 830

TOTAL

+ 1.166

TOTAL

+ 243

SOLDE - 923

Au total, les transferts entraînés par la couverture maladie de base sont les suivants :

Transferts entraînés par la couverture de base

(en millions de francs)

 

Economie +
Charges -

Recettes en plus (+)
en moins (-)

Solde
+ gain
- pertes

Etat

+ 3.851

- 3.500

+ 351

Départements

+ 3.766

- 3.766

-

CNAF

+ 2.386

- 2.700

- 314

FSV

+ 610

- 600

+ 10

Assurés

+ 340

-

+ 340

CNAMTS

- 1.166

+ 243

- 923

Autres régimes assurance maladie

+ 566

- 630

- 64

La CNAMTS supportera donc, a priori, un déficit de près de 5 milliards de francs, soit 3,9 milliards de francs au titre du déficit actuel de l'assurance personnelle et 0,9 milliard de francs au titre du présent projet de loi.

Mais elle supportera également toute dérive du coût par rapport à l'estimation du Gouvernement.

Or, un calcul simple consiste à rapprocher le nombre de personnes couvertes aujourd'hui par l'assurance personnelle (644.000 selon l'étude d'impact jointe au projet de loi) du coût de ce dispositif (12,02 milliards de francs - voir supra ).

Le coût actuel de l'assurance personnelle à laquelle se substitue le nouveau régime prévu par le titre I du projet de loi est d'environ 18.000 francs par assuré, chiffre dont il convient de préciser qu'il ne prend pas en compte, en sus de 644.000 assurés, leurs ayants droit sur lesquels l'étude d'impact ne fournit aucune indication.

Autre estimation : le coût moyen de la couverture de base s'établit à 12.000 francs pour le régime général.

Or, Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité, interrogée sur cette question par votre rapporteur, a précisé que le coût de 600 millions de francs avancé par le Gouvernement reposait sur une double hypothèse :

" - une population à l'écart de toute couverture sociale estimée à 150.000 personnes (source INSEE) ;

" - un coût de couverture d'environ 4.000 francs par personne (prenant en compte le fait qu'une part de cette population était en partie soignée dans les hôpitaux - et donc déjà à la charge partielle de l'assurance maladie). "


Votre rapporteur ne conteste pas qu'une partie de ces 150.000 personnes puisse, d'ores et déjà, engendrer des coûts pour l'assurance maladie. Mais l'estimation d'un coût de 4.000 francs apparaît pour le moins optimiste.

Ainsi, le coût de 600 millions de francs risque fort d'être dépassé sauf si le nombre de bénéficiaires n'est pas celui annoncé.

En résumé, les mécanismes financiers dont est assortie l'extension de la couverture de base :

- ne règlent pas le déficit actuel supporté par la CNAMTS de l'assurance personnelle (3,9 millions de francs) ;

- aggravent ce déficit de près de 1 milliard de francs.

En outre, cette évaluation :

- s'appuie sur des données déjà anciennes (1997) ;

- repose sur une estimation du coût de la couverture de base accordée à 150.000 personnes supplémentaires pour le moins optimiste ;

- fait le pari d'une évaluation des recettes affectées à la CNAMTS parallèle et cohérente avec celles des dépenses qu'elle prend en charge.

Or, c'est la CNAMTS, et elle seule, qui supportera les conséquences financières des hypothèses énoncées et des sous-évaluations alors même qu'il est d'ores et déjà acquis qu'elle supportera une charge de près de 5 milliards de francs.

b) Le coût de la couverture complémentaire gratuite comporte de nombreuses incertitudes

Aujourd'hui, la prise en charge de la couverture complémentaire des plus démunis relève essentiellement de l'aide médicale des départements qui y consacrent 5,4 milliards de francs et marginalement de l'Etat (200 millions de francs). Le nombre de bénéficiaires serait d'environ 2,5 millions de personnes.

Le coût de la couverture maladie complémentaire gratuite mise en place par le titre II du projet de loi est évalué à 9 milliards de francs pour 6 millions de bénéficiaires.

• Un financement net à parité entre l'Etat et les organismes de protection complémentaire

Deux acteurs ont été retenus pour financer " le fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie " , prévu à l'article 25 du projet de loi. Les organismes de protection complémentaire seront taxés à hauteur de 1,75 % de leur chiffre d'affaires santé, ce qui devait rapporter, sur la base d'une assiette d'environ 100 milliards de francs, 1,8  milliard de francs.

Le financement de la couverture complémentaire
selon le projet de loi

(en millions de francs)

Subvention au fonds de financement de la part de l'Etat

7.200

Organismes complémentaires

1.800

Total

9.000

L'Etat doit, au moyen d'une dotation budgétaire, équilibrer le financement de ce fonds. Cette subvention a été évaluée à 7,2 milliards de francs.

Il ne s'agit pas d'un coût net pour l'Etat, puisqu'il bénéficie d'une diminution de la DGD équivalente à l'effort que réalisaient les départements en matière de couverture complémentaire et d'une diminution des dépenses d'aide médicale liées à la couverture complémentaire des SDF.

Cette diminution des dépenses constituée de l'aide médicale d'Etat est difficile à évaluer à partir de l'étude d'impact, mais une réponse au questionnaire adressé par votre rapporteur à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité permet de la préciser :

" La dotation budgétaire de l'aide médicale d'Etat s'élève, en 1997, à 0,8 milliard de francs. Les économies réalisées sur cette dotation correspondent à la disparition des cotisations d'assurance personnelle actuellement prises en charge par l'Etat (0,3 milliard de francs) et à la majeure partie des autres dépenses d'aide médicale (couverture complémentaire des SDF). Le coût futur de l'aide médicale d'Etat -attaché à la couverture maladie universelle- est estimé à 0,3 milliards de francs. (...) L'écart entre ces deux coûts correspond au gain net pour l'Etat " .

Cette réponse fait apparaître une économie pour l'Etat de 500 millions de francs, légèrement supérieure à celle figurant dans l'étude d'impact 2( * ) (400 millions de francs). Par déduction, si la prise en charge des cotisations d'assurance personnelle des SDF s'élève à 285 millions de francs, le coût de l'aide médicale complémentaire dont l'Etat va faire l'économie est évalué à environ 200 millions de francs.

Conséquences du volet complémentaire
pour le budget de l'Etat

(en millions de francs)

Subvention au fonds de financement

7.200

Diminution DGD (1)

- 4.924

Economie sur l'aide médicale d'Etat (1)

- 200

Total

- 2.076

(1) hors prise en compte de la suppression de l'assurance personnelle (voire couverture de base)

L'analyse des transferts liés à la mise en place d'une couverture complémentaire permet de faire apparaître une " parité de financement " de la couverture complémentaire entre Etat et organismes privés.

Transferts liés à la mise en place d'une couverture complémentaire

(en millions de francs)

 

Economie +
Charges -

Recettes en plus (+)
en moins (-)

Solde
+ gain
- pertes

Etat

- 2.076

-

- 2.076

Départements

+ 5.379 (1)

- 4.924 (2)

+ 455

Organismes complémentaires

- 1.800

(3)

- 1.800

(1) Suppression de l'aide médicale des départements (sommes consacrées en sus de la prise en charge des cotisations à l'assurance personnelle : 9.145 MF - 3.766 MF = 5.379 MF).

(2) Diminution de la DGD (reliquat) (8.690 MF - 3.766 MF = 4.924 MF).

(3) Perte de recettes non chiffrée au titre des pertes de cotisations actuellement perçues.


• Une sous-estimation manifeste du coût par bénéficiaire

Le Gouvernement annonce un coût de 1.500 francs par bénéficiaire de la couverture complémentaire gratuite : ce chiffre est une évaluation prévisionnelle mais également une référence législative pour le remboursement forfaitaire des organismes de protection complémentaire.

Selon une étude du CREDES, le coût moyen de la couverture complémentaire d'un Français varie entre 1.775 et 1.915 francs selon les sources et les méthodes d'estimation. Le Gouvernement a retenu le chiffre de 1.500 francs en raison, d'une part, de la structure d'âge de la population visée par la CMU, nettement plus jeune que la population totale, et ce qui en fait un public moins dépensier, et ses comportements spécifiques de consommation. Les analyses réalisées dans les départements montraient une sous-consommation de l'ordre de 10 %. Il est très difficile d'estimer si cette sous-consommation est une donnée structurelle, dépendant étroitement d'un comportement socio-éducatif, ou si la CMU conduira à une banalisation de la consommation médicale des plus démunis.

De toute évidence, le chiffre de 1.500 francs mentionné dans le rapport Boulard a été retenu selon une méthode contestable ; il porte sur une année déjà ancienne (1995), sans avoir été réévalué, et sur une population (moins de 65 ans) qui n'est finalement pas celle retenue.

Le rapport Boulard 3( * ) évoquait " un coût moyen du ticket modérateur et du forfait hospitalier de 1.150 francs et 113 francs, auxquels il faut ajouter le coût de l'amélioration de prise en charge des soins dentaires, des prothèses auditives et optiques " .

Le coût de ces soins dentaires ou des prothèses auditives et optiques est très difficile à estimer. Il apparaît néanmoins justifié de prévoir, dans ce domaine, un phénomène de rattrapage émanant des bénéficiaires de la CMU.

Enfin, une référence existe aujourd'hui : 5,5 milliards de francs sont actuellement consacrés par les départements à la couverture complémentaire de 2,5 millions de personnes, soit un coût unitaire de l'ordre de 2.200 francs.

Cette somme, " recyclée " pour financer la couverture complémentaire gratuite instituée par le projet de loi, permettra au " tarif " retenu par la CMU de financer la couverture de 3,6 millions de personnes.

" La multiplication des pains "

 

Coût

en millions de francs

Nombre de personnes couvertes

Coût unitaire apparent
en francs

Aujourd'hui

5.500

2.500.000

2.200

Demain

9.000

6.000.000

1.500

Pour résumer, le financement proposé par le Gouvernement repose sur un phénomène observé il y a deux mille ans aux noces de Cana 4( * ) , mais qui ne s'est malheureusement jamais reproduit : la multiplication des pains.

*

* *

Le Gouvernement ayant, dans les évaluations financières qu'il a fournies, fait un bloc de la couverture de base (titre I) et de la couverture complémentaire (titre II) bien que ces deux mécanismes soient pourtant très différents dans leur implication financière, on trouvera ci-dessous, pour information, le chiffrage global de la CMU.

COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE
(BASE ET COMPLÉMENTAIRE)

(en millions de francs)

 

Economie +
Charges -

Recettes en plus (+)
en moins (-)

Solde
+ gain
- pertes

Etat

+ 1.775

- 3.500

- 1.725

Départements

+ 9.145

- 3.766

+ 455

CNAF

+ 2.386

- 2.700

- 314

FSV

+ 610

- 600

+ 10

Assurés

+ 340

-

+ 340

CNAMTS

- 1.166

+ 243

- 923

Autres régimes assurance maladie

+ 570

- 630

- 60

Organismes complémentaires

- 1.800

-

- 1.800

2. Il n'est pas maîtrisé dans ses conséquences

Un ensemble de phénomènes, et non des moindres, n'a pas été pris en compte pour analyser les conséquences du projet de loi et mesurer l'impact réel.

a) Des conséquences pourtant prévisibles n'ont pas été prises en compte, constituant le " coût caché " de la CMU

Ces conséquences sont liées principalement à la suppression du lien entre cotisations et prestations et à l'effet de seuil massif qu'introduit le projet de loi.

• l'effet sur les recettes de la protection sociale

L'instauration d'une couverture complémentaire gratuite doit être rapprocher de deux autres dispositions du projet de loi.

- l'exonération de cotisation consentie aux bénéficiaires de la couverture de base sur le critère de la résidence ;

- l'interdiction qui vise l'ensemble des régimes de suspendre les prestations en cas de non-paiement des cotisations.

Ces trois éléments cumulés constituent une véritable " onde de choc " dans notre système d'assurance sociale. Des difficultés sont prévisibles pour " faire rentrer " les cotisations de ceux qui devront encore en payer dès lors que le lien entre prestation et cotisation est si évidemment rompu. Les difficultés seront particulièrement graves pour les cotisations qui ne sont pas prélevées à la source. Cette conséquence n'a pas totalement échapper aux auteurs du projet de loi qui ont dû mettre en place à l'article 14 un renforcement des procédures de recouvrement des cotisations.

En second lieu, les organismes de protection complémentaire qui devront s'acquitter en espèce ou " en nature " d'un impôt nouveau de 1,8 milliard de francs (1,73 % de leur chiffre d'affaires santé) devront le financer d'une façon ou d'une autre et majorer le taux des cotisations et primes de leurs adhérents au moment où une partie d'entre eux basculeront vers la CMU et seront dispensés de toute contribution.

Ces deux phénomènes, perte d'adhérents dispensés par la CMU de cotisations et départ d'adhérents face aux majorations des cotisations et primes résultant de la mise en place de la CMU, constituent une " contribution " non chiffrée des organismes complémentaires.

Troisième élément pesant sur les recettes de la protection sociale : le phénomène de " désincitation " entraîné par l'effet de seuil massif du projet. Autour de ce seuil, les enjeux financiers seront considérables, en termes non seulement d'économie de cotisations mais également de prestations reçues.

Il y a fort à parier que l'on assiste à une forme de " réimmersion " d'un certain nombre d'activités ou de revenus dont les conséquences se mesureront sur les recettes de la sécurité sociale.

• Le recours à l'aide sociale

Prenant conscience du caractère massif et injuste de cet effet de seuil, l'Assemblée nationale et le Gouvernement y ont répondu en proposant... des solutions d'assistance aux personnes des classes moyennes dont les revenus sont au-dessus du seuil : elles sont ainsi invitées à s'adresser, pour demander une aide financière, à pas moins de cinq guichets différents : les départements, les communes, les fonds d'action sociale des CPAM, les fonds d'action sociale des CAF, et un " fonds " que pourront créer, volontairement, les organismes complémentaires pour aider les personnes disposant d'un revenu faible, mais au-dessus du seuil, à obtenir une couverture complémentaire...

Ainsi Mme Martine Aubry déclarait-elle lors de son audition par la commission compétente de l'Assemblée nationale 5( * ) .

" La compensation des effets de seuils pourra en revanche être opérée par les caisses de sécurité sociale et les collectivités locales grâce aux sommes précédemment affectées à des dépenses de santé qui seront prises en charge par la CMU. En effet, la CMU allégera les charges des fonds d'action sociale des caisses : 650 millions de francs sont distribués par les fonds d'action sanitaire et sociale des CPAM et 240 millions de francs par les fonds d'action sociale des caisses d'allocations familiales. De même, les départements vont conserver les personnels affectés auparavant à la gestion de l'aide médicale ainsi que 5 % des sommes qui y étaient consacrées en 1997. S'y ajoute la part des 12 milliards de francs des contingents communaux d'aide sociale versés au titre de l'aide médicale, c'est-à-dire 1,5 milliard. Cette question est cependant encore en discussion entre le ministre de l'intérieur, l'APCG et les représentants des maires. Au total, ce seront donc trois à quatre milliards de francs, auparavant consacrés à l'aide médicale, qui seront disponibles et pourront être consacrés, au moins en partie, par les caisses et les collectivités territoriales à des dépenses d'aide sociale en direction des personnes se situant au-dessus du seuil retenu et se trouvant pourtant dans une situation personnelle difficile ".

Après avoir ainsi considéré que l'aide médicale était " stigmatisante ", le Gouvernement déplace en quelque sorte cette " stigmatisation " qui affectera désormais les populations légèrement au-dessus d'un seuil. Alors même qu'au-dessous de ce seuil existera un " droit " et que l'organisation de cette aide sociale " new-look " semble bien improvisée puisque pas moins de 5 guichets seront ouverts.

Prétendre, en outre, que les sommes sont " disponibles ", que le Gouvernement veut réquisitionner pour combattre les effets de seuils qu'il crée, mériterait sinon un examen attentif, du moins mieux qu'une affirmation péremptoire.

En ce qui concerne les conséquences du projet de loi sur les finances locales, votre commission sera naturellement très attentive aux analyses et aux propositions de la commission des Finances saisie pour avis.

Les départements financeront largement la CMU par un prélèvement sur la dotation générale de décentralisation (DGD) à hauteur du montant des dépenses d'aide médicale en 1997, affecté d'un coefficient de réduction de 5 %.

Certes, la question peut être posée d'une nouvelle répartition entre les départements du bénéfice de la déduction forfaitaire de 5 % : le dispositif toutefois n'a pas pour but prioritaire d'assurer une péréquation entre collectivités locales, comme on peut le faire au sein de la DGF par exemple. Il s'agit d'abord de tirer les conséquences financières d'un transfert de compétences en recherchant une compensation intégrale appréciée département par département, au franc le franc. A enveloppe budgétaire constante, il est difficile de définir une solution de financement qui ne susciterait pas plus de collectivités mécontentes que de collectivités satisfaites.

Pour autant, il appartient à votre commission de faire part de son inquiétude sur les conséquences ultérieures de la CMU pour les finances locales en raison des demandes qu'elle ne manquera pas de déclencher de la part des assurés sociaux.

En premier lieu, dans les départements où avait été institué des barèmes d'admission calculés sur des niveaux de ressources plus élevés que le plafond prévu au titre de la CMU, la sollicitation sera forte de la part des assurés d'obtenir le maintien de leurs droits en matière de couverture complémentaire grâce à une aide spécifique départementale.

Au demeurant, cette demande risque de se généraliser dans la mesure où la CMU génère un effet de seuil massif, d'autant plus perceptible qu'il sera national. Dans un contexte où le Gouvernement a toujours la tentation de dénoncer les disparités de traitement de l'action sociale locale, pourtant inhérente à un dispositif décentralisé, on imagine assez bien les pressions qui s'exerceront en faveur de la création d'un barème complémentaire de CMU. En tout état de cause, dans le cadre d'une aide, au cas par cas, les départements et les communes seront sollicités, alors même que les sommes actuellement investies auront été recyclées vers la CMU sous forme d'une diminution de la DGD.

Force est de constater que le Gouvernement ne va pas au bout de sa démarche et ne tire pas les conséquences sur le dispositif des contingents communaux d'action sociale du transfert de la compétence d'aide médicale aux départements. Votre commission espère que durant le débat au Sénat, les associations d'élus locaux, sans doute en concertation étroite avec notre commission des finances, puissent trouver un accord avec le Gouvernement.

Enfin, il importe de souligner que si le transfert de compétences est muet sur le devenir des personnels et des travailleurs sociaux, jusqu'alors chargés de la gestion de l'aide médicale départementale, ces derniers devront être reconvertis par les conseils généraux.

Le coût de cette reconversion devra à l'évidence être mis au débit du dispositif lors de l'évaluation finale.

b) Des effets pervers n'ont pas été mesurés : l'exemple des étudiants issus des familles aisées

De plus en plus, avec l'augmentation continue des prélèvements sociaux et le développement de situations dans lesquelles " ceux qui paient " ne reçoivent rien, ou reçoivent toujours beaucoup moins que les autres, se développent des réactions condamnables du point de vue de la morale et de la citoyenneté, tendant à " récupérer " ce qui a été payé.

De tels comportements sont à attendre en ce qui concerne la création de la couverture maladie dite " universelle " en ce qui concerne les étudiants.

S'il est légitime que les personnes disposant de faibles revenus soient aidées par la collectivité à financer les études supérieures de leurs enfants, il n'est pas juste que les personnes favorisées fassent de même, au prétexte de " récupérer " une part des impôts élevés qu'ils sont, de plus en plus, appelés à acquitter.

Or, le projet de loi portant création d'une couverture maladie " universelle " ne prévoit aucun verrou en la matière. Sur le plan fiscal, il peut être intéressant, dans une famille, de " sortir " du foyer fiscal un enfant étudiant, la pension alimentaire qui lui est versée étant déductible du revenu imposable.

Une telle solution est devenue encore plus intéressante avec le " bouclage " de l'allocation logement.

Au 30 juin 1998, on dénombrait ainsi, en France métropolitaine et dans les DOM :

- 528.778 étudiants bénéficiaires de l'allocation de logement sociale,

- 118.780 étudiants bénéficiaires de l'allocation personnalisée au logement,

- 10.428 étudiants bénéficiaires de l'allocation de logement familiale,

soit un total de 657.986 étudiants bénéficiant d'une allocation de logement. Sans que votre commission puisse, à cet égard, citer d'études précises, il est probable que ces 657.986 étudiants ne sont pas tous issus de familles défavorisées, ne serait-ce qu'en raison des inégalités sociales qui demeurent dans l'accès aux études supérieures.

Avec la création de la CMU, il est clair qu'il deviendra " rationnel " que l'étudiant ne soit plus inclus dans le foyer fiscal de ses parents, bénéficiant ainsi à la fois d'une aide au logement et d'une couverture complémentaire maladie gratuite et couvrant 100 % des dépenses.

Ceci pose aussi la question de l'avenir des régimes mutualistes étudiants, dont une majorité de ressources proviendra, demain, de fonds publics et non plus d'adhésions.

DEUXIÈME PARTIE
-
LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Le projet proposé par votre commission comporte quatre caractéristiques majeures.

C'est un projet généreux, qui intègre, en les solvabilisant, plus de six millions de résidents dans le système de protection sociale, plutôt que de les exclure. Il est fondé sur la création d'une allocation personnalisée à la santé, définie par référence à l'allocation personnalisée au logement.

C'est ensuite un projet responsabilisant, qui efface les effets de seuil.

C'est également un projet qui prend en considération les difficultés rencontrées par les plus démunis et leur propose des solutions adaptées.

C'est enfin un véritable projet partenarial.

I. L'ALLOCATION PERSONNALISÉE À LA SANTÉ : INTÉGRER, EN LES SOLVABILISANT, PLUS DE SIX MILLIONS DE PERSONNES DANS LE SYSTÈME DE PROTECTION SOCIALE PLUTÔT QUE LES EXCLURE

Le projet proposé par votre commission n'est, ni plus, ni moins, généreux que celui qui est soumis à votre examen par le Gouvernement. Il fonctionne à coût constant, mais s'adresse toutefois à un nombre plus élevé de résidents.

Il a, comme le projet du Gouvernement, pour ambition de remédier aux difficultés d'accès aux soins rencontrées par les personnes titulaires de faibles revenus, mais avec une différence majeure : au lieu d'exclure ces personnes de notre système de protection sociale, au lieu de prévoir, pour elles, un système " bis " d'assurance maladie, il les intègre dans l'organisation actuelle de la couverture maladie : les personnes titulaires de faibles revenus ne demandent en effet ni plus, ni moins que d'accéder aux mêmes biens et services, par les mêmes moyens, que le reste de la population.

Fondé autour de la création d'une allocation personnalisée à la santé, définie sur le modèle de l'allocation de logement, il solvabilise ses bénéficiaires qui la perçoivent mensuellement afin de leur permettre d'accéder à une couverture complémentaire.

C'est bien, ici, une solution d'intégration, et non pas d'exclusion, de la même manière que les bénéficiaires de l'allocation logement ne sont pas placés dans une situation différente de celle des autres locataires ou propriétaires.

Ceci n'empêche pas que, comme la législation sur l'allocation de logement prévoit des conditions auxquelles doivent satisfaire les logements, votre commission propose de définir une couverture complémentaire comportant certaines caractéristiques : ces caractéristiques sont celles du meilleur rapport qualité-prix, notamment pour les biens médicaux, là où le Gouvernement propose de faire bénéficier aux CMUistes les biens les moins chers.

Point n'est donc besoin de contraindre les professionnels de santé, comme le fait le Gouvernement, à pratiquer des tarifs différents en fonction des revenus du patient.

L'allocation personnalisée à la santé sera financée, selon les conditions prévues par le projet de loi pour la CMU, par une taxe des organismes complémentaires et une subvention d'équilibre de l'Etat.

II. UN PROJET RESPONSABILISANT, QUI EFFACE LES EFFETS DE SEUIL

Ce projet proposé par votre commission est responsabilisant pour ses bénéficiaires : ils percevront une allocation d'un montant dégressif avec le revenu, à charge pour eux d'adhérer à une mutuelle ou de souscrire un contrat d'assurance.

Bien entendu, de la même manière que pour l'allocation logement, les amendements de votre commission prévoient que les bénéficiaires pourront décider que l'allocation sera directement versée à la mutuelle, à l'institution de prévoyance ou à la société d'assurance qu'ils auront choisie, à charge pour eux de payer le reliquat de cotisation ou de prime éventuelle dû.

Tel qu'il est construit, le projet proposé par votre commission ne présente pas le défaut majeur qui caractérise le projet du Gouvernement, à savoir un effet de seuil massif.

De même qu'il n'existe pas de véritable effet de seuil pour l'allocation logement, le caractère dégressif de l'allocation personnalisée à la santé permet tout à la fois d'en faire bénéficier des personnes disposant de revenus plus élevés que le plafond qui a été retenu par le Gouvernement et d'éviter une " trappe à la pauvreté " au niveau de ce plafond.

Ainsi, le projet de votre commission n'est pas désincitatif à l'emploi et n'incite pas non plus à dissimuler quelques centaines de francs de revenus : la situation des personnes s'améliore ici avec le revenu, et ne se détériore pas comme dans le projet du Gouvernement.

III. UN PROJET QUI PREND EN CONSIDÉRATION LES DIFFICULTÉS SPÉCIFIQUES RENCONTRÉES PAR LES PLUS DÉMUNIS

Le projet proposé par votre commission prévoit d'abord qu'au niveau du RMI, l'allocation personnalisée à la santé couvrira entièrement le coût de la couverture complémentaire qui sera fixé par l'Etat. Et si, pour toutes les personnes autres que celles qui bénéficient du RMI, le projet de votre commission prévoit que la couverture complémentaire est obtenue, dans des conditions de droit commun, auprès des organismes de protection sociale complémentaire, il réserve le cas des titulaires du RMI qui seront entièrement gérés par les CPAM.

Votre commission a ainsi voulu tenir compte, à la fois des difficultés particulières d'insertion que peuvent rencontrer ces personnes et aussi du droit existant, la couverture des titulaires du RMI étant aujourd'hui gérée le plus souvent par les CPAM dans le cadre de l'aide médicale.

Pour autant, votre commission a décidé d'offrir aux bénéficiaires du RMI le choix entre deux solutions : soit ils optent pour un versement direct de l'allocation à la CPAM, soit ils choisissent de percevoir eux-mêmes l'allocation et de payer ensuite une cotisation complémentaire d'un même montant à la CPAM.

Une telle solution peut ainsi être choisie, pour certaines personnes, en vue d'aider à réapprendre à gérer un budget.

IV. UN PROJET VÉRITABLEMENT PARTENARIAL

Le projet proposé par votre commission répond, à cet égard aussi, à l'ensemble des objections formulées à l'encontre du projet de loi présenté par le Gouvernement.

Il prévoit en effet un système dans lequel chacun continue à faire son métier, l'assurance maladie de base gérant la couverture de base et les organismes de protection sociale complémentaire étant chargés de la seule couverture complémentaire.

Votre commission a retenu le principe selon lequel l'instruction des demandes serait effectuée par les CPAM. A vrai dire, si elle avait elle-même été à l'origine du projet, elle aurait probablement choisi les caisses d'allocations familiales qui sont habituées à contrôler les ressources de leurs bénéficiaires pour l'octroi de certaines prestations.

Votre commission ne néglige pas, en effet, les difficultés considérables que vont rencontrer les caisses d'assurance maladie pour contrôler, dès le début de l'année prochaine, les ressources d'environ 10 % de la population.

Si elle a choisi de retenir la solution de l'instruction par les CPAM, c'est essentiellement pour demeurer dans le scénario partenarial qui a été accepté par la CNAMTS, la FNMF, le CETIP et la FFSA dans les différents protocoles d'accords qu'ils ont conclus ensemble.

Le scénario sera donc véritablement partenarial, n'impliquant aucune concurrence ni aucune situation d'inégalité, à la différence de celles qui sont créées par le projet de loi, entre organismes de base et organismes complémentaires.

Au contraire, le projet de loi prévoit que ces deux catégories d'organismes seront invitées à coopérer, en préparant, par convention, le contenu et les caractéristiques de la couverture complémentaire qui sera proposée aux bénéficiaires de l'APS. Ces conventions feront, bien entendu, l'objet d'un arrêté d'approbation qui leur donnera leur valeur juridique.

Dans le système proposé par votre commission, c'est l'Etat qui fixera le prix de la couverture complémentaire qui sera proposée aux bénéficiaires de l'ALS : il convient en effet d'empêcher que les organismes complémentaires fixent des prix trop élevés qui compromettraient la satisfaction de l'objectif de solvabilisation, et il est logique que la collectivité détermine les caractéristiques d'un produit de couverture complémentaire auquel, en quelque sorte, elle donnera un marché.

A la différence de ce qui est prévu par le projet de loi, les organismes complémentaires seront remboursés au franc le franc, par le fonds, des dépenses engagées au titre de la couverture complémentaire des bénéficiaires de l'APS qui ne seraient pas couvertes par le montant de cette allocation et des cotisations : cette règle incitera l'Etat, à cet égard, à fixer le " bon prix " de la couverture complémentaire et, le cas échéant, à le réviser à la baisse si les dépenses engagées sont inférieures à ce qui avait été prévu.

Le projet proposé par votre commission maintient la taxe de 1,75 % prévue par le projet de loi, en n'en modifiant que certaines caractéristiques techniques et en évitant les impositions en cascade : il est en effet légitime que, d'une manière ou d'une autre, les organismes de protection complémentaire apportent une contribution à l'Etat qui solvabilise, par l'APS, un marché supplémentaire.

Le caractère partenarial du projet défini par votre commission se retrouve enfin dans la composition du conseil d'administration du fonds qui comportera, autour d'une majorité de représentants de l'Etat, des représentants des régimes de base, des organismes de protection sociale complémentaire et des associations oeuvrant dans le domaine économique et social en faveur des personnes défavorisées.

EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PRÉLIMINAIRE
-
DE LA COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE

Article premier
Création d'une couverture maladie universelle et d'une protection complémentaire avec dispense d'avance de frais pour les plus démunis

I - Le texte du projet de loi

Dans le projet de loi initial, cet article comportait une première phrase énonçant que " la protection de la santé et l'égal accès à la prévention et aux soins constituent un impératif national et une priorité des politiques sociales ".

A l'initiative du rapporteur, M. Jean-Claude Boulard, l'Assemblée nationale a supprimé cette première phrase dépourvue de portée juridique. Elle ne faisait rien d'autre, en effet, que réaffirmer un des principes constitutionnels " particulièrement nécessaires à notre temps " en vigueur depuis 1946.

Une seconde phrase, dans le projet de loi initial, disposait qu' " il est créé une couverture maladie universelle qui garantit à tous une prise en charge des soins par un régime d'assurance maladie et aux personnes les plus défavorisées le droit à une protection complémentaire et la dispense d'avance de frais ".

L'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur, a également modifié cette seconde phrase.

Elle a ainsi substitué à la notion de " personnes les plus défavorisées " celle de " personnes dont les revenus sont les plus faibles ", la commission justifiant cet amendement dans son rapport par le fait que la notion retenue par le projet de loi était " trop peu précise ".

En fait, non seulement cette notion était imprécise, des personnes pouvant être " défavorisées " pour des raisons autres que le niveau de leurs ressources, mais elle était inexacte. Le projet de loi, affirme le ministère, devrait en effet concerner environ 10 % de la population : ces six millions de personnes, à l'évidence, ne constituent pas un groupe homogène composé des personnes " les plus défavorisées ".

Cette inexactitude, dès l'article premier qui constitue un article de principe, témoigne bien de l'erreur d'analyse qui sous-tend l'ensemble du projet de loi. Il propose en effet une solution uniforme à des personnes qui ne sont pas toutes, loin s'en faut, ni les plus défavorisées, ni désocialisées.

Aux termes de l'article premier, la notion de " couverture maladie universelle " comprend, à la fois :

- la garantie d'une affiliation de tous les résidents à un régime de base d'assurance maladie ;

- une couverture complémentaire avec dispense d'avance de frais pour les personnes ayant les revenus les plus faibles.

Il convient d'observer que cet article premier n'affirme pas le principe de la gratuité de cette couverture complémentaire, cette gratuité étant posée au détour de l'article 20, qui crée l'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale.

II - Les propositions de votre commission

Votre commission vous propose de compléter cet article par une phrase disposant que la protection complémentaire qu'il mentionne est assurée par la création d'une allocation personnalisée à la santé.

Votre commission vous propose d'adopter cet article tel qu'amendé.

TITRE PREMIER
-
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RÉGIMES OBLIGATOIRES
CHAPITRE PREMIER
-
Dispositions générales

Art. 2
(art. L. 111-1, chapitre premier du titre IV du livre VII
et art. L. 741-11 du code de la sécurité sociale)
Principe de l'affiliation et du rattachement aux nouveaux régimes obligatoires et suppression du régime de l'assurance personnelle

Avant d'instituer, par les articles suivants, une affiliation au régime général sous critère subsidiaire de résidence au profit des personnes qui ne relèvent à aucun autre titre d'un régime professionnel d'assurance maladie, le présent article supprime, dans le code de la sécurité sociale, les dispositions relatives à l'assurance personnelle et celles qui y font référence.

Le paragraphe I de l'article modifie l'article L. 111-1 du code de la sécurité sociale, qui constitue le premier article de ce code et décrit les fondements de l'organisation de la sécurité sociale.

Cet article dispose notamment que les garanties offertes par la sécurité sociale s'exercent " par l'affiliation des intéressés et de leurs ayants droit à un régime obligatoire ou, à défaut, par leur rattachement au régime de l'assurance personnelle " .

Le paragraphe I supprime cette référence au rattachement au régime d'assurance personnelle, pour la remplacer par celle d'une affiliation à " un ou plusieurs régimes obligatoires " .

Il convient toutefois d'observer que, si le projet de loi supprime l'assurance personnelle maladie, l'assurance volontaire vieillesse et l'assurance volontaire invalidité, instituées par les articles L. 742-1 à L. 742-3 du code de la sécurité sociale, demeurent en vigueur.

Le paragraphe II de l'article abroge le chapitre premier (" Assurance personnelle ") du titre IV (" Assurance personnelle - assurance volontaire ") du Livre VII (" Régimes divers - dispositions diverses ") du code de la sécurité sociale, et modifie en conséquence l'intitulé du titre IV qui ne comportera désormais que des dispositions relatives à l'assurance volontaire.

Ce paragraphe prévoit toutefois que les dispositions de l'article L. 741-11 demeureront en vigueur jusqu'à la répartition du solde de l'assurance personnelle afférent à l'exercice 1999 : cet article prévoit, en effet, que le solde (en fait, le déficit) constaté au terme d'un exercice est réparti entre les régimes obligatoires d'assurance maladie et maternité compte tenu du nombre de leurs cotisants et de leurs bénéficiaires et du montant des prestations en nature servies par ces régimes.

Cette répartition ne pourra donc intervenir qu'après l'entrée en vigueur du projet de loi.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 3
(titre VIII du livre III, art. L. 380-1 à L.380-4 nouveaux
du code de la sécurité sociale)
Nouveaux critères d'affiliation au nouveau régime et cotisation

Cet article prévoit les conditions dans lesquelles les résidents peuvent être affiliés au régime général lorsqu'ils n'ont droit à aucun autre titre aux prestations en nature d'un régime d'assurance maladie.

Le paragraphe I de cet article crée, au titre VIII (Dispositions relatives à diverses catégories de personnes rattachées au régime général - dispositions d'application du Livre III) du Livre III (Dispositions relatives aux assurances sociales et à diverses catégories de personnes rattachées au régime général) du code de la sécurité sociale, un chapitre préliminaire intitulé : " Personnes affiliées au régime général du fait de leur résidence ". Ce chapitre est constitué des articles L. 380-1 à L. 380-4, les deux premiers articles de ce chapitre étant rédigés par le paragraphe II du présent article 3 du projet de loi.

Art. L. 380-1 du nouveau code de la sécurité sociale
Critères d'affiliation au régime

Cet article définit le critère de résidence sur lequel peuvent être affiliées les personnes qui n'ont droit, à aucun autre titre, aux prestations en nature d'un régime d'assurance maladie.

Ce critère, qui sera précisé par un décret en Conseil d'Etat, est :

- un critère subsidiaire . Il n'est retenu qu'en dernier lieu, si la personne ne peut prétendre à une affiliation à aucun autre titre ;

- un critère de résidence stable . Dans le droit en vigueur, l'affiliation à l'assurance personnelle repose aussi sur une condition de stabilité du séjour : elle est fixée à trois mois, sous réserve des traités et accords internationaux, pour les personnes de nationalité étrangère, par l'article R. 741-1 du code de la sécurité sociale.

Le droit de l'aide sociale prévoit également une condition de stabilité du séjour, plus sévère mais qui ne s'applique qu'aux personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière : l'article 186 du code de la sécurité sociale prévoit, en effet, qu'elles peuvent bénéficier de l'aide médicale à domicile " à condition qu'elles justifient soit d'un titre exigé des personnes de nationalité étrangère pour séjourner régulièrement en France, soit d'une résidence ininterrompue depuis au moins trois ans " ;

- un critère de résidence régulière . Le projet de loi maintient ainsi le principe selon lequel la sécurité sociale ne peut bénéficier qu'aux personnes étrangères en situation régulière, principe ancien en ce qui concerne les prestations et qui a été affirmé, pour l'affiliation, par la loi n° 93-1027 du 24 août 1993. L'article L. 115-6 qu'elle a institué dispose ainsi que " les personnes de nationalité étrangère ne peuvent être affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale que si elles sont en situation régulière au regard de la législation sur le séjour et le travail des étrangers en France, ou si elles sont titulaires d'un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour " .

L'article L. 380-1 créé par le présent article ne fait référence qu'à la régularité de la situation au regard de la législation sur le séjour : ceci est logique, les personnes de nationalité étrangère ayant une activité professionnelle étant affiliées à ce titre à la sécurité sociale.

Le cumul des conditions de stabilité et de régularité du séjour est, lui aussi, tout à fait cohérent, le droit aux prestations maladie des personnes affiliées sur un critère professionnel n'étant ouvert, aux termes de l'article L. 313-1, qu'aux assurés qui justifient avoir cotisé au cours d'une période de référence ou avoir effectué un nombre minimum d'heures de travail salarié ou assimilé.

L'article L. 380-1 dispose que toutes les personnes satisfaisant aux critères qu'il énonce " relèvent " du régime général : il s'agit donc d'une affiliation automatique. Contrairement à ce qu'affirme l'étude d'impact 6( * ) fournie par le Gouvernement, qui critique l'assurance personnelle sur ce point, il n'y pas là de différence avec le droit de l'assurance personnelle actuellement en vigueur, qui dispose que " toute personne résidant en France et n'ayant pas droit à un titre quelconque aux prestations en nature d'un régime obligatoire d'assurance maladie et maternité relève du régime de l'assurance personnelle " . Il n'y a donc pas, comme le sous-entend l'étude d'impact, d'un côté, un régime facultatif d'assurance personnelle et de l'autre, un régime de résidence obligatoire.

A la demande de M. Jean-Pierre Cantegrit, sénateur des Français établis hors de France et président de la Caisse des Français de l'Etranger, votre commission vous propose d'adopter un amendement complétant le premier alinéa de l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale par les mots : " ou de la caisse des Français de l'étranger ". Cette modification vise à permettre aux personnes résidant en France qui sont affiliées à la caisse des Français de l'étranger de rester affiliées à cette caisse. Elle répond ainsi aux besoins de certaines personnes placées dans des situations très particulières, tels les Français travaillant sur des plates-formes pétrolières hors des eaux territoriales d'un Etat.

Art. L. 380-2 du nouveau code de la sécurité sociale
Cotisation et seuil d'acquittement ou d'exonération

Cet article prévoit les conditions financières d'affiliation au régime général sur critère de résidence.

Il dispose qu'une cotisation proportionnelle aux revenus sera due au-delà d'un plafond déterminé par décret, révisé chaque année pour tenir compte de l'évolution des prix.

Le système est donc différent du droit applicable à l'assurance personnelle qui prévoyait une cotisation proportionnelle au premier franc, tout en ménageant l'existence de cotisations forfaitaires.

Les informations fournies par le Gouvernement au Parlement ne permettent pas, toutefois, d'apprécier l'importance de la différence entre le nouveau régime de résidence et l'assurance personnelle : tout dépendra en effet du plafond retenu... et du taux de cotisation applicable.

Le dossier de presse (p. 15) se contente d'indiquer que " la cotisation au régime d'assurance maladie sera au-delà du seuil de contributivité, strictement proportionnelle au revenu et à un taux limité ".

Le taux retenu sera également important pour déterminer l'ampleur de l'effort que devra réaliser le régime général pour assurer la couverture de base des quelque 600.000 personnes concernées.

Le taux et les modalités de calcul de la cotisation, ainsi que les obligations déclaratives des demandeurs, seront fixés par décret.

Rien ne permet d'affirmer, comme le fait le rapport de l'Assemblée nationale (rapport AN n° 1518, p. 84) , que le plafond mentionné à l'article L. 380-2 pour la couverture de base sera le même que celui qui est prévu à l'article 20 du projet de loi (cf. commentaire sous l'article 20 dans le présent rapport) .

Il convient d'observer, pour le regretter, que la gratuité de la couverture de base en dessous d'un certain plafond de revenus dans le régime de résidence créera une situation d'inégalité par rapport aux salariés et aux indépendants : la cotisation sur les salaires est appelée au premier franc, et il existe une cotisation minimale dans le régime des indépendants.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Art. 4
(art. L. 161-2-1 nouveau du code de la sécurité sociale)
Immédiateté et automaticité du droit à l'accès aux soins

I - Le texte du projet de loi

Cet article vise à faciliter l'accès à la couverture de base pour toutes les personnes qui ne sont pas affiliées à un régime d'assurance maladie.

Dans la même logique que celle qui avait inspirée les dispositions de la loi du 25 juillet 1994 (loi n° 94-637 relative à la sécurité sociale, art. 27) l'article L. 161-2-1 nouveau créé par cet article fait du régime général un régime pivot pour l'accès à l'assurance maladie des personnes qui ne bénéficient pas d'une couverture de base.

La loi du 25 juillet 1994 avait ainsi créé un article L. 161-1-1 (devenu art. L. 162-15-2 dans le droit en vigueur, cf. commentaire sous l'article 5) qui disposait que :

" Art. L. 161-1-1 - Toute personne pour laquelle il ne peut être immédiatement établi qu'elle relève à un titre quelconque d'un régime obligatoire d'assurance maladie et maternité ou du régime de l'assurance personnelle est affiliée provisoirement au régime de l'assurance personnelle prévu aux articles L. 741-1 et suivants, sous réserve qu'elle remplisse la condition de résidence prévue pour ce régime.

" Par dérogation aux dispositions de l'article L. 741-9, les intéressés bénéficient provisoirement à compter de la date de leur affiliation, pour eux-mêmes et pour leurs ayants droit au sens de l'article L. 313-3 et de l'article L. 161-14, des prestations en nature de l'assurance maladie et maternité servies par le régime général.

" Dès que le régime d'affiliation dont relève la personne est déterminé, il est procédé à une régularisation de sa situation pour la période de son affiliation provisoire à l'assurance personnelle. Dans le cas où l'intéressé relève d'un régime distinct de l'assurance personnelle, les prestations servies pendant la période d'affiliation provisoire sont remboursées par ce régime au régime de l'assurance personnelle. Dans le cas contraire, il est maintenu au régime de l'assurance personnelle, les cotisations correspondant à la période d'affiliation provisoire étant dues à compter du premier jour de cette affiliation, compte tenu des droits éventuels de l'intéressé à leur prise en charge.

" Des dispositions réglementaires fixent les modalités d'application du présent article et notamment les conditions de régularisation ".


L'article L. 161-2-1 adapte ces dispositions à la création du régime de résidence et à la suppression de celui de l'assurance personnelle.

Il prévoit l'affiliation immédiate de toute personne sur justification de son identité et de sa résidence stable et régulière et le bénéfice immédiat des prestations. La caisse d'assurance maladie procède ensuite à des recherches en vue de déterminer si l'intéressé relève ou non d'un autre régime que le régime général.

Le texte proposé par le projet de loi prévoit l'obligation d'élire domicile auprès d'un organisme agréé pour les personnes sans domicile fixe, et tel qu'il a été modifié par l'Assemblée nationale, le concours des associations, des services sociaux et des établissements de santé pour aider les personnes dans leur démarche d'affiliation.

II - Les propositions de votre commission

Votre commission vous propose, comme cela est prévu par l'article L. 161-15-2 actuellement en vigueur, que les modalités d'application de l'article L. 161-2-1 prévoient la procédure de régularisation applicable si la personne initialement affiliée au titre de l'article L. 380-1 relève du fait d'un autre régime que le régime général.

Votre commission vous propose d'adopter cet article tel qu'amendé.

Art. 5
(art. L. 161-15-1 et L. 161-15-2 du code de la sécurité sociale)
Continuité du droit à l'accès aux soins

Cet article propose une nouvelle rédaction des articles L. 161-15-1 (dont le contenu avait été abrogé par l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996) et L.161-15-2 (ancien article L. 161-1-1, cf. commentaire sous l'article 4). Ces deux articles affirmeront désormais le principe de continuité du droit aux prestations d'assurance maladie, non seulement pour le régime général comme l'indique le rapport de l'Assemblée nationale, mais pour l'ensemble des régimes de base.

Il s'agit en outre d'un principe s'appliquant à tous les assurés sociaux et non pas seulement aux personnes affiliées sur critère de résidence.

L'article L. 161-15-1 prévoit en effet qu'une personne ne peut perdre le bénéfice des prestations d'assurance maladie et maternité que :

- si elle cesse de remplir la condition de résidence mentionnée à l'article L. 380-1

- ou si elle est présumée absente (au sens de l'article 112 du code civil)

Cela signifie qu'une personne est immédiatement affiliée selon le critère de résidence au régime général si elle perd le bénéfice d'une affiliation professionnelle, et réciproquement.

L'article L.161-15-2 constitue le complément du précédent en affirmant la continuité des prestations en cas de changement de régime d'affiliation : l'" ancien " régime ne peut interrompre le service des prestations avant l'affiliation dans le nouveau. Cet article prévoit aussi que l'" ancien " régime garde ces prestations à sa charge jusqu'à la nouvelle affiliation.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 6
(art. L. 161-2, L. 381-7, L. 381-12, L. 382-9, L. 615-8, L. 722-6
du code de la sécurité sociale et art. 1106-12 du code rural)
Accès aux soins sans restriction financière

I - Le texte du projet de loi

Cet article modifie tous les articles du code de la sécurité sociale qui établissent un lien entre versement des prestations et paiement des cotisations.

Le paragraphe I :

•  supprime le dernier alinéa de l'article L. 161-2, en vigueur pour l'ensemble des régimes de base, rappelant l'existence du paiement préalable des cotisations pour percevoir des prestations ;

•  supprime le dernier alinéa de l'article L. 381-7, relatif au régime étudiant qui dispose que " les prestations sont fournies sur justification du versement régulier des cotisations " ;

•  supprime dans l'article L. 381-12, pour les ministres des cultes, la disposition qui subordonne le versement des prestations au fait d'être " à jour " de sa cotisation personnelle ;

•  supprime à l'article L. 382-9, pour les prestations en nature des artistes-auteurs, le lien entre paiement des cotisations et versement des prestations ;

•  réserve, à l'article L. 615-8 qui concerne les indépendants, aux seules prestations en espèces auxquelles, le cas échéant (en fonction de leur profession), ils ont droit, le lien entre règlement des prestations et paiement des cotisations ;

•  procède à une même modification à l'article L. 722-6 qui concerne les praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés.

Le paragraphe II de l'article supprime le troisième alinéa de l'article 1106-12 du code rural : celui-ci prévoyait, pour les personnes qui relèvent du régime agricole, que le versement des prestations était maintenu pendant six mois, en cas de non-paiement des cotisations, avant mise en demeure.

A l'initiative de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, l'Assemblée nationale a complété, cet article par un paragraphe III réservant le cas de la mauvaise foi de l'assuré : il est en effet légitime que la rupture du lien entre versement des cotisations et règlement des prestations, qui ne signifie pas que les cotisations ne sont plus dues, constitue un prétexte pour des personnes de mauvaise foi pour ne pas payer leurs cotisations.

Le dispositif introduit par l'Assemblée nationale prévoit que les modalités selon lesquelles le non-paiement des cotisations, dans ce cas, pourra entraîner la suspension du versement des prestations pour l'assuré social (mais pas pour ses ayants droit).

II - Les propositions de votre commission

Votre commission approuve la réserve introduite par l'Assemblée nationale visant les cas de mauvaise foi. Elle observe toutefois que le paragraphe III ne vise que " la cotisation prévue à l'article 3 de la présente loi ", c'est-à-dire la cotisation versée par les seules personnes affiliées au régime général sur le critère de résidence (article L. 380-2 nouveau du code de la sécurité sociale).

Dès lors que le projet de loi entend généraliser la suppression du lien entre paiement des cotisations et versement des prestations, votre commission considère qu'il n'y a guère de raison de ne pas étendre à l'ensemble des cotisations, la réserve introduite par l'Assemblée nationale des cas de mauvaise foi.

Votre commission vous propose d'adopter cet article tel qu'amendé.

Art. 7
(art. L. 161-14-1, L. 381-9 et L. 615-11 du code de la sécurité sociale)
Régime applicable aux ayants droit des personnes
affiliées au régime général

I - Le texte du projet de loi

Le régime général confère un caractère familial aux prestations en nature de l'assurance maladie dans la mesure où il garantit contre le risque non seulement l'assuré, mais également les personnes de son foyer qui sont à sa charge, lesquelles sont dites " ayants droit ". L'article L. 313-3 du code de la sécurité sociale précise la portée du caractère familial des prestations en nature en définissant les membres de la famille. Par membre de la famille, on entend :

1° Le conjoint de l'assuré ;

2° Jusqu'à un âge limite (art. R. 313-2 : 16 ans), les enfants non salariés, à la charge de l'assuré ou de son conjoint, qu'ils soient légitimes, naturels, reconnus ou adoptifs, pupilles de la Nation dont l'assuré est tuteur, ou enfants recueillis ;

3° Jusqu'à des âges limites et dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat (art. R. 313-12) :

a) les enfants placés en apprentissage dans des conditions déterminées par le code du travail (art. R. 313-12 : 18 ans) ;

b) les enfants qui poursuivent leurs études (art. R. 313-12 : 20 ans) ;

c) les enfants qui, par suite d'infirmités ou de maladies chroniques, sont dans l'impossibilité permanente de se livrer à un travail salarié (art. R. 313-12 : 20 ans) ;

4° l'ascendant, le descendant, le collatéral jusqu'au 3 ème degré ou l'allié au même degré de l'assuré social, qui vit sous le toit de celui-ci et qui se consacre exclusivement aux travaux du ménage et à l'éducation d'enfants à la charge de l'assuré.

L'article L. 161-14 du code de la sécurité sociale a élargi la qualité d'ayant droit en accordant le bénéfice du droit aux prestations en nature de l'assurance maladie-maternité à la personne qui vit maritalement avec un assuré social et qui se trouve à sa charge effective, totale et permanente.

Dans sa décision du 11 juillet 1989, la Cour de cassation (chambre sociale, caisse primaire d'assurance maladie de Nantes) a jugé qu'en se référant à la vie martiale, le législateur avait entendu viser " la situation de fait consistant dans la vie commune de deux personnes ayant décidé de vivre comme des époux sans pour autant s'unir par le mariage, ce qui ne peut concerner qu'un couple formé d'un homme et d'une femme ".

L'ayant droit ne pouvait donc être que le concubin hétérosexuel de l'assuré.

La loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social a souhaité ouvrir au partenaire homosexuel le droit que la jurisprudence lui refusait. Elle a complété l'article L. 161-14 du code de la sécurité sociale par deux alinéas afin de prévoir que le droit aux prestations est ouvert à la personne à charge qui, sans être un des ayants droit visés à l'article L. 313-3, vit avec l'assuré depuis une durée fixée par décret en conseil d'Etat. Le décret n° 93-678 du 27 mai 1993 précise les conditions d'application de cette mesure et fixe à 12 mois consécutifs la durée de vie commune ouvrant droit à prestations (art. R. 161-8-1 du code de la sécurité sociale).

On notera que l'article 4 bis de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité, adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture le 7 avril 1999, complète l'article L. 161-14 en attribuant la qualité d'ayant droit à la personne liée à un assuré social par un pacte civil de solidarité (PACS) lorsqu'elle ne peut bénéficier de la qualité d'assuré social à un autre titre.

En pratique, ceci revient à supprimer le délai d'un an pour les personnes liées par un PACS, les alignant ainsi sur les concubins hétérosexuels, le concubin homosexuel n'ayant pas souscrit un PACS se trouvant toujours obligé de justifier d'un an de vie commune 7( * ) .

L'article 7 du présent projet de loi modifie le régime applicable aux ayants droit des personnes affiliées au régime général de l'assurance maladie et crée un statut d'ayant droit autonome .

Le paragraphe I de cet article modifie l'article L. 161-14-1 du code de la sécurité sociale afin de permettre à l'enfant ayant droit d'un assuré social, qui atteint l'âge de seize ans, de pouvoir demander à être identifié de façon autonome au sein du régime dudit assuré social et à bénéficier à titre personnel du remboursement des prestations en nature de l'assurance maladie et maternité de ce régime. Cette possibilité est aujourd'hui réservée à l'enfant majeur, donc âgé d'au moins dix-huit ans.

En application de l'article R. 161-8-13, la demande doit être effectuée par l'intéressé auprès de l'organisme d'assurance maladie et maternité auquel est affilié l'assuré social dont il est ayant droit. Le remboursement des prestations en nature à titre personnel se poursuit aussi longtemps que l'intéressé demeure ayant droit d'un assuré social et qu'il n'a pas expressément renoncé à cette autonomie. L'organisme d'assurance maladie et maternité compétent remet à l'intéressé un document attestant de sa qualité d'ayant droit autonome et lui permettant d'obtenir le versement des prestations en nature.

En application de la deuxième phrase de l'article L. 161-14-1 du code de la sécurité sociale, ce dispositif devient obligatoire dès lors que l'enfant majeur poursuit des études dans un établissement d'enseignement entrant dans le champ d'application du régime de sécurité sociale des étudiants. Dans ce cas, ce sont les sections locales universitaires mutualistes qui sont chargées d'assurer la gestion des prestations en nature (art. R. 161-8-14 du code de la sécurité sociale).

Le paragraphe II fait bénéficier du statut d'ayant droit autonome les personnes mentionnées aux 1° et 4° de l'article L. 313-3, c'est-à-dire le conjoint, les ascendants descendants et collatéraux de l'assuré, et à l'article L. 161-14, c'est-à-dire l'ensemble des personnes qui vient avec l'assuré.

Le deuxième alinéa du texte proposé par le II pour compléter l'article L. 161-14-1 prévoit que les enfants mineurs pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance peuvent, à l'initiative des personnes ou des établissements qui en assurent l'accueil ou la garde, être identifiés de façon autonome au sein du régime de l'assuré. Ces personnes ou établissements perçoivent alors directement, pour le compte de l'assuré, les prestations en nature de l'assurance maladie-maternité.

Le paragraphe III modifie les règles applicables aux enfants ayants droit d'un assuré du régime d'assurance maladie-maternité des travailleurs non salariés non agricoles, géré par la Caisse nationale d'assurance maladie des non-salariés (CANAM).

L'article L. 615-10 du code de la sécurité sociale énumère les bénéficiaires des prestations de l'assurance maladie de ce régime. Parmi ceux-ci figurent les enfants à charge définis par les 2° et 3° de l'article L. 313-3 du code de la sécurité sociale auquel renvoie l'article L. 615-10 du même code. Toutefois, par dérogation à l'article L. 615-10, l'article L. 615-11 prévoit que les enfants qui n'ont pas atteint un âge limite (art. R. 615-32 - 20 ans) et qui poursuivent leurs études dans des établissements ouvrant droit au bénéfice de l'assurance maladie-maternité des étudiants, perdent la qualité d'ayant droit à titre de membre de la famille.

Le paragraphe III du présent article abroge donc l'article L. 615-11 et aligne par conséquent les règles applicables aux enfants des assurés du régime des travailleurs non salariés non agricoles sur celles applicables aux enfants des assurés du régime général. Lorsqu'ils sont étudiants, ces derniers bénéficient jusqu'à 20 ans du maintien dans le régime général et ne sont donc astreints au paiement d'une cotisation qu'au moment où ils intègrent le régime des étudiants, à l'âge de 20 ans.

Le paragraphe IV tire les conséquences du paragraphe III en prévoyant à l'article L. 381-9 du code de la sécurité sociale que les enfants ayants droit des ressortissants du régime des travailleurs non salariés des professions non agricoles ne relèvent pas du régime étudiant.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - Les propositions de votre commission


Le statut d'ayant droit autonome ainsi créé permet aux ayants droit de bénéficier d'une véritable indépendance à l'égard de l'assuré dont ils relèvent en matière de prestations en nature de l'assurance maladie-maternité.

Ces personnes seront désormais personnellement remboursées de leurs dépenses de santé sans avoir à passer par le compte de l'assuré social dont ils relèvent.

Dans le droit en vigueur, la possibilité d'être ayant droit autonome était offerte à l'enfant majeur mais était refusée au conjoint. Désormais, si l'enfant âgé de seize ans a la possibilité de demander un statut d'ayant droit autonome, les autres ayants droit (conjoints, concubins...) bénéficient automatiquement de ce dernier " sauf refus exprès de leur part ".

Votre commission vous propose d'adopter un amendement précisant que les prestations des assurances maladie et maternité perçues par les ayants droit mentionnés aux 1° et 4° de l'article L. 313-3 et à l'article L. 161-14 sont naturellement les prestations en nature .

Elle vous propose d'adopter cet article tel qu'amendé.

Art. 8
(art. L. 380-3 nouveau du code de la sécurité sociale)
Dispositions applicables aux personnes qui, bien que résidant ou séjournant en France, ne sont pas concernées par le régime

I - Le texte du projet de loi

Cet article énumère les personnes qui n'ont pas vocation à être affiliées au régime général sur le critère de résidence défini à l'article L. 380-1 (nouveau) du code de la sécurité sociale, introduit par l'article 3 du projet de loi.

Il insère dans le code de la sécurité sociale un article L. 380-3 qui exclut du champ d'application de l'article L. 380-1 les personnes suivantes :

Les membres du personnel diplomatique et consulaire en poste en France, les fonctionnaires d'un Etat étranger et personnes assimilées, ainsi que les membres de leur famille qui les accompagnent.

Cette exception vise à assurer la conformité du droit français à la convention de Vienne.

Les personnes qui sont venues en France pour suivre un traitement médical ou une cure.

Cette référence vise les personnes qui relèvent d'un régime de protection sociale étranger.

Les personnes résidant en France qui, au titre d'une activité professionnelle exercée par elles-mêmes ou par un membre de leur famille sur le territoire d'un Etat étranger, ont la faculté d'être affiliées au régime d'assurance maladie de cet Etat, si cette affiliation leur permet d'obtenir la couverture des soins reçus sur le territoire français.

Cette rédaction vise les travailleurs frontaliers français. A la demande des intéressés, le projet de loi prévoit que l'affiliation au régime général sur critère de résidence ne concernera pas les travailleurs frontaliers qui peuvent bénéficier, au titre de l'affiliation à un régime étranger, de la couverture des soins reçus en France. Les travailleurs frontaliers continueront par conséquent à relever du régime du pays où ils exercent leur activité professionnelle. Cette disposition permet d'éviter que ces personnes ne soient obligées de cotiser à la fois au régime général français et au régime étranger dont ils relèvent.

Au regard du droit aux prestations d'assurance maladie, il convient de distinguer la situation des frontaliers travaillant en Suisse de la situation des frontaliers travaillant dans un pays de l'Union européenne.

La situation des frontaliers travaillant dans un pays de l'Union européenne est explicitement prévue par le Règlement communautaire CE n° 1408/71 du 14 juin 1971. Les prestations en nature de l'assurance maladie-maternité sont servies aux travailleurs frontaliers en activité et aux membres de leur famille par l'institution compétente du lieu de leur résidence à condition que le travailleur frontalier se fasse inscrire auprès de cette institution au moyen du formulaire E 106 établi par l'institution compétente du pays d'emploi. L'institution d'affiliation rembourse les dépenses ainsi engagées à l'institution du lieu de résidence.

Le travailleur frontalier a toutefois la possibilité d'obtenir les prestations de l'assurance maladie-maternité non seulement dans le pays où il réside, mais encore sur le territoire du pays d'emploi.

Ces dispositions sont applicables aux membres de la famille des travailleurs frontaliers à condition que, sauf cas d'urgence, un accord ait été conclu entre les autorités compétentes ou à défaut que l'institution compétente (celle du pays d'emploi) ait donné son autorisation préalable.

La situation des travailleurs frontaliers en Suisse est en revanche plus complexe. Il convient pour déterminer la législation nationale de sécurité sociale qui leur est applicable de se référer aux dispositions de la convention franco-suisse de sécurité sociale du 3 juillet 1975, et notamment au principe général mentionné en son article 7 qui dispose que " les travailleurs salariés exerçant leur activité professionnelle sur le territoire de l'un des Etats sont soumis à la législation de cet Etat, même s'ils résident sur le territoire de l'autre Etat ou si leur employeur ou le siège de l'entreprise qui les occupe se trouve sur le territoire de ce dernier Etat ".

En dépit de l'absence de dispositions de coordination pour le service des prestations de l'assurance maladie-maternité dans la convention franco-suisse, le principe d'application de la législation du lieu de travail est de portée générale et s'étend également au risque maladie-maternité.

En conséquence, les frontaliers travaillant en Suisse sont généralement affiliés, du fait de leur emploi, à un régime d'assurance maladie ou une société d'assurance de ce pays, organismes qui n'assurent pas toujours la couverture des soins reçus par l'intéressé ou ses ayants droit sur le territoire français.

Les travailleurs frontaliers en Suisse sont donc souvent parallèlement affiliés à l'assurance personnelle française ou couverts par des contrats d'assurance privée en France. Aux termes de l'article R. 741-32 du code de la sécurité sociale, l'affiliation à un régime obligatoire dans le pays d'emploi ne fait en effet pas obstacle à l'adhésion à l'assurance personnelle, dès lors que les intéressés n'ont pas droit, dans le cadre d'un accord international, au versement en France des prestations en nature de l'assurance maladie-maternité. Dans ce cas, la cotisation à l'assurance personnelle est assise sur une base forfaitaire annuelle égale à la moitié du plafond des cotisations de sécurité sociale, soit une cotisation annuelle de 12.723 francs.

Une circulaire ministérielle (B.O. Sécurité sociale n° 94-68 du 1 er septembre 1994) précise plus particulièrement les conditions d'application du régime de l'assurance personnelle aux travailleurs frontaliers exerçant une activité salariée en Suisse.

S'agissant des travailleurs frontaliers en Suisse qui opteront pour l'affiliation sur critère de résidence - parce que le régime suisse auxquels ils sont affiliés n'assurent pas la couverture des soins reçus en France - votre commission estime qu'il sera justifié de prévoir, par voie réglementaire, des conditions de cotisation plus favorables que celles prévues par le droit commun, à l'image de la cotisation forfaitaire dont ils bénéficiaient auparavant pour l'adhésion à l'assurance personnelle.

Sont enfin exclus du champ d'application de l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale :

Les agents retraités d'une organisation internationale qui ne sont pas également titulaires d'une pension française, ainsi que les membres de leur famille, dès lors qu'ils sont couverts dans des conditions analogues à celle du régime général français d'assurance maladie et maternité par le régime propre à l'organisation dont ils relevaient quand ils étaient en activité.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement remplaçant au 3° de l'article L. 380-3 du code de la sécurité sociale la référence à une affiliation au régime d'assurance maladie d'un Etat étranger par la référence à une affiliation à titre volontaire à un régime d'assurance maladie, conformément à la législation de cet Etat.

Cette rédaction permet de mieux prendre en compte la situation des travailleurs frontaliers en Suisse où il existe plusieurs régimes d'assurance maladie auxquels l'affiliation n'est pas obligatoire.

III - Les propositions de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

CHAPITRE 2
-
Dispositions financières
Section 1
-
Transferts financiers

La suppression de l'assurance personnelle en conséquence de l'institution d'une couverture de base sur le critère de la résidence entraîne des transferts financiers d'une rare complexité.

Les choix que traduit le projet de loi sont critiquables à trois titres (voir également exposé général 2 ème partie - D) :

- la complexité de l'affectation de certaines recettes est accrue alors qu'il importe de rendre plus lisibles les ressources des différentes caisses de sécurité sociale ;

- la compensation de moindres dépenses se fait par de moindres recettes , alors qu'il serait plus logique d'opérer une compensation entre dépenses ;

- l'Etat économise de l'argent sur le financement de la couverture maladie de base (351 millions de francs) mais le solde de ces transferts se traduit en revanche par une charge accrue pour la CNAMTS (0,9 milliard de francs qui viennent s'ajouter au déficit actuel de l'assurance personnelle) et un manque à gagner pour la CNAF (300 millions de francs) qui perd de surcroît une recette dynamique en contrepartie de l'abandon d'une dépense relativement stable.

Aussi, votre commission vous propose-t-elle un dispositif simplifié.

Compenser la suppression des cotisations d'assurance personnelle prise en charge aujourd'hui par la CNAF par l'amorce d'un retour de l'Allocation parent isolé (API) ( article 10 ).

La charge de l'allocation parent isolé a été transférée au budget de l'Etat par la loi de finances pour 1999.

Il s'agissait de réparer les conséquences du " pas de clerc " du Gouvernement qui avait décidé dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 de placer les allocations familiales sous condition de ressources.

Un an plus tard, il y renonçait au profit d'un abaissement du quotient familial. Il en résultait :

- une recette supplémentaire pour le budget général ;

- un rétablissement de dépenses dans le budget de la CNAF.

Cette opération avait été neutralisée par le transfert, de la CNAF vers budget général, de la prise en charge de l'API.

M. Jacques Machet, rapporteur de la branche famille pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 commentait ainsi cette opération :

" Pour votre rapporteur, rien ne justifie, sur le plan des principes, le financement par l'Etat de l'API qui constitue précisément une reconnaissance de la fonction parentale. L'API a pour objet de faciliter le passage difficile que représente l'arrivée d'un enfant ou la perte d'un soutien familial pour un parent démuni de revenus. Elle comporte deux objectifs distincts : favoriser le rôle parental et garantir un minimum de ressources durant le temps nécessaire pour s'organiser dans la recherche d'un emploi. Le versement de l'allocation est légitimé par la présence d'un ou de plusieurs enfants. Elle permet aux parents d'assurer leur identité parentale et d'offrir une image plus positive aux enfants. Une étude réalisée par la CNAF en 1997 a montré que l'API avait, pour ses bénéficiaires, une valeur symbolique que n'avait pas le RMI. Selon cette étude dont l'objectif était d'analyser ce qu'étaient devenus les anciens bénéficiaires de l'API, le RMI est ressenti comme humiliant et stigmatisant ; il est considéré comme le dernier maillon avant l'entrée dans la pauvreté. Alors que l'API représentait une reconnaissance de la fonction parentale, le RMI génère un sentiment de honte et de culpabilité.

" Compte tenu de son caractère de prestation pour la famille, justifié par la présence d'enfant, il semble par conséquent logique que l'API reste gérée et financée par la branche famille. Le choix de la prise en charge de cette prestation par l'Etat apparaît purement circonstanciel -il fallait trouver une prestation d'un montant équivalent au surplus de recettes fiscales généré pour le budget de l'Etat par la diminution du plafond du quotient familial- et ne répond à aucune raison de fond. "


Aussi, votre commission vous propose-t-elle :

- de maintenir intégralement à la CNAF le prélèvement de 1 % sur les revenus du patrimoine et des produits de placement ;

- de transférer 60 % du coût de l'API du budget général vers la CNAF, la CNAF percevrait donc du budget général une subvention correspondant à 40 % du coût de l'API ;

- l'Etat constatant une économie budgétaire de 2,52 milliards de francs la neutraliserait par une affectation supplémentaire de droits sur les tabacs à la CNAMTS ;

- la CNAMTS perçoit cette affection supplémentaire du droit sur les tabacs en remplacement de la part du prélèvement de 1 % sur les revenus du patrimoine et des produits de placement que votre commission a maintenu intégralement à la CNAF.

Ne pas " éclater " une nouvelle fois les droits sur les alcools (article 9)

La suppression des cotisations à l'assurance personnelle aujourd'hui prise en charge par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) conduit le projet de loi à priver le FSV, au profit de la CNAMTS, d'une partie des droits de consommation sur les alcools prévus à l'article 403 du code général des impôts dont il bénéficie actuellement.

Ces droits sont répartis actuellement en deux parts : 60 % pour le FSV, 40 % pour l'ensemble des régimes d'assurance maladie serait éclaté en trois parts : FSV (55 %), ensemble des régimes d'assurance maladie (40 %), CNAMTS (5 %)

Or, il existe déjà une cotisation sur les boissons alcooliques qui bénéficie à la seule CNAMTS, instituée par l'article 26 de la loi n° 83-25 du 19 janvier 1983 ( article L. 245-7 du code de la sécurité sociale ). Le montant de la cotisation est actuellement fixé à 0,84 franc par décilitre ou par fraction de décilitre ( article L. 245-9 ).

La CNAMTS bénéficierait ainsi de trois ressources liées aux alcools : la cotisation sur les boissons alcooliques, un peu plus de 80 % de 40 % des droits 403 8( * ) , 5 % " en direct " de ces droits.

LES " DROITS 403 "

Ces droits de consommation sur les alcools, dits " droits 403 ", du nom de l'article du code général des impôts les définissant, étaient affectés à l'origine au seul Fonds de solidarité vieillesse. Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, ces droits sont répartis entre le FSV (60 %) et les régimes d'assurance maladie (40 %).

Il s'agit de l'ensemble des droits, à l'exception de ceux perçus dans les deux départements de la collectivité territoriale de Corse et du prélèvement effectué au profit du BAPSA (article 1615 bis du code général des impôts).

Les droits 403 devraient rapporter, en 1999, 4,2 milliards de francs aux régimes d'assurance maladie et 6,3 milliards de francs au FSV.

Aussi votre commission vous propose-t-elle de laisser inchangée la répartition des " droits 403 " (60 % FSV, 40 % régimes d'assurance maladie).

Elle observe que le FSV n'a pas reçu de " compensation " du fait de la suppression du droit de fabrication sur les alcools (droits 406) par la dernière loi de finances et la dernière loi de financement (350 millions de francs).

De sorte que l'avantage laissé au FSV est minime (250 millions de francs) sachant de surcroît que les excédents du FSV sont affectés depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 au fonds de réserve pour les retraites par répartition.

Cette perte de recettes serait compensée pour la CNAMTS par l'affectation du prélèvement supplémentaire des droits sur les tabacs.

Maintenir l'affectation intégrale prévue par le projet de loi de la cotisation sur les véhicules terrestres à moteur (CVTAM) en faveur de la CNAMTS (article 12)

Votre commission a hésité un moment entre deux attitudes.

La CVTAM prévue à l'article L. 213-1 du code des assurances, créée en 1967, était censée faire participer les possesseurs d'automobile aux frais d'assurance maladie occasionnés par les accidents de la circulation.

En application de l'article 12 du projet de loi, cette taxe ne serait plus affectée à l'ensemble des régimes obligatoires d'assurance maladie mais au seul régime des travailleurs salariés au motif qu'il faut compenser la suppression de la contribution des autres régimes d'assurance maladie au déficit de l'assurance personnelle.

Votre commission constate que l'affectation exclusive de cette taxe à la CNAMTS fragilise singulièrement son bien fondé, car elle continuera d'être acquittée par tous les possesseurs d'automobiles quel que soit leur régime d'affiliation.

A contrario , votre commission a été sensible à la simplification opérée par le projet de loi qui met fin à l'un des travers du financement de la sécurité sociale, celui d'un éclatement des contributions entre plusieurs bénéficiaires.

C'est ce dernier argument qui l'a emporté dans son esprit.

Mais votre commission appelle à une rationalisation de la fiscalité sociale par l'examen systématique des " recettes de poche " qui lui sont affectées.

Majorer en conséquence le prélèvement sur les droits sur les tabacs opéré au profit de la CNAMTS (article 11)

Conséquence des propositions précédentes, le prélèvement sur les tabacs opérés au profit de la CNAMTS serait majoré. Ses recettes seront ainsi peu homogènes et plus cohérentes.

Votre commission souhaite que le niveau de ce prélèvement compense la charge supplémentaire que fait peser le projet de loi sur la CNAMTS à hauteur de 0,9 milliard de francs qui viennent s'ajouter au déficit de l'assurance personnelle qu'elle continuera à subir.

Il appartiendra à la loi de finances pour 2000 d'en décider ainsi.

Art. 9
(art. L. 814-5 et L. 195-3 du code de la sécurité sociale)
Incidences financières sur le Fonds de solidarité vieillesse

Cet article vise à supprimer la prise en charge, par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), des cotisations d'assurance personnelle des titulaires de l'allocation spéciale et à réduire en contrepartie de cinq points la part de droits sur les alcools affectée au FSV.

I - Le texte du projet de loi

Le paragraphe I modifie l'article L. 814-5 relatif aux dépenses supportées par le FSV. Dans l'économie générale du projet de loi visant à remplacer plusieurs contributeurs par un financeur unique, le FSV n'aura plus à supporter la prise en charge des cotisations d'assurance personnelle des titulaires de l'allocation spéciale, c'est-à-dire d'une partie des bénéficiaires du minimum vieillesse.

L'allocation spéciale est l'une des allocations du premier niveau du minimum vieillesse. Elle est attribuée, sous conditions de ressources et de résidence stable et régulière en France, aux personnes âgées de plus de 65 ans (60 ans en cas d'inaptitude au travail) qui ne relèvent d'aucun régime d'assurance vieillesse de base.

Depuis le 1 er janvier 1999, son montant annuel s'élève à 17.545 francs pour une personne seule et 35.090 francs pour un ménage. Les ressources des bénéficiaires ne doivent pas excéder le plafond de 43.512 francs pour une personne seule et 76.215 francs pour un couple.

En 1998, le montant de l'allocation spéciale s'est élevé à 1,12 milliard de francs, versés au profit d'environ 68.400 bénéficiaires.

L'article L. 741-4 du code de la sécurité sociale prévoit actuellement que l'aide sociale prend en charge les cotisations d'assurance personnelle des titulaires de l'allocation spéciale.

Cette prise en charge est totale (art. R. 741-23). Dans les quinze premiers jours d'un trimestre, ces cotisations sont payées d'avance par le FSV à la caisse nationale d'assurance maladie (art. R. 741-24).

En application de l'article D. 814-19 du même code, ces cotisations sont retracées en dépenses du Service de l'allocation spéciale vieillesse (SASV), lui-même intégralement financé par le Fonds de solidarité vieillesse (art. L. 135-2 du code de la sécurité sociale).

47.500 bénéficiaires du minimum vieillesse sont concernés, ce qui représente, en 1998, une dépense de 592 millions de francs.

Le paragraphe II modifie la part de droits sur les alcools affectée au FSV, qui est actuellement de 60 %, contre 40 % pour les régimes obligatoires d'assurance maladie, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997. Le FSV a bénéficié, en effet, d'une réduction de charges par la création de la CADES qui a repris les 110 milliards de francs de dettes transférés en 1993.

Cette part serait désormais de 55 %, soit en baisse de cinq points, correspondant à 600 millions de francs.

L'article 38 du projet de loi, relatif à son entrée en vigueur, précise que cette disposition est applicable aux versements effectués au profit du FSV et de la CNAMTS à compter du 1 er janvier 2000.

II - Les propositions de votre commission

Votre commission propose de simplifier et de clarifier les transferts financiers dont est assortie la suppression de l'assurance personnelle (cf. ci-dessus) .

S'agissant du présent article, elle considère qu'il est délicat de faire varier, deux ans à peine après en avoir fixé les principes par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, la répartition des droits sur les alcools. En effet, la nouvelle répartition -précisée par l'article 11 du projet de loi- prévoit un troisième bénéficiaire : la CNAMTS, qui bénéficiera de 5 % de ces droits à titre exclusif.

Elle constate que la suppression de l'article 406 A du code général des impôts (droit de fabrication sur les alcools), résultant tant de la dernière loi de finances que de la dernière loi de financement, a diminué les recettes du FSV de 350 millions de francs, sans qu'il y ait eu contrepartie.

Par ailleurs, l'article 2 de la loi de financement pour 1999 a posé le principe d'une affectation des excédents du FSV au fonds de réserve pour les retraites (nouvel article L. 135-6 du code de la sécurité sociale) ; il n'est donc pas inutile que cet organisme voit ses dépenses diminuer, sans que ces recettes diminuent dans des proportions strictement identiques.

Aussi, votre commission propose-t-elle de supprimer le II de cet article.

Votre commission vous propose d'adopter cet article tel qu'amendé.

Art. 10
(art. L. 161-15, L. 381-2 et L. 245-16 du code de la sécurité sociale)
Incidences financières de la mise en place
de la couverture obligatoire sur la branche famille

Cet article vise à supprimer la prise en charge, par les caisses d'allocations familiales, des cotisations d'assurance personnelle, notamment des titulaires de l'allocation parent isolé, et à diminuer en contrepartie les ressources affectées à la CNAF.

I - Le texte du projet de loi

Le paragraphe I
supprime les dispositions du code de la sécurité sociale qui assurent la prise en charge, par les caisses d'allocations familiales :

- des cotisations d'assurance personnelle des ayants droit d'assurés décédés ou des personnes divorcées, ne bénéficient pas de l'assurance maladie et maternité à un autre titre, lorsqu'elles ont ou ont eu au moins trois enfants à charge (combinaison des articles L. 161-15 et R. 161-5-1 du code de la sécurité sociale) ;

- des cotisations d'assurance personnelle des titulaires de l'allocation parent isolé (art. L. 381-2 du code de la sécurité sociale).

Le paragraphe II prévoit que le prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, dont le produit est actuellement versé pour moitié à la CNAF et pour moitié à la CNAVTS, serait réparti de la manière suivante :

- 50 % pour la CNAVTS (inchangé) ;

- 28 % pour la CNAMTS, nouvelle branche bénéficiaire,

- 22 % pour la CNAF (au lieu de 50 %).

Affectation du prélèvement social

Droit en vigueur

Projet de loi

CNAVTS

1 %

CNAVTS

1 %

CNAF

1 %

CNAF

0,44 %

 
 

CNAMTS

0,56 %

Total

2 %

Total

2 %

L'article 38 du projet de loi, relatif à son entrée en vigueur, précise que les dispositions de l'article 10 sont applicables aux versements effectués au profit des organismes mentionnés à compter du 1 er janvier 2000.

Cet article a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale après qu'eut été précisé à la demande de MM. Bernard Accoyer et Jean-Luc Préel, le maintien du bénéfice à titre gratuit du régime général des personnes veuves et divorcées ayant élevé plus de trois enfants.

II - Les propositions de votre commission

Votre commission propose de simplifier et de clarifier les transferts financiers dont est assortie la suppression de l'assurance personnelle (cf. ci-dessus).

Le présent article propose de priver la CNAF d'une partie du 1 % social en contrepartie de la diminution de ses dépenses résultant de la suppression de la prise en charge des cotisations d'assurance personnelle.

Votre commission préfère procéder à cette contrepartie en rétablissant à la charge de la CNAF une partie du coût de l'Allocation de parent isolé (API).

Il est donc proposé que la CNAF reprenne à sa charge 60 % de l'API, l'Etat n'en finançant plus que 40 %.

La diminution de charge qui en résulte pour le budget général lui permet, à équilibre inchangé, d'affecter à la CNAMTS une part supplémentaire des droits sur les tabacs. Cette recette se substitue pour la CNAMTS à la partie du 1 % CNAF que le présent article lui affectait.

En conséquence, elle vous propose le remplacement du paragraphe II du présent article par une disposition prévoyant -par une modification de l'article L. 524-1 du code de la sécurité sociale- de ramener la subvention de l'Etat à la CNAF à 40 % du coût de l'API.

Votre commission vous propose d'adopter cet article tel qu'amendé.

Art. 11
(art. L. 241-2 du code de la sécurité sociale)
Enumération des ressources complémentaires
des régimes obligatoires de base

Cet article vise à préciser les nouvelles recettes de la CNAMTS, pour faire face aux dépenses résultant de la couverture maladie de base.

I - Le texte du projet de loi

Le présent article vise à remplacer le dernier alinéa de l'article L. 241-2, relatif à l'affectation à la CNAMTS d'une fonction du droit de consommation sur les tabacs (art. 575 du code général des impôts).

Ces nouvelles ressources seraient :

- une fraction supplémentaire, qui sera fixée par la loi de finances pour 2000, du produit du droit de consommation sur les tabacs ; cette répartition est actuellement de 9,1 % selon l'article 46 de la loi de finances pour 1998, modifiant l'article 49 de la loi de finances pour 1997.

- une fraction fixée à 5 % du droit de consommation sur les alcools (article 403 du code général des impôts), à l'exception du produit perçu dans les départements de la collectivité territoriale de Corse et du prélèvement perçu au profit du BAPSA (cf. art. 9) ;

L'article 38 du projet de loi, relatif à son entrée en vigueur, précise que cette disposition est applicable aux versements effectués au profit de la CNAMTS à compter du 1 er janvier 2000.

- une fraction du prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placement (cf. art. 10) .

II - Les propositions de votre commission

En conséquence des amendements qu'elle vous a proposés aux articles 9 et 10 (cf. supra) , votre commission vous propose un amendement qui a pour objet de supprimer, au titre des recettes de la CNAMTS, tant la fraction de 5 % du droit de consommation sur les alcools que la fraction du prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placement.

En revanche, la CNAMTS bénéficiera d'une part accrue des droits sur les tabacs. Ses recettes seront ainsi plus homogènes et plus cohérentes.

Votre commission vous propose d'adopter cet article tel qu'amendé.

Art. 12
(art. L. 213-1 du code des assurances)
Modification de l'affectation de la cotisation due par les personnes assurant des véhicules terrestres à moteur

Cet article vise à affecter l'intégralité de la cotisation sur les véhicules terrestres à moteur (CVTAM) la CNAMTS.

I - Le texte du projet de loi

Le présent article prévoit l'affectation intégrale de la CVTAM à la CNAMTS, et non à l'ensemble des régimes d'assurance maladie. Cet article tire la conséquence de la suppression de l'assurance personnelle, prévue à l'article 2 du projet de loi, et de la répartition de son déficit entre les régimes d'assurance maladie.

Cette cotisation est répartie actuellement entre les régimes d'assurance maladie selon la clef suivante 9( * ) :

Affectation apparente de la cotisation VTAM en 1998

(en millions de francs)

CNAMTS

81,32 %

4.690

Autres régimes

18,18 %

1.080

TOTAL

100 %

5.770

L'étude d'impact retient le chiffre d'une recette supplémentaire pour la CNAMTS de 830 millions de francs, alors que les autres régimes ont apparemment reçu 1,1 milliard de francs. En effet, deux régimes sont intégrés financièrement à la CNAMTS, le régime des salariés agricoles (170 millions de francs de CVTAM) et la caisse nationale militaire de sécurité sociale (80 millions de francs).

Dès lors, la CNAMTS a bénéficié réellement de 4,94 milliards de francs et bénéficiera de 830 millions de francs supplémentaires.

Affectation réelle de la cotisation VTAM à la CNAMTS

(en millions de francs)

CNAMTS

4.690

Salariés agricoles

170

Caisse militaire

80

TOTAL

4.940

L'article 38 du projet de loi, relatif à son entrée en vigueur, précise que les dispositions de l'article 12 sont applicables aux cotisations recouvrées par l'ACOSS au titre de l'année 2001.

II - Les propositions de votre commission

Votre rapporteur estime que, dans l'immédiat, cette affectation intégrale contribue à la simplification des recettes. En revanche, il considère que la cotisation sur les véhicules terrestres à moteur risque de perdre une partie de sa justification.

Cette contribution était censée, en effet, représenter l'effort spécifique des possesseurs d'automobiles aux frais d'assurance maladie occasionnés par les accidents de circulation.

Dès lors, un non-salarié ne verra guère de justification à s'acquitter d'une contribution censée financer les dépenses d'assurance maladie liés aux accidents de la circulation, mais bénéficiant au seul régime général. Cette cotisation fait partie des " recettes de poche " de la sécurité sociale instituées avant la création de la CSG. Son maintien apparaît à terme difficilement fondé.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article assorti d'un amendement de précision.

Art. 13
(art. 38 de la loi n° 88-1088 du 1 er décembre 1998
relative au revenu minimum d'insertion)
Transferts financiers entre l'Etat et les départements

Cet article tire les conséquences du transfert de compétences résultant de la CMU et du fait que les départements n'auront plus à assurer la prise en charge des dépenses d'aide médicale comme ils le font actuellement pour 9,1 milliards de francs. Il doit en résulter une diminution de l'ordre de 8,69 milliards de francs au titre de leur dotation générale de décentralisation (DGD) compte tenu d'un abattement de 5 %.

I - Les principes financiers posés en matière de transfert de compétences

Conformément à la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983, relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, tout transfert de compétences doit faire l'objet d'un transfert équivalent de ressources.

Ainsi, conformément à l'article 1614-1 du code général des collectivités territoriales, " tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences effectués entre l'Etat et les collectivités territoriales est accompagné du transfert concomitant par l'Etat aux communes, aux départements et aux régions des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences. Ces ressources sont équivalentes aux dépenses effectuées, à la date du transfert, par l'Etat au titre des compétences transférées et évoluent chaque année comme la dotation globale de fonctionnement. Elles assurent la compensation intégrale des charges transférées. "

De fait les transferts de charges opérés sur la base des lois de 1983 ont reposé sur des principes simples :

- la simultanéité du transfert de compétences et du transfert de ressources : les deux opérations doivent intervenir de manière concomitante ;

- les ressources transférées doivent être intégralement équivalentes aux dépenses effectuées par la collectivité en charge de la compétence à la date du transfert de compétences. L'évaluation des accroissements ou diminution de charges est effectuée non seulement globalement pour l'ensemble des collectivités concernées, mais également collectivité par collectivité.

C'est pourquoi les transferts de charges effectués en 1983 ont été effectués sous le contrôle de la Commission consultative sur l'évaluation des charges résultant des transferts de compétences. Cette dernière a néanmoins fait l'objet de certains reproches dans la mesure où elle s'est toujours refusée à effectuer un suivi de l'évolution réelle des coûts liés aux charges transférées.

- la compensation financière des transferts de charges a été effectuée par le transfert de ressources fiscales et, à titre subsidiaire, par le transfert de ressources budgétaires à travers la dotation générale de décentralisation.

Ainsi, en 1983, les compétences transférées aux régions et aux départements ont donné lieu au transfert du produit de divers impôts d'Etat : " taxe sur les cartes grises " pour les régions ; " vignette automobile " et droits d'enregistrement sur les mutations d'immeuble pour les départements.

En 1983, il avait été prévu que la moitié au moins des transferts de charges devait être financée par le transfert d'impôts d'Etat ; la DGD correspond, quant à elle, la première année du transfert de compétences, au solde destiné à compenser la fraction de l'accroissement de charge qui n'est pas financée par l'augmentation des ressources fiscales des collectivités locales.

Dans la mesure où la collectivité territoriale est réputée assumer la responsabilité de la gestion de la compétence transférée, la DGD est uniquement indexée sur la DGF.

Cet article procède à une opération symétrique de celle opérée en 1983 : la compétence qui est transférée par les départements doit donner lieu à un transfert de ressources à l'Etat qui assurera en partie le financement de la CMU.

De fait, la mise en place de la CMU nécessite de procéder à un mouvement de diminution de la DGD des départements dans la mesure où ils cessent d'exercer une compétence.

L'exercice est néanmoins rendu moins clair que celui pratiqué dans le cadre des lois de mars 1983 : en effet, il n'y a pas à proprement parler transfert d'une compétence à l'Etat, mais plutôt aux organismes d'assurance maladie chargés de gérer la CMU qui bénéficient de l'aide financière de multiples intervenants dont l'Etat.

II - Le texte du projet de loi

Le paragraphe I fixe les règles applicables au transfert financier .

Le montant du transfert opéré sur la DGD de chaque département sera égal " au montant des dépenses consacrées à l'aide médicale en 1997, diminué de 5 % et revalorisé en fonction du taux d'évolution de la DGF pour 1998, 1999 et 2000 . "

•  La base de calcul de la diminution de la DGD est constituée par l'ensemble des dépenses " consacrées à l'aide médicale " dans chaque département.

Ce point est relativement important car il aboutit à faire prendre en charge, sur la DGD des départements, à la fois des dépenses qui résultaient du respect des obligations légales et des dépenses découlant de la politique d'action sociale poursuivie spécifiquement dans chaque département.

La distinction joue à la fois sur les conditions d'admission et sur la nature des dépenses médicales prises en charge.

Sont admis de plein droit à l'aide médicale aux termes de la loi :

- les personnes bénéficiant du RMI, les titulaires de l'allocation de veuvage et les jeunes âgés de 17 à 25 ans qui satisfont aux conditions de ressources et de résidence fixées pour l'attribution du RMI.

En plus de ces bénéficiaires, le département participe aux dépenses de soins de personnes en difficulté :

- soit en prévoyant un barème départemental de ressources défini par le règlement départemental d'aide sociale : celui-ci doit tenir compte du nombre de personnes à charge, la part des frais restant à la charge du bénéficiaire doit être définie de manière forfaitaire ou en pourcentage, en fonction des charges dont celui-ci fait état et des ressources dont il dispose ;

- soit à la suite d'un examen au cas par cas de la situation de l'intéressé.

S'agissant des dépenses prises en charge, la loi mentionne, à titre obligatoire, les frais de soins restant à la charge de l'assuré, le forfait hospitalier journalier et les cotisations d'assurance personnelle. Il reste que les départements ont souvent prévu des dispositions plus favorables et, en particulier, la prise en charge des cotisations d'un régime complémentaire d'assurance maladie.

De fait, l'ensemble des dépenses d'aide médicale est pris en compte au moment du transfert, ce qui appelle des observations comme on le verra ultérieurement.

Le montant des dépenses d'aide médicale fait l'objet d'un abattement de 5 %.

Ce point pourrait apparaître comme une atténuation du principe de la compensation intégrale ; la réalité est différente dans la mesure où la réduction forfaitaire de 5 % vise à tenir compte du fait que les dépenses d'aide médicale des départements sont supérieures à ce qui devrait résulter de l'application normale de la réglementation.

En effet, conformément à l'article 188-3 du code de la famille et de l'aide sociale, la prise en charge est subordonnée à la condition que l'intéressé fasse valoir ses droits aux prestations de l'assurance maladie et maternité ainsi qu'aux garanties auxquelles il peut prétendre d'une mutuelle, d'une entreprise d'assurances ou d'une institution de prévoyance.

En réalité, du fait des difficultés de croisement entre les fichiers des CPAM, des URSSAF et des départements, il apparaît de nombreux cas où l'aide médicale est versée à des personnes qui, soit à titre d'ayant droit, soit à titre personnel, détiennent des droits à prestations au titre de l'assurance maladie.

L'aide médicale est souvent financée par les départements pour des personnes ayant travaillé au moins 30 heures sur un mois, qui sortent de prison ou qui sont titulaires de l'API, qui devraient avoir des droits ouverts à l'assurance maladie mais qui ont souvent des difficultés à les faire valoir.

Pour tenir compte de ces phénomènes, il sera donc appliqué un taux forfaitaire de réfaction de l'assiette de calcul du prélèvement sur la DGD : il a été appliqué à l'ensemble des départements en partant du postulat que l'effet des doubles comptes jouait uniformément sur le territoire national. Le mécanisme s'inscrit donc sinon dans la lettre, du moins dans la logique, d'un transfert de compétences.

•  Le choix de l'année de référence du calcul du prélèvement appelle également quelque précision.

L'année 1997 a été choisie, s'agissant d'un dispositif applicable au 1 er janvier 2000, afin de tenir compte des données inscrites dans le compte administratif définitif des budgets départementaux. Les dépenses sont actualisées en tenant compte de l'indice d'évolution de la DGF sur les années 1998, 1999 et 2000.

Selon M. Raoul Briet, directeur de la sécurité sociale 10( * ) , ce choix serait relativement avantageux pour les collectivités locales puisque les dépenses seront actualisées pour les trois dernières années en fonction du taux de croissance annuel de la DGD (de l'ordre de 2 %), qui sera un taux très inférieur à l'évolution des dépenses d'aide médicale, qui avoisine en moyenne 10 % par an au cours de ces dernières années.

•  Le prélèvement sera opéré, s'il y a lieu, sur le produit des recettes fiscales transférées en 1983 dans le cadre des lois portant répartition des compétences.

Deux hypothèses se présentent :

- soit, dans le département, le montant des dépenses inscrites au titre de l'aide médicale en 1997 est inférieur au montant de la DGD : l'imputation ne portera que sur cette dotation ;

- soit le montant desdites dépenses est supérieur à celui de la DGD : dans ce cas, le département devra verser au budget de l'Etat une fraction de ses ressources fiscales transférées.

M. Michel Mercier, président de la commission sociale de l'ADF, entendu en audition, a souligné que la deuxième hypothèse n'était pas un cas d'école et que, dans de nombreux départements, il apparaîtrait " optiquement " le versement d'une contribution du département à l'Etat à la suite de la mise en place de la CMU.

•  La procédure est placée sous le contrôle de la Commission consultative sur l'évaluation des charges résultant des transferts de compétences .

Cette commission, composée de huit représentants des communes, quatre représentants des conseils généraux et quatre représentants des conseils régionaux et présidée par un magistrat de la Cour des comptes, est chargée de donner un avis sur l'évaluation des accroissements et diminutions de charge. Elle examine notamment la liste et le montant des dépenses effectuées à la date du transfert de compétences et vérifie la concordance pour chaque collectivité (décret n° 83-178 du 10 mars 1983) . Il est à noter que le décret relatif à cette commission n'envisage pas le cas d'un transfert de charges des collectivités locales vers l'Etat et qu'il devra vraisemblablement être modifié pour tenir compte de ce projet de loi.

Le paragraphe II de cet article précise la nature comptable des dépenses qui seront prises en compte pour le calcul du prélèvement de la DGD.

Il s'agit des dépenses inscrites au titre de l'aide médicale, soit dans les chapitres relatifs à l'aide médicale en application du code de la famille et de l'aide sociale, soit dans les chapitres relatifs à l'insertion au titre de la prise en charge des cotisations d'assurance personnelle des titulaires du RMI.

Il est précisé que ne sont pas prises en compte les dépenses correspondant " aux charges des services communs réparties entre services utilisateurs ".

Ne sont donc prises en compte que les dépenses d'intervention supportées par les collectivités territoriales, à l'exclusion des dépenses de fonctionnement : il n'est pas opéré de transfert des personnels actuellement en charge de l'aide médicale de l'Etat dans les services des départements. Ces derniers sont invités à redéployer leurs moyens de personnel correspondant vers d'autres fonctions.

Enfin, le paragraphe III de cet article procède à un ajustement de conséquence concernant l'obligation pour les départements d'inscrire dans leur budget, pour l'insertion des bénéficiaires du RMI, un crédit au moins égal à 20 % des sommes versées au cours de l'exercice précédent au titre de l'allocation RMI.

Cette disposition, prévue à l'article 38 de la loi n° 88-10888 du 1 er écembre 1988 relative au RMI, a déjà appelé diverses objections de la part de votre commission, dans la mesure où elle a pour effet de figer, dans les budgets départementaux, une fraction des crédits d'intervention qui sont donc reconduits d'année en année, sans pouvoir être utilisés à des actions de lutte contre l'exclusion autres que celles en faveur de l'insertion des titulaires du RMI.

L'article 38 précité prévoit un aménagement dans la mesure où il permet que les dépenses résultant de la prise en charge des cotisations d'assurance personnelle ou des frais médicaux des titulaires du RMI, soient imputées sur les 20 % de crédits préaffectés, dans la limite de 3 % de ces crédits en métropole (3,75 % en outre mer). De fait, la mise en oeuvre de la CMU rend cette procédure inutile.

C'est pourquoi il est procédé à un ajustement sur le taux de crédits devant être consacrés obligatoirement à l'insertion des bénéficiaires du RMI, qui passe de 20 % à 17 % du montant des crédits relatifs au versement de l'allocation dans les départements (16,25 % en outre mer).

III - Les propositions de votre commission

Votre commission a examiné avec attention le principe du prélèvement de 8,69 milliards de francs sur la DGD des départements mis en oeuvre à l'occasion de l'instauration de la CMU.

Le passage d'un dispositif d'aide sociale décentralisée à un mécanisme de protection sociale généralisé, apparemment plus séduisant en raison de son caractère général et universel, risque parfois de soulever des déceptions : le nouveau dispositif risque d'être impersonnel et moins apte qu'auparavant à assurer un véritable accompagnement des assurés sociaux.

Il reste que le caractère automatique d'une partie des admissions réalisées au titre de l'aide médicale de base présentait de réels inconvénients. Il faisait des départements une sorte de " caisse d'enregistrement " financière des assurés sociaux, au prix de la confrontation avec un certain nombre de lourdeurs administratives dont les départements n'étaient pas responsables,.

Pour autant, l'action des départements en matière d'accès aux soins de plus démunis ne doit pas être sous-estimée a posteriori .

L'ODAS, dans une note récente 11( * ) , soulignait qu'en 1998, huit départements sur dix avaient mis en place un barème d'admission totale de plein droit, fixant souvent un seuil de ressources de l'ordre du RMI majoré de 25 %.

Quatre départements sur dix ont prévu une prise en charge totale des personnes ayant des ressources supérieures au RMI (soit 2.502 francs par mois pour une personne seule). Ce barème se conjugue souvent avec un barème d'admission partielle pour un niveau de revenu supérieur ou égal au minimum vieillesse (deux fois sur trois).

Un autre élément de satisfaction réside dans le fait que 75 % des départements prononçaient l'admission à l'aide médicale de plein droit dans un délai de 15 jours à compter du dépôt de la demande.

Enfin, il est à noter qu'un département sur deux effectuait des remboursements au-delà des tarifs de la sécurité sociale, notamment pour les soins dentaires et les lunettes.

Depuis 1992, l'accès aux soins des personnes démunies ou en difficulté, géré par les départements, n'a pas été contre-performant ; les innovations conduites au niveau local ont souvent permis les prises de conscience et les expériences concrètes qui sont à l'origine du présent texte.

Au-delà des objectifs généraux et sur le plan strictement financier, votre commission n'a pas estimé qu'il y avait lieu de remettre en cause le dispositif de compensation financière sur la DGD qui a été mis en place à l'issue d'une concertation avec l'Assemblée des Départements de France et qui tient compte, par l'intermédiaire de la mise en place du coefficient de réduction de 5 %, du poids de diverses charges indues qui pesaient sur les finances départementales.

Cette réduction forfaitaire prise en charge indirectement par le budget de l'Etat, représente au total une somme de l'ordre de 450 millions de francs.

Certains ont fait valoir que plutôt que d'appliquer uniformément le coefficient de 5 % à l'ensemble des départements, il aurait été préférable de le répartir de manière différenciée afin de soutenir les départements les plus engagés par rapport à ceux qui se sont limités à appliquer le minimum légal.

En réalité, si l'on raisonne à enveloppe constante, il apparaît que la modulation du coefficient, si elle avantage certains départements, en pénalisera automatiquement d'autres.

Si l'on demeure dans la logique des transferts de charges opérés en 1983, il importe d'opérer des compensations financières qui correspondent le plus fidèlement possible aux charges réellement assumées au niveau local.

Les barèmes d'admission complémentaires sont le résultat de décisions prises pour délibération des conseils généraux.

Si l'on choisissait d'opérer un transfert en faveur de certains départements, une contrepartie devrait être trouvée sur les autres. Il serait très difficile de justifier que les départements qui ont maintenu le minimum légal subissent, le cas échéant, un prélèvement au titre de leur DGD supérieur à la réalité de leurs dépenses d'aide médicale. La fixation d'un coefficient de réfaction forfaitaire nul au lieu de 5 % serait critiquable car rien ne permet de prouver que les prises en charge indues, du fait de droits déjà ouverts, soient spécialement plus importantes dans certains départements et pas dans d'autres.

D'une façon plus générale, votre commission souligne que le but prioritaire de cet article n'est pas d'opérer une péréquation financière entre les collectivités locales, comme on peut le faire par exemple avec la dotation de solidarité urbaine (DSU) ou la dotation de développement rural (DDR) au sein de la DGF, mais d'abord de tirer les conséquences financières d'un transfert de compétences en cherchant à respecter le plus fidèlement possible la réalité des dépenses constatées sur le terrain dans chaque département.

A enveloppe budgétaire constante, il apparaît difficile de concevoir une autre solution de financement qui susciterait plus de satisfaction que de mécontentement de la part des collectivités locales concernées.

Les modalités de mise en oeuvre du dispositif appelle également des précautions : dès lors que la CMU entrera en vigueur au 1 er janvier 2000, s'ouvrira une phase transitoire au cours de laquelle les assurés sociaux actuellement bénéficiaires de l'aide médicale départementale devront faire valider leurs droits par les CPAM pour l'obtention de la CMU.

Il est prévu, à l'article 26 du projet de loi, que les titulaires de l'aide médicale à la date d'entrée en vigueur de ce projet de loi bénéficieront du maintien de leurs droits jusqu'à l'expiration de la période d'admission à l'aide médicale et, en tout état de cause, jusqu'au 31 mars 2000.

Il sera important que l'information des bénéficiaires de la CMU soit assurée pleinement afin de ne pas alourdir la tâche des départements durant la période de transition.

Tout en comprenant la logique du transfert financier opéré, votre commission a émis trois observations sur les risques que comporte pour les finances locales la mise en place de la CMU.

Premier risque : une pression accrue sur les décideurs locaux du fait de l'effet de seuil

La mise en place de la CMU entraînera quasi-inéluctablement des demandes de la part des personnes qui se trouveront au-dessus du plafond de ressources prévu pour l'obtention de la couverture complémentaire gratuite, afin d'obtenir la mise en place d'une prise en charge par une aide complémentaire spécifique.

Le phénomène de seuil sera le plus apparent dans les départements -de l'ordre d'une dizaine selon les estimations minimales- qui ont déjà institué un barème prévoyant des prises en charge, partielle ou complète, des frais médicaux pour des personnes dont le revenu est supérieur à 3.500 francs par mois pour une personne seule. En toute logique, ces personnes devraient perdre leur droit au 31 mars 2000, ce qui peut soulever d'évidentes difficultés.

Au demeurant, la demande des assurés sociaux au-dessus du seuil ne pourra que se généraliser dans la mesure où la CMU, uniforme sur tout le territoire national, aura automatiquement un effet démultiplicateur sur la perception de l'effet de seuil qui n'existait pas auparavant.

Même si le Gouvernement met en avant le rôle que pourraient jouer les Fonds d'action sociale des caisses de sécurité sociale, il reste qu'au niveau local les départements et les centres communaux d'action sociale financés par les communes seront naturellement " en première ligne " pour faire face aux demandes des assurés sociaux traversant des difficultés financières.

Certes la disposition prévue à l'article 188-2 de l'actuel code de la famille et de l'aide sociale qui permet au règlement départemental d'aide sociale de prévoir des dispositions plus favorables que le minimum légal en matière d'aide médicale est supprimée par le projet de loi.

Il reste que les départements ont une compétence générale en matière d'action sociale et que les pressions seront fortes en faveur de la mise en place de barèmes complémentaires pour des raisons d'équité.

Ce risque rend d'autant plus nécessaire la mise en place d'une aide dégressive en fonction du revenu telle que la propose votre commission.

Second risque : la sous-estimation de l'impact de la réforme sur les contingents communaux d'aide sociale

Vestiges du système de financement croisé qui prévalait avant la décentralisation, les contingents communaux d'aide sociale sont régis par l'article 93 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences et par le décret n° 87-1196 du 31 décembre 1987.

La participation des communes aux dépenses d'aide sociale des départements est effectuée sur la base des besoins des départements, de leur potentiel fiscal et des dépenses d'aide sociale.

La contribution de chaque commune, au-delà d'une élément fixe qui correspond à la contribution versée en 1984, comprend un élément variable qui peut varier en fonction de critères basés sur :

- la situation de la commune au regard de la DGF ou du potentiel fiscal ;

- le nombre de bénéficiaires des prestations d'aide sociale ou d'admissions à l'aide sociale ;

- la structure de la population par classe d'âge ou la situation de l'emploi.

La moyenne nationale de participation des communes aux dépenses nettes d'aide sociale obligatoire et de santé des départements est fixée à 15,1 % mais les montants versés par chaque commune sont très variables.

Le montant total des sommes par les communes, d'un montant de l'ordre de 12 milliards de francs (hors Paris), comprend donc une fraction, de l'ordre de 10 % à 15 % du total selon les départements, qui correspond à la participation des communes aux dépenses des bénéficiaires de l'aide médicale départementale.

En toute logique, compte tenu du transfert de compétences résultant de la CMU, cette fraction aurait dû être soustraite du montant à prélever de la DGD des départements et déduite du montant des contingents communaux en contrepartie d'une diminution de ressources équivalente pour chaque commune. Cette solution n'a pas été retenue peut-être en raison de la difficulté technique de connaître exactement la part imputable à chaque commune au titre de l'aide médicale.

Ce faisant, le dispositif proposé fait implicitement le choix de maintenir le versement intégral du contingent communal d'aide sociale aux départements, alors même que le département n'assumera plus l'intégralité de la compétence qui lui était dévolue en 1983.

La justification du contingent communal est rendue plus fragile au moment où celui-ci fait l'objet de diverses critiques tenant à la complexité de sa mise en oeuvre et aux disparités de traitement des communes suivant leur département de rattachement.

La mise en place de la CMU offrait l'occasion de simplifier les relations financières entre départements et communes en modifiant la formule des contingents communaux d'aide sociale.

S'agissant d'une question qui concerne directement les relations financières entre collectivités locales, votre commission ne peut qu'être extrêmement attentive aux observations qui seront faites et aux propositions qui seront avancées par votre commission des finances.

Il serait utile que les travaux de concertation engagés entre la Direction générale des collectivités locales et les associations d'élus locaux, à la demande de M. Jean-Pierre Fourcade, président du Comité des finances locales, lors de la séance du 17 mars dernier, débouche sur des résultats concrets susceptibles de recueillir un accord général avant la fin de la discussion de ce projet de loi.

Troisième risque : le coût occulté de la reconversion des personnels départementaux

Le Gouvernement a choisi le principe du maintien dans les départements des fonctionnaires et agents publics actuellement affectés à la gestion de l'aide médicale dans les services des conseils généraux.

Il n'a pas été mis en place de droit d'option des personnels à l'image de ce qui avait été prévu lors des lois de 1983. L'exercice aurait été, il est vrai, rendu difficile par le fait que ce n'est pas l'Etat qui gérera la nouvelle prestation mais plutôt les CPAM.

Les effectifs des personnels concernés sont variables suivant les départements. Mme Martine Aubry, lors de son audition devant la commission, a estimé que les reconversions seraient aisées dans le secteur social où la demande est forte.

Il reste que la situation sera différente selon les départements et l'importance du public suivi. Paradoxalement, une fois encore, les départements les plus volontaristes dans leur démarche d'aide à l'accès aux soins des plus démunis, ou les plus touchés par la montée de l'exclusion, sont ceux qui ont le plus d'agents à redéployer et qui devront parfois engager des frais de formation pour faciliter les changements de poste.

Votre rapporteur souligne qu'une évaluation mériterait d'être engagée sur les coûts induits de la réforme. Elle pourrait utilement figurer dans le bilan demandé par votre commission dans un article additionnel après l'article 31.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Section 2
-
Recouvrement des cotisations

Art. 14
(art. L. 243-4, L. 652-3, L. 242-11, L. 136-5 du code de la sécurité sociale
et L. 1143-2, L. 1143-5, L. 1143-7 du code rural)
Exécution des recouvrements forcés de cotisations dues
par les non-salariés non agricoles et les agriculteurs

Cet article vise à modifier la procédure d'opposition à tiers détenteur, qui permet aux caisses des non salariés d'obtenir le recouvrement forcé des cotisations non payées et des pénalités de retard.

I - Le texte du projet de loi

Le paragraphe I modifie, de manière marginale, les sûretés applicables au paiement des cotisations, définies par l'article L. 243-4 du code de la sécurité sociale. Il maintient la durée d'un an de la garantie de paiement des cotisations, en étendant ces sûretés aux majorations et pénalités de retard. Ce paragraphe réactualise une référence relative au privilège des salariés (loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 en lieu et place de la loi n° 67-565 du 13 juillet 1967) et supprime le principe de la transformation en hypothèque légale du privilège portant sur les immeubles.

Le paragraphe II prévoit une nouvelle rédaction de l'article L. 652-3, résultant de l'article 33 de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991. Les organismes d'assurance maladie et maternité et les caisses d'assurance professionnelle des professions non salariées non agricoles, lorsqu'elles seront munies d'un titre exécutoire, pourront, au moyen d'une opposition, enjoindre aux tiers dépositaires, détenteurs ou redevables de sommes appartenant ou devant appartenir au débiteur, de leur verser -au lieu et place de celui-ci- les fonds qu'ils détiennent. Ce versement correspondra aux cotisations et aux majorations et pénalités de retard dues bénéficiant du privilège prévu à l'article L. 243-4 modifié par le paragraphe I ou qui doivent, lorsqu'elles dépassent 80.000 francs, être inscrites à un registre public tenu au greffe du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance, quand il s'agit de " sommes dues par un commerçant ou une personne morale de droit privé même non commerçante " (art. L. 243-5 du code de la sécurité sociale).

L'opposition sera notifiée au tiers détenteur et au débiteur par le directeur de l'organisme de sécurité sociale par lettre recommandée avec avis de réception. Elle emportera un effet d'attribution immédiate. Le paiement ne sera pas pour autant immédiat : l'opposition pourra être contestée devant le juge de l'exécution dans le mois de sa notification au débiteur. Les tiers seront tenus de déclarer l'ensemble de leurs obligations à l'égard du débiteur; les banques seront tenues de déclarer le solde du ou des comptes du débiteur (art. 24, 44 et 47 de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'opposition).

Enfin, cette opposition ne pourra pas s'appliquer aux sommes dues par le tiers détenteur au titre des rémunérations, qui ne peuvent être saisies que dans les conditions et selon la procédure prévues par les articles L. 145-1 et suivants du code du travail.

Pour résumer, ce nouveau mécanisme nécessitera l'existence préalable d'un titre exécutoire et permettra aux régimes maladie et vieillesse des non-salariés une exécution immédiate.

Le paragraphe III de cet article étend l'opposition à tiers détenteur au recouvrement par les URSSAF des cotisations d'allocations familiales des employeurs et travailleurs indépendants.

Le paragraphe IV rend le mécanisme applicable :

- à la CSG sur le revenu des employés et travailleurs indépendants, recouvrée par les URSSAF (art. L. 136-3 du code de la sécurité sociale) ;

- à la CSG applicable aux revenus agricoles, recouvrée par les caisses de MSA (art. L. 136-4).

Les paragraphes V et VIII adaptent la rédaction du premier alinéa de l'article 1143-2 et de l'article 1143-5 du code rural, en étendant aux majorations et aux pénalités de retard la compétence de recouvrement des caisses de MSA.

Le paragraphe VI supprime une disposition spécifique du régime agricole, prévoyant que les pénalités ou majorations de retard dues par le redevable à la date du jugement sont remises en cas de redressement ou de liquidation judiciaires.

Le paragraphe VII supprime le troisième alinéa de l'article 1143-2 du code rural, relatif à l'actuelle opposition à tiers détenteur existant dans le régime agricole.

En effet, le paragraphe IX insère dans le code rural un article 1143-7, qui étend au régime agricole le mécanisme d'opposition à tiers détenteur défini au paragraphe II.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement de M. Bernard Accoyer, sous-amendé par le rapporteur, M. Jean-Claude Boulard, visant à préciser que l'opposition prévue au II, notifiée au tiers détenteur et au débiteur, devra être motivée.

Elle a adopté en outre un amendement de M. Jean-Claude Boulard assurant explicitement au tiers détenteur et au débiteur le droit de contester l'opposition devant le juge de l'exécution.

Par coordination, deux amendements ont été adoptés pour aboutir à une rédaction identique de la procédure d'opposition mise en oeuvre par les caisses de MSA et décrite au paragraphe IX.

III - Les propositions de votre commission

Cet article, qui ne concerne que de manière indirecte la mise en place d'une couverture maladie universelle, a été l'un des articles les plus largement discutés et contestés à l'Assemblée nationale, à la fois par des députés de la majorité et de l'opposition. Il a suscité de nombreuses critiques, émanant de la Chambre nationale des huissiers de justice, du Syndicat national des huissiers de justice, de la Confédération nationale des avocats et de l'Union nationale des professions libérales.

Le paragraphe II est principalement en cause tandis que le paragraphe I n'appelle pas de remarques particulières. Les paragraphes III à IX découlent du paragraphe II.

Votre rapporteur, conscient des interrogations que suscite cet article, s'est penché avec attention sur la question du recouvrement des cotisations des non-salariés.

Le lien de cette disposition avec la couverture maladie universelle n'est ni évident, ni obligatoire


L'acquittement des cotisations sociales incombe, pour les salariés, à l'employeur. Pour les non-salariés, et il s'agit de la principale conséquence, en matière de sécurité sociale, de la différence entre salariés et non-salariés, cette obligation est de leur propre responsabilité.

Prévoir, dans le projet de loi portant création de la couverture maladie universelle, une disposition sur le recouvrement apparaît à première vue sans lien avec les autres dispositions du texte. En fait, ce lien existe : en cas de non-paiement des cotisations sociales, les régimes des non-salariés peuvent aujourd'hui suspendre le droit à prestations. L'actuel premier alinéa de l'article L. 615-8, relatif aux droits à prestations des non-salariés, prévoit que l'assuré doit être à jour de ses cotisations annuelles pour bénéficier du règlement des prestations pendant une période déterminée. Dans le cadre de la mise en place de la couverture maladie universelle, les caisses d'assurance maladie des non-salariés ne pourront plus recourir à cette sanction : l'article 6 du présent projet de loi précise que " ce paiement des cotisations sera nécessaire désormais pour bénéficier, le cas échéant, du règlement des prestations en espèces ".

Pour les personnes relevant du régime agricole, l'article 1106-12 du code rural prévoit actuellement que " le défaut de versement des cotisations n'exclut les assurés du bénéfice de l'assurance qu'à l'expiration du délai de six mois à compter de la mise en demeure faite par lettre recommandée avec accusé de réception ". Cette disposition est également supprimée par le paragraphe II de l'article 6 du présent projet de loi.

Force est de constater que cette argumentation ne vaut que pour les seules cotisations d'assurance maladie prélevées au profit de la CANAM et de la MSA ; pour les cotisations d'assurance vieillesse, prélevées au profit de l'ORGANIC (industriels et commerçants), de la CANCAVA (artisans), de la MSA (agriculteurs) et de la CNAVPL (professions libérales), il n'existe pas de lien entre la CMU et l'article 14.

De plus, un amendement a été adopté à l'Assemblée nationale, à l'initiative judicieuse de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, prévoyant que l'absence de cotisation au régime de base, pour les personnes situées au-dessus du plafond, " peut conduire, dans des conditions déterminées par un décret, à la suspension du versement des prestations en nature de l'assurance maladie " lorsqu'elle est le fait de " la mauvaise foi du bénéficiaire " . Votre rapporteur vous propose, à l'article 6, d'étendre les effets de cet amendement à l'ensemble des personnes s'acquittant en France de cotisations, au titre d'un régime de résidence comme au titre d'un régime professionnel. Le lien est ainsi rétabli entre cotisations et prestations : les organismes de sécurité sociale disposeront toujours de cette sanction à l'égard de leurs ressortissants qui contestent leur bien fondé à prélever de telles cotisations.

Dès lors, votre rapporteur a étudié l'article 14 de la même manière qu'il aurait étudié un article faisant partie d'un DMOS, sans chercher à le justifier a priori par la mise en place de la couverture maladie universelle.

L'état du droit est complexe


Pour les organismes de sécurité sociale, la première étape, afin de parvenir à un recouvrement des cotisations impayées, est celle de la mise en demeure. Elle constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation, dans le délai imparti. La mise en demeure doit préciser, sous peine de nullité, la nature et le montant des cotisations réclamées, ainsi que la période à laquelle elles se rapportent (au maximum trois années). Il résulte tant de l'article R. 244-1 (régime général) que de l'article R. 612-9 du code de la sécurité sociale (régime des non-salariés non agricoles) que l'envoi de la mise en demeure est effectué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Une fois la mise en demeure effectuée, si le débiteur n'a pas régularisé sa situation dans un délai d'un mois et s'il n'a pas contesté cette mise en demeure, les caisses peuvent recourir à la contrainte définie par l'article L. 244-9 du code de la sécurité sociale.

Cet article, relatif au régime général, est applicable, dans des conditions fixées par décret, aux régimes des non-salariés depuis l'article 6-VI de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994. Mais les modalités d'application diffèrent : cette contrainte est signifiée au débiteur relevant du régime général par acte d'huissier de justice (article R. 133-3 du code de la sécurité sociale) ; pour les débiteurs non salariés non agricoles , le dernier alinéa de l'article R. 612-11 précise que " la contrainte est notifiée au débiteur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou lui est signifiée par acte d'huissier de justice " . L'intervention d'un huissier de justice n'est pas obligatoire.

" A défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires sociales " (un délai de quinze jours est prévu), cette contrainte " comprend tous les effets d'un jugement et confirme notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire ", c'est-à-dire un titre exécutoire .

La définition d'un titre exécutoire

L'article 3 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 en dresse une liste limitative :

- les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire ;

- les actes et les jugements étrangers ainsi quel es sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d'un recours suspensif d'exécution ;

- les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;

- les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;

- le titre délivré par l'huissier de justice en cas de non-paiement d'un chèque ;

- les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d'un jugement.

L'organisme de sécurité sociale dispose alors, comme tout créancier de droit commun, de la procédure de saisie-attribution, définie par les articles 42 à 47 de la loi du 9 juillet 1991.

La procédure de saisie-attribution de la loi n°91-650 du 31 juillet 1991

portant réforme des procédures civiles d'exécution

Art 42 . - Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d' argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.

Art. 43 . - L'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires. Il rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation. (...)

Art. 44 . - Le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures.

Art. 45 . - Toute contestation relative à la saisie peut être élevée dans un délai d'un mois.

En l'absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l'acte de saisie. Toutefois, le débiteur saisi qui n'aurait pas élevé de contestation dans le délai peut agir à ses frais en répétition de l'indu devant le juge du fond compétent.

Art. 46 . - En cas de contestation devant le juge de l'exécution, le paiement est différé sauf si le juge autorise le paiement pour la somme qu'il détermine:

Art. 47 . - Lorsque la saisie est pratiquée entre les mains d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôt, l'établissement est tenu de déclarer le solde du ou des comptes du débiteur au jour de la saisie. (...)

Pour les organismes de sécurité sociale des non-salariés non agricoles, une procédure spécifique, qui ne remplace pas mais qui s'ajoute à celle de la saisie-attribution , a été mise en place : l'opposition à tiers détenteur . Instituée par l'article 33 de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991, portant diverses dispositions d'ordre social, cette procédure permet à la CANAM, à l'ORGANIC, à la CANCAVA et à la CNAVPL, de recouvrer les cotisations, majorations de retard et pénalités dues en faisant opposition, à concurrence de leur montant, sur les fonds détenus pour le compte de débiteurs par tous les tiers détenteurs. La procédure existait déjà pour le régime agricole, par l'article 1143-2 du code rural.

L'exposé des motifs de l'article 33 de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991

" Pour faire face aux agissements violents d'une minorité de ressortissants des régimes de travailleurs non salariés non agricoles appartenant à la confédération de défense des commerçants et artisans (CDCA) qui conteste, par le refus de paiement des cotisations sociales, ces régimes obligatoires de sécurité sociale, il est proposé, outre la procédure contentieuse de droit commun, de permettre aux caisses assurant la gestion de ce régime de faire opposition, à concurrence du montant des cotisations dues, sur les fonds détenus par des tiers pour le compte des assurés débiteurs ".

Cette procédure est décrite par le décret n° 95-446 du 24 avril 1995. L'organisme créancier fait opposition entre les mains du tiers détenteur sur les sommes détenues par lui pour le compte du débiteur. Il informe ensuite le débiteur de cette opposition. A défaut du paiement dans les quinze jours, et dans le délai maximal de deux mois, l'organisme créancier obtient un titre exécutoire. Parallèlement, il peut présenter une requête au Tribunal des Affaires sociales pour que le tiers détenteur lui remette les sommes dont il dispose. Le Tribunal des Affaires sociales rend alors une injonction de remise des sommes à l'encontre du tiers détenteur. Sur présentation de cette injonction, le tiers détenteur paye le créancier. L'organisme créancier donne alors quittance au tiers détenteur et au débiteur.

Dans les faits, cette procédure est rarement appliquée, très contestée, probablement contestable et donc peu efficace. Outre son caractère complexe, elle pose, en effet, un grand nombre de problèmes juridiques, puisqu'elle ne nécessite pas l'existence préalable d'un titre exécutoire. Le contentieux portant sur l'assiette est ainsi inachevé.

Le nouveau dispositif

L'article 14 du présent projet de loi introduit deux importantes innovations : premièrement, la procédure permettra à l'organisme de sécurité sociale de procéder à cette opposition à tiers détenteur, sans avoir à saisir préalablement le tribunal des Affaires sociales. Mais, deuxièmement, l'organisme de sécurité sociale ne pourra recourir à cette procédure qu'une fois muni d'un titre exécutoire , c'est-à-dire en passant soit par l'étape de la contrainte, si la mise en demeure n'a pas été contestée, soit par l'intervention d'une décision de justice, si la mise en demeure a été contestée.

L'assuré pourra contester à trois moments la décision de l'organisme de sécurité sociale :

- il pourra contester la mise en demeure (art. L. 244-2 - R. 244-1, R. 612-9 et R. 612-10 du code de la sécurité sociale), en adressant un recours devant la commission de recours amiable de l'organisme, puis, en cas de décision défavorable de cette commission, en saisissant le Tribunal des affaires de sécurité sociale pour aller éventuellement en appel, voire en cassation ;

- il pourra contester la contrainte (art. L. 244-9 - R. 133-3 et R. 612-11 du code de la sécurité sociale), en adressant un recours en première instance devant le Tribunal des Affaires de sécurité sociale, avec jugements d'appel et cassation possibles ;

- il pourra contester l'opposition à tiers détenteur (nouvel article L. 652-3 du code de la sécurité sociale) , en adressant un recours au juge de l'exécution, avec jugements d'appel et cassation possibles.

Il est à noter que la contrainte peut faire l'objet d'une opposition même si la dette n'a pas été antérieurement contestée, selon un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 23 février 1995 12( * ) . De la même manière, l'opposition à tiers détenteur pourra être contestée même si la contrainte n'a pas fait l'objet d'une opposition.

Les droits de la défense apparaissent ainsi préservés. L'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme dispose que " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. " . Le système proposé n'apparaît pas contraire à ce principe.

Il est reproché toutefois à cette procédure de donner des prérogatives exorbitantes du droit commun aux organismes de sécurité sociale des non salariés.


Force est de constater que d'une part, elle existait déjà, selon un mécanisme moins protecteur des droits de la défense, et que, d'autre part, la procédure d'opposition à tiers détenteur " rénovée " se rapprochera de la procédure d'avis à tiers détenteur, utilisée par les services fiscaux pour recouvrer directement des impôts non payés (art. L. 262 du livre des procédures fiscales). La Cour européenne des droits de l'homme s'est déjà prononcée sur cette procédure et ne l'a pas contestée.

A partir du moment où l'on considère que les cotisations sociales sont des contributions publiques, des prélèvements au même titre que les impôts, il est nécessaire d'assurer des règles de recouvrement, afin que les cotisants de bonne foi ne soient pas pénalisés.

Il n'apparaît pas injustifié que des organismes privés chargés d'une mission de service public se voient reconnaître des prérogatives de puissance publique, si la reconnaissance de ces prérogatives est nécessaire à l'exercice de leur mission. Le recouvrement des cotisations des non-salariés, qui s'est nettement amélioré depuis quelques années, reste un sujet sensible. Le CDCA s'est ainsi spécialisé dans la contestation systématique des régimes de sécurité sociale.

Certains huissiers, contactés par les organismes de sécurité sociale, refusent de saisir des biens chez les adhérents de ce syndicat ou de recourir à la procédure de saisie-attribution. Il est ainsi nécessaire de prévoir un dispositif spécifique pour les organismes des non salariés.

Mais cette procédure devra rester un recours en cas de défaillance des procédures de droit commun, et non un système se substituant dans tous les cas au droit commun. Les organismes chargés du recouvrement n'ont d'ailleurs pas intérêt à s'engager dans cette voie, l'opposition à tiers détenteur suppose, en effet, un coût de gestion supplémentaire.


Les dispositions d'application du principe posé par la loi (un décret en Conseil d'Etat) sont, une nouvelle fois, particulièrement importantes. Un certain flou existe sur ces dispositions d'application.

Il apparaît ainsi essentiel que les services chargés du recouvrement social se montrent souples et sachent distinguer entre le mauvais payeur et le commerçant, l'artisan, la profession libérale ou l'agriculteur confronté à des difficultés temporaires. Un effort particulier de communication devra être réalisé à destination des cotisants, de manière à les prévenir de l'existence de cette procédure. Une actualisation de la " Charte du cotisant ", guide édité par les URSSAF, sera ainsi nécessaire. En outre, il serait opportun que cette procédure, qui sera effective à partir du 1 er janvier 2000, ne s'applique qu'à des conflits futurs, et non aux contestations en cours.

Le décret d'application devra préciser que le débiteur, aux deux moments de la mise en demeure et de la contrainte, soit parfaitement informé de cette procédure, afin qu'il ne soit pas surpris de son caractère immédiat.

L'étape de la contrainte -qui devient indispensable dans le cadre de la rénovation de la procédure d'opposition à tiers détenteur- est ainsi essentielle. Or, l'état du droit n'est pas totalement satisfaisant. Le débiteur relevant du régime général est prévenu au moment de l'étape de la contrainte, puisqu'à peine de nullité, " l'acte d'huissier doit mentionner la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal des affaires de sécurité sociale compétent et les formes requises pour sa saisine " (art. R. 133-3 du code de la sécurité sociale). L'intervention d'un huissier est ainsi indispensable.

Pour le débiteur relevant des régimes des non salariés non agricoles, " la lettre recommandée ou l'acte d'huissier mentionne, à peine de nullité, la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal des affaires de sécurité sociale compétent et les formes requises pour sa saisine ".

Il apparaît nécessaire de préciser dans la loi que la contrainte, qu'elle soit décernée à un débiteur relevant du régime général ou à un débiteur relevant du régime des non salariés, doit être obligatoirement signifiée par acte d'huissier de justice. La procédure de l'opposition à tiers détenteur, telle qu'elle est prévue, peut aboutir à une simple succession de trois lettres recommandées avec avis de réception : mise en demeure, contrainte, opposition à tiers détenteur. Même si les lettres recommandées avec avis de réception ont, dans la jurisprudence de la Cour de cassation, toute valeur juridique, il semble plus juste de prévoir, au stade de la contrainte, l'intervention obligatoire d'un huissier de justice pour deux raisons :

- premièrement, il est souhaitable que cette procédure soit comporte une phase " humaine " et ne soit pas soumise aux seules lettres types éditées automatiquement par un système informatique ;

- deuxièmement, une harmonisation sera réalisée -au niveau de la contrainte- entre le régime général et le régime des non salariés non agricoles.

Votre rapporteur vous propose l'adoption d'un amendement précisant, à l'article L. 244-9 du code de la sécurité sociale, que " la contrainte est signifiée par acte d'huissier de justice " .

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

CHAPITRE 3
-
Dispositions diverses

Art. 15
(art. L. 161-8 du code de la sécurité sociale)
Durée de maintien des droits selon qu'il s'agit des prestations en nature ou des prestations en espèces

I - Le texte du projet de loi

Cet article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, donne une base légale à la différenciation des durées de maintien des droits selon qu'il s'agit des prestations en nature ou des prestations en espèces.

Les personnes cessant de remplir les conditions requises pour relever du régime général, soit en qualité d'assuré, soit en qualité d'ayant droit, bénéficient d'un maintien de leurs droits pour une période de 12 mois (art. L. 161-8 et R. 161-3 du code de la sécurité sociale).

L'étendue des droits maintenus est appréciée au regard des conditions d'ouverture des droits à la date de la perte de la qualité d'assuré ou d'ayant droit.

Dans le cadre de la délivrance et de l'utilisation des cartes électroniques d'assuré social (cartes Vitale), le décret n° 98-275 du 9 avril 1998 a prévu une prolongation des droits de trois ans, afin d'éviter le renouvellement trop fréquent de ces cartes.

A titre transitoire, jusqu'au 31 décembre 1999, par dérogation aux articles R. 161-3, R. 161-4 et R. 161-5 du code de la sécurité sociale, les personnes dont le maintien du droit aux prestations en nature de l'assurance maladie arrive à échéance bénéficient d'un maintien supplémentaire de ce droit pendant trois ans à compter de la date d'échéance. Sous réserve des engagements internationaux souscrits par la France, ce maintien supplémentaire de droit ne bénéficie qu'aux personnes qui continuent de résider sur le territoire métropolitain ou dans les départements d'outre-mer.

La CNAMTS, dans une circulaire du 17 septembre 1998, analyse la portée de cette disposition et précise les règles de sa mise en oeuvre pratique.

Les bénéficiaires de cette mesure sont :

- les personnes en situation de maintien de droits ayant perdu leur qualité d'assuré du régime général, ou leur qualité d'ayant droit ;

- les personnes libérées du service national, qui ne bénéficient pas de l'assurance maladie-maternité à un autre titre ;

- les détenus libérés ;

- les ayants droit de l'assuré décédé ou divorcé, et par assimilation, les ayants droit de l'assuré en rupture de vie maritale.

Sont par conséquent exclus du dispositif :

- les chômeurs créateurs d'entreprise ;

- les personnes en congé parental ou titulaires de l'allocation parentale d'éducation ;

- les personnes affiliées à l'assurance personnelle pour lesquelles le maintien de droit ne s'applique pas.

Pour la mise en oeuvre pratique de cette mesure, la CNAMTS a adapté le texte réglementaire : en effet, interprété à la lettre, il ne s'appliquerait qu'aux personnes en fin de maintien de droit, excluant tous les assurés en situation de droit. Afin de faciliter la gestion automatisée des droits, la CNAMTS prévoit d'ajouter systématiquement trois ans, à l'issue de l'année qui suit l'ouverture des droits justifiée par la production d'un document (bulletin de salaire, acte de naissance...).

L'ensemble de ce dispositif repose aujourd'hui sur une base législative fragile : au regard de la durée de maintien des droits, l'article L. 161-8 du code de la sécurité sociale ne fait pas de distinction entre les prestations en nature et les prestations en espèces.

L'article 15 du présent projet de loi vise donc à donner une base légale incontestable à la différenciation des durées de maintien des droits selon qu'il s'agit de prestations en nature ou de prestations en espèces.

Le paragraphe I de cet article modifie le premier alinéa de l'article L. 161-8 du code de la sécurité sociale afin de préciser que les personnes cessant de remplir les conditions requises pour relever du régime général bénéficient du maintien de leurs droits pendant des périodes qui peuvent être différentes selon qu'il s'agit de prestations en nature ou de prestations en espèces.

Cette période serait de trois ans pour les prestations en nature et d'un an pour les prestations en espèces, qui présentent, pour l'assuré, un caractère de revenu de remplacement du salaire perdu du fait de la maladie.

Le paragraphe II de cet article modifie en conséquence la rédaction du deuxième alinéa de l'article L. 161-8 du code de la sécurité sociale.

II - Les propositions de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 16
(art. L. 381-4 et L. 381-12 du code de la sécurité sociale)
Maintien des régimes actuellement applicables aux étudiants
et aux ministres des cultes

I - Le texte du projet de loi

Cet article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, affirme le caractère subsidiaire des régimes d'assurance maladie des étudiants et des ministres des cultes par rapport au régime général. Il vise à préserver ces régimes spécifiques, qui seraient susceptibles d'être menacés par l'institution, à l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale, d'une affiliation au régime général sur critère de résidence.

En application de l'article L. 381-4 du code de la sécurité sociale, les élèves et les étudiants des établissements d'enseignement supérieur, des écoles techniques supérieures, des grandes écoles et classes du second degré préparatoires à ces écoles, qui ne sont ni assurés sociaux, ni ayants droit d'assuré social et ne dépassent pas un âge limite (art. R. 381-5 : 28 ans), sont affiliés obligatoirement au régime étudiant, auquel ils doivent acquitter une cotisation.

Le paragraphe I de cet article modifie l'article L. 381-4 afin de prévoir que les assurés sociaux affiliés au régime général au titre de l'article L. 380-1, c'est-à-dire sur critère de résidence, devront malgré tout être affiliés au régime étudiant, auquel ils acquitteront donc une cotisation.

Le paragraphe II complète l'article L. 381-12 afin de préciser que les ministres des cultes et les membres des congrégations et collectivités religieuses ne peuvent être affiliés au régime général au titre de l'article L. 380-1. Ils continueront donc à relever de leur régime spécifique.

II - Les propositions de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 17
(art. L. 380-4 du code de la sécurité sociale)
Régime applicable aux pupilles de l'Etat

I - Le texte du projet de loi

En application de l'article 61 du code de la famille et de l'aide sociale, sont admis en qualité de pupille de l'Etat :

- les enfants dont la filiation n'est pas établie ou est inconnue ;

- les enfants dont la filiation est établie et connue et qui ont été expressément remis au service de l'aide sociale à l'enfance, en vue de leur admission comme pupilles de l'Etat ;

- les enfants orphelins de père et de mère ;

- les enfants dont les parents ont fait l'objet d'un retrait total de l'autorité parentale ;

- les enfants confiés au service en application de l'article 350 du code civil.

Le nombre des pupilles de l'Etat diminue régulièrement : ils étaient 63.000 en 1949, 24.000 en 1977, 15.000 en 1981, 7.700 en 1987 et 3.200 en 1997.

Les pupilles de l'Etat -dont le tuteur est le représentant de l'Etat dans le département- relèvent aujourd'hui de l'aide médicale départementale dans les conditions de droit commun.

Le présent article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, tire les conséquences de la suppression, à l'article 30 du projet de loi, de l'aide médicale départementale ; il prévoit que les pupilles de l'Etat sont affiliés au régime général au titre du chapitre préliminaire (nouveau) du titre VIII du livre III du code de la sécurité sociale, introduit par l'article 3 du projet de loi, c'est-à-dire sur critère de résidence.

II - Les propositions de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 18
Résiliation de certains contrats d'assurance privée

I - Le texte du projet de loi

Cet article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, est la conséquence de la création, à l'article 3 du projet de loi, d'une affiliation au régime général sur le seul critère de résidence (art. L. 380-1 du code de la sécurité sociale).

Certaines des personnes qui ont vocation à bénéficier de ces nouvelles dispositions avaient préféré souscrire un contrat auprès d'une société d'assurance plutôt que de s'affilier à l'assurance personnelle.

Dans la mesure où ces personnes seront désormais obligatoirement affiliées au régime général en application de l'article L. 380-1, il convient de prévoir la résiliation de ces contrats.

Le premier alinéa de cet article prévoit par conséquent la résiliation de plein droit, à compter de la date où le contractant est affilié au régime général en application de l'article L. 380-1, de tous les contrats d'assurance portant sur les risques couverts par cette affiliation. Les cotisations ou primes afférentes à ces contrats seront remboursées par les organismes qui les ont perçues au prorata de la durée du contrat restant à courir.

Le second alinéa de cet article prévoit que si la garantie résultant de ces contrats est supérieure à celle qu'assure le régime général, le contrat peut être maintenu en vigueur par un avenant et avec une réduction de prime.

On remarquera que les frontaliers français travaillant en Suisse ne sont pas concernés par ces dispositions. Dans la mesure où l'article 8 les exclut de l'affiliation sur critère de résidence prévue à l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale, ils pourront, s'ils le souhaitent, conserver le bénéfice de ces contrats d'assurance.

Le nombre de personnes concernées par cet article devrait donc être faible. Sur environ 60.000 personnes aujourd'hui assurées au premier franc par un contrat d'assurance, une majorité sont des frontaliers.

Ne seront effectivement concernés par cet article que les rentiers, c'est-à-dire les personnes sans activité professionnelle vivant des revenus de leur patrimoine. Ces personnes avaient auparavant le choix, pour la couverture de leurs dépenses de santé, entre l'adhésion à l'assurance personnelle et la souscription d'un contrat d'assurance privée. Elles relèveront désormais d'une affiliation obligatoire au régime général sur critère de résidence, en application de l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale.

II - Les propositions de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 19
(art. 380-1 et 380-3 nouveaux du code de la sécurité sociale)
Possibilité de maintien de certaines personnes dans le régime général à titre temporaire et dans le régime agricole à titre définitif

I - Le texte du projet de loi

Cet article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, permet à certaines personnes, exclues par l'article 8 de l'affiliation au régime général sur critère de résidence, d'être affiliées à ce régime à titre transitoire. Il autorise également, à titre définitif, les personnes aujourd'hui affiliées à l'assurance personnelle auprès du régime agricole à rester dans ce régime.

Le paragraphe I prévoit que les personnes visées aux 1°, 3° et 4° de l'article 8, qui sont affiliées au régime de l'assurance personnelle à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, peuvent, à leur demande, être affiliées au régime général sur critère de résidence, en application de l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale, pendant une période se terminant au plus tard trois ans après la date de publication de la présente loi.

Rappelons que les personnes visées aux 1°, 3° et 4° de l'article sont :

Au 1° : les membres du personnel diplomatique et consulaire en poste en France, les fonctionnaires d'un Etat étranger et personnes assimilées, ainsi que les membres de leur famille qui les accompagnent ;

Au 3° : les personnes résidant en France qui, au titre d'une activité professionnelle exercée par elles-mêmes ou par un membre de leur famille sur le territoire d'un Etat étranger, ont la faculté d'être affiliées à titre volontaire à un régime d'assurance maladie, conformément à la législation de cet Etat, si cette affiliation leur permet d'obtenir la couverture des soins reçus sur le territoire français. Cette rédaction vise essentiellement les frontaliers français travaillant en Suisse ;

Au 4° : les agents retraités d'une organisation internationale qui ne sont pas également titulaires d'une pension française, ainsi que les membres de leur famille, dès lors qu'ils sont couverts dans des conditions analogues à celle du régime général français d'assurance maladie et maternité par le régime propre à l'organisation dont ils relevaient quand ils étaient en activité.

Parmi ces personnes, celles qui étaient affiliées à l'assurance personnelle pourront donc demander à continuer à bénéficier des prestations en nature de l'assurance maladie en se faisant affilier au régime général sur critère de résidence. Cette affiliation provisoire s'achèvera au plus tard trois ans après la date de publication de la présente loi.

Le paragraphe II de cet article permet aux personnes qui sont aujourd'hui affiliées au régime de l'assurance personnelle, et dont les prestations d'assurance maladie et maternité sont servies par un organisme de protection sociale agricole au titre de sa participation à la gestion de l'assurance personnelle, de continuer à bénéficier du service de ces prestations quand bien même elles relèveraient désormais du régime général en application de l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale. Ce service sera assuré par l'organisme de protection sociale agricole pour le compte du régime général dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat.

Cette disposition, qui concerne environ 10.000 personnes, a pour finalité d'éviter que ces personnes ne soient contraintes de quitter le régime agricole pour le régime général afin de bénéficier du maintien de leurs droits.

II - Les propositions de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE II
-
DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION COMPLÉMENTAIRE EN MATIÈRE DE SANTÉ
CHAPITRE PREMIER
-
Dispositions générales

Art. 20
(Chapitre premier nouveau du titre VI nouveau du livre VII
du code de la sécurité sociale, art. L. 861-1 à L. 861-9 nouveaux)
Définition de la couverture complémentaire en matière de santé
attribuée aux bénéficiaires de la CMU

Cet article définit le principe du droit à une couverture maladie complémentaire gratuite pour toutes les personnes disposant de ressources inférieures à un plafond déterminé par décret.

Le dossier de presse fourni par le ministère, puis l'intervention du ministre, en séance publique, à l'Assemblée nationale donnent une indication du plafond de ressources qui devrait être retenu et qui s'établirait à :

- 3.500 francs pour une personne seule ;

- 5.250 francs pour deux personnes ;

- 6.300 francs pour trois personnes ;

- 7.700 francs pour quatre personnes ;

- plus 1.400 francs pour toute personne supplémentaire.

La lecture de ce barème, comme les dispositions du présent article, montrent que la couverture complémentaire maladie serait attribuée pour les personnes constituant le foyer ainsi que celles qui sont à leur charge.

Le présent article prévoit les conditions d'attribution de cette couverture et notamment la définition des ressources prises en compte. Il indique que cette couverture sera accordée, selon le choix des bénéficiaires, par les organismes de sécurité sociale de base ou par les mutuelles, les institutions de prévoyance et les compagnies d'assurance.

Le principe du droit à la couverture complémentaire comme la procédure applicable sont codifiés par le présent article dans un titre VI nouveau du livre VIII du code de la sécurité sociale. Ce livre comprenait jusque-là les règles législatives relatives aux allocations aux personnes âgées à l'allocation aux adultes handicapés, à l'allocation de logement sociale, à l'aide à l'emploi pour la garde d'enfants, ainsi qu'à l'aide aux associations logeant à titre temporaire des personnes défavorisées.

Sur le fond, les dispositions du présent article n'ont été modifiées qu'à la marge lors de l'examen du projet de loi en séance publique à l'Assemblée nationale. Votre commission, en revanche, vous proposera un dispositif alternatif définissant le droit à une allocation personnalisée à la santé.

Les paragraphes I et II du présent article modifient l'intitulé du livre VIII du code de la sécurité sociale et créent un titre IV nouveau intitulé " Protection complémentaire en matière de santé ".

Le paragraphe III comporte les articles L. 861-1 à L. 861-9 nouveaux du code de la sécurité sociale qui seront insérés dans le titre VI du livre  VIII.

Art. L. 861-1 et art. L. 861-2 du code de la sécurité sociale

I - Le texte du projet de loi

L'article L. 861-1, qui n'a pas été modifié par l'Assemblée nationale, pose le principe du droit à la couverture complémentaire maladie sous deux conditions.

1/ Une condition de résidence. Elle est identique à celle qui est retenue pour la couverture de base dans le régime de résidence et qui est définie par l'article L. 380-1. Cette condition est satisfaite lorsque le demandeur réside, soit en France métropolitaine, soit dans un département d'outre-mer, de manière stable et régulière (cf. commentaire sous l'article 3) ;

2/ Une condition de ressources. Cette condition se traduit par la définition d'un plafond, déterminé par décret et révisé chaque année pour tenir compte de l'évolution des prix. Ce plafond varie selon la composition du foyer et le nombre de personnes à charge.

Les personnes à charge

C'est un décret en Conseil d'Etat qui, aux termes du projet de loi, précisera les conditions d'âge, de domicile et de ressources dans lesquelles une personne est considérée comme étant à charge.

L'exigence posée par cet article semble moins forte que celle qui existe dans le droit des prestations familiales actuellement en vigueur, l'article L. 513-1 du code de la sécurité sociale disposant en effet que " les prestations familiales sont (...) dues à la personne qui assume la charge effective et permanente de l'enfant " .

C'est pourquoi votre commission vous proposera d'harmoniser les deux législations en retenant, dans le projet de loi, la notion de " charge effective et permanente ".

La situation des mineurs de plus de 16 ans

L'article L. 861-1, dans son troisième alinéa, complète les dispositions de l'article 7 du projet de loi qui permet aux jeunes d'obtenir, pour leur couverture de base, le statut d'ayant droit autonome dès l'âge de seize ans. Il autorise ainsi les mineurs ayant atteint cet âge à bénéficier d'une couverture maladie complémentaire à titre personnel à la double condition :

- de satisfaire aux conditions de résidence et de ressources posées par le premier alinéa ;

- et que les liens avec la vie familiale soient rompus.

Le texte du projet de loi n'apporte cependant aucune précision sur les modalités d'appréciation, par l'autorité administrative, de la rupture des liens avec la famille.

En outre, l'action en récupération, auprès des parents qui disposent de ressources supérieures au plafond, prévue par l'article L. 861-1, n'est qu'une faculté offerte à l'administration. Si l'on comprend bien les raisons de telles imprécisions, il conviendra cependant que l'autorité administrative applique strictement les dispositions prévues par la loi, sauf à favoriser de coûteuses dérives.

Le plafond de ressources

Il convient bien d'observer que le plafond de ressources applicable à la couverture complémentaire est défini de manière distincte de celui qui est institué pour la couverture de base dans le régime d'affiliation sur critère de résidence par l'article L. 380-2 (cf. supra commentaire de l'article 3).

Rien n'indique donc, à l'inverse de ce qu'affirme le rapport de l'Assemblée nationale (rapport AN n° 1518, p. 84), que ces deux plafonds, définis par deux articles différents du code, seront identiques, d'autant plus que :

- le projet de loi, avant son examen par l'Assemblée nationale, ne prévoyait pas de procédure de révision annuelle du plafond associé à la couverture de base pour tenir compte de l'évolution des prix ;

- le plafond associé à la couverture de base ne varie pas selon la composition du foyer et le nombre de personnes à charge ;

- les deux plafonds ne sont pas nécessairement appréciés par rapport aux mêmes ressources ;

- enfin, l'article L. 861-2 introduit par le présent article prévoit que " les bénéficiaires des dispositions du présent titre qui sont affiliés sur condition de résidence au régime général sont exonérés de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 " .

En d'autres termes, les bénéficiaires de la couverture complémentaire (qui ont donc des revenus inférieurs au plafond associé à cette couverture) qui sont affiliés sur critère de résidence au régime général sont exonérés de la cotisation prévue à l'article L. 861-2.

Si les plafonds étaient identiques, cette disposition serait inutile. Elle ne traduit pas non plus, contrairement à ce qu'affirme le rapport de l'Assemblée nationale, la " rupture du lien entre cotisation et prestation " (rapport AN n°1518, p. 133). Compte tenu de cette incertitude, votre commission vous proposera, en vue d'entendre les explications du ministre, de supprimer cette disposition de l'article L. 380-2.

Les ressources prises en compte

Les ressources prises en compte pour la détermination du droit à la couverture complémentaire, fixées par le premier alinéa de l'article L. 861-2, sont définies d'une manière qui s'inspire des dispositions législatives relatives au RMI. Il s'agit de l'ensemble des ressources des membres du foyer (le droit à la couverture complémentaire étant " familial "), à l'exclusion de certaines prestations à objet spécialisé et de tout ou partie des rémunérations de nature professionnelle lorsque celles-ci ont été interrompues.

La notion de " prestation à objet spécialisé " doit être appréciée par rapport aux dispositions du livre V du code de la sécurité sociale relatif aux " prestations familiales et prestations assimilées ". Ce livre distingue en effet :

- des prestations générales d'entretien (allocations familiales, complément familial, allocation de soutien familial, allocation de parent isolé) ;

- des prestations liées à la naissance (allocation pour jeune enfant, allocation parentale d'éducation, allocation d'adoption) ;

- et des prestations à affectation spéciale que vise l'article L. 861-2. Il s'agit de l'allocation d'éducation spéciale, de l'allocation de logement familiale, des primes de déménagement et des prêts à l'amélioration de l'habitat, ainsi que de l'allocation de rentrée scolaire.

Ces dernières seront donc, en tout ou partie, exclues du montant des ressources pris en compte pour la détermination des droits.

Il en est de même pour tout ou partie des rémunérations professionnelles, si celles-ci ont été interrompues. On comprend bien le fondement d'une telle disposition dans ce cadre, l'appréciation du niveau des ressources, établie faute de mieux par référence à ou aux années précédentes, n'étant pas pertinente en cas, par exemple, de perte de l'emploi.

L'article L. 861-2 prévoit aussi qu'un décret en Conseil d'Etat déterminera les modalités particulières de détermination des ressources provenant d'une activité non salariée. De telles dispositions existent déjà dans le droit en vigueur, pour l'allocation de logement sociale : l'article R. 831-6 du code de la sécurité sociale prévoit ainsi une procédure de revalorisation des dernières ressources des non-salariés connues par le taux de revalorisation de l'indice général des prix à la consommation.

L'article L. 861-2 dispose enfin que les bénéficiaires du RMI ont droit à la protection complémentaire en matière de santé. Ce dispositif ne traduit aucun progrès de la législation en leur faveur, les bénéficiaires du RMI étant déjà automatiquement bénéficiaires de l'aide médicale gratuite des départements, avec une prise en charge des dépenses à 100 %.

II - Les propositions de votre commission

Les propositions de votre commission tendent à la création d'une allocation personnalisée à la santé (APS), dégressive en fonction des revenus, qui s'inspire du même principe que celui de l'allocation personnalisée au logement. Cette allocation permet, pour les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, un accès gratuit à la protection complémentaire en matière de santé.

A la différence de la " couverture maladie universelle " proposée par le projet de loi, la création d'une allocation personnalisée à la santé présente d'indéniables avantages, tant pour les bénéficiaires de l'allocation que pour l'avenir de la protection sociale et celui de notre économie :

expression de la solidarité nationale, elle tend à solvabiliser toutes les personnes disposant de faibles revenus afin de leur permettre d'adhérer à une couverture complémentaire dans des conditions de droit commun

De la même manière que les locataires titulaires de l'allocation logement sont des locataires " comme les autres ", qui paient un loyer dans des conditions de droit commun, les bénéficiaires de l'allocation personnalisée à la santé adhéreront à une mutuelle ou souscriront un contrat de couverture complémentaire auprès d'une institution de prévoyance ou d'une compagnie d'assurance participant au dispositif ;

elle rend possible le scénario " partenarial " proposé par M. Jean-Claude Boulard dans son rapport au Premier ministre

Si votre commission vous propose, comme dans ce rapport, que la couverture complémentaire des bénéficiaires du RMI continue à être gérée par le régime général, la création de l'allocation personnalisée à la santé s'insère dans un schéma dans lequel chacun des acteurs, les régimes obligatoires de base comme les organismes de protection sociale complémentaire, " reste à sa place ". Ce schéma répond sans nul doute, à la différence de celui qui est retenu par le projet de loi, aux exigences posées par la jurisprudence européenne ;

elle permet de responsabiliser tous les bénéficiaires

Mme Martine Aubry l'a elle-même reconnu en séance publique à l'Assemblée nationale, " il est vrai qu'une contribution, dans bien des domaines, est un moyen de faire appel à la responsabilité " .

Cette observation se justifie d'autant plus dans le domaine de l'accès aux soins, toute démarche sanitaire exigeant une responsabilisation du patient, ne serait-ce que pour assurer l'observance thérapeutique.

A cet égard, votre commission propose que même les bénéficiaires du RMI, dont l'allocation personnalisée à la santé couvrira l'entier coût de leur couverture complémentaire, puissent, comme les autres résidents, recevoir l'allocation et payer leur cotisation complémentaire ;

elle supprime les effets de seuils, dangereux lorsqu'ils sont nationaux, proches du SMIC et dans un système fonctionnant " à guichets ouverts "

Il serait en effet dangereux, tant pour les bénéficiaires que pour notre système de protection sociale et pour l'économie française, de retenir un dispositif tel que celui du projet de loi, dans lequel, en dessous d'un seuil de revenus qui n'est pas très éloigné du SMIC, aucune cotisation n'est due pour un remboursement intégral des dépenses de soins alors qu'au-dessus du seuil, les cotisations sont dues et le remboursement est d'un moins bon niveau.

La création d'une allocation personnalisée à la santé, qui se caractérise par sa dégressivité par rapport aux revenus et donc par la progressivité de l'effort contributif des bénéficiaires, permet d'éviter cet effet de seuil. Elle permettra aussi de contribuer à solvabiliser des personnes dont les revenus sont situés au-dessus du seuil retenu par le Gouvernement.

Art. L. 861-3 du code de la sécurité sociale

I - Le texte du projet de loi

Cet article prévoit la liste des dépenses prises gratuitement en charge pour les bénéficiaires du dispositif.

Un droit non contributif

La gratuité de la couverture complémentaire CMU est prévue par le premier alinéa de l'article, qui dispose que le droit à la CMU est un droit " sans contrepartie contributive ".

Dans son rapport de parlementaire en mission, M. Jean-Claude Boulard avait, au contraire, proposé l'institution d'une contribution minimale des bénéficiaires ; le Gouvernement ne l'a pas suivi dans la rédaction de son projet de loi et a préféré dessiner un système fonctionnant gratuitement et " à guichets ouverts ".

Conformément aux thèses qu'il avait soutenues dans son rapport de parlementaire en mission, le rapporteur de la commission à l'Assemblée nationale, M. Jean-Claude Boulard, a donc souhaité supprimer cette référence à l'absence de contrepartie contributive.

Alors que cette question est pourtant essentielle, et probablement pour ne pas indisposer le ministre, le rapport de l'Assemblée nationale (rapport AN n° 1518, p. 138) a toutefois mentionné cet amendement de façon fort laconique, sans en préciser, ni la portée, ni la justification :

" La commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant dans cet article l'absence de contrepartie contributive pour bénéficier de la couverture complémentaire CMU " .

En séance publique, le rapporteur M. Jean-Claude Boulard n'a pas été plus loquace, expliquant pour exposer l'objet de l'amendement que " la commission considère que les mots : " sans contrepartie contributive " sont inutiles. Cela va de soi puisque le projet de loi affirme le droit à la CMU " .

Le ministre ayant, sans la moindre explication, donné un avis défavorable à son adoption, le rapporteur M. Jean-Claude Boulard a retiré l'amendement.

Une prise en charge " différentielle "

Le premier alinéa de l'article L. 861-3 prévoit que la prise en charge au titre de la CMU est différentielle. Ainsi, si le bénéficiaire de la CMU peut prétendre, non à des dispositions plus favorables comme l'indique le rapport de l'Assemblée nationale, mais à des dispositions du code de la sécurité sociale ou à des garanties collectives obligatoires professionnelles, ces droits sont mis en oeuvre en premier lieu, la CMU n'intervenant que pour un éventuel complément.

A titre d'exemple, les personnes atteintes d'une affection de longue durée (ALD) continueront à bénéficier de la couverture à 100 % des dépenses liées à cette affection par le régime de base, la CMU n'intervenant que pour la prise en charge à 100 % des dépenses qui n'entrent pas dans le cadre de l'ALD.

Une prise en charge intégrale des dépenses, mais pas pour tous les biens et services médicaux

L'article L. 861-3 prévoit la prise en charge, au titre de la CMU :

1° du ticket modérateur ;

2° du forfait journalier, sans qu'il soit fixé une limitation de durée (ceci peut se révéler très coûteux, notamment pour les patients hospitalisés durablement en psychiatrie) ;

3° des frais exposés au-delà des tarifs de responsabilité pour les soins dentaires ou les dispositifs médicaux inscrits au TIPS, dans des limites prévues par arrêté ministériel.

Aux termes de ce 3°, le projet de loi organise donc une protection complémentaire qui se situe au-delà du remboursement à 100 % sur la base du tarif de responsabilité de la sécurité sociale : celui-ci est en effet particulièrement bas en matière de soins dentaires ainsi que pour les dispositifs à usage individuel, et notamment la lunetterie. Elle est nécessaire pour favoriser l'accès des populations aux revenus les plus faibles aux soins dentaires et à l'optique, la part laissée à la charge de l'assuré avec un remboursement à 100 % du tarif de responsabilité étant encore trop importante pour que certaines personnes puissent se l'offrir.

Il convient toutefois d'observer que le projet de loi demeure fort imprécis pour définir le contenu de cette prise en charge au-delà du tarif de responsabilité, qui sera limitée par un arrêté ministériel.

En effet, aux termes du projet de loi tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale un arrêté interministériel (ministère chargé de la sécurité sociale et ministère de l'économie) précisera notamment " la liste des dispositifs médicaux et la limite du montant des frais pris en charge ".

Ainsi, contrairement à ce qu'a affirmé le ministre en séance publique ( JO Débats AN du 28 avril 1996, p. 3651 ), si les bénéficiaires de la CMU iront " se soigner où ils voudront, quand ils voudront ", ils ne se soigneront pas pour autant " comme tout le monde ", les prothèses, les lunettes et les dispositifs qui leur seront proposés n'étant pas ceux de tout le monde.

Les dispositions de l'article L. 861-3 sont d'ailleurs à examiner en parallèle avec celles de l'article 23 du projet de loi, qui prévoit un système d'accords entre l'assurance maladie et les fabricants pour déterminer une liste de dispositifs caractérisés par leur " prix maximal ".

Ainsi, non seulement les bénéficiaires de la CMU ne se verront pas proposer les mêmes prothèses ou les mêmes lunettes que tout le monde, mais ils se verront proposer les moins chères.

Le bénéfice du tiers payant

Le projet de loi prévoit que les dépenses de soins engagées par les bénéficiaires de la CMU seront prises en charge en tiers payant.

Cette procédure d'avance de frais constitue, pour les patients titulaires des plus faibles revenus, un réel avantage pour favoriser leur accès aux soins.

Il convient toutefois de regretter que les contraintes inhérentes à ce dispositif reposeront entièrement sur les professionnels de santé, qui assumeront la charge de trésorerie correspondante avant d'être rémunérés par la sécurité sociale et l'organisme complémentaire.

L'Assemblée nationale a prévu qu'un décret déterminerait les modalités de paiement des professionnels et des établissements de santé, permettant notamment qu'ils aient un interlocuteur unique pour l'ensemble de la procédure.

Si ce décret ne met pas en oeuvre, dans de brefs délais, un système simple et rapide, les professionnels de santé répugneront probablement à accomplir les démarches nécessaires auprès de tous les organismes complémentaires pour recevoir la fraction correspondant à la couverture complémentaire des bénéficiaires de la CMU. Compte tenu du nombre d'organismes complémentaires, en effet, les médecins tenteront-ils d'obtenir une rémunération différée de quelques dizaines de francs si cet exercice se révèle laborieux ? On peut penser que non.

Il est à craindre, alors, que le Gouvernement ait mis en place un système très généreux pour ses bénéficiaires, mais qu'il n'ait pas favorisé l'adhésion des professionnels de santé, qui sont pourtant les acteurs essentiels d'un accès aux soins pour tous.

Au détour de cet article, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui vise, non pas comme l'a affirmé le rapporteur en séance publique (JO Débats AN du 29 avril 1999, p. 3843), à " effacer l'effet de seuil " induit par le projet de loi, mais à valider de manière déguisée la convention nationale des médecins généralistes, signée par le seul syndicat MG-France le 26 novembre 1998 et approuvée par l'arrêté du 4 décembre 1998, qui a été partiellement annulée par le Conseil d'Etat le 14 avril 1999.

Si la Haute Juridiction, en effet, n'a pas vu d'obstacle législatif à ce que les patients abonnés à un médecin référent bénéficient du tiers payant pour les actes dispensés par celui-ci, il a en revanche annulé le bénéfice du tiers payant pour les actes réalisés par des médecins spécialistes qui se seraient déclarés " correspondants " de celui-ci (alinéa 5 de l'article 5.9) .

En prévoyant par la loi ce qu'il n'est pas parvenu à faire accepter, ni par les médecins spécialistes dans le cadre d'une convention, ni par le Conseil d'Etat, le Gouvernement remet en cause la frontière entre le domaine législatif et le domaine conventionnel et l'autorité de la chose jugée.

Votre commission ne peut s'associer à une telle démarche et vous proposera de supprimer cette disposition.

II - Les propositions de votre commission

En cohérence avec sa proposition de créer une allocation personnalisée à la santé dégressive en fonction des revenus, votre commission veut définir, dans l'article L. 861-3, le contenu de la couverture complémentaire maladie que s'engageront à proposer, à un tarif uniforme, les organismes de protection complémentaire qui accepteront de participer au dispositif.

Les amendements de votre commission reprennent à leur compte les dispositions du projet de loi sur le caractère " différentiel " de cette couverture, qui s'appliquera sous réserve de la réduction, de la suppression du ticket modérateur, prévues par le code de la sécurité sociale ou stipulées par les garanties collectives obligatoires professionnelles.

Ils retiennent aussi le principe du tiers payant, ainsi bien entendu que le dispositif permettant aux professionnels de santé d'obtenir un interlocuteur unique pour se voir adresser leur rémunération dans ce cadre.

En revanche (cf. supra) , il est proposé de supprimer la phrase prévoyant la dispense d'avance de frais pour les patients inscrits auprès d'un médecin référent lorsqu'ils consultent un médecin spécialiste déclaré comme " correspondant " de ce dernier, sans rapport avec l'objet du projet de loi.

Votre commission vous propose aussi de prévoir les modalités selon lesquelles le panier de soins retenu pour les personnes bénéficiant de l'allocation personnalisée à la santé pourra répondre à des critères de qualité et de prix, plutôt que d'accepter le panier de biens " le moins cher " proposé par le Gouvernement.

La commission veut en effet autoriser les régimes obligatoires d'assurance maladie et les fédérations représentatives des organismes assureurs, de prévoyance et mutualistes, à établir ensemble une convention qui pourra :

1°) déroger aux articles L. 321-1 et L. 615-14 du présent code en ce qu'ils concernent les frais couverts par l'assurance maladie pour garantir la meilleure qualité des soins au meilleur prix ;

2°) fixer la nature des frais mentionnés aux articles L. 321-1 et L. 615-14 pris en charge au titre du présent article pour tenir compte de la qualité et du prix du service médical rendu ;

3°) fixer les critères de qualité et de prix auxquels doivent satisfaire les producteurs de biens et services médicaux pour bénéficier d'un agrément délivré par les signataires de la convention et ouvrant droit à la prise en charge des soins au titre du présent article :

4°) déterminer les modalités suivant lesquelles l'agrément prévu au 3°) est délivré et porté à la connaissance des bénéficiaires de l'allocation personnalisée à la santé, ainsi que les modalités suivant lesquelles la nature des frais mentionnés au 1°) est portée à la connaissance des professionnels de santé et des assurés sociaux ;

5°) fixer les conditions dans lesquelles des médecins conventionnés pourront accepter de renoncer à tout dépassement, sauf exigence particulière du malade pour les bénéficiaires de l'allocation personnalisée à la santé, les conditions dans lesquelles les chirurgiens-dentistes pourront accepter de limiter les dépassements susceptibles d'être autorisés par la convention nationale des chirurgiens-dentistes pour les soins visés au 3°) de l'article L. 861-3 et celles selon lesquelles les bénéficiaires de l'allocation personnalisée à la santé pourront en avoir connaissance.

La convention, ses annexes et avenants n'entreront en vigueur qu'après approbation par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale pris après avis du conseil national de l'ordre des médecins et du conseil de la concurrence.

En l'absence de convention, c'est un arrêté ministériel pris dans les mêmes conditions qui déterminera le panier de soins proposé aux personnes bénéficiaires de l'allocation personnalisée à la santé.

S'il appartient en effet à l'Etat -c'est-à-dire au Gouvernement sous le contrôle du Parlement- de déterminer le panier de soins correspondant à une allocation qu'il institue, votre commission estime que la voie conventionnelle préalable à la publication de l'arrêté ministériel permettra effectivement au dispositif de s'inscrire dans un scénario " partenarial ", et de garantir le meilleur rapport " qualité-prix " de la couverture et des soins pris en charge.

Votre commission proposera enfin que le tarif auquel les organismes de protection sociale complémentaire proposeront cette couverture aux bénéficiaires de l'allocation sera fixé annuellement par arrêté ministériel. Cette disposition s'inscrit dans un cadre où, à l'article 25 ci-après, votre commission proposera que ces organismes se voient rembourser par le fonds la différence entre le montant des cotisations ou primes reçues et celui des prestations effectivement servies aux bénéficiaires de l'allocation personnalisée à la santé.

Art. L. 861-4 du code de la sécurité sociale



I - Le texte du projet de loi

Le texte proposé par le projet de loi pour l'article L. 861-4, que l'Assemblée nationale n'a modifié que par un amendement de précision, prévoit la liste des organismes auprès desquels les personnes éligibles à la CMU pourront obtenir leur couverture complémentaire.

A la différence du scénario " partenarial ", qui avait légitimement les faveurs de M. Jean-Claude Boulard, parlementaire en mission, le Gouvernement a retenu un dispositif complexe, source de confusion. Il ne satisfait pleinement, ni les associations oeuvrant en faveur des plus démunis, ni les mutuelles, ni les institutions de prévoyance, ni les assureurs, ni les régimes obligatoires d'assurance maladie, ni, nécessairement, M. Jean-Claude Boulard, parlementaire en mission. Le dispositif proposé par le projet de loi prévoit en effet que les bénéficiaires de la CMU pourront s'adresser, à leur choix, :

- aux organismes d'assurance maladie,

- ou aux organismes de protection sociale complémentaire, c'est-à-dire aux mutuelles, aux institutions de prévoyance ou aux compagnies d'assurance.

Si les organismes d'assurance maladie n'interviendront, au titre de la protection complémentaire, que pour le compte de l'Etat, cette nuance de portée strictement juridique ne sera probablement pas intégrée dans l'esprit des bénéficiaires qui s'adresseront aux CPAM : ils penseront, comme le reste des Français d'ailleurs, qu'ils sont pris en charge " à 100 % " par la sécurité sociale.

Ainsi, on aura désormais une sécurité sociale servant des prestations différentes en fonction du revenu des assurés : une telle réalité est incompatible avec les principes fondateurs de la sécurité sociale, elle l'est aussi, très probablement, avec le droit européen.

Or, ce " mélange des genres " entre assurance de base et protection complémentaire est d'autant plus grave qu'il ne s'accompagne pas d'un dispositif favorisant une réelle concurrence entre organismes d'assurance maladie et organismes de protection sociale complémentaire.

En effet, non seulement les bénéficiaires de la CMU seront nécessairement enclins à préférer la simplicité en choisissant le même organisme pour leur couverture de base et leur couverture complémentaire, mais le projet de loi, qui institue à l'article 25 une taxe sur les organismes complémentaires, ne prévoit pas au profit de ces derniers le même système de " réassurance " que celui qui est prévu pour les CPAM. Ainsi, alors que les CPAM seront remboursées par le fonds à hauteur des dépenses engagées, les organismes complémentaires ne le seront que sur une base forfaitaire, de surcroît probablement très inférieure au coût du service rendu.

C'est pourquoi la CNAMTS, la Fédération de la mutualité française et la Fédération des sociétés d'assurance ont conclu, au mois de février, un protocole d'accord aux termes duquel la mise en oeuvre de la CMU doit être réalisée " dans le respect des champs de compétence respectifs des régimes obligatoires et des systèmes complémentaires " .

II - Les propositions de votre commission

Votre commission propose un dispositif conforme aux orientations retenues par M. Jean-Claude Boulard, parlementaire en mission, dont ce dernier a toutefois accepté de s'écarter, pour suivre le Gouvernement, en tant que rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale.

Ce dispositif repose sur la volonté de permettre aux bénéficiaires de l'allocation personnalisée à la santé dans des conditions de droit commun auprès, soit :

- d'une mutuelle ;

- d'une institution de prévoyance ;

- d'une compagnie d'assurances ;

- ou (ce n'était pas prévu par le projet de loi) d'une section d'assurance complémentaire de la MSA.

L'amendement de la commission prend toutefois en considération la spécificité des bénéficiaires du RMI, qui bénéficieront d'une allocation à taux plein leur permettant un accès gratuit à la couverture complémentaire : leur couverture sera en effet gérée par le régime général. Il est en effet apparu nécessaire à votre commission de ne pas s'écarter de la pratique actuelle, les conseils généraux confiant aujourd'hui le plus souvent aux CPAM la gestion de la couverture des bénéficiaires du RMI.

Art. L. 861-5 du code de la sécurité sociale

I - Le texte du projet de loi

Cet article, qui a été amendé par l'Assemblée nationale, prévoit la procédure à laquelle devront se soumettre les personnes qui sollicitent le bénéfice de la CMU. Il dispose dans son premier alinéa que la demande sera adressée à la caisse du régime d'affiliation du demandeur, que celui-ci soit affilié à titre professionnel ou au régime de résidence. Le formulaire de demande sera établi par référence à un modèle défini par décret en Conseil d'Etat.

L'Assemblée nationale a ajouté un alinéa disposant que les services sociaux et les associations ou organismes caritatifs ainsi que les établissements de santé apporteront leur concours aux demandeurs.

Votre commission ne comprend pas, à cet égard, la raison qui a motivé l'oubli des organismes de protection complémentaire participant au dispositif dans la liste des institutions susceptibles d'aider le demandeur à transmettre la demande et les documents correspondants à la caisse d'assurance maladie.

Un troisième alinéa prévoit que la décision est prise par l'autorité administrative, c'est-à-dire le préfet. Cette compétence est logique, l'attribution de la couverture complémentaire étant du ressort de l'Etat. L'article L. 861-5 prévoit cependant immédiatement après que celui-ci pourra déléguer ce pouvoir aux directeurs de caisse.

Dans ce contexte, la compétence de l'Etat demeure purement formelle :

- la demande est déposée auprès de l'assurance maladie (art. L. 861-5) ;

- le contrôle des ressources est effectué, lui aussi, par l'assurance maladie (art. L. 861-9) ;

- la décision est prise, par délégation, par l'assurance maladie.

Le caractère purement formel de cette compétence étatique montre bien que le projet de loi fait des organismes d'assurance maladie les acteurs essentiels de la couverture complémentaire de 10 % de la population : un tel constat est de nature à tempérer les affirmations soutenues par les députés, à l'Assemblée nationale, selon lesquelles le dispositif du projet de loi serait conforme au droit communautaire.

L'article L. 861-5 prévoit, à la suite d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale, diverses dispositions de nature à accélérer la prise de décision par les caisses. D'une part, en effet, la décision devra être notifiée au demandeur dans un délai maximal, fixé par décret. D'autre part, en l'absence de réponse, et contrairement au droit commun, le silence de l'administration vaudra acceptation de la demande.

Si ces dispositions sont favorables aux demandeurs, il est permis de se demander si elles sont compatibles avec un examen sérieux des déclarations de ressources et avec leur contrôle.

Les caisses d'assurance maladie, qu'elles relèvent du régime général, des indépendants ou de la MSA, ne sont en effet pas habituées à contrôler des ressources, les prestations maladie n'étant pas, à la différence de certaines prestations familiales, servies sous condition de ressources.

Une trop forte pression, en termes de délais, mise sur des organismes qui devront, du jour au lendemain, contrôler les ressources de 10 % de la population française, ne peut être admise. Il conviendra donc que le délai maximum fixé par le décret tienne compte de la difficulté de l'exercice imposé aux caisses d'assurance maladie.

L'article L. 861-5 prévoit aussi, dans son avant-dernier alinéa, une procédure d'urgence qui est enclenchée " lorsque la situation du demandeur l'exige ". Dans ce cas, le bénéfice de la CMU est accordé dès le dépôt de la demande.

Si votre commission approuve la nécessité d'une procédure d'urgence, elle ne peut accepter que l'article L. 861-5 ne prévoit pas de dérogation, en ce qui la concerne, au principe selon lequel les droits sont ouverts pour un an conformément au dernier alinéa de cet article.

II - Les propositions de votre commission

Votre commission vous propose une nouvelle rédaction de cet article L. 861-5, qui décrit la procédure de demande de l'allocation personnalisée à la santé.

Elle prévoit que le demandeur déposera sa demande auprès de son " organisme " d'affiliation : ce terme a paru préférable à celui de " caisse ", retenu par le projet de loi, qui exclut les organismes conventionnés assureurs et mutualistes du régime d'assurance maladie des professions indépendantes.

La rédaction proposée par votre commission prévoit aussi d'élargir la liste des institutions habilitées à aider les demandeurs à accomplir leurs démarches auprès des organismes complémentaires qui ont accepté de participer au dispositif.

Enfin, elle propose une nouvelle définition de la procédure d'urgence, applicable " lorsque l'état de santé du demandeur l'exige " : l'allocation est attribuée pour une période de deux mois aux personnes présumées remplir les conditions de ressources, le versement n'étant prolongé pour les dix mois suivants qu'après vérification des ressources du bénéficiaire.

Art. L. 861-5-1 (nouveau) du code de la sécurité sociale

Votre commission vous propose d'insérer, après l'article L. 861-5, un article L. 861-5-1 nouveau qui prévoit l'exonération de l'allocation personnalisée à la santé au regard de la CSG, de la CRDS et de l'impôt sur le revenu.

Art. L. 861-6 du code de la sécurité sociale

I - Le texte du projet de loi

Cet article prévoit l'automaticité de la prise en charge complémentaire des bénéficiaires de la CMU par les organismes d'assurance maladie de base (CPAM, CANAM et organismes conventionnés, MSA) dès lors que ces bénéficiaires ont choisi ces organismes.

Il est le parallèle de l'article L. 861-8, qui prévoit que les organismes complémentaires inscrits sur la liste prévue à l'article L. 861-7 ne pourront refuser les bénéficiaires de la CMU qui les auraient choisis.

Cet article L. 861-7 a été complété à l'Assemblée nationale par une disposition prévoyant que les prestations en nature sont dues à compter de la date de la décision octroyant le bénéfice de la CMU.

II - Les propositions de votre commission

Le texte proposé par le projet de loi n'est pas cohérent avec l'architecture retenue par votre commission, qui repose sur l'octroi d'une allocation personnalisée à la santé permettant aux bénéficiaires d'obtenir leur couverture complémentaire, dans des conditions de droit commun, auprès des organismes de protection sociale complémentaire.

Votre commission propose donc de substituer au texte du projet de loi des dispositions qui prévoient :

- d'une part, que le versement de l'allocation personnalisée à la santé est interrompu si le bénéficiaire n'acquitte pas la cotisation ou prime à son organisme de protection complémentaire ou, pour les bénéficiaires du RMI, à la caisse primaire d'assurance maladie ;

- d'autre part, que, avec l'accord du bénéficiaire, l'allocation personnalisée à la santé peut être directement versée à l'organisme de protection complémentaire ou, pour les bénéficiaires du RMI, à la caisse primaire d'assurance maladie. Les assurés ne sont, dans ce cas, redevables que du reliquat de cotisation ou de prime.

Ces deux dispositions sont inspirées de la législation en vigueur concernant l'allocation logement, dont le versement est suspendu en cas de non-paiement des loyers, et qui peut être directement versée au propriétaire si le locataire le souhaite.

Elles assurent les conditions d'une responsabilisation des bénéficiaires, y compris ceux qui perçoivent le RMI et n'ont, en pratique, aucune contribution à leur charge. En effet, le seul fait, s'il en est décidé ainsi, de percevoir une allocation et de payer une cotisation, même d'un montant égal, peut être, pour certaines personnes qui en auraient besoin, un élément permettant de réapprendre à gérer un budget.

Art. L. 861-7 du code de la sécurité sociale

I - Le texte du projet de loi

Cet article prévoit que les organismes de protection complémentaire qui souhaitent participer à la couverture complémentaire des personnes titulaires de faibles revenus doivent établir une déclaration à l'autorité administrative.

Celle-ci enregistre les déclarations et établit une liste des organismes participants, qui est ensuite diffusée auprès des associations, organismes et établissements de santé habilités, aux termes de l'article L. 861-5, à aider les demandeurs dans leurs démarches.

L'article prévoit ainsi une procédure de radiation d'un organisme complémentaire de cette liste, en cas de manquement aux obligations légales concernant le contenu de la prise en charge (art. L. 861-3 du code de la sécurité sociale) ou la non-discrimination et les délais de prise en charge (art. L. 861-8). Un décret en Conseil d'Etat précisera, aux termes de l'article L. 861-7, les conditions de retrait et les délais dans lesquels l'organisme ainsi sanctionné pourra être à nouveau inscrit sur la liste.

II - Les propositions de votre commission

Pour cet article, votre commission vous propose un amendement de cohérence qui conduit à une nouvelle rédaction du premier alinéa de l'article.

Art. L. 861-8 du code de la sécurité sociale

I - Le texte du projet de loi

Cet article prévoit la procédure applicable à l'obtention d'une couverture complémentaire pour les personnes bénéficiaires de la CMU qui auraient décidé de s'adresser à un organisme de protection sociale complémentaire.

Il énonce tout d'abord les conditions relatives aux délais de prise en charge en disposant que l'adhésion ou le contrat prennent effet à la date de la décision de l'autorité administrative admettant le bénéficiaire à la CMU.

Il affirme ensuite un principe de non-discrimination, qui se traduit par l'interdiction faite aux organismes de protection sociale complémentaire de subordonner l'entrée en vigueur de l'adhésion ou du contrat à aucune autre condition ou formalité que la réception du document d'admission à la CMU établi par l'autorité administrative.

II - Les propositions de votre commission

Votre commission distingue, dans la nouvelle rédaction de l'article qu'elle vous propose, la situation des titulaires du RMI et celle des autres bénéficiaires de l'allocation personnalisée à la santé.

Elle prévoit en premier lieu, retenant ainsi une solution très simple et protectrice, que le bénéfice de l'allocation personnalisée à la santé est accordé automatiquement à la date de la décision d'octroi du revenu minimum d'insertion.

En second lieu, la nouvelle rédaction proposée par votre commission prévoit que, pour les personnes qui ne sont pas titulaires du RMI, le bénéfice des prestations complémentaires est accordé dans des conditions de droit commun à la date de l'adhésion ou de la souscription du contrat.

Elle reprend enfin les dispositions contenues dans le texte du projet de loi tendant à garantir l'application du principe de non-discrimination.

L'amendement proposé par votre commission est cohérent avec la démarche qu'elle a retenue pour l'ensemble du projet de loi : considérant que les quelque 10 % de la population concernés par le projet de loi ne sont, à l'évidence, ni tous marginaux, ni tous désocialisés, elle prévoit à la fois le dispositif le plus simple et une procédure d'adhésion ou de souscription de droit commun pour toutes les personnes solvabilisées grâce à l'allocation personnalisée à la santé.

Art. L. 861-9 du code de la sécurité sociale

I - Le texte du projet de loi

Cet article prévoit que, pour effectuer le contrôle des ressources des demandeurs, les caisses d'assurance maladie pourront demander des informations aux organismes d'assurance chômage qui seront tenus de les leur communiquer. Il prévoit aussi que les demandeurs sont informés de cette possibilité d'échanges d'informations.

II - Les propositions de votre commission

A plusieurs reprises dans ce rapport, votre rapporteur s'est inquiété de la charge nouvelle imposée aux caisses d'assurance maladie, qui devront contrôler les ressources d'environ 10 % de la population française.

A cet égard, les dispositions contenues dans le projet de loi tendant à faciliter la tâche des agents des caisses et à rendre leur travail plus efficace sont très insuffisantes : les ASSEDIC ne pourront en effet, par nature, informer les caisses que de la perception par le bénéficiaire d'une allocation d'indemnisation du chômage.

C'est pourquoi votre commission vous propose, par référence aux dispositions législatives en vigueur concernant l'attribution de l'allocation de logement, de prévoir que les caisses pourront s'assurer le concours, non seulement des ASSEDIC, mais aussi de l'ensemble des administrations publiques, et notamment de celui de l'administration fiscale.

Votre commission vous propose d'adopter cet article tel qu'amendé.

Art. 20 bis (nouveau)
(art. L. 132-27 du code du travail)
Obligation de négociation annuelle des modalités d'établissement d'un régime de prévoyance maladie pour les salariés non couverts

Cet article résulte d'un amendement présenté par Mme Jacquaint, M. Gremetz et les membres du groupe communiste, il a été adopté avec l'avis favorable du Gouvernement et de la commission.

Il a pour objet de créer une obligation de négociation annuelle des modalités d'établissement d'un régime de prévoyance maladie lorsque les salariés d'une entreprise ne sont pas couverts par un accord de branche ou un accord d'entreprise.

I - Le texte du projet de loi

L'article L. 132-27 du code du travail impose à l'employeur d'engager chaque année une négociation " sur les salaires effectifs, la durée effective et l'organisation du travail " dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d'organisations représentatives. L'obligation d'engager la négociation est pénalement sanctionnée comme une entrave au droit syndical (art. L. 153-2 du code du travail).

A défaut d'initiative de l'employeur depuis plus de douze mois suivant la précédente négociation, la négociation peut s'engager à la demande de l'une des organisations syndicales représentatives.

La négociation annuelle obligatoire est une procédure lourde. A ce titre, elle est strictement limitée aux éléments les plus essentiels de la relation de travail . Elle concerne par exemple les salaires, mais pas l'intéressement, l'organisation du travail mais pas les conditions de travail, etc. Il existe des possibilités facultatives de négociation sur la formation ou la réduction du temps de travail. Dans l'intérêt même de cette procédure, il est important de ne pas multiplier les obligations.

Le présent article a pour conséquence d'établir pour l'employeur une obligation annuelle de négocier les modalités de création d'un régime de prévoyance maladie lorsque les salariés ne sont pas couverts par un accord de branche ou par un accord d'entreprise. Il aurait ainsi pour objectif de favoriser le développement de la prévoyance collective santé. M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour la commission des Affaires culturelles, a considéré que le présent article 20 bis de même l'article 20 ter (voir infra) se plaçaient " dans une perspective d'universalité de la couverture complémentaire " 13( * ) .

De même, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a estimé qu'il était " essentiel, dans la perspective de l'universalité, d'édicter une obligation de négocier dans les entreprises qui ne sont pas couvertes par un accord de branche ou d'entreprise et de faire figurer, parmi les clauses obligatoires pour l'extension des conventions collectives, l'accès à un régime de prévoyance maladie " 14( * ) .

Elle a également indiqué que le Gouvernement présenterait chaque année à la commission nationale de la négociation collective un état des lieux de la situation des régimes de prévoyance dans les différentes branches.

II - Les propositions de votre commission

Sur la forme, votre commission s'étonne que l'amendement dont est issu cet article de même que celui dont est issu l'article 20 ter, considérés comme " essentiels " par le rapporteur et le Gouvernement, n'aient pas fait l'objet d'un examen en commission.

Sur le fond, votre commission estime que ces articles, qui ont fait l'objet d'une discussion commune, mettent en évidence les limites du projet de loi tel qu'il a été préparé par le Gouvernement et voté par l'Assemblée nationale. Conscient probablement de l'effet de seuil brutal qu'introduit le projet de loi en matière de couverture maladie complémentaire le Gouvernement souhaite que les entreprises en atténuent les conséquences pour leurs salariés en imposant le recours à la négociation collective dans les entreprises. Il n'est pas sûr que le moyen retenu à travers cet article soit le plus approprié pour aboutir aux fins recherchées.

En effet, comme le soulignait le rapporteur de l'Assemblée nationale, ce sont les salariés précaires, les salariés à mi-temps et le secteur souvent très mal couvert des PME où se trouvent tous les salariés qui dépassent de très peu le seuil qui est visé par ce dispositif. Or, les PME sont les entreprises qui comprennent le moins de délégués syndicaux. Il est donc à craindre que cette disposition n'ait que des effets limités, voire comporte le risque, alors qu'elle prétend réduire la précarité de certains salariés, d'accentuer en fait les clivages.

Par ailleurs, votre commission estime que la contrainte ne peut constituer une méthode acceptable et efficace pour obtenir que les partenaires sociaux avancent sur la voie d'un développement des régimes de prévoyance maladie. Elle considère que le Gouvernement aurait été mieux inspiré s'il avait choisi de revenir sur les obstacles qu'il a lui-même dressés devant le développement de ces régimes.

Elle rappelle, à cet égard, que la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a augmenté de plus de 30 % le taux de la taxe sur les contributions patronales au financement des garanties complémentaires de prévoyance. Cette taxe avait été créée par l'article 8 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale. Votre commission avait estimé en 1997 que le passage de 6 à 8 % " du taux de la taxe sur les contrats de prévoyance avait un effet dissuasif sur le développement des contrats, qui contribuait à améliorer la couverture maladie de nos concitoyens " 15( * ) .

Votre commission constate les contradictions du Gouvernement. Celui-ci a en effet adopté en 1997 une disposition qui a eu pour conséquence de limiter le développement des régimes de prévoyance maladie au nom notamment de l'équité entre les salariés. Il entend aujourd'hui favoriser la négociation collective sur ce thème au nom de la nécessité de favoriser le développement de ces mêmes régimes en décidant, sans aucune concertation avec les partenaires sociaux, que ce sujet constituerait un thème de la négociation collective annuelle obligatoire (art. 20 bis) et une clause devant figurer dans les conventions et accords collectifs pour que ceux-ci puissent faire l'objet d'une extension (art. 20 ter).

Votre commission considère qu'il aurait été préférable de réexaminer des dispositions fiscales pénalisantes plutôt que d'établir des contraintes supplémentaires pour les entreprises. En tout état de cause, il aurait été souhaitable que les partenaires sociaux soient consultés. Tout ceci renforce l'impression que le Gouvernement cherche à pallier les défauts de son projet qui, par certains aspects, défavorise les salariés les moins rémunérés et pourrait constituer une puissante " désincitation " à la recherche d'un emploi.

Enfin, votre commission observe que les modifications du projet de loi qu'elle vous a proposées, tendant à supprimer les effets de seuil indésirables à travers la création d'une allocation personnalisée à la santé (APS), dispensent le Sénat d'adopter des " mesures de rattrapage " inopinées pour assurer la viabilité d'un texte quelque peu inabouti.

Dans ses conditions, votre commission vous propose d'adopter un amendement de suppression de cet article.

Art. 20 ter (nouveau)
(art. L. 133-5 du code du travail)
Modalités d'extension des conventions de branche et
régime de prévoyance maladie

Cet article a pour objet d'ajouter une clause à l'article L. 133-5 du code du travail qui définit les modalités d'extension des conventions et accords collectifs.

I - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'amendement déposé par Mme Jacquaint, M. Gremetz et les membres du groupe communiste, à l'origine du présent article a fait l'objet d'une discussion commune avec l'amendement insérant l'article 20 bis (cf. ci-dessus) .

Ces deux articles participent d'une même logique puisqu'ils font de la négociation sur la mise en place d'un régime de prévoyance maladie un passage obligé, lors de la négociation collective obligatoire dans le premier cas, avant toute extension d'une convention ou d'un accord collectif dans le second.

L'article L. 133-5 du code du travail prévoit en effet que tout accord ou convention doit, pour pouvoir être étendu, comporter certaines clauses. Il s'agit notamment de dispositions relatives au droit syndical, aux classifications, aux différents éléments de la rémunération, aux congés payés, aux conditions d'emplois.

Le présent article propose d'ajouter à cette liste les " modalités d'accès à un régime de prévoyance maladie ".

Comme précédemment avec l'article 20 bis, l'objectif est de favoriser le développement des régimes de prévoyance collectifs au sein des entreprises.

II - Les propositions de votre commission

Votre commission est favorable au développement des régimes de prévoyance maladie. Elle est toutefois dubitative quant au texte voté par l'Assemblée nationale qui a pour effet d'encadrer un peu plus les partenaires sociaux en ajoutant une nouvelle clause aux conditions d'extension des conventions et accords collectifs. Doit-on comprendre que l'absence de dispositif relatif au régime prévoyance maladie pourrait être un motif de refus, par le ministère, d'extension d'un accord relatif à la réduction du temps de travail par exemple ?

En voulant faire de la négociation sur la création d'un régime de prévoyance maladie un point de passage obligé, les auteurs de l'article prennent le risque de contraindre le développement de la négociation collective en général puisque cela revient à créer une cause de conflit supplémentaire entre les parties.

Votre commission s'étonne que le Gouvernement introduise un élément de discorde entre les partenaires sociaux à un moment critique où les entreprises sont déjà confrontées aux conséquences dommageables de l'application de la loi sur la réduction du temps de travail.

En dehors du fait que la nature même du texte proposé par cet article ne semble pas correspondre à une nécessité, le moment retenu par le Gouvernement pour inspirer une telle disposition semble particulièrement mal venu.

C'est pourquoi votre commission vous propose d'adopter un amendement de suppression de cet article.

Art. 21
(art. 6-1 et 6-2 nouveaux et 9 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989)
Prolongation de la couverture des bénéficiaires de la CMU
couverts par un organisme complémentaire

I - Le texte du projet de loi

Cet article complète, au profit des bénéficiaires de la CMU, la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques. Il offre aux bénéficiaires de la CMU qui ont opté pour une couverture complémentaire auprès d'une mutuelle, d'une compagnie d'assurance ou d'une institution complémentaire, une période de " maintien des droits " d'une année à compter de leur sortie du dispositif CMU.

Il crée ainsi une inégalité sans fondement au détriment des bénéficiaires de la CMU qui auraient choisi de s'assurer auprès d'un organisme d'assurance maladie.

Cette rupture d'égalité ne peut être justifiée, ni par des raisons d'intérêt général, ni par le fait que les bénéficiaires de la CMU qui auraient choisi les CPAM ou les organismes complémentaires seraient placés dans des situations différentes : le projet de loi prévoit en effet que l'exercice d'un même droit, celui de la couverture maladie CMU, peut s'effectuer, au choix du bénéficiaire, soit auprès des CPAM, soit auprès des organismes de protection sociale complémentaire.

Le nouvel article 6-1 créé par cet article prévoit que l'ancien bénéficiaire de la CMU se voit proposer, pour un an, la couverture correspondant à la CMU à un prix inférieur ou égal à un tarif maximal fixé par arrêté ministériel.

L'initiative, aux termes de l'article 6-1, appartient à l'assureur ou à la mutuelle.

L'article 6-2 nouveau de la loi n° 89-1009 prévu par le projet de loi énonce aussi une procédure dérogatoire du droit commun au profit des personnes bénéficiaires de la CMU qui sont déjà adhérentes à une mutuelle ou qui ont souscrit une protection complémentaire auprès d'une compagnie d'assurance ou d'une institution de prévoyance. Il met en place une procédure automatique, à la demande du bénéficiaire :

- soit de résiliation totale de la garantie ;

- soit de modification de la garantie, seules demeurant à la charge du bénéficiaire les garanties excédant le périmètre de la couverture CMU.

Le nouvel article 6-2 prévoit aussi que le bénéficiaire de la CMU se verra rembourser la différence entre le coût du contrat initialement souscrit et celui de la garantie résiduelle.

L'article 6-2 nouveau prévoit enfin que l'initiative des procédures de sa résiliation appartient :

- à l'assuré si l'organisme ne figure pas sur la liste prévue à l'article L. 861-4 ;

- à l'assureur dans les autres cas.

Le projet de loi prévoit enfin que les procédures de résiliation et de modification qu'il institue ne s'appliquent pas aux garanties offertes dans le cadre d'un contrat collectif d'entreprise obligatoire, en raison même du caractère obligatoire de cette couverture.

II - Les propositions de votre commission

Pour l'article 6-1 nouveau de la loi n° 89-1009, l'amendement de votre commission prend en considération le fait que les bénéficiaires de l'APS obtiennent leur couverture complémentaire dans des conditions de droit commun.

Votre commission prévoit ainsi une période de maintien des droits, d'une durée d'un an, qui se caractérise par des prestations et des tarifs identiques à ceux qui sont appliqués aux bénéficiaires de l'APS.

Pour l'article 6-2 nouveau, votre commission propose un amendement de cohérence : les procédures de résiliation ou de modification qu'il prévoit s'adressent aux bénéficiaires de l'ALS, et non à ceux de la CMU.

Afin de restaurer l'égalité entre bénéficiaires de l'APS mise à mal par le projet de loi, votre commission vous propose enfin un amendement disposant que les anciens bénéficiaires du RMI peuvent, pendant un an, souscrire une protection complémentaire maladie au tarif fixé par l'Etat si leurs ressources ne leur permettent pas de prétendre au bénéfice de l'ALS.

Elle vous propose d'adopter cet article tel qu'amendé.

Art. 22
(art. L. 162-5-2 du code de la sécurité sociale)
Tarifs pratiqués par les médecins conventionnés
en faveur des bénéficiaires de la CMU

I - Le texte du projet de loi

Pour la première fois dans notre droit de la sécurité sociale, le projet de loi introduit dans la législation une disposition prévoyant que les tarifs pratiqués par les médecins à l'égard des assurés sociaux dépendront des revenus de ces derniers. L'article complète en effet l'article L. 162-5-2 du code de la sécurité sociale relatif au contenu de l'annexe à la convention ou aux conventions nationales des médecins généralistes et spécialistes, en prévoyant ainsi que les médecins conventionnés, et notamment ceux qui appartiennent au secteur 2, ne pourront appliquer de suppléments aux tarifs pratiqués, sauf en cas d'exigence particulière du malade.

En énonçant une disposition légale, le projet de loi remet ainsi en cause la démarche conventionnelle qui aurait pu, en pratique, parvenir au même résultat.

II - Les propositions de votre commission

En cohérence avec l'amendement qu'elle a proposé à l'article 20 pour l'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale qui prévoit qu'une convention conclue entre régimes de base et complémentaires prévoira les modalités selon lesquelles les médecins pourront renoncer à leur droit à dépassement, votre commission vous propose de supprimer cet article.

Art. 23
(art. L. 165-1 nouveau du code de la sécurité sociale)
Accords entre les organismes d'assurance maladie,
les organismes complémentaires et les distributeurs
de dispositifs médicaux à usage individuel

I - Le texte du projet de loi

Le présent article modifie le titre du chapitre V du titre VI du Livre I er du code de la sécurité sociale et crée, en son sein, un article L. 165-1 nouveau.

Le titre actuel du chapitre V du titre VI du Livre I er du code de la sécurité sociale est " Appareillage ". Le projet de loi lui substitue celui de " Dispositifs médicaux à usage individuel ", qui est cohérent avec les dispositions du code de la santé publique relatives à ces biens médicaux qualifiés, en conformité aussi avec le droit européen, de dispositifs médicaux.

Le présent article, dans l'article L. 165-1 nouveau, édicte des dispositions générales, et d'autres dispositions spécifiques pour les bénéficiaires de la CMU.

Il prévoit en effet, en premier lieu, que les organismes d'assurance maladie, les mutuelles, les sociétés d'assurance et les institutions de prévoyance pourront conclure (séparément ou non) des accords avec les distributeurs de dispositifs médicaux.

Ces accords, qui pourront être locaux ou nationaux, concerneront notamment :

- les prix maximum pratiqués ;

- la qualité ;

- et les modalités d'avance de frais.

Le second alinéa de l'article L. 165-1 nouveau dispose que ces accords comporteront obligatoirement des stipulations spécifiques aux bénéficiaires de la CMU. Ces stipulations pourront être de deux natures :

- soit elles prévoiront que le distributeur proposera un dispositif, au sein de sa gamme, à un prix n'excédant pas le tarif maximum pris en charge au titre de la CMU ;

- soit elles prévoiront le montant maximal pouvant être facturé aux bénéficiaires de la CMU pour chacun des dispositifs de la gamme.

En cohérence avec les dispositions de l'article 22 pour les tarifs des médecins, les dispositions de l'article 23 visent à instituer des tarifs spécifiques en fonction du revenu de l'acheteur final.

Le troisième alinéa de l'article prévoit qu'en l'absence d'accord, les obligations des distributeurs en ces matières seront fixées par arrêté ministériel.

II - Les propositions de votre commission

Votre commission n'estime pas cohérentes les dispositions du présent article. En effet, à partir du moment où il prévoit la possibilité, pour chaque régime de base, et pour chaque régime complémentaire, de conclure des accords locaux ou nationaux, que signifie la notion d'" absence d'accord " qui enclenche le recours à l'arrêté ministériel ?

Aura-t-on un arrêté concernant la prise en charge des lunettes en Languedoc-Roussillon ou dans le Nord - Pas-de-Calais, et assistera-t-on à l'émergence d'inégalités, non seulement entre bénéficiaires et non-bénéficiaires de la CMU, mais aussi entre bénéficiaires de la CMU en fonction des circonscriptions des CPAM ?

En second lieu, votre commission s'oppose au système de double tarification d'un même produit en fonction des revenus du patient. Pourquoi un assuré social paierait-il ses lunettes 300 francs alors qu'un assuré social bénéficiaire de la CMU les paierait 200 francs ?

Comment appliquer, dans ces conditions, la jurisprudence européenne autorisant à acheter ces mêmes lunettes dans un pays de l'Union européenne autre que la France ?

Votre commission estime plus conformes au droit national et européen les dispositions de son amendement à l'article 20 (art. L. 861-3 du code de la sécurité sociale) qui prévoit, non pas des tarifs spécifiques pour les bénéficiaires de l'ALS, mais une procédure d'agrément délivré en fonction de critères de qualité et de prix, qui ouvre droit à une prise en charge complémentaire.

Aussi, votre commission vous propose de supprimer cet article.

Art. 24
(art. L. 162-9 du code de la sécurité sociale)
Tarifs pratiqués par les chirurgiens-dentistes conventionnés
en faveur des bénéficiaires de la CMU

I - Le texte du projet de loi

En cohérence avec les dispositions des articles 22 et 23, cet article, qui complète l'article L. 162-9 du code de la sécurité sociale concernant la convention nationale des chirurgiens-dentistes, prévoit que, si cette convention autorise des dépassements pour les soins prothétiques ou d'orthopédie dento-faciale, ces dépassements sont plafonnés par la même convention pour les bénéficiaires de la CMU.

Cet article prévoit aussi, dans un second paragraphe, une disposition prévoyant que la convention pourra fixer les conditions tendant à instituer une dispense d'avance de frais.

II - Les propositions de votre commission

Pour les mêmes raisons que celles énoncées sous les articles 22 et 23, votre commission vous propose de supprimer cet article.

CHAPITRE 2
-
Dispositions financières

Art. 25
(art. L. 861-10 à L. 861-17 du code de la sécurité sociale)
Création du fonds de financement de la protection complémentaire

Le présent article institue, après le chapitre I er du titre VI du Livre VIII du code de la sécurité sociale, créé lui aussi par le projet de loi et consacré aux " Dispositions générales " relatives à la CMU, un chapitre II intitulé " Dispositions financières ". Ce chapitre comprend les articles L. 861-10 à L. 861-17 du code de la sécurité sociale.

Art. L. 861-10 du code de la sécurité sociale

I - Le texte du projet de loi

L'article L. 861-10 du code de la sécurité sociale institue un fonds de financement des dépenses de protection complémentaire santé engagées au titre de la CMU. Doté du statut d'établissement public administratif, le fonds sera géré par un conseil d'administration, dont la composition est renvoyée à un décret. Ce décret devrait, en pratique, donner la répartition des membres du conseil d'administration en fonction des différents ministères concernés. En effet, le texte du projet de loi dispose que le conseil d'administration sera exclusivement composé de représentants de l'Etat.

Le même décret fixera la composition du conseil de surveillance du fonds, dont l'article L. 861-10 prévoit qu'il comprendra " notamment " :

- des membres du Parlement,

- des représentants d'associations oeuvrant en faveur des populations les plus démunies,

- des représentants des régimes obligatoires d'assurance maladie,

- des représentants des organismes de protection sociale complémentaire.

Les rôles respectifs du conseil d'administration et du conseil de surveillance ne sont pas précisés par le texte du projet de loi, non plus que l'existence d'une direction générale chargée de la gestion quotidienne du fonds. L'article L. 861-10 prévoit en effet que le décret susmentionné fixera également les conditions de fonctionnement et de gestion du fonds.

Les rôles respectifs du conseil d'administration et du conseil de surveillance du fonds ont été évoqués lors des débats à l'Assemblée nationale.

En effet, en cohérence avec la logique " partenariale " qu'il avait défendue dans son rapport de parlementaire en mission, M. Jean-Claude Boulard, rapporteur de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, a déposé un amendement " complétant la composition du conseil d'administration en l'ouvrant à l'ensemble des partenaires concernés : membres du Parlement, représentants d'associations oeuvrant dans le domaine social, représentants des régimes obligatoires d'assurance maladie, des mutuelles et des assurances et, de ce fait, à supprimer le conseil de surveillance " (rapport AN n° 1518, p. 161).

Pour justifier cet amendement, le rapporteur M. Jean-Claude Boulard a souligné " qu'il n'était pas conforme à la logique partenariale que le conseil d'administration ne soit composé que de représentants du Gouvernement " (rapport AN n° 1518, p. 161). Evoquant le conseil de surveillance tel qu'il est défini par le projet de loi, le rapporteur a parlé d'un " théâtre d'ombres ".

En séance publique, cependant, M. Jean-Claude Boulard a retiré cet amendement, expliquant que " les réactions des associations qui, depuis des années, s'occupent de personnes en difficulté en les accompagnant, notamment pour l'accès aux soins, montrent que les relations entre le monde associatif et celui des acteurs complémentaires devraient pour le moins s'améliorer. En tout cas, toute idée de partenariat implique de clarifier certains malentendus (...). Dans l'immédiat, les conditions d'un vrai dialogue au sein du fonds ne paraissaient pas remplies. " (JO Débats AN, 3 ème séance du 29 avril 1999, p. 3882).

Cet amendement a toutefois reçu l'approbation de M. Alfred Recours, qui a déclaré concevoir que, " dans un certain microcosme d'associations humanitaires ou caritatives implantées à Paris ou internationales, notre vision des choses puisse n'être pas la même que celle que nous avons dans nos départements ".

Répondant à M. Alfred Recours, le ministre de l'emploi et de la solidarité a expliqué qu'il fallait " un lieu pour les débats, en l'occurrence le conseil de surveillance, et un autre, pour l'application technique, le conseil d'administration dans lequel, sans risque de pression, les représentants de l'Etat pourront suggérer des modifications et au besoin les proposer au Parlement " (JO Débats AN, 3 ème séance du 29 avril 1999, p. 3882).

L'amendement n° 440 rectifié de MM. Terrasse et Pontier de même que l'amendement n° 345, déposé par MM. Jacques Barrot, Yves Bur et Pierre Méhaignerie, n'ont pas été adoptés.

A l'initiative de la commission, toutefois, et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a complété l'article L. 861-10 par un alinéa dont l'application est censée remédier aux graves effets de seuil impliqués par le projet de loi. Il prévoit que les organismes de protection sociale complémentaire " peuvent " créer un fonds d'accompagnement à la protection complémentaire des personnes dont les ressources sont supérieures au plafond et qu'ils en déterminent les modalités d'intervention.

Pour défendre l'amendement, M. Jean-Claude Boulard a expliqué qu'il s'agissait " d'adresser un message aux organismes complémentaires " (JO Débats AN, 3 ème séance du 29 avril 1999, p. 3883).

Comme l'a rappelé devant votre commission M. Jean-Pierre Davant, président de la FNMF, les organismes mutualistes n'ont pas attendu ce " message " pour instituer, en leur sein, des mécanismes de solidarité destinés à faciliter l'adhésion du plus grand nombre à une couverture mutualiste complémentaire. Et votre commission n'estime pas que ce " rideau de fumée " apporte un commencement de réponse au grave problème posé par les effets de seuil créés par le projet de loi.

II - Les propositions de votre commission

En cohérence avec l'architecture générale qu'elle a définie, votre commission vous propose, par un premier amendement, de prévoir qu'un " fonds pour la protection complémentaire maladie ", établissement public à caractère administratif, sera chargé de servir l'allocation personnalisée à la santé à ses bénéficiaires.

Un second amendement, conforme à la logique partenariale défendue par M. Jean-Claude Boulard, parlementaire en mission, propose d'associer aux représentants de l'Etat, dans le conseil d'administration du fonds, les représentants des organismes de protection sociale complémentaire, des régimes d'assurance maladie de base et des associations oeuvrant en faveur des populations les plus démunies.

Votre commission ne développera pas, ici, les arguments excellemment défendus par M. Jean-Claude Boulard, dans son rapport, et par M. Alfred Recours, en séance publique : elle les fait siens.

Elle s'oppose en revanche à la thèse exprimée en séance publique par M. Jean-Claude Boulard, selon laquelle la méfiance des associations à l'égard des organismes complémentaires empêcherait les conditions du dialogue et de décisions partenariales au sein du fonds.

Outre que cette " méfiance " mérite d'être démontrée, les associations ne pouvant raisonnablement se méfier d'organismes dont elles souhaitent qu'ils contribuent de manière importante, par une taxe et par des adhésions ou des contrats, à la couverture complémentaire des personnes défavorisées, elle ne pourrait disparaître, si elle était avérée, que grâce à une collaboration active rendue possible par une même présence au sein du conseil d'administration du fonds.

Par un troisième amendement, votre commission vous propose de supprimer le dernier alinéa de l'article L. 861-10 prévoyant que les organismes de protection sociale complémentaire pourront créer un nouveau fonds pour aider les personnes dont les revenus sont supérieurs au plafond à disposer d'une couverture complémentaire.

D'une part, en effet, soit le fonds est véritablement créé et son financement mettrait en péril les organismes de protection sociale complémentaire, soit il n'est pas créé et l'alinéa n'est pas, dans ces conditions, utile.

D'autre part et surtout, on ne peut vouloir, comme le fait le ministre, assurer une protection complémentaire gratuite et à 100 % pour les personnes en dessous du plafond, et dire à celles dont les revenus sont juste au-dessus qu'elles devront se contenter de mécanismes d'assistance, qu'elles devront aller demander de l'aide aux guichets des fonds d'action sociale des CPAM, ceux des CAF, ceux des départements et ceux du fonds institué par les organismes complémentaires.

La seule bonne réponse aux effets de seuil, estime votre commission, est l'institution d'une allocation personnalisée à la santé dégressive en fonction des revenus qui permettra de solvabiliser les personnes les moins aisées pour qu'elles souscrivent ou adhèrent à une couverture complémentaire dans des conditions de droit commun.

Art. L. 861-11 du code de la sécurité sociale

I - Le texte du projet de loi

Cet article prévoit les trois catégories de dépenses du fonds, qui seront constituées :

- par le versement aux organismes de sécurité sociale de base d'un montant égal aux dépenses qu'elles auront engagées au titre de la couverture complémentaire des bénéficiaires de la CMU qui les auront choisis ;

- par le versement aux organismes de protection complémentaire des montants définis à l'article L. 861-15 (cf. infra) ;

- par les frais de gestion administrative du fonds.

II - Les propositions de votre commission

Votre commission souligne que le projet de loi prévoit que le versement du fonds aux organismes d'assurance maladie de base sera " égal " aux dépenses qu'ils auront engagées au titre de la CMU.

Selon votre commission, les dépenses ainsi remboursées doivent correspondre, non seulement aux dépenses correspondant aux prestations servies, mais aussi aux frais de gestion y afférents.

Elle s'inquiète des commentaires figurant dans le rapport de l'Assemblée nationale (rapport AN n° 1518, p. 164), selon lesquels le versement du fonds sera " équivalent " à la charge que représente la CMU pour les organismes de protection complémentaire. Le rapport indique ainsi qu' " il s'agira donc d'un calcul forfaitaire tenant compte du coût moyen que représente un affilié multiplié par le nombre de personnes prises en charge ". S'il en était ainsi, non seulement les mesures d'application de la loi seraient illégales, mais le " bouclage financier " de tout dérapage des dépenses réalisées au titre de la CMU pourrait être assuré, non par l'Etat comme le prévoit la loi, mais par l'assurance maladie, à travers une non-revalorisation ou une insuffisante revalorisation des forfaits correspondants.

La logique qui inspire votre commission est toute différente. Elle vous propose, pour cet article, un amendement qui prévoit que les dépenses du fonds seront constituées par :

- le versement de l'allocation personnalisée à la santé ;

- le versement aux organismes d'assurance maladie de base (gestionnaires de la couverture des bénéficiaires du RMI) et aux organismes de protection sociale complémentaire des montants définis à l'article L. 861-15 (voir infra).

Art. L. 861-12 du code de la sécurité sociale

Cet article énumère les recettes du fonds, qui seront constituées par :

- une contribution des organismes de protection sociale complémentaire, prévue par l'article L. 861-13 et commentée ci-après ;

- une dotation budgétaire de l'Etat destinée à équilibrer le fonds.

A l'initiative de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, les députés ont complété cet article par un alinéa qui dispose que " le solde annuel des dépenses et des recettes du fonds doit être nul ".

Comme il a été souligné plus haut, la portée de la disposition prévoyant une subvention d'équilibre de l'Etat doit être appréciée au regard des inquiétudes suscitées par les commentaires du rapport de l'Assemblée nationale sous l'article L. 861-11.

Art. L. 861-13 du code de la sécurité sociale

I - Le texte du projet de loi

Cet article institue, à la charge de l'ensemble des organismes de protection sociale complémentaire (mutuelles, institutions de prévoyance régies par les codes de la sécurité sociale ou du code rural, sociétés d'assurance), une contribution destinée à concourir au financement de la couverture complémentaire CMU.

Le paragraphe I de l'article définit l'assiette de la contribution, qui est constituée par le montant hors taxe des cotisations et primes afférentes à la protection complémentaire en matière de santé au titre de leur activité réalisée en France. Il prévoit aussi que l'assiette est appréciée par trimestre, et que les versements sont eux aussi trimestriels.

Le paragraphe II de cet article établit à 1,75 % le taux de cette contribution.

Le paragraphe III dispose que les organismes de protection sociale complémentaire déduiront du montant de la contribution ainsi calculée une somme égale, par trimestre, au produit du nombre de personnes couvertes au titre de la CMU par 375 francs (soit 1.500 francs par an).

Ce forfait, a confirmé M. Jean-Pierre Davant, président de la FNMF, lors de son audition par votre commission, a été établi sur la base de statistiques de 1997, et devrait être réévalué de 15 % pour mieux refléter le coût réel d'une couverture complémentaire en l'an 2000. Il a aussi précisé que les chiffres utilisés pour définir ce forfait concernaient une population âgée de moins de 65 ans. De ce fait, non seulement les organismes complémentaires ne seront remboursés que sur une base forfaitaire pour leurs efforts en faveur des personnes défavorisées (à la différence des régimes de base qui -du moins en principe (voir supra) - seront remboursés au franc le franc aux termes de l'article L. 861-11), mais ce forfait est très probablement sous-estimé. Il est de surcroît fixé par la loi, ce qui signifie qu'il ne sera pas périodiquement réévalué.

II - Les propositions de votre commission

Pour cet article, votre commission vous propose quatre amendements.

Le premier est un amendement de cohérence avec un amendement à l'article 20 pour l'article L. 861-4 du code de la sécurité sociale : il inclut les sections d'assurance complémentaire de la MSA parmi les organismes contributeurs.

Le deuxième modifie la définition de l'assiette de la contribution. En effet, votre commission estime que la définition proposée par le projet de loi est inopportune à un double titre :

- d'une part, elle porte sur l'ensemble des cotisations et primes reçues en matière de santé, ce qui inclut celles qui sont perçues pour financer des indemnités journalières maladie. Or, la CMU ne couvre que les dépenses en nature ;

- d'autre part, il est plus simple de retenir les prestations versées que les cotisations ou primes reçues, les cotisations ou primes recouvrant souvent une couverture plus large que celle de la santé.

Aussi, votre commission vous propose de retenir, pour l'assiette de la contribution, " le montant des prestations en nature versées en France en matière de santé au cours d'un trimestre civil ".

Le troisième amendement de votre commission vise à imputer la contribution en crédit d'impôt sur la taxe sur les contrats d'assurance de 7 %, qui est payée par les seules sociétés d'assurance.

Un amendement identique, qui visait à établir une égalité de traitement entre acteurs de la protection sociale complémentaire, a reçu un avis défavorable du Gouvernement de la commission, à l'Assemblée nationale, sans plus d'explications.

Le quatrième amendement de votre commission prévoit, pour les organismes de protection sociale complémentaire, un mécanisme juste et incitatif de remboursement des efforts réalisés au titre de la protection sociale complémentaire des bénéficiaires de l'allocation personnalisée à la santé.

Il dispose en effet que ces organismes déduiront du montant de la contribution une somme égale à la différence entre :

- d'une part, le montant des cotisations ou primes reçues des bénéficiaires de l'allocation personnalisée à la santé ;

- et, d'autre part, celui des prestations en nature versées à ces bénéficiaires.

Art. L. 861-14 du code de la sécurité sociale

I - Le texte du projet de loi

Cet article détermine les organismes compétents pour le recouvrement de la contribution à la charge des organismes de protection sociale complémentaire. Il s'agit, sauf dérogation établie par arrêté ministériel, des organismes de recouvrement territorialement compétents. Ceux-ci peuvent déléguer au fonds le soin de contrôler le nombre de personnes couvertes au titre de la CMU, comme l'article L. 861-16 lui en donne le pouvoir : le nombre de personnes couvertes constitue en effet un élément du calcul de la contribution réellement due.

Les URSSAF reversent au fonds les sommes collectées par leurs soins.

Art. L. 861-15 du code de la sécurité sociale

I - Le texte du projet de loi

Cet article prévoit que, si le montant de la déduction à laquelle ont droit les organismes de protection sociale complémentaire au titre des personnes bénéficiaires de la CMU excède 1,75 % de leur chiffre d'affaires santé (c'est-à-dire de la base de calcul de la contribution), les organismes de protection sociale complémentaire demandent au fonds de leur verser la différence. Le versement doit être effectué dans un délai d'un mois après la demande.

II - Les propositions de votre commission

Votre commission vous propose de compléter cet article par un alinéa disposant que, en cohérence avec son amendement à l'article L. 861-11, les organismes de sécurité sociale reçoivent du fonds un montant correspondant à l'excédent éventuel des dépenses engagées au titre de la couverture complémentaire des bénéficiaires du RMI par rapport au montant des cotisations ou allocations personnalisées à la santé reçues à ce titre.

Art. L. 861-16 du code de la sécurité sociale

Cet article fixe les modalités du contrôle, par le fonds, des dépenses réalisées par les organismes de protection sociale complémentaire et par les organismes d'assurance maladie au titre de la couverture complémentaire des bénéficiaires de la CMU.

Votre commission vous propose, pour cet article, un amendement de cohérence avec les autres amendements déposés sur le volet du projet de loi consacré à la couverture complémentaire.

Art. L. 861-17 du code de la sécurité sociale

Cet article fixe les modalités du contrôle, par le fonds, des dépenses réalisées par les organismes de protection sociale complémentaire et par les organismes d'assurance maladie au titre de la couverture complémentaire des bénéficiaires de la CMU.

Votre commission vous propose, pour cet article, un amendement de cohérence avec les autres amendements déposés sur le volet du projet de loi consacré à la couverture complémentaire.

Art. L. 861-17 du code de la sécurité sociale

Cet article offre aux organismes de protection sociale complémentaire la faculté de constituer des associations leur permettant de mutualiser la charge de gestion de la contribution instituée par l'article L. 861-13.

Leurs règles de fonctionnement et de contrôle par l'Etat seront fixées par décret en Conseil d'Etat.

Votre commission vous propose d'adopter cet article tel qu'amendé.

CHAPITRE 3
-
Dispositions transitoires

Art. 26
Régime transitoire pour les titulaires actuels de l'aide médicale

Cet article prévoit un régime transitoire au profit des titulaires actuels de l'aide médicale. Au 1 er janvier 2000, date d'entrée en vigueur de la loi, ils bénéficieront automatiquement de la couverture maladie universelle jusqu'à la fin de leur période d'admission à l'aide médicale et, en tout état de cause, jusqu'au 31 mars 2000.

Votre commission comprend les raisons qui motivent un tel régime transitoire, les bénéficiaires de l'aide médicale ne devant pas être pénalisés par l'entrée en vigueur du projet de loi même s'ils ne remplissent pas les conditions d'admission à la CMU.

Ce régime transitoire permettra aussi d'éviter, pour les caisses d'assurance maladie, une montée en charge trop rapide sur les premiers mois.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 27
Habilitation des caisses d'assurance maladie à la mise en place
d'un fichier informatisé de données nominatives

Cet article, qui confirme les craintes de votre commission quant au basculement exclusif des bénéficiaires de l'aide médicale vers les CPAM, habilite ces dernières à recevoir de l'Etat et des départements les informations relatives à ces personnes et à constituer un fichier automatisé comportant l'ensemble de ces informations.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

CHAPITRE 4
-
Dispositions diverses

Art. 28
(chapitre 3 nouveau du titre VI du livre VIII du code de la sécurité sociale, art. L. 861-18 nouveau du même code)
Dispositions réglementaires pour l'application du titre II

Cet article crée, dans le titre VI nouveau du Livre VIII du code de la sécurité sociale, un chapitre 3 nouveau comportant un seul article. Celui-ci prévoit que les mesures d'application des articles 20 à 27 du projet de loi feront l'objet de décrets en Conseil d'Etat.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 29
(art. L. 371-8 à L. 371-11 du code de la sécurité sociale)
Abrogation de certaines dispositions relatives à l'aide sociale

Cet article prévoit, en cohérence avec la suppression par le présent projet de loi de l'aide médicale des départements, la suppression des articles L. 371-8 à L. 371-11 du code de la sécurité sociale qui comprenaient diverses dispositions relatives à ses bénéficiaires.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE III
-
RÉFORME DE L'AIDE MÉDICALE

Ce titre comprend deux articles visant d'une part à tirer les conséquences du transfert de compétences du département à l'Etat en matière d'aide médicale (art. 30) et d'autre part, à assurer diverses coordinations concernant la suppression de l'aide médicale départementale (art. 31).

Art. 30
(titre III bis du code de la famille et de l'aide sociale, art. 187-1 à 187-4,
188 à 190 du code de la famille et de l'aide sociale)
Transfert de compétences des départements à l'Etat
en matière d'aide médicale

Cet article 30 modifie complètement le titre III bis du code de la famille et de l'aide sociale relatif à l'aide médicale qui comprend, dans le dispositif actuel, l'ensemble des règles légales applicables en matière d'admission à l'aide médicale et de prise en charge des dépenses correspondantes.

Il convient de rappeler que, le département est également tenu de prendre en charge les dépenses afférentes aux bénéficiaires du RMI, aux personnes âgées de 17 à 25 ans satisfaisant aux conditions de ressources et de résidence en France fixés pour l'attribution du RMI et aux titulaires de l'allocation de veuvage dépourvus de droit à l'assurance maladie 16( * ) , l'Etat prenait à sa charge les dépenses des personnes dépourvues de résidence stable et ayant fait élection de domicile auprès d'une association ou d'un organisme agréé 17( * ) .

Le nouveau titre III bis ne concernera dorénavant que les personnes qui n'entrent pas dans le champ de la CMU et qui, à ce titre, bénéficieront d'une prise en charge financée directement sur le budget de l'Etat.

Art. 187-1 du code de la famille et de l'aide sociale
Personnes prises en charge au titre de l'aide médicale de l'Etat

Cet article définit les deux catégories de personnes qui bénéficieront de l'aide médicale de l'Etat dans le cadre de la CMU :

- les étrangers résidant en France en situation irrégulière :

Ces étrangers bénéficient de la CMU dès lors que leurs ressources n'excèdent pas le plafond prévu pour l'accès à l'aide médicale gratuite (cf. commentaire de l'article 20 supra). La couverture concerne également les ayants droit dans les conditions prévues par le code de la sécurité sociale (personne vivant maritalement avec l'assuré social et à sa charge ; conjoint de l'assuré ; enfants à charge ; ascendant, descendant collatéral jusqu'au 3 ème degré ou allié au même degré de l'assuré, vivant sous le toit de celui-ci et se consacrant exclusivement au ménage de celui-ci).

Ce dispositif répond à l'obligation de porter secours en cas de besoin urgent ou pour des raisons humanitaires à toute personne en situation de détresse.

- toute personne ne résidant pas en France mais présente sur le territoire national et dont l'état de santé le justifie par décision du ministre chargé de l'action sociale ;

Dans cette hypothèse, aucune condition de ressources n'est demandée ; une participation aux frais de soins peut être demandée puisque la prise en charge peut n'être que partielle.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement du rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales portant sur les étrangers en situation irrégulière. Le texte du projet de loi initial indiquait que celui-ci " pouvait accéder aux soins " que nécessite son état. Le texte amendé dispose qu'il " a droit " à ce type de soins. Cet amendement a été justifié par le fait que l'article 186 du code de la famille et de l'aide sociale dispose, dans sa rédaction actuelle que les personnes de nationalité étrangère " bénéficient " de l'aide médicale en cas de soins dispensés par un établissement de santé ou des prescriptions ordonnées à cette occasion, y compris en cas de consultation externe et par ailleurs la condition de séjour régulière n'est exigée que pour l'aide médicale à domicile.

Par ailleurs, l'actuel article 189-7 du code de la famille et de l'aide sociale dispose que " sont immédiatement admis au bénéfice de l'aide médicale, les demandeurs dont la situation l'exige ".

Art. 187-2 du code de la famille et de l'aide sociale
Dépenses prises en charge au titre de l'aide médicale de l'Etat

Cet article détermine les dépenses prises en charge par l'aide médicale d'Etat en plus de la dispense d'avance des frais.

Il s'agit des frais médicaux généraux (1° de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale) , des frais de transport (2° de l'article L. 321-1) , des frais afférents à une interruption volontaire de grossesse (4° de l'article L. 321-1) , des frais relatifs à l'examen prénuptial (6° de l'article L. 321-1) ainsi que des frais relatifs à la grossesse, l'accouchement et ses suites (art. L. 331-2 dudit code) .

La prise en charge recouvre également le forfait hospitalier (art. L. 174-4 du code de la sécurité sociale).

Art. 187-3 du code de la famille et de l'aide sociale
Dépôt de la demande d'aide médicale

Cet article précise devant quels organismes sont déposés les demandes d'aide médicale (organisme d'assurance maladie, centre communal d'action sociale, services sociaux départementaux, associations agréées) ainsi que les services habilités à les instruire.

L'instruction est effectuée par les caisses d'assurance maladie pour les demandes d'aide médicale d'étrangers en situation irrégulière et par les services de l'Etat pour les dossiers exceptionnels donnant lieu à décision du ministre chargé de l'action sociale.

Art. 187-4 du code de la famille et de l'aide sociale
Election de domicile

Cet article prévoit que les étrangers en situation irrégulière qui sont sans domicile fixe doivent préalablement s'inscrire auprès d'une association agréée pour obtenir le bénéfice de l'aide médicale de l'Etat.

Art. 188 du code de la famille et de l'aide sociale
Admission à l'aide médicale

Cet article précise que l'admission à l'aide médicale de l'Etat est prononcée par le préfet , ou par le directeur de la CPAM si celui-ci est titulaire d'une délégation, et que l'admission est valable pour une durée d'un an .

L'admission est immédiate et sans délai si la situation l'exige : une disposition analogue était déjà prévue à l'actuel article 189-7 du code de la famille et de l'aide sociale.

L'Assemblée nationale a adopté en première lecture un amendement présenté par Mme Huguette Jacquaint et les membres du groupe communiste afin de préciser qu'un décret définit les conditions dans lesquelles le représentant de l'Etat dans le département instruit la demande d'aide médicale de l'Etat.

Art. 189 du code de la famille et de l'aide sociale
Obligation alimentaire

Cet article prévoit que la prise en charge au titre de l'aide médicale de l'Etat peut donner lieu à recouvrement auprès des personnes astreintes à l'obligation alimentaire. S'agissant des personnes étrangères et de surcroît en situation irrégulière, il est permis de se demander si cette disposition aura une portée pratique considérable vis-à-vis des obligés alimentaires résidant éventuellement à l'étranger.

L'article 144 du code de la famille et de l'aide sociale qui prévoit la mise en jeu de l'obligation alimentaire au moment du dépôt d'une demande d'aide sociale est rendue inapplicable. S'agissant d'une aide médicale urgente, la mise en jeu de l'obligation alimentaire intervient seulement a posteriori . Une disposition analogue est prévue au III de l'article 182 du code de la famille et de l'aide sociale.

Art. 190 du code de la famille et de l'aide sociale
Dispositions financières

Cet article prévoit la prise en charge des personnes bénéficiant du présent titre, non plus par les départements, mais par l'Etat.

Le second alinéa permet à l'Etat de mettre en jeu la responsabilité d'un tiers à l'origine de l'accident dont le bénéficiaire de l'aide médicale a été la victime.

*

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 31
Dispositions de coordination

Cet article procède à diverses coordinations consécutives à la mise en place du nouveau dispositif d'aide médicale de l'Etat.

Le paragraphe I porte sur les modifications du code de la famille et de l'aide sociale :

- le président du conseil général n'est plus habilité à attribuer les prestations d'aide médicale (art. 124-2, deuxième alinéa) ;

- la disposition relative à la compétence des maires ayant conservé un régime spécial d'aide médicale pour fixer la dette alimentaire est supprimée (art. 145, dernier alinéa) ; il en est de même de la possibilité de recours à l'égard du bénéficiaire revenu à meilleure fortune, du légataire ou du donataire (art. 146) ainsi que de la possibilité d'une subrogation dans les droits de l'allocataire (art. 149) ;

- s'agissant de l'aide médicale aux étrangers, il est précisé que celle-ci relève de l'aide médicale de l'Etat (art. 186) ;

- une mise à jour de la codification est opérée concernant la compétence de la commission centrale d'aide sociale en matière de litiges concernant la prise en charge financière des bénéficiaires de l'aide médicale (art. 195).

Le paragraphe II procède à diverses rectifications dans le code de la sécurité sociale .

L'article L. 182-1 dudit code qui permet la fixation des modalités de prise en charge des bénéficiaires de l'aide médicale dans le cadre de conventions passées entres les organismes d'assurance maladie et les autorités compétentes en matière d'aide médicale est entièrement réécrit : il est prévu uniquement une convention passée entre l'Etat et la CNAM pour assurer la prise en charge des étrangers en situation irrégulière ou des personnes résidant en France qui relèveront désormais de l'aide médicale de l'Etat.

Les autres dispositions relatives aux conventions sont supprimées (art. L. 182-2 à L. 182-5).

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Section additionnelle après l'article 31

Contrôle et évaluation de la loi

Compte tenu des incertitudes qui caractérisent la mesure de l'impact du projet de loi tant sur les finances sociales que sur les finances de l'Etat, votre commission vous propose d'insérer après l'article 31 un titre III bis consacré spécifiquement au contrôle et à l'évaluation de la loi (cf. ci-après commentaire de l'article additionnel après l'article 31) .

Votre commission vous propose d'adopter cette section additionnelle et son intitulé.

Article additionnel après l'article 31
Contrôle et évaluation de la loi

Le caractère lacunaire de l'étude d'impact au regard notamment des prescriptions de la circulaire du Premier ministre en date du 26 janvier 1998 18( * ) , les estimations contestables du projet de loi sur le coût de la couverture maladie de base, ainsi que sur le volet " complémentaire " font craindre une dérive du financement de la CMU. L'expérience du RMI laisse penser qu'une explosion des dépenses est, hélas, prévisible.

La combinaison des lois de finances et des lois de financement pourrait faire croire que le Parlement dispose de tous les moyens d'information pour contrôler cette dépense.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, considère ainsi que : " le contrôle du Parlement sera total sur le fonds du financement de la protection complémentaire, comme il le sera sur les conditions de perception de la cotisation et de reversement des sommes dues aux mutuelles et aux compagnies d'assurance. En effet, outre la présence de parlementaires dans le conseil de surveillance du fonds, l'évaluation de son activité dans le champ de compétences de la commission des comptes de la sécurité sociale et de la Cour des comptes, le projet dispose que le fonds est un organisme créé pour concourir au financement d'un régime obligatoire de base, et donc, à ce titre, que la loi de financement doit en prévoir les recettes " 19( * ) .

Pourtant, aucune disposition du texte ne permet de confirmer qu'il s'agit d'un " organisme créé pour concourir au financement d'un régime obligatoire de base ". Force est de constater que le fonds du financement de la protection complémentaire, comme son nom l'indique, finance une couverture complémentaire, qui ne fait pas partie des missions des régimes de base d'assurance maladie.

Rien ne permet d'affirmer que l'activité de ce fonds sera incluse " dans le champ de compétences de la commission des comptes de la sécurité sociale ". L'article L. 114-1 du code de la sécurité sociale assigne à la commission une mission restrictive : " les comptes des régimes de sécurité sociale ". La commission " prend, en outre, connaissance des régimes complémentaires de retraite ". Dans l'état actuel de la législation, la commission des comptes n'est pas compétente pour analyser les recettes et les dépenses du fonds de financement de la protection complémentaire.

Les réponses de Mme Martine Aubry au questionnaire de votre rapporteur sont, à ce sujet, sans appel :

" Le fonds de financement ne relève pas a priori du champ de la loi de financement de la sécurité sociale : il a en effet pour objet de financer une prestation Etat, financée à titre principal par une subvention de l'Etat. Le dispositif est sans incidence sur l'équilibre financier des régimes de sécurité sociale, qui sont remboursés au franc le franc lorsqu'ils servent des prestations au titre de la couverture maladie complémentaire ".

Les dépenses des régimes d'assurance maladie au titre de la protection complémentaire seront traitées en loi de financement de la même manière que les dépenses de la branche famille relatives au RMI : elles seront absentes, sous prétexte d'une compensation " au franc le franc ".

Cette décision n'apparaît pas tout à fait compatible avec le principe de sincérité des comptes. Il suffit de rappeler que la branche famille ne reçoit aucune participation de l'Etat au titre de la gestion du RMI pour se rendre compte que " la prise en charge d'une prestation Etat " n'est jamais neutre.

Au-delà du fonds de financement de la protection complémentaire, aucun dispositif d'évaluation n'est actuellement prévu par le projet de loi. Il n'existe aucun dispositif technique permettant d'apprécier l'ensemble des dépenses engendrées par la création de la couverture maladie universelle, notamment au niveau de la couverture de base. Le surcoût lié à l'extension du champ est estimé par le Gouvernement à 600 millions de francs, sans aucun moyen d'apprécier a posteriori le bien fondé de cette estimation, et de manière générale, l'ensemble des évaluations qui ont présidé au " montage financier " de ce projet de loi.

Telles sont les raisons qui ont conduit votre rapporteur à vous proposer un article additionnel :

- permettant au Parlement de prendre connaissance, avant le 15 octobre de chaque année (date limite de dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale) d'un rapport sur l'évaluation des titres I à III du projet de loi ;

- prévoyant qu'un des deux rapports annuels de la commission des comptes de la sécurité sociale présentera un bilan financier de la mise en place de la CMU ;

- assurant l'existence d'une section comptable spécifique de la CNAMTS, afin de suivre les recettes et les dépenses liées à la CMU. La CNAMTS disposait déjà d'une telle section pour les assurés personnels. Le coût de gestion en sera ainsi limité.

Il apparaît essentiel que des outils soient prévus, pour évaluer cette nouvelle dépense publique.

Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel.

TITRE V
-
ENTRÉE EN VIGUEUR

Art. 38
Entrée en vigueur de la loi

L'article 38 est l'unique article du titre V, relatif à l'entrée en vigueur de la loi.

Il est précisé que les dispositions de la présente loi entrent en vigueur le 1 er janvier 2000, sous certaines réserves.

Les dispositions du III et du IV de l'article 7 entrent en vigueur le 1 er octobre 2000. L'article 7 vise à supprimer une disposition du code de la sécurité sociale précisant que les enfants des non-salariés non agricoles, lorsqu'ils sont étudiants, même âgés de moins de vingt ans, perdent leur qualité d'ayant droit à titre de membre de la famille. La date du 1 er octobre a été choisie en référence au début de l'année universitaire.

Les dispositions des articles 9 et 10 et du 2° du 11 s'appliquent aux versements effectués au profit de la CNAMTS, du FSV (droits sur les alcools) et de la CNAMTS et de la CNAF (prélèvement social de 2 %) à compter du 1 er janvier 2000 ; retenir une autre date serait contraire à la loi organique du 22 février 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

Les dispositions de l'article 12 (affectation intégrale de la CVTAM à la CNAMTS) sont applicables aux cotisations recouvrées par l'ACOSS au titre de l'année 2001.

Les polices d'assurance se rapportent à une année, mais ne sont pas forcément appelées en début d'année. Il est donc effectivement logique de déterminer une mise en vigueur au titre de l'année 2001.

Les dispositions de l'article 27 (mise en oeuvre des traitements informatiques nécessaires au basculement du système de l'aide médicale à celui de la CMU) et du titre IV entrent en vigueur dès la publication de la présente loi. Les CPAM devront effectivement mettre à jour leurs applications informatiques afin de pouvoir gérer les futurs bénéficiaires de la CMU.

De manière générale, il convient de noter que la mise en oeuvre simultanée de chantiers informatiques importants (an 2000, passage à l'euro) et de la prise en charge de la CMU risque d'être pour la CNAMTS un casse-tête.

Tenant compte des modifications apportées aux articles 9, 10 et 11, votre commission vous propose d'adopter un amendement supprimant la date d'entrée en vigueur de la nouvelle répartition des droits sur les alcools entre la FSV et la CNAMTS, qui n'a plus lieu d'être.

Votre commission vous propose d'adopter cet article tel qu'amendé.

ANNEXES

•  Extraits de la circulaire du 26 janvier 1998 relative à l'étude d'impact des projets de loi et de décret en Conseil d'Etat.

•  Projet de loi relatif à la couverture maladie universelle - Etude d'impact 20( * ) .

Circulaire du 26 janvier 1998 relative à l'étude d'impact
des projets de loi et de décret en Conseil d'Etat 21( * )
Extrait

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I - Champs d'application

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II - Contenu

Le terme d'impact doit être entendu dans son sens le plus concret. L'objet de l'étude d'impact est en effet d'évaluer a priori les effets administratifs, juridiques , sociaux, économiques et budgétaires des mesures envisagées et de s'assurer, de manière probante, que la totalité de leurs conséquences a été appréciée préalablement à la décision publique.

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Le degré de détail et la finesse d'analyse de l'étude d'impact doivent être proportionnels à l'importance des mesures proposées et à leurs conséquences sur la société, l'économie et l'administration.

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L'étude d'impact comprend deux parties : d'une part, l'analyse de l'impact juridique et administratif, d'autre part, la présentation des effets sociaux, économiques et budgétaires des dispositions envisagées. Elle est illustrée, sous ces deux aspects, par la présentation d'un bilan coûts-avantages récapitulant de manière synthétique les principaux éléments d'appréciation.

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II- 1 - L'impact juridique et administratif

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II-2 - L'impact social, économique et budgétaire

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2° L'étude d'impact présente ensuite une analyse globale des effets micro-économiques et macro-économiques des mesures proposées.

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L'étude identifie avec précision les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, concernées par les mesures envisagées, non seulement celles qui vont en bénéficier, mais toutes celles qui sont concernées, directement ou indirectement, par les mesures.

Cette analyse des effets micro-économiques et macro-économiques comporte un chiffrage permettant de prendre en compte le coût induit par les projets de textes et les formalités nouvelles, spécialement pour les entreprises.

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3° L'étude d'impact doit enfin préciser les conséquences budgétaires des nouvelles dispositions non seulement pour l'Etat, mais également pour les collectivités locales, les établissements publics, les entreprises publiques ou les comptes sociaux.

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Les hypothèses et les modes de calcul fondant les chiffrages budgétaires et économiques sont présentés en annexe à l'étude d'impact. Sauf exception justifiée,les solutions alternatives à celle qui est proposée sont chiffrées et présentées de la même manière de façon à prendre toute comparaison utile à la décision.

II-3 - Le bilan coûts-avantages

Le bilan coûts-avantages peut être présenté sous la forme d'un tableau de synthèse récapitulant les principaux points mis en lumière par l'étude d'impact et mettant en particulier en balance les avantages et les coûts des mesures proposées d'un point de vue quantitatif et qualitatif. Les principales solutions alternatives sont également présentées de cette manière.

II-4 - Dispositif d'évaluation

L'étude d'impact comporte un dispositif de suivi et d'évaluation de la mise en oeuvre du texte.

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III - Procédure

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III-1 - Elaboration des études d'impact

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III-2 - Exploitation des études d'impact

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III-3 - Diffusion des études d'impact

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La version finale de l'étude d'impact des projets de loi est transmise au Parlement avec le projet de loi. L'Assemblée nationale et le Sénat peuvent décider de publier l'étude d'impact au titre des documents parlementaires.

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Pour atteindre les objectifs fixés par la présente circulaire, l'étude d'impact doit être un document vivant, enrichi, complété et précisé tout au long du processus de préparation des textes par les apports et contributions des services qui y sont associés.

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Je souligne enfin l'importance que j'attache au respect des présentes instructions qui sont destinées à améliorer la qualité des décisions publiques. Leur application fera l'objet d'une évaluation au cours du second semestre de 1999.

Lionel Jospin

PROJET DE LOI RELATIF À LA
COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE

ÉTUDE D'IMPACT

1ère PARTIE : IMPACT SOCIAL DE LA RÉFORME

1.1. LE CONSTAT

1.1.1. 30 % des plus démunis renoncent à des soins pour des motifs financiers

1.1.2. La consommation médicale de ville des plus démunis est inférieure à la moyenne

1.1.3. 62 % des individus vivant dans un ménage de revenu inférieur à 45.000 F (6.860 euros) par an bénéficient d'une couverture complémentaire mais cette moyenne cache de grandes disparités

1.2. L'APPORT DE LA REFORME

2ème PARTIE : IMPACT INSTITUTIONNEL, JURIDIQUE ET
ADMINISTRATIF DE LA REFORME

2.1. LA LEGISLATION ACTUELLE

2.1.1. L'assurance maladie

2.1.2. L'aide médicale

2.2. L'APPORT DE LA REFORME

2.2.1. Suppression de l'assurance personnelle et création d'un dispositif d'affiliation sur critère de résidence

2.2.2. Création d'une couverture complémentaire dans le cadre de la couverture maladie universelle

2.2.3. La rénovation de l'aide médicale de l'Etat

3ème PARTIE : IMPACT FINANCIER

3.1. LE CONSTAT

3.1.1. Les cotisations d'assurance personnelle

3.1.2. Les crédits d'aide médicale

3.2. LES MODIFICATIONS DANS LES CIRCUITS DE FINANCEMENT

3.2.1. La suppression des prises en charge de cotisations d'assurance personnelle est neutralisée par l'affectation de recettes nouvelles à la CNAMTS

3.2.2. La suppression de la prise en charge du déficit de l'assurance personnelle est neutralisée par la suppression de la répartition du produit de la cotisation sur les véhicules terrestres à moteur

3.2.3. Les crédits d'aide médicale des départements sont transférés à l'Etat

3.2.4. Mise en place d'une cotisation pour les affiliés sur critère de résidence

3.3. LE FONDS DE FINANCEMENT POUR LA PROTECTION COMPLEMENTAIRE DANS LE CADRE DE LA COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE

3.3.1. Création d'un fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture maladie universelle

3.3.2. Les ressources du fonds

3.3.3. Les dépenses du fonds

3.3.4. Rôle de contrôle et de coordination du fonds

3.3.5. Création d'associations d'organismes contribuant au fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture maladie universelle

3.4. L'IMPACT FINANCIER DES DIFFERENTES DISPOSITIONS

PROJET DE LOI RELATIF À LA
COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE

ÉTUDE D'IMPACT

1ère PARTIE : IMPACT SOCIAL DE LA RÉFORME

1.1. LE CONSTAT

1.1.1. 30 % des plus démunis renoncent à des soins pour des motifs financiers


Même si les indicateurs sont à considérer avec prudence, les différentes sources convergent sur deux points : tous revenus confondus, une proportion importante de la population renonce à des soins pour des motifs financiers, et cette proportion décroît cependant fortement avec le revenu :

- 17 % de la population française déclarent avoir renoncé à des soins pour des raisons financières dans l'année précédente. Ils sont 30 % parmi les personnes dont le revenu par unité de consommation est inférieur à 3000 F (457,35 euros) par mois, et 20 % pour des revenus compris entre 3000 et 4000 F (457,35 et 609,80 euros) 22( * ) . Les restrictions portent principalement sur les soins dentaires (43 % des cas), les lunettes (16 % des cas) et soins médicaux et les analyses (29 % des cas) 23( * ) .

- Parmi les personnes qui ne sont pas allées voir d'ophtalmologue depuis trois ans, 15% de celles qui ont un revenu par unité de consommation inférieur à 3000 F (457,35 euros) par mois avancent des motifs financiers pour expliquer ce non recours. Cette proportion diminue avec le revenu pour atteindre 4% dans la tranche de revenu la plus élevée (revenu par unité de consommation supérieur à 10 000 F, soit 1 524,49 euros) 24( * ) .

- Parmi les personnes qui n'ont pas consulté de dentiste dans les deux années précédentes (qui sont 42 % chez les plus bas revenus), 20% de celles qui ont un revenu inférieur à 3 000 F (457,35 euros) par mois avancent des motifs financiers pour expliquer ce non-recours. Elles sont encore 11% dans la tranche de revenu la plus élevée. De même, 41% des personnes à faibles ressources à qui il manque des dents renoncent à se les faire remplacer pour des raisons financières 25( * ) .

1.1.2.La consommation médicale de ville des plus démunis est inférieure à la moyenne

Parmi les personnes de revenu inférieur à 3 000 F (457,35 euros) par unité de consommation, 55 % ont consulté un médecin une fois en trois mois, contre 60 % dans la population totale. Toutefois, à structure par âge et sexe comparable à celle de la population totale, le taux de recours au médecin parmi les bas revenus descend à 53 %. De manière générale, corriger les effets revenus en fonction de la structure par âge et sexe de la population conduit à faire apparaître des écarts de consommation plus importants que sur les données brutes.

À âge et sexe comparables, les individus dont les revenus sont inférieurs à 3 000 F (457,35 euros) par mois ont une probabilité mesurée sur une période de trois mois de consommer des soins inférieure de 8 % à la moyenne (66% contre 72% en moyenne, et 78% pour la tranche des plus hauts revenus).

Tableau 1 - Probabilité de consommation en un trimestre par type de soins et niveau de revenu (à structure par âge et sexe identique à celle de la population française)

Type de soins

revenus par u.c. <3000 F (457,35 euros)

moyenne nationale

revenu par u.c. >10 000 F (1 524,49 euros)

quelconque

64 %

72 %

78 %

dentiste

10 %

13 %

17 %

généraliste

45 %

44 %

49 %

spécialiste

21 %

26 %

36 %

médecin

53 %

60 %

62 %

analyses ou examens

16 %

20 %

24 %

soins paramédicaux

10 %

12 %

13 %

pharmacie

58 %

66 %

72 %

hospitalisation

2,9 %

3,1 %

2,7 %

Tableau 2 -Dépenses moyennes remboursables par type de soins et niveau de revenu (à structure par âge et sexe identique à celle de la population française) 26( * )

Type de soins

revenus par u.c. <3000 F (457,35 euros)

moyenne nationale

revenu par u.c. >10 000 F (1 524,49 euros)

Dentiste

82 F (12,50 euros)

115 F (17,53 euros)

214 F (32,62 euros)

Généraliste

99 F (15,09 euros)

110 F (16,76 euros)

98 F (14,94 euros)

Spécialiste

88 F (13,42 euros)

101 F (15,40 euros)

161 F (24,54 euros)

Pharmacie

269 F (41,01 euros)

280 F (42,69 euros)

279 F (42,53 euros)

Hospitalisation

570 F* (86,90 euros)

555 F* (84,61 euros)

497 F* (75,77 euros)

* Les données sur l'hospitalisation ont été pour l'essentiel reconstituées par le CREDES. Elles sont fragiles et doivent être interprétées avec prudence.

Les tableaux ci-dessus indiquent donc une sous-consommation des plus démunis sur l'ensemble des postes, à l'exception peut-être de l'hospitalisation. Ce dernier résultat, fragile, serait toutefois conforme à l'idée que les plus démunis ont un recours aux soins plus tardif, et doivent alors recevoir un traitement plus lourd, et donc plus coûteux. Une telle situation constituerait une justification forte d'une prestation visant à améliorer leur accès aux soins.

1.1.3. 62 % des individus vivant dans un ménage de revenu inférieur à 45 000 f (6 860 euros) par an bénéficient d'une couverture complémentaire mais cette moyenne cache de grandes disparités

Le pourcentage d'individus couverts par une couverture complémentaire varie avec le revenu. Ils ne sont que 61,5 % à posséder une couverture complémentaire maladie dans les ménages de revenus inférieurs à 45 000 F (6 860 euros) par an, contre 84,3 % dans la population totale. Cette proportion décroît jusqu'à 45 % aux très bas niveaux de revenus. Cette est encore plus faible parmi les individus en situation de précarité. Ainsi, les chômeurs dont le ménage a un revenu inférieur à 45 000 F (6 860 euros) ne sont que 35 % à disposer d'une couverture complémentaire 27( * ) .

- Couverture complémentaire et activité professionnelle

Pour interpréter ces résultats, il faut garder à l'esprit qu'en France, la couverture complémentaire reste souvent liée à l'emploi. Environ la moitié des couvertures complémentaires sont souscrites par l'intermédiaire de l'entreprise, et 40 % des couvertures obtenues par les entreprises sont obligatoires. Parmi les individus vivant dans un ménage dont le revenu par unité de consommation est inférieur à 2 000 F (304 euros) par mois, et qui bénéficient d'une couverture complémentaire (soit 45 %) 28( * ) :

- 10 % ont une couverture imposée par leur entreprise (24 % dans la population totale),

- 18 % ont une couverture facultative fournie par leur entreprise (30 % dans la population totale),

- 65 % ont souscrit une couverture complémentaire de leur propre initiative (43 % dans la population totale).

Au final, seuls 5 % des individus dont le revenu par unité de consommation est inférieur à 2 000 F (304,90 euros) par mois ont une couverture complémentaire qui leur est imposée par leur entreprise. Ils sont 10 % dans la tranche de revenu par unité de consommation supérieure (2000-3000 F par mois, soit 304,90-457,35 euros). La part relativement importante des individus les plus démunis qui bénéficient d'une couverture complémentaire ne s'explique donc que très partiellement par le fait que certaines couvertures sont obligatoires. Toutefois, le lien entre activité professionnelle et couverture complémentaire explique le faible taux d'assurés complémentaires parmi les chômeurs, qui constituent sans doute une cible prioritaire d'une politique d'accès aux soins.

- Exonération du ticket modérateur

Les personnes exonérées du paiement du ticket modérateur sont surreprésentées parmi les plus démunis (entre 15 à 20 % des plus démunis, contre un peu plus de 10 % dans l'ensemble de la population), et ce, même si l'on raisonne à âge et sexe constant. Les motifs d'exonération sont la maladie (affection de longue durée ou autre cause médicale) dans 60 % des cas, le RMI ou l'aide médicale gratuite dans 40 % des cas.

1.2. L'APPORT DE LA RÉFORME

La protection complémentaire en matière de santé sera accessible, outre les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, aux foyers dont les ressources ne dépasseront pas 3 500 francs (553,57 euros) par unité de consommation. La majoration familiale de ce plafond est la même que pour le revenu minimum d'insertion : 0,5 pour la deuxième personne du foyer, 0,3 pour la troisième et la quatrième personne, puis 0,4 pour la cinquième et les suivantes.

Les catégories de ressources prises en compte sont les mêmes que pour l'attribution du RMI : les revenus d'activité apparaissent pour leurs montants nets de prélèvements sociaux, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale, les prestations familiales sont prises en compte à l'exclusion de l'allocation de rentrée scolaire et des majorations pour âge des allocations familiales. Les aides personnelles au logement sont évaluées à un taux forfaitaire identique à celui qui est prévu pour l'attribution du revenu minimum d'insertion.

Cette solution permet de couvrir :

- les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion ;

- les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique ou de l'allocation d'insertion dès lorsqu'ils ne cumulent pas cette allocation avec d'autres ressources ;

- les bénéficiaires de l'allocation aux parents isolés dès lors qu'ils ne perçoivent plus l'allocation pour jeune enfant, courte ;

- la plupart des ménages composés de plusieurs personnes, dont la seule ressource est constituée par le minimum de l'allocation unique dégressive à taux plein ;

- les actifs isolés sans enfant percevant au plus 60 % du SMIC ;

- les actifs isolés avec un enfant percevant au plus 87 % du SMIC ;

- les actifs isolés avec deux enfants de moins de 10 ans percevant au plus 73 % du SMIC ;

- les actifs isolés avec deux enfants de plus de 10 ans percevant au plus 91 % du SMIC ;

- les couples actifs sans enfants percevant au plus 87 % du SMIC ;

- les couples avec un enfant ne percevant pas d'allocation familiales et percevant au plus 103 % du SMIC (86 % s'ils bénéficient de l'allocation pour jeune enfant) ;

- les couples avec deux enfants de plus de 10 ans percevant au plus 110 % du SMIC ;

- les couples avec deux enfants de moins de 10 ans percevant au plus 92 % du SMIC.

A contrario, ce seuil exclut du champ de l'aide à la protection complémentaire en matière de santé :

- les bénéficiaires du minimum vieillesse lorsqu'ils perçoivent une aide au logement ;

- les personnes seules bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés dès lors qu'elles disposent du complément autonomie.

2 ème PARTIE : IMPACT INSTITUTIONNEL, JURIDIQUE ET
ADMINISTRATIF DE LA RÉFORME

2.1. LA LEGISLATION ACTUELLE

2.1.1. L'assurance maladie


La couverture maladie de la population résidant en France est aujourd'hui assurée par les deux dispositifs suivants :

- Les régimes obligatoires de sécurité sociale

Les personnes qui travaillent ou sont membres de la famille d'un travailleur sont affiliées ou rattachées à ces régimes en fonction de leur statut professionnel ou familial. Les critères d'affiliation ou de rattachement ont été progressivement étendus tant du point de vue professionnel (affiliation des chômeurs aussi longtemps qu'ils sont à la recherche d'un emploi), que familial (rattachement du concubin puis de la personne à la charge totale et permanente d'un assuré).

- Le régime de l'assurance personnelle

En 1978 a été posé le principe de généralisation de la sécurité sociale. Toute personne résidant sur le territoire a droit à une couverture pour le risque maladie. L'assurance personnelle, instituée à cette date et dont la gestion a été confiée aux caisses du régime général, couvre les personnes qui ne sont susceptibles d'être prises en charge par aucun des régimes obligatoires existants. L'entrée dans l'assurance personnelle est en principe facultative. Elle permet à la personne qui y adhère de bénéficier des prestations du régime général, moyennant le paiement d'une cotisation. Une fois entrée dans le dispositif elle ne peut théoriquement en ressortir (sauf activité professionnelle ou situation familiale qui justifie son affiliation ou son rattachement à un régime obligatoire dans les conditions du droit commun, ou encore sortie du territoire). Pour les personnes ayant des ressources insuffisantes pour payer les cotisations d'assurance personnelle, ces cotisations peuvent être prises en charge par des tiers : fonds de solidarité vieillesse (pour les personnes âgées n'ayant aucune retraite contributive), caisses d'allocations familiales (pour les personnes bénéficiaires d'une prestation familiale) et, en dernier ressort, aide médicale de l'Etat ou des départements.

2.1.2. L'aide médicale

Elle est en principe à la charge des départements, mais pour les personnes sans domicile fixe, c'est l' État qui intervient. Elle joue à deux niveaux :

* Lorsqu'elle prend en charge les cotisations d'assurance personnelle, elle permet l'affiliation à ce régime des personnes les plus démunies qui ne bénéficient d'aucune autre prise en charge. Cette intervention est de plein droit pour les titulaires du RMI, les bénéficiaires de l'allocation veuvage et les jeunes de 17 à 25 ans remplissant les conditions de ressources et de résidence du RMI. L'affiliation des titulaires du RMI à l'assurance personnelle est automatique s'ils ne relèvent pas à un autre titre d'un régime de sécurité sociale obligatoire. Hormis les cas d'admission de plein droit (RMI, allocation veuvage, jeunes de 17 à 25 ans), les autres catégories de bénéficiaires sont admises après enquête sociale et en fonction de critères propres à chaque département.

Les barèmes de ressources utilisés ne sont pas toujours connus et, lorsqu'ils le sont, on constate qu'ils sont variables d'un département à un autre. La situation des bénéficiaires est réexaminée chaque année.

* L'aide médicale assure par ailleurs le tiers payant et la prise en charge de tout ou partie des dépenses restant à la charge des assurés démunis qu'ils soient assurés d'un régime professionnel ou adhérents à l'assurance personnelle. Cette prise en charge est de plein droit pour les titulaires du RMI et de l'allocation veuvage. Pour ceux-ci elle couvre l'intégralité du ticket modérateur et du forfait journalier. Au-delà, les départements ont la faculté de prendre également en charge les dépassements des tarifs de sécurité sociale pour les soins dentaires, l'optique ou l'appareillage. Ils le font dans des conditions diverses. Pour les autres catégories de bénéficiaires (dont les jeunes de 17 à 25 ans remplissant les conditions de ressources et de résidence du RMI), les conditions d'intervention varient selon les départements (barèmes de ressources, quantum des dépenses prises en charge...).

Les étrangers en situation irrégulière et qui ne peuvent donc relever d'un régime de sécurité sociale, ont accès à l'aide médicale pour les soins hospitaliers sans aucune condition de durée de résidence en France et à l'aide médicale pour les soins hospitaliers et les soins de ville s'ils résident en France de manière ininterrompue depuis au moins trois ans.

Le système actuel que l'on vient de décrire sommairement appelle les observations suivantes.

* Il ne permet pas à l'ensemble de la population de disposer d'une couverture sociale de base :

- l'assurance personnelle est un régime à caractère facultatif (sauf pour les titulaires du revenu minimum d'insertion admis à l'aide médicale) ; il soumet les personnes à bas revenus à une cotisation minimale très élevée lorsqu'ils ne peuvent bénéficier d'une prise en charge de celle-ci ;

- en dehors des salariés, les assurés qui ne sont pas à jour de leurs cotisations voient leur droit aux prestations en nature suspendus, alors que ce non paiement provient essentiellement de difficultés financières des intéressés.

* Le mécanisme d'admission à l'aide médicale oblige les demandeurs à des démarches complexes dans la mesure où interviennent les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale notamment pour l'instruction des demandes, les départements pour les décisions d'admission et les caisses primaires d'assurance maladie pour l'exercice effectif du droit aux prestations d'assurance maladie.

* L'admission à l'aide médicale repose (en dehors des cas d'admission de plein droit) sur l'appréciation des ressources du demandeur, très inégale selon les départements: parmi les départements qui ont fixé un barème départemental d'admission à l'aide médicale, quarante l'ont fixé au niveau du revenu minimum d'insertion, vingt-trois l'ont fixé à un niveau supérieur pour une admission totale, cinquante (dont dix parmi les vingt-trois précités) l'ont fixé à un niveau supérieur pour une admission partielle (une partie des prestations ou une fraction des dépenses de soins).

2.2. L'APPORT DE LA REFORME

La réforme envisagée procède à trois grandes séries de modifications :

- L'assurance personnelle est supprimée et un dispositif d'affiliation sur critère de résidence est créé.

- L'aide médicale départementale disparaît et un dispositif nouveau, inscrit au livre VIII du code de la sécurité sociale, est créé. Il s'agit d'une prestation de solidarité nationale, financée par l'État et les organismes complémentaires, par l'intermédiaire d'un fonds au statut d'établissement public.

- L'aide médicale d'Etat est rénovée.

2.2.1. Suppression de l'assurance personnelle et création d'un dispositif d'affiliation sur critère de résidence.

Les conséquences de la réforme pour ses bénéficiaires réside dans l'effectivité et la continuité du droit.

La suppression de l'assurance personnelle simplifie les démarches. Alors qu'un salarié est affilié, grâce à des procédures gérées par son entreprise, à un régime de sécurité sociale, sans qu'il ait de formalités à accomplir, l'assuré personnel devait s'adresser à une caisse primaire d'assurance maladie pour l'affiliation et à un centre communal ou intercommunal d'action sociale ou à une caisse d'allocations familiales pour la prise en charge de ses cotisations.

Afin que personne ne puisse être sans droit à l'assurance maladie, la couverture maladie, assurée par les régimes obligatoires (régime général, régime agricole, régime des non salariés non agricoles) devient obligatoire. Il ne pourra plus y avoir ni refus d'affiliation, ni exclusion, ni suspension des droits aux prestations en nature maladie.

Ainsi, toute personne qui aujourd'hui ne bénéficie pas d'une couverture obligatoire sera affiliée selon les principes suivants :

A) Principe d'immédiateté, dès le dépôt de sa demande.

B) Principe d'automaticité :

- elle devra fournir uniquement sa carte d'identité ou sa carte de séjour (pour les étrangers),

- elle pourra présenter sa demande à partir des services sociaux du départements ou de la commune ou d'une association agréée. Elle pourra également s'adresser au guichet des CPAM, sans avoir à rechercher préalablement de quel régime elle relève,

- la CPAM servira les prestations en nature dès le dépôt de la demande,

- elle fera ensuite les recherches nécessaires pour savoir de quel régime relève le demandeur,

- si le demandeur ne remplit aucune des conditions socio-professionnelles traditionnelles pour être affilié à un régime obligatoire 29( * ) , il sera maintenu au régime général au seul titre de sa résidence régulière.

C) Principe de continuité des droits :

Aucun organisme ne pourra cesser de verser les prestations s'il ne s'est pas assuré au préalable que l'assuré bénéficie des prestations d'un autre régime ou d'un autre organisme.

Pour l'ensemble de ces démarches les assurés sociaux peuvent confier leur dossier aux services sociaux publics, aux associations caritatives ou aux établissements de santé, habilités à accomplir à leur place les formalités nécessaires.

Les personnes qui n'ont pas de domicile fixe pourront élire domicile auprès d'un organisme agréé à cet effet.

2.2.2. Création d'une couverture complémentaire dans le cadre de la couverture maladie universelle.

S'il appartient aux caisses d'assurance maladie de délivrer le droit proprement dit, ce droit pourra être mis en oeuvre par ces caisses et les trois catégories d'organismes d'assurance complémentaire, dans le cadre de leurs législations respectives. Ces derniers offriront ainsi un dispositif de droit commun à une population jusqu'ici régie par des règles spécifiques.

Instruction de la demande par les caisses d'assurance maladie

Le régime d'assurance maladie dont relève l'assuré instruira la demande de couverture complémentaire CMU, dans laquelle le demandeur indiquera ses ressources.

En cas d'urgence sanitaire ou sociale, le directeur d'une caisse d'assurance maladie pourra accorder sans délai le bénéfice du droit à protection complémentaire en matière de santé.

Ce surcroît de tâches implique un effort de formation et d'adaptation du personnel. Les organismes pourront y faire face grâce à l'allégement des travaux liés à la saisie des feuilles de soins, par suite de l'implantation du système informatique SESAM.

Liberté de choix du bénéficiaire pour l'organisme servant les prestations

Pour le service des prestations, les bénéficiaires auront le choix entre la caisse de sécurité sociale ou l'adhésion à une mutuelle, une institution de prévoyance ou une compagnie d'assurance

Lors du dépôt de sa demande, une liste des organismes participant au dispositif sera remise au bénéficiaire.

Il pourra adhérer à une mutuelle ou souscrire un contrat par correspondance,

L'adhésion ou le contrat prendra effet dès réception.

Le bénéficiaire étant dispensé de toute avance de frais, c'est donc le professionnel de santé qui recevra les paiements.

Garanties en faveur des bénéficiaires

Les organismes inscrits sur la liste seront tenus d'accepter la désignation dont ils seront l'objet de la part d'un titulaire du droit à protection complémentaire.

Les modalités d'expiration du droit à la protection complémentaire sont aménagées pour éviter que le bénéficiaire ne connaisse de trop grandes difficultés ; l'organisme assureur auquel il aura été lié devra lui proposer pour une durée d'un an un contrat analogue, à un tarif qui sera encadré pour le rendre financièrement accessible.

Les personnes qui, avant de bénéficier de la protection complémentaire en matière de santé, étaient titulaires d'une protection complémentaire de droit commun peuvent obtenir de plein droit soit la résiliation de leur garantie initiale, soit sa transformation en une garantie conforme aux dispositions de la présente loi.

2.2.3. La rénovation de l'aide médicale de l'État

Le périmètre d'intervention de l'aide médicale de l'État est reconfiguré afin de permettre la prise en charge des populations suivantes.

* Les étrangers résidents en situation irrégulière. Les nouvelles dispositions conservent à l'identique les dispositions issues de la loi du 29 juillet 1992 et la loi du 24 août 1993. L'admission à l'aide médicale d'Etat est prononcée par le Préfet. La gestion de la prestation est confiée aux organismes de sécurité sociale, dans le cadre d'une convention État - caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.

* Les non résidents, principalement les Français de l'étranger confrontés à des situations exceptionnelles. Ils sont admis à l'aide médicale de l'État sur décision du ministre chargé des affaires sociales : il peut s'agir d'opérations humanitaires ou de rapatriements de Français de l'étranger dans des situations de conflits ou de pathologies graves. La loi donne ainsi un cadre juridique à des opérations ponctuelles.

3 ème PARTIE : IMPACT FINANCIER

3.1. - LE CONSTAT

Le financement de l'assurance maladie pour les personnes qui ne relèvent pas d'un régime au titre des critères traditionnels d'affiliation est actuellement assuré par les cotisations d'assurance personnelle, qui sont pour l'essentiel prises en charge par des financeurs publics. Les crédits d'aide médicale des départements et de l'Etat financent les cotisations d'assurance personnelle prises en charge par ces institutions, ainsi que la couverture complémentaire dans certains cas.

3.1.1. Les cotisations d'assurance personnelle

Les montants consacrés à l'assurance personnelle en 1997 sont les suivants :

 
 

Millions F.

Millions Euros

Cotisations des personnes relevant de l'aide médicale

 
 
 
 

--- à la charge des conseils généraux

3766

574

 

--- à la charge de l'Etat(1)

285

43

 

--- à la charge des CAF

2386

364

 

--- à la charge du FSV

610

93

Personnes acquittant leurs cotisations

 

440

67

 
 
 
 

Total cotisations d'assurance personnelle

 

7487

1141

(1) y compris pour les bénéficiaires de l'API

3.1.1.1. La cotisation d'assurance personnelle

La cotisation d'assurance personnelle est calculée en pourcentage du revenu passible de l'impôt, son montant ne pouvant être inférieur à 12 723 F par an (1940 euros). Pour certaines catégories d'assurés, la cotisation est forfaitaire, pour les personnes âgées de moins de 27 ans, elle est de 1300 francs (198 euros).

3.1.1.2. La cotisation est, pour l'essentiel, prise en charge par des organismes tiers.

91% des assurés personnels voient leur cotisation prise en charge, soit environ 590 000 personnes.

Cette prise en charge, sous condition de ressources, est effectuée:

- par les conseils généraux (ou l'Etat pour les personnes sans résidence stable) au titre des bénéficiaires de l'aide médicale titulaires du RMI et non titulaires du RMI, soit environ 400 000 assurés; s'agissant de l'aide médicale hors RMI, le niveau du barême de revenus pour la prise en charge varie en fonction des départements, participant d'une disparité dans l'accès aux soins;

- par la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) pour les titulaires de prestations familiales, y compris les bénéficiaires du RMI titulaires de prestations familiales, soit environ 140 000 assurés,

- par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) au titre de la perception du minimum vieillesse, soit environ 50 000 personnes.

Le tableau ci-après récapitule les effectifs concernés par nature de prise en charge

Prise en charge des cotisations d'assurance personnelle (métropole et DOM)

Organisme compétent pour la prise en charge

Populations concernées

Effectif d'assurés au

1er semestre 1998

(source CNAMTS)

Conseils généraux

Bénéficiaires de l'aide médicale *

(Rmistes et non Rmistes)

374 078

Etat

Bénéficiaires de l'aide médicale *

sans résidence stable (Rmistes et non Rmistes)

29 618

CNAF

Titulaires de PF (Rmistes et non * Rmistes)

Bénéficiaires de l'API*

136 534

(chiffre ne comprenant pas les bénéficiaires de l'API)

FSV

Bénéficiaires du minimum vieillesse*

47 014

Total

 

587 244

(*) dépourvus de couverture maladie à un autre titre dans un régime obligatoire

3.1.1.3. - Les assurés personnels acquittant eux-mêmes leur cotisation

Cette population représente 57 000 personnes. Sur celles-ci, 23 000 s'acquittent de la cotisation minimale et 6 000 sont redevables d'une cotisation proportionnelle à leur revenu.

Une enquête menée par la CNAMTS montre que 90 % des assurés personnels, s'acquittant eux-mêmes de leur cotisations disposent d'un revenu inférieur à 170 000 francs (25 916,3 euros) et que 50% se situent à un niveau de revenu inférieur à ce montant. Les cas de personnes disposant de revenus importants sont rares.

Le tableau ci-après récapitule les effectifs concernés selon le mode de calcul de la cotisation:


Assurés personnels acquittant eux-mêmes leur cotisation

Effectifs au 1er semestre 1998

(France métro et DOM)

Cotisation minimale ( 12723 F/an)

23 263

Cotisation calculée en fonction du revenu

6 149

Cotisation maximale ( 104576 F/an)

3 006

Cotisation forfaitaire

Elèves de l'enseignement secondaire ou des établissement d'enseignement agréés, agés de - de 26 ans (1050 F/an)

Jeunes de - de 27 ans (1300 F/an)

Elèves étrangers titulaires d'une bourse de leur Gouvernement (6 362 F/an)

Travailleurs frontaliers (12 723 F/an)

Divorcés pour rupture de la vie commune (12 723 F/an)

24 610

Total

57 028

3.1.2. Les crédits d'aide médicale

* Les crédits d'aide médicale des départements se montaient en 1997 à 9,145 milliards de francs, ainsi répartis :


 
 

Millions F.

Millions Euros

 
 
 
 

Aide médicale générale

 

7977

1216

Insertion des bénéficiaires du RMI

 

724

110

Aide médicale aux malades mentaux

 

169

26

Aide sociale aux enfants

 

257

39

Divers

 

18

3

 
 
 
 

Total

 

9145

1394

Parmi ces crédits, 3,766 milliards de francs (574 millions d'euros) financent la prise en charge de cotisations d'assurance personnelle.

* Les crédits d'aide médicale de l'Etat se montaient en 1997 à 807 millions de francs (123 millions d'euros), dont 285 millions de francs (43 millions d'euros) pour la prise en charge de cotisations d'assurance personnelle.

3.2. LES MODIFICATIONS DANS LES CIRCUITS DE FINANCEMENT

La réforme envisagée modifie profondément ce dispositif de financement.

Elle met un terme aux relations financières parfois complexes entre les organismes de sécurité sociale et les tiers financeurs, notamment les conseils généraux, ceux-ci considérant en effet que bon nombre d'affiliations sont prononcées à tort et contestant les montants facturés.

Ces difficultés, génératrices de dysfonctionnements qui, in fine, pouvaient s'avérer préjudiciables aux intéressés sont écartées.

3.2.1. La suppression des prises en charge de cotisations d'assurance personnelle est neutralisée par l'affectation de recettes nouvelles à la CNAMTS

Avec la suppression de l'assurance personnelle, la population concernée est prise en charge par le régime général sans cotisations en contrepartie -à l'exception de la cotisation d'une partie des personnes affiliées sur critère de résidence, dont le rendement devrait être faible-. La perte de recettes pour la CNAMTS est compensée par un recyclage des sommes actuellement consacrées par la CNAF, le FSV, l'Etat et les départements à la prise en charge des cotisations.

Ces recyclages reposent sur les opérations suivantes :

- transfert de 28 % des prélèvements sociaux sur revenus du patrimoine et produits de placements, pour le transfert entre la CNAF et la CNAMTS ;

- transfert de 5 % des droits de consommation sur les alcools, pour le transfert entre le FSV et la CNAMTS ;

- affectation d'une fraction du rendement de droits de consommation sur le tabac, pour la compensation de la perte des cotisations à la charge des conseils généraux et de l'Etat.

Seul reste à la charge de la CNAMTS le coût résultant du moindre rendement de la cotisation au régime de résidence, évalué à 270 millions de francs (41 millions d'euros).

3.2.2. La suppression de la prise en charge du déficit de l'assurance personnelle est neutralisée par la suppression de la répartition du produit de la cotisation sur les véhicules terrestres à moteur

Les autres régimes d'assurance maladie prennent actuellement en charge une fraction du déficit de la section comptable " assurance personnelle " du régime général. La suppression de l'assurance personnelle entraîne mécaniquement la perte de cette ressource pour la CNAMTS. Cette perte est compensée par l'affectation de l'ensemble du produit de la cotisation sur les véhicules terrestres à moteur, qui était jusqu'alors réparti entre les mêmes régimes.

La différence entre ces deux opérations se traduit par une légère charge supplémentaire pour les autres régimes (200 MF) et finalement par un accroissement des subventions de l'Etat à ceux-ci.

3.2.3. Les crédits d'aide médicale des départements sont transférés à l'Etat

Avec la suppression de l'aide médicale à la charge des départements, l'ensemble de crédits correspondants - à l'exception des dépenses de fonctionnement - fait l'objet d'un transfert à l'Etat sur la base des dépenses réelles. Ces dépenses sont évaluées sur la base des comptes administratifs de 1997, actualisés par indexation sur la dotation générale de fonctionnement. Elles font l'objet d'un abattement forfaitaire de 5 %, pour tenir compte des affiliations à l'assurance personnelle mises à tort à la charge des départements.

Le montant des sommes ainsi transférées à l'Etat est évalué à 8,69 milliards de francs (1,32 milliard d'euros). Ce transfert prend la forme d'une diminution de la dotation générale de décentralisation.

Cette opération a un impact sur le montant des dépenses d'insertion au titre du RMI. En effet, les départements sont tenus de consacrer à l'insertion 20 % du montant des allocations RMI versées par l'Etat mais peuvent, à concurrence de 3 % sur ces 20 %, imputer leurs dépenses d'aide médicale en faveur des bénéficiaires du RMI sur les dépenses d'insertion. La suppression des dépenses d'aide médicale les prive de cette faculté. Pour prendre en compte cette situation, il est proposé de fixer à 17% du montant des allocations RMI (au lieu de 20%) le niveau de ces crédits.

3.2.4. Mise en place d'une cotisation pour les affiliés sur critère de résidence

La cotisation existant au sein du régime de l'assurance personnelle doit être reconfigurée dans le cadre de la présente réforme.

Alors que l'affiliation au régime de l'assurance personnelle est facultative, l'affiliation sur critère de résidence sera obligatoire, créant un apport d'assurés, notamment des personnes disposant de revenus modestes;

Le nouveau dispositif se devait d'autant plus de répondre aux critiques souvent émises à l'encontre du niveau de la cotisation minimale d'assurance personnelle, considéré comme un obstacle aux soins pour les personnes devant s'acquitter de la cotisation.

Aussi, les règles de calcul de la cotisation sont-elles adaptées à la situation des personnes disposant de faibles revenus pour limiter leur niveau de contributivité :

- les titulaires de minima sociaux (RMI, API, minimum vieillesse, allocation de veuvage) qui voient leur cotisation prise en charge par un tiers ne sont pas redevables de cette cotisation, leurs revenus étant affranchis de l'impôt sur le revenu en application du 9° de l'article 81 du code général des impôts;

- les bénéficiaires de la couverture complémentaire dans le cadre de la CMU seront exonérés de la cotisation.

- la cotisation au régime de résidence sera calculée proportionnellement au revenu de l'assuré, après application d'un abattement de 3500 francs (533 euros) par mois sur l'assiette de la cotisation ainsi déterminée;

- le taux, fixé actuellement à 15,9 %, sera diminué pour tenir compte de l'opération de substitution de la CSG à la cotisation salariale maladie intervenue dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

3.3. LE FONDS DE FINANCEMENT POUR LA PROTECTION COMPLEMENTAIRE DANS LE CADRE DE LA COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE.

La protection complémentaire dans le cadre de la CMU, dépassant largement le public de l'aide médicale, implique la mise en place de nouveaux circuits financiers dans lesquels sont réinjectées les sommes auparavant consacrées à la partie complémentaire de l'aide médicale par l'Etat et les départements. Un fonds assure la gestion de ce nouveau mode de financement.

3.3.1. Création d'un fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture maladie universelle

Afin de gérer la couverture complémentaire maladie des populations démunies, il est créé un fonds chargé de ses aspects financiers. Ce " fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture maladie universelle " est un établissement public national. Il est placé sous l'égide d'un conseil d'administration composé de représentants de l'Etat et d'un conseil de surveillance constitué notamment de membres du Parlement, de représentants d'associations oeuvrant dans le domaine économique et social en faveur des populations les plus démunies, des représentants des régimes obligatoires d'assurance maladie et des représentants des organismes de protection sociale complémentaire.

Cette organisation, comparable à celle du Fonds de solidarité vieillesse, lui permet de gérer de façon autonome les recettes et les dépenses destinées à la protection complémentaire de la couverture maladie universelle.

3.3.2. les ressources du fonds

Le fonds est chargé de recueillir deux types de ressources.

Il bénéficie d'une contribution nouvelle, créée par la loi, à la charge des assureurs complémentaires : mutuelles, entreprises d'assurance et institutions de prévoyance. Cette contribution, versée chaque trimestre, est assise sur le montant des cotisations et des primes concernant les frais de santé recouvrées au trimestre précédent. Le taux de cette contribution est fixé à 1,75%.

Les mutuelles, les entreprises d'assurance et les institutions de prévoyance soustraient de leur paiement trimestriel un crédit d'impôt dans la mesure où elles ont conclu des contrats relatifs à cette couverture complémentaire. Elles retranchent alors 375 francs (57,17 euros) par bénéficiaire, chaque trimestre. Cette technique leur permet d'alléger immédiatement le montant de leur contribution en fonction de leur participation active au dispositif.

Ces sommes sont recouvrées par les URSSAF pour le compte du fonds : un arrêté définira la liste des URSSAF territorialement compétentes et pourra éventuellement donner compétence à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale dans le cadre de sa mission de recouvrement direct (art. L. 225-1-1 3° du code de la sécurité sociale). Le rendement de la contribution sera fonction de l'engagement des assureurs complémentaires dans le dispositif. L'assiette étant d'une centaine de milliards de francs, le rendement maximum peut être estimé à 1,8 milliard de francs (274,41 millions d'euros). Ce rendement est nul si les assureurs complémentaires prennent en charge plus de 1,2 million de personnes.

Une dotation de l'Etat assure l'équilibre du fonds.

3.3.3. Les dépenses du fonds

Outre ses compétences d'organisme collecteur, le fonds assure, d'une part, le remboursement au franc le franc, aux organismes de sécurité sociale des sommes engagées au titre de la couverture complémentaire et, d'autre part, le versement aux assureurs complémentaires des sommes qui leur sont dues dans le cas où leur crédit d'impôt est supérieur au montant de leur contribution.

3.3.4. Rôle de contrôle et de coordination du fonds

Ses compétences d'organisme gestionnaire confèrent au fonds des missions générales de contrôle :

- directement sur toutes les dépenses correspondant aux prises en charge par les organismes de sécurité sociale et sur les sommes qu'il verse aux mutuelles, aux entreprises d'assurance et aux institutions de prévoyance. Il complète ces contrôles directs par l'exploitation des informations que lui communiquent les organismes assureurs sur l'état des dépenses et des recettes relatives à la protection complémentaire de la couverture maladie universelle.

- par délégation des organismes chargés du recouvrement, le fonds peut opérer lui-même les contrôles liés à l'application du crédit d'impôt.

Le fonds exerce également des missions de synthèse en tant que collecteur de toutes les informations tant financières que statistiques sur la protection complémentaire de la couverture maladie universelle. Il constitue à ce titre l'organe privilégié de pilotage de cette protection complémentaire.

3.3.5. Création d'associations d'organismes contribuant au fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture maladie universelle

Les mutuelles, entreprises d'assurance et institutions de prévoyance peuvent se constituer en associations mandataires pour le paiement de la contribution aux URSSAF et l'éventuelle perception d'un crédit d'impôt de la part du fonds.

Les organismes contributeurs ont, par le biais de ces associations, la possibilité de centraliser la gestion de ces aspects afin que leur participation au dispositif n'alourdisse pas leurs charges administratives. Si ces associations se substituent aux organismes membres pour l'exécution de leurs obligations, elles n'en assument pas la responsabilité. Un organisme adhérent ne peut, par exemple, se dispenser de payer sa contribution, si l'association s'est abstenue de le faire pour lui.

Dans l'hypothèse d'une adhésion à ce type d'association, les services de l'URSSAF compétente doivent en être informés. Le fonds et les URSSAF disposent de pouvoirs de contrôle sur ces associations dans les mêmes conditions que pour un contributeur direct.

3.4. L'IMPACT FINANCIER DES DIFFERENTES DISPOSITIONS

Les tableaux ci-dessous résument l'ensemble des transferts financiers liés à la réforme concernant l'Etat et le régime général.



Couverture maladie universelle : conséquences financières pour l'Etat

 
 
 
 
 
 
 

Recettes (ou moindres dépenses)

milliards F

milliards E

Dépenses (ou moindres recettes)

milliards F.

milliards E.

 
 
 
 
 
 

Diminution du coût

de l'aide médicale Etat

0,5

0,08

Subvention au fonds de financement

7,20

1,10

Diminution de dotation générale de décentralisation

8,69

1,32

Affectation d'une fraction des droits de consommation sur le tabac à la CNAMTS

3,50

0,53

 
 
 

Augmentation des subventions aux régimes d'assurance maladie

0,20

0,03

 
 
 
 
 
 

Total

9,19

1,40

Total

10,90

1,66

 
 
 

Solde

-1,71

-0,26

Couverture maladie de base : conséquences financières pour la CNAMTS

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Dépenses (ou moindres recettes)

 
 
 

milliards F.

milliards E.

 

Recettes CNAMTS

milliards F.

milliards E.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Suppression de l'assurance personnelle

 
 
 
 
 
 

Affectation d'une fraction des droits de consommation sur le tabac

3,50

0,53

 

Suppression des cotisations

 
 

7,49

1,14

 

Affectation d'une fraction du prélèvement sur patrimoine-placements actuellement affecté à la CNAF

2,70

0,41

 

Suppression de la répartition du déficit

 
 

0,57

0,09

 

Affectation d'une fraction des droits alcools actuellement affectée au FSV

0,60

0,09

Extension du champ des personnes couvertes

 
 
 

0,60

0,09

 

Cotisation à la charge des assurés

0,10

0,02

 
 
 
 
 
 
 

Affectation à la CNAMTS de l'ensemble de la cotisation sur les véhicules terrestres à moteur

0,83

0,13

Total

 
 
 

8,65

1,32

 

Total

7,73

1,18

 
 
 
 
 
 
 

Solde

-0,93

-0,14



1 Paru au Journal Officiel n° 293 du 18 décembre 1998, p. 19115.

2 Etude d'impact, tableau in fine " couverture maladie universelle : conséquence financière pour l'Etat ".

3 " Pour une couverture maladie universelle et complémentaire ", op.cit., p. 43

4 Jean 2, 1-12 (Bible de Jérusalem).

5 Audition du 10 mars 1999 Rapport AN tome I p. 36

6 On trouvera, en annexe du présent rapport, l'étude d'impact déposée par le Gouvernement
.

7 Le Sénat ayant adopté la reconnaissance du concubinage homosexuel, il a supprimé, lors de la première lecture de ce texte, cet article devenu inutile. Les droits des concubins homosexuels étant ainsi alignés sur ceux des concubins hétérosexuels, ils bénéficiaient sans délai de carence de la qualité d'ayant droit.

8 Ce qui n'est pas tout à fait exact, puisqu'il faut défalquer les droits perçus dans les deux départements de Corse, et la taxe prévue pour le BAPSA...

9 Arrêté du 29 mai 1998.

10 Compte rendu la réunion du Comité des finances locales du 17 mars 1999.

11 La lettre de l'ODAS, numéro spécial, 1 er décembre 1998.

12 Arrêt " Cattaneo c/ URSSAF de la Vienne ", publié au Bulletin de la Cour.

13 JO Débats AN, 3 ème séance du 29 avril 1999, p. 3867.

14 JO Débats AN, 3 ème séance du 29 avril 1999, p. 3868.

15 Rapport n° 73 au nom de la commission des Affaires sociales du Sénat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, M. Charles Descours, rapporteur, Tome IV, p. 98

16 Article 187-2 du code de la famille et de l'aide sociale.

17 Article 190-2 du code de la famille et de l'aide sociale.

18 Cf. les extraits de cette circulaire en annexe.

19 Rapport AN n° 1518, p. 28.

20 Etude d'impact transmise par le Gouvernement au Parlement et reproduite ne variatur . On observera que le projet de loi déposé s'intitule " portant création d'une couverture maladie universelle ".

21 Journal officiel - Lois et Décrets 6 février 1998, p. 1912 et suivantes.

22 Exploitation de l'enquête ESPS 1996 par N. Grandfils du CREDES, résultats cités dans l'étude `Santé et accès aux soins'.

23 Grandfils, N. (1997) : `Santé, soins et protection sociale 1996', CREDES n°1204.

24 Cf. étude `Santé et accès aux soins', financée en 1997 par la DSS et menée par D. Raynaud (Université de Toulouse) à partir de l'enquête Santé 1991-92 de l'Insee.

25 Cf. étude `Santé et accès aux soins'.

26 Cf. étude `Santé et accès aux soins', dépenses reconstituées par le CREDES sur l'enquête Santé 1991-92.

27 Blanpain, N. et Pan Ké Shon, J. L. (1997) : `L'assurance complémentaire maladie : une diffusion encore inégale',
Insee Première n°523.

28 Source : enquête ESPS 1996 (Credes, biblio n°1204).

29 condition d'activité salariée (ou assimilée) ou indépendante, bénéfice d'une prestation sociale qui ouvre droit aux prestations en nature d'un régime obligatoire.



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