III. DES OPÉRATEURS ÉNERGÉTIQUES À RENFORCER DANS LE NOUVEAU CONTEXTE CONCURRENTIEL

A. LE RETARD PRÉOCCUPANT DE LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE SUR LE MARCHÉ INTÉRIEUR DE L'ELECTRICITÉ

1. L'urgence de la transposition de la directive sur le marché intérieur de l'électricité

Le processus, en cours, de transposition de la directive sur le marché intérieur de l'électricité appelle les remarques suivantes.

Tout d'abord, le retard pris par le gouvernement dans la transposition de la directive - dont les dispositions auraient du être intégrées dans notre droit national avant le 19 février 1999 - expose EDF à des mesures de rétorsion de la part de ses concurrents excédés de voir l'opérateur public intervenir sur leurs marchés alors que la réciproque n'est pas encore possible ; sans parler d'une mise en demeure de la part de la Commission européenne 10( * ) , qui ne pourra que ternir l'image de la France déjà bien écornée aux yeux de ses partenaires européens.

Ensuite, on peut regretter que le gouvernement ait retenu une approche a minima de l'ouverture du marché électrique à la concurrence - 26 % de la production d'électricité sera ouverte à la concurrence alors que les deux-tiers du marché européen sont déjà libéralisés - comme le Portugal et la Grèce et à la différence de l'Allemagne, de l'Italie ou de l'Espagne qui sont allés plus loin que ce que la directive requiert.

En adoptant cette vision minimaliste et protectionniste, le gouvernement espère pouvoir mener la paradoxale tâche de se conformer aux obligations européennes en matière de concurrence tout en restant fidèle à la loi de nationalisation du 8 avril 1946 et à son corollaire, le quasi-monopole d'EDF. Ainsi fait-il naître le risque de fragiliser la position de l'opérateur public, menacé par les risques de rétorsion et les nouvelles entraves dont le texte le ligote.

Tout au plus cette excessive prudence permet-elle de prédire, sans risque excessif de se tromper, que le Parlement sera amené à légiférer de nouveau sur le sujet de la libéralisation du marché électrique dans un proche avenir pour répondre à la légitime attente des consommateurs. N'oublions pas en effet, comme le rappelle excellemment notre collègue Henri Revol dans son rapport sur le projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, que l'institution d'un marché de l'électricité actif, dans lequel se rencontrent l'offre et la demande, est la condition nécessaire de la baisse du prix de l'électricité et de l'accroissement de la qualité et de la variété de l'offre.

Il est par ailleurs permis de s'interroger sur la motivation qui a poussé le gouvernement à proposer d'étendre le statut national électrique et gazier, dit statut des " IEG ", à tous les nouveaux opérateurs. Il convient en effet de rappeler que le régime de retraite prévu par ce statut est financé par une " cotisation ouvrière " fixée à 7,85 % du salaire hors prime, et par une contribution d'équilibre automatiquement prélevée sur les entreprises électriques et gazières. En 1996, cette contribution représentait 51,47 % de la masse salariale des agents des industries concernées, et pourrait, selon le rapport Revol, atteindre près des trois quarts de la masse salariale en 2010 et près de 100 % de cette dernière en 2020. On comprend dès lors l'utilité d'accroître le nombre d'acteurs participant à l'équilibre de ce système.

Enfin, le nombre très élevé (25) de décrets d'application que prévoit le texte du projet de loi amène à s'interroger sur la nature réellement législative de ce texte dont certaines des dispositions les plus importantes sont renvoyées au pouvoir réglementaire !

Il reste à espérer que les apports du Sénat pour tenter d'organiser une réelle ouverture du marché seront maintenus in fine , afin de permettre l'ouverture du marché, seule garante de la pérennité d'un service public rénové.

2. Les facteurs de fragilité d'EDF

Il convient tout d'abord d'indiquer que la situation financière d'EDF est bonne en dépit de la légère baisse de ses résultats enregistrée en 1998. Cette diminution est due à la baisse des tarifs de l'électricité (- 2,5 %) intervenue en mai 1998 conformément au contrat d'entreprise conclu entre l'Etat et EDF pour la période 1997-2000, et en dépit de la croissance des ventes d'énergie de l'établissement.

Le tableau suivant retrace les comptes consolidés de l'entreprise :



Par ailleurs, l'endettement d'EDF a été ramené de 132,9 milliards de francs en 1996 à 122,2 milliards de francs à la fin de 1998, ce qui a permis de diminuer le montant de ses charges financières.

A l'horizon 2000, l'objectif est de ramener l'endettement autour de 100 milliards de francs.

Outre 3.122 millions de francs d'impôt sur les sociétés, EDF a versé à l'Etat une rémunération de 2.914 millions de francs dont 1.522 millions au titre de la rémunération des dotations en capital au taux de 3 % et 1.392 millions au titre de la rémunération complémentaire égale à 40 % du résultat comptable après impôt sur les sociétés, conformément au contrat d'entreprise de 1997.

Toutefois, un certain nombre de handicaps continuent de peser sur l'opérateur public. Il en est ainsi des cotisations retraite qui représentent aujourd'hui 50 % de la masse salariale d'EDF, alors que ce pourcentage est inférieur à 25 % dans le secteur privé. Elles devraient atteindre 100 % de la masse salariale en 2020 si rien n'est fait.

Par ailleurs, il convient de rappeler que l'essentiel du coût du démantèlement de SUPERPHÉNIX devrait être pris en charge par EDF . Cela représente une somme de 14,2 milliards de francs, qui, a pour l'essentiel été provisionnée au cours des années 1996 et 1997, mais qui n'en reste pas moins pénalisante pour l'opérateur à la veille de l'ouverture du marché de l'électricité.

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