CHAPITRE III TER
DISPOSITIONS INSTAURANT UN RECOURS
EN MATIÈRE CRIMINELLE

L'instauration d'un recours en matière criminelle a été la décision la plus importante prise par le Sénat à propos du présent projet de loi lors de la première lecture . Votre rapporteur, lors de la première lecture, avait en effet estimé que " le législateur peut bien renforcer les droits de la défense à l'instruction, prévoir un contrôle des gardes à vue, mieux encadrer la détention provisoire, mais tout cela est vain si notre procédure pénale demeure marquée par cette anomalie si lourde de conséquences qu'est l'absence de recours en matière criminelle ".

Votre commission se félicite que le Sénat ait été entendu et suivi sur cette question. L'Assemblée nationale a en effet approuvé la proposition du Sénat d'instaurer un recours contre une décision de cour d'assises devant une autre cour d'assises, s'attachant à en préciser utilement les modalités.

Article 21 octies
(art. 231, 296, 298, 359, 360, 362 du code de procédure pénale)
Composition de la cour d'assises

L'Assemblée nationale, tout en approuvant le principe du recours contre les décisions des cours d'assises a adopté plusieurs articles sur ce sujet.

Le présent article tend pour l'essentiel à différencier de la composition de la cour d'assises statuant en première instance et celle de la cour d'assises statuant en appel.

•  Le premier paragraphe tend à modifier l'article 231 du code de procédure pénale, qui prévoit que la cour d'assises a plénitude de juridiction pour juger les individus renvoyés devant elle par l'arrêt de mise en accusation. Il s'agit de prévoir que la cour d'assises a plénitude de juridiction en premier ressort ou en appel pour juger les personnes renvoyées devant elle par la décision de mise en accusation.

•  Le deuxième paragraphe tend à modifier l'article 236 du code de procédure pénale, qui fixe à neuf le nombre de jurés et définit les règles de remplacement des jurés.

Le texte proposé prévoit que le jury est composé de sept jurés lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et de neuf jurés lorsqu'elle statue en appel. Cette modification, que le Sénat n'avait pas proposée en première lecture, a pour objet de répondre à certaines critiques formulées contre le système de renvoi de l'affaire devant une autre cour d'assises composée de la même manière que la précédente. Il paraissait difficile à certains qu'un jury populaire voit sa décision remise en cause par un autre jury populaire comportant le même nombre de personnes.

Par ailleurs, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, entré en vigueur à l'égard de la France en 1981, prévoit que " toute personne déclarée coupable d'une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi ".

•  Le troisième paragraphe tend à modifier l'article 268 du code de procédure pénale, relatif aux récusations de jurés. Actuellement, l'accusé ne peut récuser plus de cinq jurés et le ministère public plus de quatre. Ces règles seraient maintenues en appel où le nombre de jurés serait de neuf comme actuellement. En revanche, le texte prévoit que lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et qu'elle ne comporte donc que sept jurés, l'accusé ne peut en récuser plus de trois et le ministère public plus de deux.

•  Le quatrième paragraphe tend à modifier l'article 359 du code de procédure pénale, relatif aux règles de majorité applicables pour les délibérations de la cour d'assises. Actuellement, les décisions défavorables à l'accusé doivent être prises à la majorité de huit voix sur douze. Cette règle serait maintenue lorsque la cour d'assises statue en appel. En premier ressort, la majorité requise pour prendre une décision défavorable à l'accusé serait de sept voix sur dix.

•  Le cinquième paragraphe tend à opérer une coordination dans l'article 360 du code de procédure pénale, qui prévoit que la déclaration de la cour, lorsqu'elle est affirmative, doit constater que la majorité requise a été atteinte.

•  Le sixième paragraphe tend à modifier l'article 362 du code de procédure pénale, qui prévoit notamment les règles de majorité applicables lorsque la cour d'assises statue sur la peine. Le texte prévoit notamment que le maximum de la peine privative de liberté encourue ne peut être prononcé qu'à la majorité de huit voix sur douze au moins. Cette règle serait conservée lorsque la cour d'assises statue en appel ; en revanche, la majorité nécessaire serait de sept voix sur dix lorsque la cour d'assises statue en premier ressort.

Votre commission, après en avoir longuement délibéré, a décidé d'écarter la fixation d'un nombre de jurés différent en premier ressort et en appel . Certes, cette proposition peut paraître juridiquement plus solide que le maintien du nombre actuel de jurés dans tous les cas. En effet, si une décision d'appel devait être très différente de la décision prise en premier ressort, il paraîtrait souhaitable que la cour d'assises d'appel soit composée de telle manière que sa décision ait une autorité supérieure à la décision de la cour d'assises de premier ressort.

Cependant, l'abaissement du nombre de jurés lorsque la cour d'assises statue en premier ressort aurait pour effet de diminuer le " poids " du jury populaire au sein de la cour d'assises. Votre commission n'a pas souhaité une telle évolution. Elle proposera, dans l'article suivant, que la supériorité de la juridiction d'appel soit obtenue en prévoyant que la cour d'assises d'appel sera nécessairement présidée par un président de chambre de la cour d'appel.

Votre commission vous propose donc, par un amendement , la suppression des paragraphes II à VI de cet article, relatifs au changement du nombre de jurés.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article additionnel après l'article 21 octies
(art. 244 du code de procédure pénale)
Présidence de la cour d'assises statuant en appel

Votre commission ayant décidé de ne pas modifier le nombre de jurés au sein de la cour d'assises, que celle-ci statue en premier ressort ou en appel, elle vous propose, par un article additionnel, afin de donner à la décision de la cour d'assises statuant en appel une autorité supérieure à la décision de la cour d'assises appelée à statuer en premier ressort, que la cour d'assises d'appel soit nécessairement présidée par un président de chambre de la cour d'appel. Actuellement, en effet, aux termes de l'article 244 du code de procédure pénale, la cour d'assises est présidée par un président de chambre ou par un conseiller de la cour d'appel.

Article 21 nonies A
(art. 349-1 nouveau, 356, 361-1 nouveau
du code de procédure pénale)
Questions relatives à l'irresponsabilité pénale de l'accusé

Cet article tend à préciser les conditions dans lesquelles la cour d'assises est conduite à se prononcer sur l'irresponsabilité pénale d'un accusé.

•  Le premier paragraphe tend à insérer dans le code de procédure pénale un article 349-1. Le texte proposé pour cet article prévoit que lorsque l'existence d'une cause d'irresponsabilité (trouble psychique, personne sous l'empire d'une contrainte à laquelle elle n'a pu résister, acte prescrit par la loi, légitime défense...) est invoquée comme moyen de défense, chaque fait spécifié dans le dispositif de la décision de mise en accusation fait l'objet de deux questions distinctes.

La première a pour objet de savoir si l'accusé a commis le fait en question. La seconde a pour objet de savoir s'il bénéficie pour ce fait d'une cause d'irresponsabilité pénale . Avec l'accord des parties, le président pourrait ne poser qu'une seule question concernant la cause d'irresponsabilité prévue pour l'ensemble des faits reprochés à l'accusé.

Ce dispositif doit permettre d'améliorer la situation actuelle. En effet, aucune question n'est actuellement posée en ce qui concerne la reconnaissance d'une cause d'irresponsabilité.

Dans ces conditions, lorsqu'une cour d'assises estime qu'il existe une cause d'irresponsabilité de l'accusé, elle se contente de répondre " non " à la question sur la culpabilité, ce qui est pour le moins réducteur. Il est souhaitable que la cour réponde d'abord à la question de la commission des faits pour se prononcer ensuite sur l'irresponsabilité éventuelle.

• Le deuxième paragraphe tend à opérer une coordination dans l'article 365 du code de procédure pénale, relatif au vote de la cour et du jury.

•  Le troisième paragraphe tend à insérer dans le code de procédure pénale un article 361-1, pour prévoir que, en cas de réponse positive aux questions posées sur l'éventuelle irresponsabilité pénale de l'accusé, la cour d'assises déclare celui-ci non coupable.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 21 nonies B
(art. 380-1 à 380-14 nouveaux du code de procédure pénale)
Recours contre les décisions rendues par la cour d'assises

Cet article tend à instaurer un recours contre les décisions rendues par les cours d'assises. Il s'agit d'insérer un chapitre VIII relatif à l'appel des décisions rendues par la cour d'assises en premier ressort dans le titre premier (De la cour d'assises) du livre deuxième (Des juridictions de jugement) du code de procédure pénale. Ce chapitre comporterait quatorze articles numérotés 380-1 à 380-14.

La première section de ce chapitre comporte des dispositions générales .

•  Le texte proposé pour l' article 380-1 du code de procédure pénale pose le principe de l'appel contre les arrêts de condamnation rendus par la cour d'assises. Il prévoit que l'affaire est portée devant une autre cour d'assises désignée par le président de la chambre criminelle de la cour de cassation.

Les principes définis par le Sénat en première lecture ont donc été approuvés par l'Assemblée nationale. Seuls les arrêts de condamnation peuvent donner lieu à appel, les décisions d'acquittement étant insusceptibles de recours.

•  Le texte proposé pour l' article 380-2 du code de procédure pénale pose un principe selon lequel la faculté d'appeler n'appartiendrait qu'à l'accusé. En cas d'appel de l'accusé la faculté d'appeler appartiendrait également :

- au procureur de la République ou au procureur général près la cour d'appel ;

- à la personne civilement responsable quant aux intérêts civils seulement ;

- à la partie civile, quant à ses intérêts civils seulement ;

- aux administrations publiques, dans le cas où celles-ci exercent l'action publique.

Votre commission vous propose, par un amendement , d'apporter des modifications importantes au texte proposé. Votre commission estime nécessaire de prévoir une possibilité d'appel du ministère public.

Autant il paraît souhaitable qu'une décision d'acquittement prononcée par un jury populaire ne puisse être remise en cause, autant il peut paraître logique que la contestation relative au quantum de la peine appartienne au ministère public dès lors qu'elle appartient à l'accusé.

Dans certaines situations, l'appel du procureur pourrait s'avérer indispensable. Ainsi, dans un procès comportant plusieurs accusés, si certains d'entre eux seulement font appel, il peut paraître souhaitable que le procureur fasse appel, afin que l'ensemble de l'affaire puisse être réexaminée. Dans le cas contraire, les débats d'appel risqueraient d'être tronqués, ne permettant pas dans ces conditions l'émergence de la vérité . Il est en effet tout à fait imaginable qu'un coaccusé n'ayant pas fait appel, entendu comme témoin par la cour d'assises d'appel, fasse des déclarations très différentes de celles qu'il avait faites devant la première cour d'assises.

Par ailleurs, votre commission a estimé nécessaire que la victime puisse faire appel de la décision sur l'action civile, en l'absence même de tout appel de l'accusé ou du ministère public. En première lecture, le Sénat a certes proposé que l'appel de la partie civile ne soit qu'incident. Il lui apparaît, à la réflexion, que, dès lors qu'est instauré un appel en matière criminelle, la victime doit pouvoir en bénéficier.

•  Le texte proposé pour l' article 380-3 du code de procédure pénale prévoit que la cour d'assises statuant en appel ne peut aggraver, sur son seul appel, le sort de l'accusé. Il s'agit d'un principe général, déjà posé par l'article 515 du code de procédure pénale en matière correctionnelle.

•  Le texte proposé pour l' article 380-4 du code de procédure pénale prévoit qu'il est sursis à l'exécution de l'arrêt sur l'action publique pendant les délais d'appel et durant l'instance d'appel. L'ordonnance de prise en corps continuerait cependant à produire ses effets à l'encontre d'une personne condamnée à une peine privative de liberté.

Votre commission vous propose, par un amendement , d'insérer un article additionnel après l'article 380-4 du code de procédure pénale, pour prévoir qu'en cas d'appel portant exclusivement sur l'action civile, l'appel est examiné par la chambre des appels correctionnels. Cette disposition, qui figurait dans le projet de loi portant réforme de la procédure criminelle, présenté en 1996 par M. Jacques Toubon, alors garde des sceaux, permettra d'éviter l'organisation d'un nouveau procès d'assises lorsque seuls les intérêts civils font l'objet d'un appel.

•  Le texte proposé pour l' article 380-5 du code de procédure pénale prévoit que le sort de l'appelant ne peut, sur le seul appel de l'accusé, du civilement responsable ou de la partie civile, être aggravé. Le même principe est posé en matière correctionnelle par l'article 515 du code de procédure pénale.

Le texte proposé prévoit en outre que la partie civile ne peut, en cause d'appel, former aucune demande nouvelle, mais qu'elle peut demander une augmentation des dommages et intérêts pour le préjudice souffert depuis la première décision.

Votre commission vous propose, par un amendement , qu'il soit précisé dans cet article que la partie civile, même en l'absence d'appel de la décision sur l'action civile, peut exercer devant la cour d'assises statuant en appel les droits reconnus à la partie civile. Elle pourrait en outre demander des dommages et intérêts pour le préjudice souffert depuis la première décision ainsi que le remboursement des frais d'avocat. Il paraît normal que la partie civile puisse présenter ses observations au cours du procès d'appel.

• Le texte proposé pour l' article 380-6 du code de procédure pénale prévoit qu'il est sursis à l'exécution de l'arrêt sur l'action civile pendant les délais d'appel et durant l'instance d'appel. Néanmoins, la cour pourrait ordonner l'exécution provisoire de sa décision selon le texte proposé à l'article 21 decies du projet de loi pour l'article 374 du code de procédure pénale.

•  Le texte proposé pour l' article 380-7 du code de procédure pénale prévoit que lorsque la cour d'assises statuant en premier ressort sur l'action civile a ordonné le versement provisoire, en tout ou en partie, des dommages-intérêts alloués, l'exécution provisoire peut être arrêtée par le premier président de la cour d'appel statuant en référé si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Le président de la cour d'appel pourrait subordonner la suspension de l'exécution provisoire à la constitution d'une garantie.

Par ailleurs, le président de la cour d'appel, en cas d'appel contre la décision de la cour d'assises, pourrait, en statuant en référé, accorder l'exécution provisoire lorsque celle-ci a été refusée par la cour d'assises statuant en premier ressort sur l'action civile ou lorsque l'exécution provisoire n'a pas été demandée à la cour d'assises ou celle-ci a omis de statuer. Ce régime est celui, actuellement prévu en matière correctionnelle par l'article 515-1 du code de procédure pénale.

Pour l'application de cet article, serait compétent le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle siège la cour d'assises désignée pour connaître de l'affaire en appel. Votre commission soumet un amendement tendant à rectifier une erreur matérielle.

La seconde section du nouveau chapitre du code de procédure pénale que tend à insérer le présent article concerne les délais et formes de l'appel .

•  Le texte proposé pour l' article 380-8 du code de procédure pénale prévoit que l'appel est interjeté dans le délai de dix jours à compter du prononcé de l'arrêt.

Le texte prévoit également que le délai ne court qu'à compter de la signification de l'arrêt pour la partie qui n'était pas présente ou représentée à l'audience où le jugement a été prononcé, mais seulement dans le cas où elle-même ou son représentant n'auraient pas été informés du jour où l'arrêt serait prononcé.

•  Le texte proposé pour l' article 380-9 du code de procédure pénale donne un délai supplémentaire de cinq jours aux autres parties lorsque l'accusé a fait appel pendant le délai de dix jours prévu dans le texte proposé pour l'article 380-8 du code de procédure pénale.

Votre commission vous soumet un amendement destiné à prendre en compte le fait que le ministère public et la victime pourront, hors les cas d'acquittement, interjeter appel.

•  Le texte proposé pour l' article 380-10 du code de procédure pénale permet à l'accusé de se désister de son appel jusqu'à son interrogatoire par le président lors du procès d'appel. Ce désistement rendrait caducs les appels incidents formés par le ministère public ou les autres parties.

Votre commission vous propose, par un amendement , d'apporter dans cet article une précision indispensable. Il est souhaitable que l'appel puisse être considéré caduc si l'accusé prend la fuite entre la décision de première instance et le procès d'appel. Dans le cas contraire, la personne ne pourrait jamais être jugée définitivement.

•  Le texte proposé pour l' article 380-11 du code de procédure pénale concerne les formes de l'appel. La déclaration devrait être faite au greffe de la cour d'assises ayant rendu la décision attaquée. Elle devrait être signée par le greffier et par l'appelant lui-même, par un avocat, par un avoué près la cour d'appel ou par un fondé de pouvoir spécial. Ces formalités sont les mêmes que celles prévues en matière correctionnelle par l'article 502 du code de procédure pénale.

•  Le texte proposé pour l' article 380-12 du code de procédure pénale prévoit que l'appel peut être fait au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'administration pénitentiaire lorsque l'appelant est détenu.

La troisième section du nouveau chapitre du code de procédure pénale serait consacrée à la désignation de la cour d'assises statuant en appel .

•  Le texte proposé pour l' article 380-13 du code de procédure pénale prévoit que, dès l'enregistrement de l'appel, la décision attaquée et, le cas échéant, le dossier de la procédure sont adressés au greffe de la chambre criminelle de la cour de cassation par le ministère public, avec ses observations éventuelles. Le président de la chambre criminelle de la cour de cassation devrait désigner dans le mois suivant la réception de l'appel la cour d'assises chargée de statuer en appel.

Votre commission vous soumet un amendement tendant à prévoir que la décision sera prise par la chambre criminelle elle-même, après qu'elle aura recueilli les observations écrites du ministère public et des parties ou de leurs avocats. Il convient d'éviter que la décision de désignation de la cour d'assises d'appel puisse être critiquée comme émanant d'une personne seule.

Votre commission vous soumet en outre un amendement destiné à prendre en compte la situation particulière des départements d'outre-mer, de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française. Ces territoires ne comptent qu'une cour d'assises et il est souhaitable de prévoir que la même cour d'assises, composée différemment, pourra juger les affaires en appel, faute de quoi le procès devrait se tenir dans un autre territoire, ce qui impliquerait des modalités d'organisation très complexes. Le même régime doit naturellement être prévu pour Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, qui disposent d'une juridiction spécifique, la cour criminelle à Mayotte et le tribunal criminel à Saint-Pierre-et-Miquelon.

•  Le texte proposé pour l' article 380-14 du code de procédure pénale prévoit que le président de la chambre criminelle de la cour de cassation dit qu'il n'y a pas lieu à la désignation d'une cour d'assises d'appel lorsque l'appel n'a pas été formé dans les délais prévus par la loi ou porte sur un arrêt qui n'est pas susceptible d'appel. Votre commission vous soumet un amendement de coordination.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 21 nonies
(art. 181, 186, 186-2 nouveau, 214, 215, 215-1,
272, 272-1 nouveau du code de procédure pénale)
Mise en accusation

Cet article, inséré dans le projet de loi par le Sénat en première lecture, tend à mettre fin à l'examen obligatoire du dossier par la chambre d'accusation en matière criminelle. Cet examen obligatoire du dossier par la chambre d'accusation, seule compétente pour ordonner la mise en accusation d'une personne devant la cour d'assises, présente en effet moins d'intérêt dès lors qu'est instauré un double degré de juridiction.

Le texte a été modifié par l'Assemblée nationale, qui n'en a cependant pas changé l'esprit.

•  Le premier paragraphe tend à modifier l'article 181 du code de procédure pénale, qui prévoit, dans sa rédaction actuelle, que le juge d'instruction, lorsqu'il estime que les faits constituent un crime, ordonne la transmission du dossier de la procédure au procureur général près la cour d'appel, lequel doit saisir la chambre d'accusation.

Le texte proposé pour l'article 181 donne au juge d'instruction le pouvoir d' ordonner lui-même la mise en accusation devant la cour d'assises lorsqu'il estime que les faits retenus à la charge des personnes mises en examen constituent des crimes.

L'ordonnance de mise en accusation devrait contenir l'exposé et la qualification légale des faits et préciser l'identité de l'accusé. Une fois définitive, cette ordonnance couvrirait les vices de la procédure.

Le texte prévoit que le mandat d'arrêt ou de dépôt délivré contre l'accusé au cours de l'information conserve sa force exécutoire jusqu'à la comparution devant la cour d'assises, sous réserve des délais d'audiencement que le présent projet de loi tend à instituer dans son article 21 quinquies.

Votre commission vous soumet un amendement de supression de cette précision. En effet, le texte proposé prévoit que l'ordonnance de mise en accusation ordonne prise de corps contre l'accusé. Dans ces conditions, l'ordonnance de prise de corps se substituera au mandat d'arrêt ou de dépôt qui n'a donc pas à organiser sa force exécutoire.

Le texte prévoit également que l'ordonnance de mise en accusation met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire des personnes renvoyées devant la cour d'assises pour des délits connexes aux faits reprochés aux accusés. Tel est déjà le cas de l'arrêt de mise en accusation de la chambre d'accusation. Néanmoins, le juge d'instruction pourrait maintenir en détention ou sous contrôle judiciaire les personnes concernées, notamment pour éviter une pression sur les témoins, conformément aux règles posées par l'article 179 du code de procédure pénale.

L'ordonnance serait transmise avec le dossier au procureur de la République, qui serait tenu de l'envoyer sans retard au greffe de la cour d'assises.

•  Le deuxième paragraphe tend à faire figurer l'ordonnance de mise en accusation parmi celles dont la personne mise en examen peut faire appel devant la chambre d'accusation.

•  Le troisième paragraphe tend à insérer, dans le code de procédure pénale, un article 186-2 pour prévoir que la chambre d'accusation doit statuer dans les quatre mois en cas d'appel contre une ordonnance de mise en accusation, faute de quoi la personne, si elle est détenue, est remise en liberté.

•  Le quatrième paragraphe tend à modifier l'article 214 du code de procédure pénale qui prévoit que la chambre d'accusation prononce la mise en accusation devant la cour d'assises lorsque les faits retenus à la charge des personnes constituent une infraction qualifiée crime par la loi. Il s'agit de supprimer la disposition de cet article qui prévoit que la chambre d'accusation statue par un arrêt rendu dans les deux mois de l'ordonnance de transmission des pièces. Dorénavant, la chambre d'accusation statuera en cas d'appel de l'ordonnance de mise en accusation du juge d'instruction et disposera d'un délai de quatre mois pour se prononcer, conformément au texte proposé pour le nouvel article 186-2.

•  Le cinquième paragraphe concerne le contenu de l'arrêt de mise en accusation que pourrait prendre la chambre d'accusation saisie d'un appel contre l'ordonnance de mise en accusation du juge d'instruction. Cet arrêt devrait contenir l'exposé et la qualification légale des faits. Il décernerait ordonnance de prise de corps contre l'accusé et contre les personnes renvoyées pour délit connexe devant la cour d'assises.

•  Le sixième paragraphe tend à supprimer, conformément à la décision prise par le Sénat en première lecture, l'article 215-1 du code de procédure pénale, qui prévoit l'obligation pour l'accusé de se constituer prisonnier au plus tard la veille de l'audience de la cour d'assises.

•  Le septième paragraphe tend à opérer une coordination dans l'article 272 du code de procédure pénale relatif à l'interrogatoire que fait subir le président de la cour d'assises à l'accusé dans le plus bref délai après l'arrivée de ce dernier à la maison d'arrêt. Il s'agit de tenir compte du fait que l'accusé ne serait plus tenu de se constituer prisonnier la veille de l'audience.

•  Le huitième paragraphe tend à insérer dans le code de procédure pénale un article 272-1 pour tenir compte du fait que l'accusé ne sera plus contraint de se constituer prisonnier la veille de l'audience. Le texte proposé prévoit que le président de la cour d'assises fixe un jour pour interroger l'accusé. Si l'accusé ne se présentait pas, le président pourrait mettre à exécution l'ordonnance de prise de corps.

Il en irait de même, y compris pendant le déroulement de l'audience de la cour d'assises, si l'accusé se soustrayait aux obligations du contrôle judiciaire ou s'il apparaissait que sa détention était l'unique moyen d'assurer sa présence lors des débats ou du prononcé de l'arrêt. La personne pourrait, à tout moment, demander sa mise en liberté devant la cour.

Votre commission vous propose, par un amendement , de préciser que, au cours de l'audience, la mise à exécution de l'ordonnance de prise de corps est décidée par la cour et non par le seul président. Il convient en outre que cette décision, soit prise sur réquisitions du procureur ;. Il ne paraît en effet pas souhaitable que le président prenne cette décision de sa propre initiative. Enfin, il paraît nécessaire que l'incarcération puisse être ordonnée non seulement en cas de violation du contrôle judiciaire ou de risque de fuite, mais aussi en cas de pression sur les témoins ou les victimes. L'amendement tend également à permettre à la cour d'ordonner, si nécessaire, le placement de l'accusé sous contrôle judiciaire au début de l'audience.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 21 decies A
Transformation de la chambre d'accusation
en chambre d'appel de l'instruction

Pour tenir compte du fait que la mise en accusation relèvera, après l'adoption du présent projet de loi, de la compétence du juge d'instruction et non plus de celle de la chambre d'accusation, l'Assemblée nationale a décidé de donner à cette dernière l'appellation de chambre d'appel de l'instruction .

En 1995, la mission d'information de votre commission des Lois sur la présomption d'innocence et le secret de l'enquête et de l'instruction avait formulé de nombreuses propositions destinées à renforcer le rôle de la chambre d'accusation en particulier l'ouverture de fenêtres de publicité au cours de l'instruction 6( * ) . Elle avait souhaité que ce nouveau rôle de la chambre d'accusation appelée à devenir " une véritable chambre régulatrice et un organe de transparence de l'instruction " s'accompagne d'une modification de son appellation et avait proposé de l'appeler chambre de l'instruction.

La chambre d'accusation est davantage qu'une chambre d'appel. Elle est la juridiction de contrôle de l'instruction, notamment par l'intermédiaire de son président. Elle est appelée à intervenir lorsque le juge d'instruction ne répond pas à des demandes des parties, elle peut dans certains cas évoquer l'affaire elle-même.

Surtout, elle est appelée à examiner les requêtes concernant les nullités éventuelles de la procédure et ne statue pas, dans ce cas, en tant que chambre d'appel.

Dans ces conditions, votre commission vous propose, par un amendement , de retenir la dénomination de chambre de l'instruction .

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 21 decies B
(art. 183 du code de procédure pénale)
Notification

L'article 183 du code de procédure pénale concerne les règles de notification de certains actes, en particulier les ordonnances de règlement et les ordonnances de renvoi ou de transmission des pièces au procureur général. Le présent article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale, a pour objet de remplacer la référence à l'ordonnance de transmission des pièces au procureur général par une référence à l'ordonnance de mise en accusation conformément aux décisions prises à l'article 21 nonies.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 21 decies
(art. 367 et 374 du code de procédure pénale)
Mandat de dépôt décerné par une cour d'assises

En première lecture, le Sénat, sur proposition de notre collègue M. Michel Dreyfus-Schmidt, a adopté un amendement modifiant l'article 362 du code de procédure pénale pour permettre à la cour d'assises, s'il a été fait droit à une demande de mise en liberté formée par un accusé, de décerner contre lui mandat de dépôt lorsqu'elle prononce à son encontre une peine d'emprisonnement sans sursis.

L'Assemblée nationale a adopté un dispositif différent.

•  Le premier paragraphe tend à modifier l'article 367 du code de procédure pénale. Dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit que si l'accusé est exempté de peine ou acquitté, il est immédiatement remis en liberté s'il n'est retenu pour autre cause. L'Assemblée nationale a complété ce dispositif pour prévoir que l'accusé doit également être remis en liberté lorsqu'il est condamné à une peine ferme autre qu'une peine privative de liberté ou lorsqu'il est condamné à une peine ferme privative de liberté couverte par la détention provisoire.

L'Assemblée nationale a complété l'article 367 par trois nouveaux alinéas.

Le texte prévoit ainsi que, dans les autres cas que ceux visés précédemment, l'ordonnance de prise de corps est mise à exécution ou continue de produire ses effets jusqu'à ce que la durée de détention ait atteint celle de la peine prononcée.

L'Assemblée nationale a en outre prévu que l'accusé doit être remis en liberté si la cour d'assises saisie en appel n'a pas commencé à examiner l'affaire à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la date à laquelle a été interjeté l'appel . Votre commission considère qu'une telle disposition n'est guère prudente. Les cours d'assises sont actuellement surchargées et il ne paraît guère raisonnable de prévoir que les appels devront être examinés dans le délai d'un an. En outre, des précautions sont prises par le projet de loi : l'accusé sera libéré si la peine prononcée est couverte par la durée de détention provisoire déjà accomplie, aucun appel ne sera possible en cas d'acquittement. Dans ces conditions, votre commission vous propose, par un amendement , que la chambre d'accusation puisse prolonger à deux reprises, pendant six mois, le délai d'un an prévu par le présent article. Un dispositif identique a déjà été adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées en ce qui concerne les délais d'audiencement devant la cour d'assises statuant en premier ressort . Votre commission propose en outre que le délai d'un an parte à compter de la désignation de la cour d'assises d'appel et non à compter de la décision de la première cour d'assises.

Le texte proposé pour l'article 367 prévoit la possibilité pour la cour d'assises de décider la mise à exécution de l'ordonnance de prise de corps contre la personne renvoyée pour délit connexe qui n'est pas détenue au moment où l'arrêt est rendu, si la peine prononcée est supérieure ou égale à un an d'emprisonnement et que les circonstances de l'espèce justifient une mesure particulière de sûreté.

Enfin, le texte proposé permet à la cour d'assises de déclarer exécutoires par provision certaines sanctions pénales telles que la suspension de permis de conduire, la confiscation des armes, le travail d'intérêt général.

•  Le second paragraphe tend à rétablir l'article 374 du code de procédure pénale pour prévoir que la cour d'assises peut ordonner l'exécution provisoire de sa décision, si celle-ci a été demandée.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 21 undecies A
(art. 9 et 24 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945)
Application aux mineurs du recours en matière criminelle

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au cours de la deuxième lecture, tend à opérer des coordinations dans l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante pour tenir compte de l'instauration d'un recours en matière criminelle.

Il s'agit principalement de compléter l'article 24 de l'ordonnance, qui énumère les dispositions du code de procédure pénale applicables aux mineurs pour prévoir que l'ensemble des règles sur l'appel résultant des dispositions du code de procédure pénale sont applicables aux jugements du juge des enfants et du tribunal pour enfants et aux arrêts de la cour d'assises des mineurs rendus en premier ressort.

Il s'agit en outre de tenir compte, dans l'article 9 de l'ordonnance de 1945, du fait que le juge d'instruction exercera à l'avenir les compétences de la chambre d'accusation en matière de mise en accusation.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

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