Proposition de loi de MM. Jacques OUDIN, Jean-Paul AMOUDRY, Philippe MARINI, Patrice GÉLARD, Joël BOURDIN, Paul GIROD et Yann GAILLARD tendant à réformer les conditions d'exercice des compétences locales et les procédures applicables devant les chambres régionales des comptes

AMOUDRY (Jean-Paul)

RAPPORT 325 (1999-2000) - commission des lois

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Table des matières




N° 325

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 3 mai 2000

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi de MM. Jacques OUDIN, Jean-Paul AMOUDRY, Philippe MARINI, Patrice GÉLARD, Joël BOURDIN, Paul GIROD et Yann GAILLARD tendant à réformer les conditions d'exercice des compétences locales et les procédures applicables devant les chambres régionales des comptes ,

Par M. Jean-Paul AMOUDRY,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Simon Loueckhote, François Marc, Bernard Murat, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.


Voir les numéros :

Sénat : 84 (1999-2000)

Juridictions administratives.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 3 mai 2000, la commission a procédé, sous la présidence de M. Jacques Larché, président, à l'examen du rapport de M. Jean-Paul Amoudry sur la proposition de loi n° 84 (1999-2000) de M. Jacques Oudin et plusieurs de ses collègues, tendant à réformer les conditions d'exercice des compétences locales et les procédures applicables devant les chambres régionales des comptes .

M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, a souligné que la proposition de loi résultait d'une réflexion approfondie menée par un groupe de travail commun aux commissions des finances et des lois dont le rapport d'information, établi à l'issue d'un programme d'auditions qui s'était prolongé pendant huit mois, avait été adopté à l'unanimité par les deux commissions. Il a fait valoir que les conclusions du groupe de travail traduisaient le double souci de rénover, d'une part, les relations entre les élus locaux et les chambres régionales des comptes et, d'autre part, les modalités d'exercice du contrôle financier. Il a relevé que, sans remettre en cause le principe même de ce contrôle, ces conclusions prévoyaient différentes mesures destinées à le rendre conforme aux principes fondamentaux de notre droit.

Présentant l'économie de la proposition de loi qui reprend les recommandations du groupe de travail, M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, a notamment précisé qu'elle établissait un " code de bon usage " à travers une définition légale de l'objet de l'examen de la gestion. Il a fait valoir que celui-ci devait porter sur la régularité des actes de gestion et sur l'économie des moyens mis en oeuvre par rapport aux objectifs fixés, sans que ces objectifs, dont la définition relève de la responsabilité exclusive des élus, puissent eux-mêmes faire l'objet d'observations. Il a noté que les observations des chambres devraient en outre être hiérarchisées afin de constituer de véritables instruments d'aide à la gestion.

M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, a indiqué que la proposition de loi renforçait les garanties de la collectivité contrôlée, en particulier en assurant la confidentialité des documents préparatoires des chambres régionales des comptes, en prévoyant la prise en compte expresse de la réponse écrite de l'ordonnateur aux observations définitives des chambres et en reconnaissant à ces observations le caractère d'actes faisant grief susceptibles d'être déférés à la juridiction administrative. Sur ce dernier point, il a relevé que, dans une jurisprudence récente, le Conseil d'Etat avait reconnu que le rapport public de la Cour des Comptes n'était pas dépourvu de toute portée juridique, en annulant une décision juridictionnelle de la Cour au motif que l'affaire avait été précédemment évoquée dans le rapport public qui avait pris position sur la solution applicable.

Enfin, M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, a exposé que le titre III de la proposition de loi prévoyait certaines adaptations aux règles d'inéligibilité prévues par le code électoral, afin de rendre à la procédure de gestion de fait son véritable objet qui était de rétablir la règle fondamentale de séparation entre les ordonnateurs et les comptables. Il a constaté que, comme l'avaient souligné les représentants des juridictions financières entendues par le groupe de travail, les dispositions en vigueur aboutissaient à faire du juge des comptes le juge du mandat. Il a en outre relevé que par leur caractère automatique elles ne répondaient pas au principe constitutionnel de nécessité des peines tel que l'avait interprété le Conseil constitutionnel dans une décision du 15 mars 1999.

La commission soumet au Sénat dans le texte de la proposition de loi  les article 5 (définition de l'objet de l'examen de la gestion par les chambres régionales des comptes), 6 (droit d'alerte des chambres régionales des comptes sur les insuffisances des dispositions législatives et réglementaires), 7 (recommandations de la Cour des comptes sur le déroulement de la procédure d'examen de la gestion), 9 (non communication des documents provisoires des chambres régionales des comptes), 10 (présentation des conclusions du ministère public avant l'adoption des observations définitives sur la gestion), 12 (rectification d'observations définitives sur la gestion par une chambre régionale des comptes) ainsi que les articles 14 à 18 (suspension des fonctions de l'ordonnateur dans le cas de gestion de fait).

La commission a, en revanche, décidé de ne pas retenir les articles 1 er (groupement pour l'aide à la gestion des collectivités territoriales et missions juridiques départementales), et 2 à 4 (saisine pour avis de la mission juridique à l'initiative du maire, du président du conseil général ou du président du conseil régional).

La commission a par ailleurs complété l' article 8 (conditions d'application du régime de l'apurement administratif), afin de porter, d'une part, de 2.000 à 2.500 habitants pour les communes et à 10.000 habitants pour les groupements de communes le seuil de population et, d'autre part, de 2.000.000 F à 7.000.000 F le montant des recettes ordinaires en dessous desquels le régime de l'apurement administratif est applicable.

Elle a également modifié l' article 11 (réponse de l'ordonnateur aux observations définitives sur la gestion - suspension de la publication et de la communication des observations définitives sur la gestion dans la période précédant les élections) afin de préciser que le délai de " neutralité " de six mois précédant des élections pendant lequel les lettres d'observations définitives ne pourraient être publiées concernerait les élections auxquelles il doit être procédé pour la collectivité concernée.

A l' article 13 (recours pour excès de pouvoir contre une lettre d'observations définitives) la commission a précisé que ces lettres d'observations définitives étaient susceptibles de faire grief et qu'elles pouvaient être déférées devant le Conseil d'Etat.

La commission a procédé en conséquence à une nouvelle numérotation des articles de la proposition de loi, les articles 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17 et 18, devenant respectivement les articles 1 er , 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14 du texte qu'elle soumet au Sénat.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à examiner la proposition de loi n° 84 (1999-2000) de MM Jacques Oudin, Jean-Paul Amoudry, Philippe Marini, Patrice Gélard, Joël Bourdin, Paul Girod et Yann Gaillard, tendant à améliorer les conditions d'exercice des compétences locales et les procédures applicables devant les chambres régionales des comptes.

Cette proposition de loi a pour objet de donner une traduction législative aux recommandations formulées par le rapport d'information établi par notre collègue Jacques Oudin au nom du groupe de travail, présidé par votre rapporteur, commun à la commission des Finances et à la commission des Lois (" Chambres régionales des comptes et élus locaux, un dialogue indispensable au service de la démocratie locale ", Sénat, n° 520 , 1997-1998).

Constitué en avril 1997 sur l'initiative de M. le président Christian Poncelet, alors président de la commission des finances, et de M. Jacques Larché, président de la commission des Lois, ce groupe de travail s'est assigné pour mission de dresser un bilan, après quinze années de pratique, des modes d'exercice du contrôle exercé par les chambres régionales des comptes et, le cas échéant, de proposer les voies et moyens d'une rénovation des relations entre les élus locaux et les chambres régionales des comptes ainsi qu'une modernisation des modalités du contrôle financier.

Le groupe de travail a procédé pendant huit mois à l'audition des principaux acteurs concernés : les représentants des associations d'élus locaux, les représentants des juridictions financières, le ministère de l'intérieur, les comptables publics, des avocats spécialisés dans le conseil aux collectivités locales et des fonctionnaires territoriaux.

A l'issue de ce programme d'auditions, qui s'est achevé à la fin du mois de février 1998, le groupe de travail a décidé de " surseoir à statuer " afin de ne pas interférer avec la campagne en vue des élections cantonales et régionales. Cette échéance pasée, il a présenté ses observations et propositions dans un rapport rendu public à la fin du mois de juin 1998, après que cette publication eut été approuvée à l'unanimité par les commissions des Finances et des Lois .

La nécessité d'un contrôle a posteriori des collectivités locales n'est pas contestable . Il s'inscrit dans le droit fil le de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 qui dispose que " la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ". L'existence d'un contrôle financier est la contrepartie de l'autonomie et des responsabilités des collectivités locales. Il participe d'une mission de régulation de la décentralisation et constitue un facteur de transparence de la gestion publique locale.

Mais, incontestable dans son principe, le contrôle financier reste encore perfectible dans sa mise en oeuvre ou ses pratiques. Dressant un bilan complet et objectif du contrôle opéré par les chambres régionales des comptes, le groupe de travail a mis en évidence que ce bilan était contrasté et qu'en particulier la procédure d'examen de la gestion demeurait très largement imparfaite.

Les recommandations du groupe de travail ont eu pour objet de rénover les relations entre les chambres régionales des comptes et les élus locaux et de moderniser les conditions d'exercice du contrôle financier. Elles ont cherché à réunir les conditions d'un véritable dialogue entre contrôleurs et contrôlés, fondé sur un respect mutuel et sur l'application des principes fondamentaux de notre droit.

A cette fin, deux idées majeures ont inspiré ces recommandations : rénover les conditions d'exercice de l'examen de la gestion et renforcer la sécurité juridique des actes des collectivités locales.

La présente proposition de loi n'a pas d'autre ambition que de traduire au plan législatif les recommandations du groupe de travail.

Un bilan exhaustif des missions exercées par les chambres régionales des comptes ayant été dressé par le groupe de travail, le présent rapport rappellera les principales conclusions dégagées par ce dernier avant de présenter l'économie de la proposition de loi et les travaux de votre commission des Lois.

Il convient, au préalable, de souligner que la concertation étroite menée par la commission des Lois et la commission des Finances au sein du groupe de travail s'est poursuivie lors de l'examen de la présente proposition de loi qui fait l'objet, sur le rapport de M. Jacques Oudin, d'un avis de la commission des Finances.

I. RAPPEL DES PRINCIPALES CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL SUR LES CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES : LE BILAN CONTRASTE DU CONTRÔLE FINANCIER

Les chambres régionales des comptes forment avec la Cour des comptes les juridictions financières. La loi du 2 mars 1982 leur a confié trois grandes attributions :

- le jugement des comptes qui est susceptible d'appel devant la Cour des comptes et qui est la seule de leurs attributions relevant d'une fonction juridictionnelle ;

- le contrôle des actes budgétaires , qui les conduit à émettre des avis non susceptibles de recours (sauf dans le cas d'une décision déclarant une dépense non obligatoire) ;

- l'examen de la gestion des collectivités locales, lequel donne lieu à des observations qui, en l'état actuel du droit, sont réputées ne pas faire grief.

A la suite du groupe de travail, il n'est pas inutile de relever que le contrôle financier représente une spécificité française par rapport à nos partenaires européens. Si notre système de contrôle externe des finances n'est pas sans équivalent en Europe, en revanche, il demeure sans homologue, ni analogue dans sa dimension juridictionnelle.

Depuis leur création par la loi du 2 mars 1982, la mise en place de ces nouvelles institutions s'est faite par tâtonnements successifs.

Ainsi, le corps des magistrats de chambres régionales des comptes a été très largement constitué par des procédures de recrutement exceptionnel dictées par la nécessité de donner rapidement une consistance à ces nouvelles juridictions.

La " montée en puissance " de ces dernières s'est faite progressivement entre 1984 et 1990, leur budget passant au cours de cette période de 113,13 à 269,38 millions de francs pour atteindre 325,39 millions de francs en 1998.

Leur place dans la vie publique locale s'est affirmée au cours des dernières années. Les chambres régionales des comptes ont ainsi rendu, en 1997, 16 927 jugements sur les comptes des comptables publics, soit une augmentation de 6% par rapport à 1992. Elles ont, par ailleurs, émis la même année 1 314 avis budgétaires (+ 5% par rapport à 1992). Elles ont, enfin, adressé 995 lettres d'observations définitives sur la gestion (+ 22% par rapport à 1992).

L'adoption de plusieurs textes législatifs a néanmoins été nécessaire afin de préciser ou adapter le régime initial des chambres régionales des comptes, tel qu'il avait été prévu par les lois n°82-213 du 2 mars 1982 et 82-594 du 10 juillet 1982.

Ces modifications législatives ont permis de mieux affirmer les garanties de procédure pour les collectivités locales. Mais elles ont également abouti à renforcer les pouvoirs des chambres régionales des comptes et leur capacité d'investigation, en créant un déséquilibre au détriment des droits de la défense.

Les différentes étapes de ce processus d'adaptation législative du régime juridique des chambres régionales des comptes ont été détaillées dans le rapport du groupe de travail.

On rappellera, en premier lieu, que la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation a cherché à lever une confusion des genres qui résultait de la loi du 2 mars 1982, laquelle pour définir le jugement des comptes incluait la vérification du " bon emploi " des crédits, en substituant à cette notion celle d'" emploi régulier " des crédits et en instituant une procédure spécifique d'examen de la gestion.

Plusieurs autres textes ont ultérieurement eu pour effet principal de renforcer et d'étendre les compétences des chambres régionales des comptes.

La loi n° 90-55 du 15 janvier 1990 relative au financement des partis et des campagnes électorales a posé le principe de la communication à l'assemblée délibérante des observations définitives formulées par les chambres régionales des comptes dans le cadre de l'examen de la gestion des collectivités locales. Cette innovation majeure a eu pour effet de transformer ce qui devait être essentiellement conçu comme une aide à la bonne gestion en un instrument de régulation politico-médiatique.

La loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques a renforcé et précisé certaines règles de procédure applicables devant les chambres régionales des comptes, notamment en posant l'obligation de joindre le texte des lettres d'observations définitives à la convocation de la séance de l'assemblée délibérante au cours de laquelle celles-ci doivent être communiquées.

Enfin, la loi n° 95-127 du 8 février 1995 relative aux marchés publics et aux délégations de service public a renforcé les pouvoirs de contrôle des juridictions financières sur les services publics délégués.

Or ce renforcement des pouvoirs des chambres régionales des comptes n'a été qu'imparfaitement compensé par un développement des garanties de procédure dont disposent les collectivités locales.

En outre, le statut des magistrats des chambres régionales des comptes a tardé à être adapté aux missions que ces dernières ont reçu des lois de décentralisation et à leur place dans la vie publique locale. La réforme des dispositions statutaires applicables aux conseillers de chambres régionales des comptes fait désormais l'objet d'un projet de loi, qui a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, le 30 mars dernier.

Il existe aujourd'hui un certain malaise qui concerne principalement la procédure d'examen de la gestion.

Ce malaise peut s'expliquer par le déséquilibre qui affecte les relations entre les élus locaux et les chambres régionales des comptes.

Le groupe de travail a recensé les principales critiques qui sont adressées aux interventions des chambres régionales des comptes dans ce domaine. Ne contestant pas dans leur principe les missions exercées par les chambres régionales des comptes, ces critiques mettent, en revanche, en cause les conditions de mise en oeuvre des contrôles comme en témoignent les réponses à l'" enquête " conduite par l'Association des Maires de France auprès des présidents d'associations départementales des maires.

En premier lieu, la médiatisation excessive des observations provisoires que les chambres régionales des comptes peuvent être amenées à formuler sur la gestion des collectivités locales est légitimement très mal ressentie par beaucoup d'élus locaux.

En deuxième lieu une très grande insécurité juridique résulte pour les élus locaux de l'absence d'articulation entre le contrôle de légalité mis en oeuvre par les préfets et le contrôle opéré par les chambres régionales des comptes.

A la suite de différents groupes de travail, le rapport de notre collègue Michel Mercier au nom de la mission d'information sur la décentralisation, présidée par M. Jean-Paul Delevoye (" Sécurité juridique et conditions d'exercice des mandats locaux : des enjeux majeurs pour la démocratie locale et la décentralisation, n° 166, 1999-2000 ) a récemment de nouveau souligné la précarité que cette superposition des contrôles fait subir aux actes des collectivités locales.

Plusieurs griefs sont émis à l'encontre des conditions dans lesquelles l'examen de la gestion est mis en oeuvre par les chambres régionales des comptes : le très grand décalage entre les conditions d'exercice de l'action locale et la perception que peut en avoir un contrôle opéré souvent plusieurs années après les décisions prises, la crainte légitime d'une dérive du contrôle vers un contrôle d'opportunité, l'absence de critères fiables et communs, les limites de la procédure contradictoire, l'absence de procédure de recours contre les lettres d'observations définitives.

Le groupe de travail a ainsi constaté que face à l'examen de la gestion, la situation des collectivités locales apparaissait fragilisée . Des actes préparatoires et des lettres d'observations provisoires font trop souvent l'objet d'une divulgation abusive. Les lettres d'observations présentent des lacunes qui affectent leur capacité à constituer un instrument d'aide à une bonne gestion, notamment parce que les observations ne sont pas hiérarchisées.

Enfin, les conditions de mise en oeuvre de l'examen de la gestion concourent à l'insécurité juridique des actes des collectivités locales : compte tenu des délais inévitables dans lesquelles interviennent les lettres d'observations définitives, elles sont plus par nature une " photographie " d'une situation passée qu'un reflet d'une situation présente ; les divergences d'analyse entre le contrôle de légalité et les chambres régionales des comptes sont une source indéniable d'insécurité juridique et ne peuvent donc qu'être préjudiciables à la bonne gestion locale.

Animées par le double souci de " normaliser " les relations entre les chambres régionales des comptes et les élus locaux et de moderniser les conditions d'exercice du contrôle financier, les propositions formulées par le groupe de travail ont été articulées autour de deux idées majeures : rénover les conditions d'exercice de l'examen de la gestion et renforcer la sécurité juridique des actes des collectivités locales.

II. LA PROPOSITION DE LOI : RENFORCER LA SECURITÉ JURIDIQUE DES ACTES DES COLLECTIVITÉS LOCALES ET AMELIORER LES PROCEDURES APPLICABLES DEVANT LES CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES

Composée de dix-huit articles répartis dans trois titres traitant respectivement des conditions d'exercice des compétences locales et de la sécurité juridique des actes des collectivités locales (titre Ier), des procédures applicables devant les chambres régionales des comptes (titre II) et des règles d'inéligibilités prévues par le code électoral (titre III), la présente proposition de loi traduit, sur le plan législatif, les propositions du groupe de travail.

Plusieurs dispositions sont destinées à renforcer l'efficacité de la gestion locale et à assurer la sécurité juridique des actes des collectivités locales .

Tel est l'objet du titre 1er qui institue un groupement d'intérêt public d'aide à la gestion des collectivités locales (article 1er). Composé de représentants du Parlement et des collectivités locales, du comité des finances locales et de personnalités qualifiées, ce groupement serait chargé de renforcer l'information juridique et financière des collectivités locales et de répondre aux différentes interrogations des élus locaux sur la gestion de leurs collectivités. Pour l'exercice de ses missions, il lui reviendrait de mettre en place, dans chaque département, des missions juridiques. Ces missions juridiques pourraient être consultées par le maire (article 2) , le président du conseil général (article 3) ou régional (article 4), à la demande de l'organe délibérant ou pour l'exercice de leurs attributions.

Remédiant à une lacune législative, la proposition de loi définit l'objet de l'examen de la gestion .

Il est ainsi précisé que les lettres d'observations doivent faire obligatoirement référence aux textes qui auraient été méconnus et que l'examen de l'économie des moyens mis en oeuvre par rapport aux objectifs ne peut aboutir à ce que les choix effectués, qui relèvent de la responsabilité exclusive des élus, puissent eux-mêmes être critiqués. Les lettres d'observations définitives seront tenues de prendre explicitement en compte les résultats de la procédure contradictoire. Par leur structure même, elles devront tenir compte de l'importance relative des observations formulées dans la gestion globale de la collectivité (article 5).

Un " droit d'alerte " est expressément reconnu aux chambres régionales des comptes sur les insuffisances du cadre législatif et réglementaire en vigueur.

Il leur reviendra, en conséquence, de recenser dans le cadre de l'examen de la gestion, les difficultés d'application des dispositions législatives et réglementaires. Leurs constatations seront insérées dans le rapport public de la Cour des comptes (article 6).

Le titre II de la proposition de loi tend à améliorer les procédures applicables devant les chambres régionales des comptes, afin notamment de renforcer leur caractère contradictoire (articles 7 à 13).

Il renforce à cette fin la mission d'inspection, d'ores et déjà reconnue à la Cour des comptes, en prévoyant que, dans le cadre d'une procédure d'examen de la gestion, la Cour des comptes pourra être saisie des difficultés rencontrées, soit par le président d'une chambre régionale des comptes, soit par les dirigeants des personnes morales contrôlées ou par toute personne mise en cause dans les observations provisoires. La Cour pourra formuler des recommandations destinées à assurer le bon déroulement de la procédure (article 7).

En outre, la proposition de loi étend aux chambres régionales des comptes le régime de non communication des documents provisoires , d'ores et déjà en vigueur, pour les documents préparatoires d'instruction de la Cour des comptes (article 9).

Par ailleurs, elle renforce le rôle du ministère public , garant de la cohérence des procédures, au stade des observations définitives (article 10).

Dans le but de mieux affirmer le caractère contradictoire de la procédure, un délai d'un mois est donné aux dirigeants de la personne morale contrôlée afin d'apporter une réponse écrite aux observations définitives de la chambre régionale des comptes sur la gestion de cette personne morale. Cette réponse écrite sera annexée à la lettre d'observations définitives (article 11).

En outre, la proposition de loi codifie la pratique actuelle des chambres régionales des comptes tendant à éviter que des lettres d'observations sur la gestion ne puissent interférer avec une campagne électorale. Leur publication serait suspendue dans les six mois précédant l'élection (article 11).

La proposition de loi ouvre aux dirigeants des personnes morales contrôlées la faculté de demander à la chambre régionale des comptes la rectification d'observations définitives sur la gestion émises par cette dernière (article 12).

Elle reconnaît par ailleurs aux observations définitives des chambres régionales des comptes le caractère d'actes faisant grief et donc susceptibles d'être déférés au juge de l'excès de pouvoir (article 13).

Enfin, pour éviter que, d'un exercice à l'autre, les comptes d'une même collectivité soient alternativement soumis au contrôle d'une chambre régionale des comptes ou au simple apurement administratif, le seuil de 2 000 000 F prévu par la loi du 5 janvier 1988 serait indexé sur la dotation globale de fonctionnement. En cas d'évolution des recettes ordinaires inférieure à 20% par rapport à ce seuil, les modalités de contrôle des comptes applicables au cours de l'exercice précédent seraient maintenues (article 8).

Le titre III de la proposition de loi tend à préciser certaines règles d'inéligibilité prévues par le code électoral (articles 14 à 18) .

Il contient des dispositions destinées à rendre aux sanctions de la gestion de fait leur véritable objet qui est de rétablir la règle fondamentale de séparation des ordonnateurs et des comptables. A cette fin, il remet en cause le caractère automatique de l'inéligibilité en cas de gestion de fait, cette disposition conduisant la chambre régionale des comptes à être également le juge du mandat.

Il est proposé de prévoir la suspension de l'ordonnateur jusqu'à ce que la gestion de fait soit entièrement apurée.

III. LES TRAVAUX DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : L'ADOPTION DE LA PROPOSITION DE LOI

Votre commission des Lois constate que la présente proposition de loi traduit les recommandations du groupe de travail qui, formulées après des réflexions approfondies, ont fait l'objet d'un consensus lors de l'examen du rapport d'information par la commission des lois et la commission des Finances.

La traduction des propositions équilibrées du groupe de travail ne relève pas nécessairement de la voie législative. Certaines propositions justifieraient la modification de textes réglementaires applicables aux chambres régionales des comptes, notamment pour systématiser la collégialité et le contre-rapport ou encore pour améliorer certains aspects du statut des magistrats des chambres régionales des comptes.

Sur ce dernier point, votre commission des Lois a pris acte du dépôt par le Gouvernement d'un projet de loi " portant diverses dispositions statuatires relatives aux magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes et modifiant le code des juridictions financières " qui a été adopté par l'Assemblée nationale, le 30 mars dernier.

Dans le même esprit, il appartient au Gouvernement d'examiner, dans quelle mesure, les services déconcentrés de l'Etat pourraient davantage concourir à l'information juridique et financière des collectivités locales.

Plus profondément, l'émergence d'une doctrine commune aux juridictions financières permettant une harmonisation des pratiques des chambres implique l'approfondissement de la réflexion d'ores et déjà engagée au sein de la Cour des comptes.

Conformément aux orientations du groupe de travail, les dispositions de la proposition de loi sont de nature à mieux assurer la sécurité juridique des actes des collectivités locales et à promouvoir un véritable dialogue entre élus locaux et chambres régionales des comptes dans l'intérêt même du bon fonctionnement de la démocratie locale.

La définition légale de l'objet de l'examen de la gestion constitue une clarification utile qui permettra de mieux délimiter le champ d'intervention des chambres régionales des comptes dans ce domaine.

Portant sur la régularité des actes de gestion et sur l'économie des moyens mis en oeuvre par rapport aux objectifs fixés, cette définition entend prévenir expressément toute dérive vers un contrôle de l'opportunité . La définition des objectifs de la gestion locale relève, en effet, exclusivement des seuls élus, responsables devant le suffrage universel. Ces objectifs ne peuvent donc faire l'objet d'observations de la part des chambres régionales des comptes.

Dans le même esprit, le renforcement du rôle de la Cour des comptes pourra contribuer à homogénéiser les procédures mises en oeuvre par les différentes chambres régionales des comptes.

Parallèlement, le " droit d'alerte " reconnu à ces dernières sur les insuffisances des règles applicables aux collectivités locales contribuera très utilement à l'information du législateur et du Gouvernement afin de permettre la mise en oeuvre des réformes législatives nécessaires. Il sera de nature à favoriser la recherche d'une plus grande sécurité juridique des actes des collectivités locales.

En renforçant le caractère contradictoire des procédures, la proposition de loi peut tout à la fois contribuer à améliorer la qualité des observations des chambres régionales des comptes sur la gestion locale et à renforcer les garanties que les ordonnateurs sont légitimement en droit d'attendre.

Dans le même esprit, la faculté de demander la rectification des observations définitives sur la gestion et l'ouverture d'un recours devant le juge administratif à l'encontre de ces mêmes observations sont de nature à inscrire les missions des chambres régionales des comptes dans le cadre des principes généraux de notre droit.

La faculté d'intenter un recours pour excès de pouvoir à l'encontre des lettres d'observations définitives constitue le corollaire de la définition de l'examen de la gestion qui résulte de la proposition de loi. Il appartiendra, en effet, au juge administratif de veiller au respect des règles définies par le législateur.

Votre commission des Lois vous propose de préciser que les lettres d'observations définitives sont des actes " susceptibles de faire grief " et de permettre qu'elles soient déférées directement devant le Conseil d'Etat, afin que ce recours soit ouvert devant une juridiction de degré supérieur.

La clarification des critères fixant la " ligne de crête " entre l'apurement administratif et le contrôle des comptes par les chambres régionales des comptes constitue également une contribution nécessaire à la modernisation du fonctionnement des chambres régionales des comptes.

Cependant, votre commission des Lois vous suggère d'approfondir cette clarification en révisant les seuils en dessous desquels l'apurement administratif est actuellement applicable. En conséquence, le seuil de population serait porté de 2 000 à 2 500 habitants pour les communes et à 10 000 habitants pour les groupements de communes. Le montant des recettes ordinaires pris en compte passerait de 2 000 000 F à 7 000 000 F.

Votre commission des Lois a par ailleurs approuvé les dispositions du titre III relatives aux règles d'inéligibilités applicables en cas de gestion de fait. Elles permettront d'adapter ces règles au véritable objet de la gestion de fait qui est de rétablir la séparation entre l'ordonnateur et le comptable.

Votre commission des Lois a également pleinement souscrit à l'objectif des auteurs de la proposition de loi de renforcer la fonction de conseil auprès des collectivités locales ainsi que l'information juridique et financière de ces dernières.

Comme l'ont mis en évidence les réflexions du groupe de travail, cette question essentielle devra recevoir rapidement des réponses adaptées.

Votre commission des Lois a néanmoins considéré que la formule d'un groupement d'intérêt public et de missions juridiques départementales pourrait se révéler assez lourde par rapport à l'objectif poursuivi.

C'est pourquoi, elle a décidé de disjoindre de la proposition de loi les articles 1 er à 4.

* *

*

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois vous propose d'adopter la proposition de loi dans les conclusions qu'elle vous soumet.

EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS TENDANT A AMÉLIORER
LES CONDITIONS D'EXERCICE DES COMPÉTENCES LOCALES
ET À ASSURER UNE PLUS GRANDE SÉCURITÉ JURIDIQUE
AUX ACTES DES COLLECTIVITÉS LOCALES

Article 1 er
(articles L. 1251-1 et L. 1251-2 du code général des collectivités territoriales)
Groupement pour l'aide à la gestion des collectivités territoriales
et missions juridiques départementales

Cet article tend à compléter le livre II (" Organismes compétents à l'égard des collectivités territoriales et de leurs groupements ") de la première partie (" Dispositions générales ") du code général des collectivités territoriales par un titre V dont le chapitre unique institue un Groupement pour l'aide à la gestion des collectivités territoriales et prévoit la mise en place de missions juridiques départementales.

En dehors de leur mission relative au contrôle de légalité, les services de l'Etat placés sous l'autorité du préfet exercent auprès des collectivités locales une mission d'aide et de conseil qui doit être relevée. Le réseau des comptables publics assume également une mission d'expertise au bénéfice des collectivités. Selon les précisions apportées à votre rapporteur, cette mission devrait être renforcée au cours des prochaines années.

Si la fonction de conseil des services de l'Etat ne peut être ignorée, force est d'observer qu'elle peut être marquée d'une certaine ambiguïté, ces services étant souvent appelés à exercer tout à la fois cette fonction de conseil et une fonction de contrôle. En toute hypothèse, il appartient au Gouvernement d'examiner dans quelle mesure ces services peuvent davantage concourir à l'information juridique et financière des collectivités locales.

Les réflexions du groupe de travail ont également mis en évidence que l'idée de développer la mission de conseil des chambres régionales des comptes , séduisante a priori , constituait, à l'examen, une fausse bonne idée. D'une part, elle se heurte au caractère non extensible des ressources humaines dont disposent les chambres régionales des comptes. D'autre part, et surtout, la reconnaissance aux chambres régionales des comptes d'une fonction consultative au bénéfice des élus locaux aboutirait à un dédoublement fonctionnel de ces juridictions financières qui pourrait poser problème au regard de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Les auditions auxquelles le groupe de travail sur les chambres régionales des comptes a procédé ont en revanche mis en évidence la forte demande émanant des collectivités locales de pouvoir recourir à des instances de conseil autonomes dont l'objet serait de les assister dans l'exercice de leurs missions.

Telle avait été la démarche qui avait inspiré la création des agences départementales par l'article 32 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982. Codifiée à l'article L. 5511-1 du code général des collectivités territoriales, cette disposition prévoit que " le département, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale peuvent créer entre eux un établissement public dénommé agence départementale. Cette agence est chargée d'apporter aux collectivités territoriales et aux établissements publics intercommunaux du département qui le demandent une assistance d'ordre juridique ou financier. "

Comme l'a relevé le groupe de travail sur les chambres régionales des comptes, cette formule n'a pas rencontré un grand succès

L'assistance aux collectivités locales dans l'exercice de leurs missions est néanmoins assumée par diverses instances.

Les grandes associations d'élus locaux mènent à cet égard des actions tout à fait significatives qui méritent d'être soulignées. L'Association des Maires de France apporte en particulier un concours efficace aux petites communes qui ne disposent pas des moyens suffisants pour assumer des dispositifs qui leur soient propres. Les associations départementales de maires constituent des cadres fort précieux pour l'information des élus locaux. Un certain nombre de structures intercommunales assument également des missions d'aide à la décision au profit des communes membres. Il en est de même de certains centres départementaux de gestion de la fonction publique territoriale.

Dans l'esprit des auteurs de la proposition de loi, le présent article n'a nullement pour finalité de remettre en cause ces différentes initiatives mais de favoriser leur synergie. Il n'a pas non plus pour objet de concurrencer les formes privées de conseil et d'audit des collectivités locales.

L'article L. 1251-1 du code général des collectivités territoriales, inséré par l'article 1 er de la proposition de loi, crée un groupement d'intérêt public pour l'aide à la gestion des collectivités territoriales.

Constitué au niveau national, ce groupement serait composé de représentants du Parlement, des collectivités territoriales, des groupements de communes, des associations nationales d'élus locaux et du comité des finances locales. Il comprendrait également des personnalités qualifiées.

Ce groupement serait chargé de renforcer l'information juridique et financière des collectivités territoriales et de leurs groupements. Il devrait leur apporter, à leur demande, une aide à la gestion.

L'article L. 1251-2 du code général des collectivités territoriales, inséré par l'article 1 er de la proposition de loi, prévoit, pour sa part, que le groupement d'intérêt public devra créer dans chaque département des missions juridiques . Ces missions seraient chargées de répondre aux demandes d'avis des autorités territoriales et des responsables des organismes de coopération sur les conditions d'application des dispositions législatives et réglementaires ou sur des projets d'actes soumis à l'organe délibérant.

Tout en souscrivant pleinement à l'objectif poursuivi par les auteurs de la proposition de loi de renforcer la fonction de conseil auprès des collectivités locales ainsi que l'information juridique et financière de ces dernières, votre commission des Lois a estimé que la formule proposée d'un groupement d'intérêt public et de missions juridiques pourrait aparaître lourde par rapport à l'objectif poursuivi.

Elle a donc décidé de disjoindre l'article 1 er des conclusions qu'elle vous soumet.

Article 2
(article L. 2122-34-1 du code général des collectivités territoriales)
Saisine pour avis de la mission juridique à l'initiative du maire

Cet article tend à compléter la section 3 (" Attributions ") du chapitre II (" Le maire et les adjoints ") du titre II (" Organes de la commune ") du livre Ier (" Organisation de la commune ") de la deuxième partie (" La commune ") du code général des collectivités territoriales, afin de permettre la saisine pour avis, à l'initiative du maire, de la mission juridique instituée par l'article 1 er de la proposition de loi.

Il insère un article L. 2122-34-1 dans le code général des collectivités territoriales qui figurerait dans une sous-section relative aux dispositions communes aux différentes attributions du maire agissant au nom de la commune ou au nom de l'Etat.

La faculté ainsi reconnue au maire de saisir la mission juridique pourrait concerner des questions relevant de la compétence du conseil municipal. Dans ce cas, le maire solliciterait l'avis de la mission juridique à la demande de ce dernier. Elle pourrait également porter sur des sujets relevant de la compétence propre du maire (l'exercice du pouvoir de police par exemple) ou de compétences qui lui ont été déléguées par le conseil municipal. Le maire saisirait alors la mission juridique de sa propre initiative.

En vertu des dispositions de l'article L. 5211-2 du code général des collectivités territoriales, ces mêmes dispositions seraient applicables aux établissements publics de coopération intercommunale .

Pour les motifs énoncés ci-dessus (cf. commentaire de l'article 1 er ), votre commission des Lois a décidé de disjoindre l'article 2 des conclusions qu'elle vous soumet.

Article 3
(article L. 3221-11 du code général des collectivités territoriales)
Saisine pour avis de la mission juridique à l'initiative
du président du conseil général

Cet article tend à compléter le chapitre unique du titre II (" Compétences du président du conseil général ") du livre II (" Administration et services départementaux ") de la troisième partie (" Le Département ") du code général des collectivités territoriales, afin de permettre la saisine pour avis, à l'initiative du président du conseil général, de la mission juridique instituée par l'article 1 er de la proposition de loi.

A cette fin, il insère dans le code général des collectivités territoriales un article L. 3221-11 qui étend au président du conseil général les dispositions prévues par l'article 2 de la proposition de loi en ce qui concerne la commune.

Pour les motifs énoncés ci-dessus (cf. commentaire de l'article 1 er ), votre commission des Lois a décidé de disjoindre l'article 3 des conclusions qu'elle vous soumet.

Article 4
(article L. 4231-8 du code général des collectivités territoriales)
Saisine pour avis de la mission juridique à l'initiative
du président du conseil régional

Cet article tend à compléter le chapitre unique du titre III (" Compétences du président du conseil régional ") du livre II (" Attributions de la région ") de la quatrième partie (" La Région ") du code général des collectivités territoriales, afin de permettre la saisine pour avis, à l'initiative du président du conseil régional, de la mission juridique instituée par l'article 1 er de la proposition de loi.

A cette fin, il insère dans le code général des collectivités territoriales un article L. 4231-8 qui étend au président du conseil régional les dispositions prévues par l'article 2 de la proposition de loi en ce qui concerne la commune.

Pour les motifs énoncés ci-dessus (cf. commentaire de l'article 1 er ), votre commission des Lois a décidé de disjoindre l'article 4 des conclusions qu'elle vous soumet.

Article 5
(article L. 211-8 du code des juridictions financières)
Définition de l'objet de l'examen de la gestion par
les Chambres régionales des comptes

Cet article tend à compléter l'article L. 211-8 du code des juridictions financières, afin de définir l'objet de l'examen de la gestion d'une collectivité locale ou d'un établissement public par les Chambres régionales des comptes.

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 211-8 du code des juridictions financières dispose que la chambre régionale des comptes examine la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Cet examen porte également sur les sociétés, groupements ou organismes, quel que soit leur statut juridique, auxquels les collectivités territoriales ou leurs groupements apportent un concours financier supérieur à 10 000 F ou dans lesquels ils détiennent séparément ou ensemble plus de la moitié du capital ou des voix dans les organes délibérants ou exercent un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion. Il peut en outre concerner les filiales de ces établissements, sociétés ou organismes ainsi que les organismes dont la gestion n'est pas assujettie aux règles de la comptabilité publique et qui bénéficient d'un concours financier des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics.

Or, comme l'ont fait observer devant le groupe de travail plusieurs représentants des juridictions financières, tout en confiant cette mission aux chambres régionales des comptes, le législateur s'est jusqu'à présent abstenu d'en définir le contenu exact .

Comme l'a rappelé le groupe de travail sur les chambres régionales des comptes, l'article 87 de la loi du 2 mars 1982 a ouvert la voie au contrôle de gestion à travers deux dispositions. Dans sa rédaction initiale, le deuxième alinéa de cet article permettait aux chambres de s'assurer " du bon emploi des crédits, fonds et valeurs ". Le dernier alinéa du même article les habilitait à présenter aux collectivités territoriales soumises à leur juridiction " des observations sur la gestion ". Souhaitant écarter tout risque de contrôle d'opportunité, la loi du 5 janvier 1988 a, sur l'initiative du Sénat, substitué la notion d'" emploi régulier " à celle de " bon emploi ". Elle a par ailleurs confirmé la compétence des chambres pour examiner la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Le code des juridictions financières affirme donc désormais dans deux articles distincts que les chambres régionales des comptes, d'une part, vérifient la régularité des écritures comptables ( article L. 211-3 ) et, d'autre part, examinent la gestion des collectivités territoriales ( article L. 211-8 ).

Or l'absence de définition de l'objet de l'examen de la gestion a constitué une lacune de la législation en vigueur. Si la référence à la longue expérience de la Cour des comptes dans ce domaine peut expliquer le choix de ne pas opérer une telle définition, néanmoins ce choix a sous-estimé la spécificité du contrôle des chambres régionales des comptes qui s'exerce sur des ordonnateurs élus et qui fait l'objet d'une publicité susceptible d'avoir un impact considérable sur l'opinion publique. Il a en outre conduit les chambres régionales des comptes à définir elles-mêmes le contenu du contrôle de gestion et les critères sur lesquels celui-ci devait s'appuyer.

Les réflexions du groupe de travail sur les chambres régionales des comptes ont parfaitement mis en lumière que cette construction empirique et par définition éclatée entre les différentes chambres régionales des comptes était à l'origine des difficultés actuelles.

En effet, si les élus locaux ne contestent pas le principe et l'utilité d'un contrôle de gestion, nombreux sont ceux qui, en revanche, éprouvent un malaise sur les conditions dans lesquels celui-ci est exercé.

Pour autant, le groupe de travail sur les chambres régionales des comptes a, à juste titre, souligné les difficultés qui s'attachent à une définition législative de l'objet de l'examen de la gestion. Trop large, elle peut apparaître comme une habilitation générale à intervenir dans la gestion locale, solution qui heurterait les principes mêmes de la décentralisation et les dispositions de l'article 72 de la Constitution qui établit la libre administration des collectivités territoriales. Trop étroite, elle peut apparaître comme de nature à restreindre de manière anormale les missions des chambres régionales des comptes dans ce domaine.

Si ces difficultés sont réelles, le groupe de travail a néanmoins considéré qu'il était possible de synthétiser dans la loi des éléments de définition qui semblent ne pas soulever d'objections.

Tel est l'objet du présent article qui précise qu'en premier lieu, l'examen de la gestion doit porter sur la conformité des actes de gestion aux lois et règlements. A ce titre, il doit obligatoirement s'appuyer sur la référence aux textes qui auraient été méconnus.

En deuxième lieu, cet examen doit porter sur l'économie des moyens mis en oeuvre par rapport aux objectifs fixés, sans que ces derniers qui relèvent de la responsabilité exclusive des élus puissent eux-mêmes être critiqués. Cette précision doit permettre de prévenir toute dérive vers un contrôle d'opportunité qui serait inconciliable avec les principes démocratiques.

Par ailleurs, le présent article prévoit expressément que les lettres d'observations définitives doivent prendre en compte les résultats de la procédure contradictoire avec l'ordonnateur en fonction au moment où le contrôle est opéré, son prédécesseur ou tout autre personne nominativement ou explicitement mise en cause. Cette disposition sera par ailleurs confortée par l'article 11 de la proposition de loi qui permet aux dirigeants de la personne morale contrôlée d'apporter une réponse écrite aux observations définitives de la chambre régionale des comptes, cette réponse devant être annexée à la lettre d'observations définitives.

Enfin, la lettre d'observations définitives devra tenir compte de l'importance relative de ces observations dans l'ensemble de la gestion de la collectivité ou de l'établissement public. Cette exigence doit répondre aux préoccupations ressenties par beaucoup d'élus locaux face à l'absence de hiérarchisation des observations, laquelle ne permet pas de rendre compte de la réalité de la gestion de leur collectivité.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 5 devenu l'article 1 er des conclusions qu'elle vous soumet, sans modification.

Article 6
(article L. 211-9 du code des juridictions financières)
" Droit d'alerte " des chambres régionales des comptes sur
les insuffisances des dispositions législatives et réglementaires

Cet article insère dans le code des juridictions financières un article L. 211-9 qui tend à reconnaître aux chambres régionales des comptes un " droit d'alerte " sur les insuffisances du cadre législatif et réglementaire.

Au cours des auditions du groupe de travail sur les chambres régionales des comptes, de nombreux intervenants, qu'il s'agisse des magistrats des juridictions financières ou des représentants des associations d'élus locaux, ont souligné les graves conséquences qui résultaient pour les collectivités locales des insuffisances de la réglementation ou de son excessive rigidité dans certains domaines.

Afin de contribuer à une clarification et à une adaptation des réglementations applicables, le groupe de travail a demandé que soit reconnu aux chambres régionales des comptes un " droit d'alerte " du législateur, afin que ces juridictions puissent apporter leur concours dans la mise en évidence des aspects de la législation qui apparaissent comme des sources de difficultés pour les collectivités locales.

Tel est l'objet du présent article qui prévoit que, dans le cadre de l'examen de la gestion, les chambres régionales des comptes devront recenser les difficultés auxquelles les collectivités locales ou établissements publics ont été confrontés dans l'application des dispositions législatives et réglementaires.

Les constatations effectuées par les chambres seront insérées dans le rapport public de la Cour des comptes. Rappelons qu'une partie du rapport public, consacrée aux collectivités territoriales, est établie notamment sur la base des observations des chambres régionales des comptes. L'insertion des constatations effectuées par ces dernières sur les insuffisances du cadre législatif et réglementaire paraît donc particulièrement opportune pour leur assurer la publicité nécessaire.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 6 devenu l'article 2 des conclusions qu'elle vous soumet, sans modification.

TITRE II
DISPOSITIONS TENDANT A AMELIORER LES PROCEDURES APPLICABLES DEVANT LES CHAMBRES REGIONALES DES COMPTES

Article 7
(article L. 111-10 du code des juridictions financières)
Recommandations de la Cour des comptes sur le déroulement
de la procédure d'examen de la gestion

Cet article tend à compléter l'article L. 111-10 du code des juridictions financières, afin de permettre à la Cour des comptes, dans le cadre de sa mission d'inspection des chambres régionales des comptes, de formuler, si nécessaire, des recommandations sur le déroulement de la procédure d'examen de la gestion.

Dans sa rédaction actuelle issue de l'article 9 bis de la loi n° 82-594 du 10 juillet 1982, l'article L. 111-10 du code des juridictions financières charge la Cour des comptes d'une mission permanente d'inspection à l'égard des chambres régionales des comptes.

Le groupe de travail sur les chambres régionales des comptes avait notamment envisagé de renforcer cette mission dévolue à la Cour des comptes, en permettant qu'elle soit saisie des difficultés rencontrées avant l'adoption des lettres d'observations définitives.

Tel est l'objet du présent article qui ouvre la faculté de saisir la Cour des comptes au président de la chambre régionale des comptes concernée, aux dirigeants des personnes morales contrôlées ainsi qu'à tout autre personne mise en cause nominativement ou explicitement dans les observations provisoires de la chambre.

Ces difficultés pourraient concerner différents aspects de la procédure en cours : la délimitation du champ du contrôle et de la frontière entre la régularité et l'opportunité, les problèmes de forme de la lettre d'observations, la mise en perspective des aspects contrôlés avec l'ensemble de la gestion de la collectivité ou encore l'appréciation des ratios et références utilisés.

Il reviendrait à la Cour des comptes de formuler des recommandations destinées à assurer le bon déroulement de la procédure. Ces recommandations devraient s'appuyer sur un corps de doctrine dont le groupe de travail a souhaité l'émergence au sein des juridictions financières sur le contenu et la forme du contrôle de la gestion des collectivités locales.

Toutefois, la saisine de la Cour des comptes ne devra pas constituer un moyen dilatoire pour retarder la procédure en cours devant la chambre régionale des comptes. C'est pourquoi, le présent article précise que cette saisine ne suspendra pas la procédure d'examen de la gestion.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 7 devenu l'article 3 des conclusions qu'elle vous soumet, sans modification.

Article 8
(article L. 211-2 du code des juridictions financières)
Conditions d'application du régime de l'apurement administratif

Cet article tend à compléter l'article L . 211-2 du code des juridictions financières, afin de préciser les conditions d'application du régime de l'apurement administratif.

L'article L. 211-2 du code des juridictions financières prévoit actuellement que les comptes des communes dont la population n'excède pas 2 000 habitants et dont le montant des recettes ordinaires figurant au dernier compte administratif est inférieur à 2 000 000 F ainsi que ceux de leurs établissements publics font l'objet d'un apurement administratif par les comptables supérieurs du Trésor.

On rappellera que la loi du 2 mars 1982 avait initialement, d'une part, substitué pour les petites collectivités un contrôle juridictionnel assuré par les chambres régionales des comptes à l'apurement administratif et, d'autre part, procédé pour les grandes collectivités à une déconcentration du jugement des comptes de la Cour des comptes aux chambres régionales des comptes.

Cette compétence ainsi attribuée aux chambres régionales des comptes s'est très vite révélée trop lourde, les jugements rendus sur les comptes des comptables locaux passant de 9 332 en 1985 à 29 186 en 1988.

Les difficultés rencontrées à l'occasion du contrôle juridictionnel des comptes par les chambres régionales des comptes ont conduit le législateur, cinq années après l'entrée en vigueur de la loi du 2 mars 1982, à revenir au système de l'apurement administratif pour l'immense majorité des communes. Tel fut l'objet de l'article 23 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988, dont les dispositions - qui ont été rappelées ci-dessus - ont été codifiées à l'article L. 211-2 du code des juridictions financières.

Comme l'a relevé le groupe de travail sur les chambres régionales des comptes, la réforme de 1988 a opéré un rétablissement rationalisé et " surveillé " de l'apurement administratif. Les chambres régionales des comptes ont, en effet, conservé un certain nombre de pouvoirs : droit d'évocation sur l'ensemble des comptes soumis à l'apurement administratif ; examen des recours en réformation qui peuvent être engagés contre les arrêtés de décharge pris par les comptables supérieurs ; jugement sur le compte, prononçant ou non un débet, dans les cas où le comptable supérieur prend un arrêté de charge provisoire lorsque le comptable local n'a pas satisfait à une injonction.

Dans ce cadre, la réforme de 1988 a permis de décharger les chambres régionales des comptes d'un nombre important de comptes, le nombre de jugements rendus au titre du contrôle des comptes ayant été divisé par deux en trois ans (1989-1992).

Le groupe de travail sur les chambres régionales des comptes a également relevé que pour les petites communes " rétrocédées " à l'apurement administratif, le bilan de la réforme apparaissait globalement positif , en raison de l'esprit dans lequel ce contrôle a été mis en oeuvre afin qu'il soit orienté principalement vers la prévention.

Il a cependant émis une réserve portant sur le caractère figé des critères cumulatifs retenus pour fixer la " frontière " entre le jugement des comptes par les chambres régionales des comptes et l'apurement administratif des comptes confié aux comptables supérieurs du Trésor.

Ces critères ne garantissent pas une analyse pluriannuelle par le même organe des comptes d'une collectivité locale. Ils peuvent poser des problèmes d'organisation aux chambres régionales des comptes et aux comptables publics, confrontés à une incertitude sur le nombre de comptes qui seront soumis à leur examen pour une exercice donné. Ils placent les élus locaux devant la même incertitude sur les modalités de contrôle des comptes de leur collectivité.

Reprenant les suggestions du groupe de travail, le présent article prévoit en conséquence deux dispositions de nature à conforter l'apurement administratif en précisant les conditions d'application de ces critères.

D'une part, il propose d'indexer , à compter de l'exercice 2000, le seuil de 2 000 000 F pris en compte sur l'évolution de la dotation globale de fonctionnement.

D'autre part, il tend à éviter la situation des communes se trouvant transférées , d'une année sur l'autre, du système de l'apurement administratif à celui du jugement de leurs comptes par les chambres régionales des comptes et inversement. A cette fin, il précise que lorsque d'un exercice à l'autre, l'évolution du montant des recettes ordinaires figurant au dernier compte administratif par rapport au seuil de 2 000 000 F, est inférieure ou égale à 20%, les communes continueront à relever du dispositif de contrôle des comptes auquel elles étaient précédemment soumises.

Tout en souscrivant pleinement aux dispositions du présent article, votre commission des Lois a néanmoins jugé nécessaire d'approfondir la clarification des règles en vigueur en élevant le seuil de population et le seuil financier pris en compte pour l'application du régime de l'apurement administratif.

Elle vous propose, en conséquence, une nouvelle rédaction de l'article L. 211-2 du code des juridictions financières qui reprenant les dispositions du présent article, porte en outre, d'une part, de 2 000 à 2 500 habitants le seuil de population et, d'autre part, de 2 000 000 F à 7 000 000 F le montant des recettes ordinaires, en dessous desquels le régime de l'apurement administratif est applicable.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 8 devenu l'article 4 des conclusions qu'elle vous soumet, ainsi rédigé.

Article 9
(article L. 241-6 du code des juridictions financières)
Non communication des documents provisoires
des chambres régionales des comptes

Cet article complète l'article L. 241-6 du code des juridictions financières, afin d'étendre aux documents provisoires des chambres régionales des comptes la règle de non communication déjà en vigueur pour les mêmes documents de la Cour des comptes.

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 241-6 du code des juridictions financières prévoit que les propositions, les rapports et les travaux de la chambre régionale des comptes sont couverts par le secret professionnel.

L'article L. 241-5 précise pour sa part que la chambre régionale des comptes prend toutes dispositions pour garantir le secret de ses investigations.

Cependant, depuis la loi du 15 janvier 1990, qui a prévu la publicité des observations définitives des chambres régionales des comptes, les actes préparatoires du contrôle de gestion (mesures d'instruction, rapports et communications provisoires) sont soumis au régime de la communication des actes administratifs institué par la loi du 17 juillet 1978.

Ce régime contraste avec celui applicable à la Cour des comptes en application de l'article L.140-9 du code des juridictions financières.

Or le groupe de travail sur les chambres régionales des comptes a bien mis en évidence que la divulgation de documents provisoires portait préjudice tant aux collectivités locales qu'aux chambres elles-mêmes. Elle fait en particulier des observations provisoires des instruments d'une mise en cause médiatique et d'une déstabilisation politique des exécutifs territoriaux. Elle porte atteinte au rôle de régulation de l'action publique locale assumé par les chambres régionales des comptes.

Conformément à l'une des recommandations du groupe de travail, le présent article transpose aux chambres régionales des comptes les règles actuellement applicables à la Cour des comptes. En conséquence, les dispositions de la loi du 17 juillet 1978 sur la communication des documents administratifs ne seront pas applicables aux mesures d'instruction , rapports et diverses communications provisoires des chambres régionales des comptes.

On notera que l'article 7 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations a précisé que les documents des chambres régionales des comptes mentionnés à l'article L. 241-6 du code des juridictions financières (propositions, rapports et travaux) n'étaient pas considérés comme des documents administratifs au sens du titre Ier de la loi du 17 juillet 1978 qui traite de l'accès aux documents administratifs.

Il paraît complémentaire de modifier parallèlement le code des juridictions financières, d'une part, pour aligner le régime des chambres régionales des comptes sur celui de la Cour des comptes, d'autre part, afin de viser expressément les mesures d'instruction et les communications provisoires qui ne sont actuellement pas mentionnées à l'article L. 241-6.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 9 devenu l'article 5 des conclusions qu'elle vous soumet, sans modification.

Article 10
(article L. 241-14 du code des juridictions financières)
Présentation des conclusions du ministère public avant l'adoption
des observations définitives sur la gestion

Cet article tend à compléter l'article L. 241-14 du code des juridictions financières, afin de prévoir la présentation de ses conclusions par le ministère public avant l'arrêt des observations définitives sur la gestion par la chambre régionale des comptes.

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 241-14 du code des juridictions financières précise que les observations définitives sur la gestion sont arrêtées par la chambre régionale des comptes après l'audition , à leur demande, des dirigeants des personnes morales contrôlées et de tout autre personne nominativement ou explicitement mise en cause.

Cette disposition répond au souci légitime de renforcer le caractère contradictoire de la procédure.

Dans le même esprit, le présent article renforce le rôle du  ministère public pour veiller au respect et à la cohérence de la procédure avant que la chambre régionale des comptes ne délibère sur les observations définitives.

Le groupe de travail avait jugé nécessaire que la pratique du contre rapport, gage de rigueur et d'impartialité, soit systématisée. La faculté de désigner un magistrat contre-rapporteur est actuellement ouverte au président de la formation compétente, à son initiative ou à la demande du ministère public. Elle est prévue par des dispositions réglementaires ( article 34 du décret n° 95-945 du 23 août 1995) qu'il conviendrait, le cas échéant, d'aménager.

Le ministère public peut, pour sa part, jouer un rôle tout à fait essentiel dans le déroulement de la procédure d'examen de la gestion. Il peut, en effet, présenter des observations sur le respect des différentes phases de la procédure, sur le fondement juridique des critiques énoncées sur la gestion ou encore sur les suites contentieuses suggérées (gestion de fait, transmission de constatations au parquet judiciaire, saisine le cas échéant de la Cour de discipline budgétaire et financière). Ses observations sont de nature à éclairer la chambre régionale des comptes et à contribuer à améliorer la procédure d'examen de la gestion.

C'est pourquoi, il paraît opportun de systématiser la présentation des conclusions du ministère public avant le délibéré final de la chambre régionale des comptes sur la gestion d'une collectivité locale. Ces conclusions devront en particulier s'attacher à vérifier le respect des règles de procédure au cours de l'examen de la gestion. Elles pourront être communiquées à leur demande aux représentants des organismes contrôlés et à l'exécutif de la collectivité territoriale qui leur a apporté un concours financier ou qui détient une partie du capital ou une partie des voix dans leurs instances de décision.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 10 devenu l'article 6 des conclusions qu'elle vous soumet, sans modification.

Article 11
(articles L. 241-14-1 et L. 241-14-2 du code des juridictions financières)
Réponse de l'ordonnateur aux observations définitives
sur la gestion - suspension de la publication et de la communication
des observations définitives sur la gestion dans la période
précédant des élections

Cet article insère deux articles L. 241-14-1 et L. 241-14-2 dans le code des juridictions financières, afin de prévoir, d'une part, une réponse écrite de l'ordonnateur aux observations définitives sur la gestion et, d'autre part, de suspendre la publication et la communication de ces observations dans les périodes précédant des élections.

Réponse écrite de l'ordonnateur aux observations définitives sur la gestion

Le groupe de travail sur les chambres régionales des comptes a formulé un ensemble de propositions destinées à organiser à tous les stades de la procédure d'examen de la gestion, un échange d'informations entre la collectivité locale et la juridiction financière.

Au-delà de ces mesures, il a souhaité que les lettres d'observations mettent en évidence le caractère constructif de cet échange . L'ensemble de cette procédure doit, en effet, être conçue et mise en oeuvre à travers le dialogue qui s'établit entre la collectivité locale et la chambre régionale des comptes. Au terme de la procédure, la lettre d'observations définitives doit clairement faire ressortir la teneur de cet échange.

Comme l'a fort justement relevé le rapport du groupe de travail, cette évolution serait de nature à rapprocher la lettre d'observations d'une forme d'audit, ce qui contribuerait à la qualité du dialogue entre contrôleur et contrôlé ainsi qu'à la qualité de son image.

Le groupe de travail avait par ailleurs considéré que cette démarche devait être complétée par une adjonction des réponses de la collectivité locale aux observations formulées dans la lettre d'observations définitives.

Tel est l'objet de l'article L. 241-14-1 qui est inséré dans le code des juridictions financières par l'article 11 de la proposition de loi.

Les observations définitives sur la gestion ne pourraient être publiées ni communiquées à des tiers avant que l'ordonnateur et celui qui était en fonctions au cours de l'exercice examiné ou le dirigeant ou tout autre personne nominativement ou explicitement mise en cause aient été en mesure de leur apporter une réponse écrite.

Cette disposition permettra à la collectivité mise en cause de présenter publiquement son appréciation sur les conclusions de la chambre régionale des comptes, à l'image des analyses rendues publiques dans le rapport annuel de la Cour des comptes . La réponse écrite de l'ordonnateur sera annexée aux observations définitives de la chambre régionale des comptes.

Toutefois cette faculté doit être exercée dans un délai relativement court après la réception par la collectivité locale de la lettre d'observations définitives, afin de ne pas retarder la communication de ce document. C'est pourquoi, la proposition de loi fixe un délai d'un mois pour la formulation d'une réponse écrite par l'ordonnateur.

Suspension de la publication et de la communication des observations définitives sur la gestion dans la période précédant des élections

Le groupe de travail sur les chambres régionales des comptes a, à juste titre, souligné qu'il convenait d'éviter l'exploitation partisane et électoraliste des conclusions d'un examen de la gestion.

Ce faisant, il a rejoint le constat effectué par la Cour des comptes dans son rapport public pour 1996 qui a noté les difficultés qui pouvaient résulter de l'interférence entre l'envoi de lettres d'observations définitives et une période électorale. Ainsi, la Haute juridiction financière a-t-elle relevé que " la portée réelle d'observations communiquées à une date rapprochée d'une consultation pourrait faire l'objet d'interprétations de nature à fausser les conditions de l'élection ".

La Cour des comptes a précisé que " la question s'est posée de savoir s'il ne convenait pas de suspendre, pendant un certain délai, l'envoi de lettres d'observations définitives afin d'éviter que les observations de la chambre régionale des comptes ne soient exploitées dans le cadre du débat précédant l'élection ". Cependant, elle a noté " qu'aucun texte législatif ou réglementaire n'a prévu de délai de neutralité " et qu'en conséquence, les chambres (s'étaient) appliquées, de manière concertée, à respecter un tel délai ".

Tout en se félicitant de cette démarche, le groupe de travail avait néanmoins considéré que le législateur devrait lui-même définir un délai légal pendant lequel l'envoi des lettres d'observations définitives serait suspendu dans les périodes précédant une consultation électorale. Le juge financier serait ainsi libéré de la responsabilité de fixer lui-même ce " délai de neutralité ".

Tel est l'objet de l'article L. 241-14-2 qui est inséré dans le code des juridictions financières par l'article 11 de la proposition de loi.

Conformément à la recommandation du groupe de travail, le " délai de neutralité " porterait sur une période de six mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales. Ce délai correspondrait à celui fixé à l'article L. 52-1 du code électoral qui prévoit l'interdiction de toute " campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ".

Afin d'éviter que la proximité d'élections, quelle qu'en soit la nature, n'empêche la publication de lettres d'observations définitives, votre commission des Lois vous suggère de préciser que ce "délai de neutralité " s'appliquera dans un délai de six mois précédant des élections " pour la collectivité concernée ".

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 11 devenu l'article 7 des conclusions qu'elle vous soumet, ainsi rédigé.

Article 12
(article L. 243-4 du code des juridictions financières)
Rectification d'observations définitives sur la gestion
par une chambre régionale des comptes

Cet article insère un article L. 243-4 dans le code des juridictions financières, afin de permettre la rectification d'observations définitives sur la gestion par une chambre régionale des comptes, à la demande des dirigeants des personnes morales contrôlées ou de tout autre personne nominativement ou explicitement mise en cause.

Le droit à la rectification de documents administratifs a déjà été reconnu tant par le législateur que par la jurisprudence.

La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés a ainsi expressément affirmé ce droit pour les fichiers nominatifs. L'article 36 de cette loi dispose, en effet, que " le titulaire du droit d'accès peut exiger que soient rectifiées , complétées, clarifiées, mises à jour ou effacées les informations le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ou dont la collecte, ou l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite ".

La jurisprudence administrative reconnaît pour sa part un droit général à la rectification en faveur des personnes mises en cause dans un document interne à l'administration ayant fait l'objet d'une divulgation ( Conseil d'Etat, 12 février 1993, Gaillard ).

Concernant les observations formulées par une chambre régionale des comptes dans le cadre d'un examen de la gestion, le juge administratif a admis que le refus de rectifier une lettre d'observations définitives présentait le caractère d'une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir. Il a en outre spécifié qu'en vertu du principe du parallélisme des compétences, toute décision sur une demande de rectification ne pouvait être prise que par la chambre régionale des comptes statuant dans la même formation ( Tribunal administratif de Marseille, 29 avril 1997, Commune de Fos-sur-Mer ).

Le présent article donne une valeur législative à cette solution jurisprudentielle. Les dirigeants des personnes morales contrôlées pourront donc demander à la chambre régionale des comptes une rectification de ses observations définitives. La même faculté sera ouverte à toute personne mise en cause nominativement ou explicitement.

Comme l'a admis le juge administratif, ce droit à rectification ne se limitera pas à la correction de simples erreurs matérielles.

La chambre régionale des comptes statuera dans une formation collègiale , conformément à ce que prévoit le code des juridictions financières pour l'adoption des observations définitives.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 12 devenu l'article 8 des conclusions qu'elle vous soumet, sans modification.

Article 13
(article L. 243-5 du code des juridictions financières)
Recours pour excès de pouvoir contre
une lettre d'observations définitives

Cet article insère dans le code des juridictions financières un article L. 243-5 , qui reconnaît aux observations définitives sur la gestion le caractère d'actes faisant grief et susceptibles d'être déférés devant la juridiction administrative.

Le contrôle de gestion exercé par les chambres régionales des comptes ne peut actuellement entraîner aucune sanction d'ordre juridictionnel .

Ne pouvant faire l'objet d'un recours en appel devant la Cour des comptes, elles ne sont pas non plus susceptibles d'un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative.

Le juge administratif a jusqu'à présent considéré que " les observations formulées par la chambre régionale des comptes dans le cadre de l'examen de la gestion des collectivités (...) ne présentent pas, alors même qu'elles sont obligatoirement communiquées à l'assemblée délibérante de la collectivité intéressée dès sa plus proche réunion, inscrites à l'ordre du jour et jointes à la convocation adressées à chacun de ses membres , le caractère de décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir " ( Tribunal administratif de Marseille, 1 er mars 1995 , société Sernica et commune de La Ciotat ).

Cette solution a été confirmée récemment par le Conseil d'Etat ( 8 février 1999, Commune de La Ciotat ).

Le groupe de travail sur les chambres régionales des comptes a souligné que cette situation présentait un double inconvénient qui concernait, d'une part, les droits de la défense , d'autre part, l'unification des pratiques des chambres régionales des comptes.

En ce qui concerne les droits de la défense, l'absence de recours lèse les droits des ordonnateurs mis en cause et au-delà des ordonnateurs, les intérêts de la collectivité elle-même.

Depuis la loi du 15 janvier 1990, les observations définitives doivent, en effet, être communiquées par l'exécutif à son assemblée délibérante , dès sa plus prochaine réunion ( article L. 241-11 du code des juridictions financières). Dès qu'a eu lieu la première réunion de l'assemblée délibérante suivant la réception par la collectivité de ces observations elles peuvent être communiquées aux tiers ( article 120 du décret du 23 août 1995).

Par leur contenu et par la publicité qui leur est donnée, les lettres d'observations définitives sont donc susceptibles de causer un réel préjudice aux ordonnateurs concernés et à la collectivité elle-même.

L'absence de toute voie de recours ne peut donc que heurter les principes généraux de l'Etat de droit.

Par contraste, le jugement des comptes fait l'objet d'une procédure d'appel devant la Cour des comptes et de cassation devant le Conseil d'Etat.

En outre, la situation actuelle ne permet pas une unification progressive des pratiques des chambres régionales des comptes.

Le rapport du groupe de travail ayant clairement présenté les termes du débat sur l'ouverture d'une voie de recours juridictionnelle à l'encontre des observations définitives sur la gestion, votre rapporteur se bornera à rappeler que les difficultés pour instituer une procédure de recours portent principalement sur la forme des lettres d'observations qui ne sont ni des décisions juridictionnelles ni des décisions administratives. Formulées par les chambres régionales des comptes au titre de leurs attributions non juridictionnelles, elles n'ont pas pour effet de modifier l'ordonnancement juridique.

Cependant, si elles ne modifient pas immédiatement la situation juridique des personnes physiques ou morales qu'elles visent, ces observations n'en ont pas moins des effets incontestables sur les conditions d'exercice de leur mandat par les ordonnateurs, sur le déroulement des travaux de l'assemblée délibérante ou encore sur les tiers.

L'évolution de la jurisprudence administrative concernant des actes - tels que les mesures d'ordre intérieur ou les règlements intérieurs des assemblées délibérantes - longtemps considérés comme insusceptibles de recours, témoignent de l'idée simple qu'il n'est pas possible dans un Etat de droit de laisser un pouvoir sans contrôle.

Cette idée a été traduite dans la jurisprudence par le principe général du droit qui veut que tout intéressé a le droit de former un recours pour excès de pouvoir pour obtenir l'annulation d'un acte dont il conteste la légalité ( Conseil d'Etat,17 octobre 1950, Ministère de l'agriculture c/ Dame Lamotte ).

Tout récemment, le Conseil d'Etat a reconnu que le rapport public de la Cour des comptes n'était pas dépourvu de toute portée juridique en annulant une décision juridictionnelle de la Cour, au motif que l'affaire avait été précédemment évoquée dans le rapport public qui avait relevé l'irrégularité des faits ( 23 février 2000, Société Labor Metal et autres ).

En reconnaissant un droit à la rectification des observations définitives sur la gestion, le juge administratif a marqué le souci de ne pas laisser ces observations échapper à tout contrôle juridictionnel.

En précisant que ces observations ont le caractère d'actes faisant grief, le présent article parachève cette évolution. Il constitue une réponse logique à l'influence exercée par les chambres régionales des comptes sur les gestions locales.

Saisi d'un recours contre une lettre d'observations définitives, le juge administratif pourra contrôler sa légalité externe, c'est à dire, outre l'incompétence, le vice de procédure et le vice de forme, en particulier le respect des règles de la procédure contradictoire. En outre, sur le fond, même si le contrôle de la légalité interne se limitait à la seule sanction de l'erreur manifeste d'appréciation, le juge pourrait sanctionner les anomalies les plus graves qui, si elles demeurent peu nombreuses, affectent le crédit du contrôle de gestion.

Ces dispositions constituent le corollaire de la définition de l'examen de la gestion qui résulte de l'article 1 er des conclusions que votre commission des Lois vous soumet. Il reviendra, en effet, au juge administratif de veiller au respect des règles fixées par le législateur.

Votre commission des Lois vous propose de préciser que les lettres d'observations définitives sont des actes " susceptibles de faire grief " et de permettre un recours directement devant le Conseil d'Etat, afin que ce recours soit ouvert devant une juridiction de degré supérieur.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 13 devenu l'article 9 des conclusions qu'elle vous soumet, ainsi rédigé.

TITRE III
DISPOSITIONS TENDANT A PRECISER CERTAINES REGLES D'INELIGIBILITES PREVUES PAR LE CODE ELECTORAL

Article 14 et 15
(articles L. 195 et L. 205 du code électoral)
Suspension des fonctions d'ordonnateurs
en cas de gestion de fait

Les articles 14 et 15 de la proposition de loi modifient respectivement les articles L. 195 et L. 205 du code électoral, afin d'aménager certaines règles d'inéligibilités qui trouvent notamment à s'appliquer en cas de gestion de fait.

L'objet de la procédure de gestion de fait est de rétablir la règle fondamentale de la séparation des ordonnateurs et des comptables.

Comme le rapport du groupe de travail sur les chambres régionales des comptes l'a mis en évidence, la diversification très grande des activités locales et la nécessité pour les collectivités locales de répondre aux demandes multiples de la population exposent davantage les ordonnateurs au risque de la gestion de fait. Les chambres régionales des comptes opèrent entre 35 et 40 déclarations provisoires de gestion de fait par an.

Le plus souvent, ces gestions de fait concernent des ordonnateurs qui, sans que leur bonne foi ne soit en cause , se sont placés en dehors du cadre prévu par la loi.

Or l'élu déclaré définitivement gestionnaire de fait est soumis à la démission d'office , en application des dispositions du code électoral relatives aux inéligibilités.

Lorsque la situation du comptable de fait est constituée postérieurement à l'élection, les articles L. 205 (pour un conseiller général) , L. 236 (pour un conseiller municipal) et L. 341 (pour un conseiller régional) du code électoral prévoient, en effet, la démission d'office de l'intéressé.

Cette démission d'office est prononcée par le préfet du département pour les conseillers municipaux, par le conseil général pour les conseillers généraux et par le préfet de région pour les conseillers régionaux.

Cependant, depuis la loi du 26 juillet 1991, l'élu déclaré comptable de fait peut recevoir quitus de sa gestion dans les six mois de l'expiration du délai de production des comptes imparti par le jugement définitif du juge des comptes. Dans ce cas, la procédure de démission d'office n'est pas mise en oeuvre.

De l'avis même des magistrats financiers entendus par le groupe de travail, ce régime automatique d'inéligibilité et de démission apparaît très lourd et inadapté à l'objet même de la procédure de gestion de fait qui est de rétablir la règle de séparation des ordonnateurs et des comptables.

Il place la chambre régionale des comptes qui prend une décision de gestion de fait dans la position d'être juge non seulement de la régularité comptable mais aussi du mandat de l'ordonnateur.

Le délai de six mois prévu pour permettre à l'ordonnateur de régulariser la situation et éviter, en conséquence, la démission d'office apparaît, en outre, très court et mal adapté à la diversité des situations rencontrées.

Au total, l'application aux comptables de fait des inéligibilités que le code électoral prévoit pour les comptables publics patents ne constitue en aucun cas des sanctions complémentaires que le juge des comptes déciderait de mettre en oeuvre. Elle est au contraire une sanction automatique la plupart du temps extrêmement lourde et disproportionnée à la nature des irrégularités constatées.

Cette situation heurte les principes fondamentaux de notre droit. La jurisprudence du Conseil constitutionnel établit clairement que " le principe de nécessité des peines implique que l'incapacité d'exercer une fonction publique élective ne peut être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à l'espèce " (décision n° 99-410 DC du 15 mars 1999).

C'est pourquoi, reprenant une suggestion du groupe de travail, l'article 15 de la proposition de loi prévoit de remplacer la démission d'office par une procédure de suspension des fonctions de l'ordonnateur jusqu'à l'apurement de la situation de la gestion de fait.

Il modifie à cette fin l'article L. 205 du code électoral relatif aux conseillers généraux.

L'article 14 tire pour sa part les conséquences de cette modification à l'article L. 195 du code électoral qui énonce les différents cas d'inéligibilités au conseil général, notamment celui des comptables dans le département où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter les articles 14 et 15 devenus respectivement les articles 10 et 11 dans les conclusions qu'elle vous soumet, sans modification.

Articles 16, 17 et 18
(articles L. 231, L. 236 et L. 341 du code électoral)
Coordinations

Les articles 16, 17 et 18 de la proposition de loi étendent aux conseillers municipaux et aux conseillers régionaux la règle de suspension des fonctions d'ordonnateurs en cas de gestion de fait.

Les articles 16 et 17 , qui concernent les conseillers municipaux, modifient à cette fin, respectivement les articles L. 231 et L. 236 du code électoral.

L'article 18 , relatif aux conseillers régionaux, modifie dans le même sens l'article L. 341 du code électoral.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter les articles 16, 17 et 18 devenus respectivement les articles 12, 13 et 14 dans les conclusions qu'elle vous soumet, sans modification.

TEXTE PROPOSÉ PAR LA COMMISSION DES LOIS

PROPOSITION DE LOI TENDANT A RÉFORMER LES CONDITIONS D'EXERCICE DES COMPÉTENCES LOCALES ET LES PROCÉDURES APPLICABLES DEVANT LES CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES

TITRE PREMIER
DISPOSITIONS TENDANT A AMELIORER
LES CONDITIONS D'EXERCICE DES COMPETENCES LOCALES ET A ASSURER UNE PLUS GRANDE SECURITE JURIDIQUE AUX ACTES DES COLLECTIVITES LOCALES

Article 1er

I. Après le premier alinéa de l'article L. 211-8 du code des juridictions financières, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :

" L'examen de la gestion porte sur la régularité des actes de gestion et sur l'économie des moyens mis en oeuvre par rapport aux objectifs fixés par l'assemblée délibérante ou par l'organe délibérant sans que ces objectifs, dont la définition relève de la responsabilité exclusive des élus ou des délégués intercommunaux, puissent eux-mêmes faire l'objet d'observations.

" Les observations que la chambre régionale des comptes formule à cette occasion mentionnent les dispositions législatives ou réglementaires dont elle constate la méconnaissance. Elles prennent en compte expressément les résultats de la procédure contradictoire avec l'ordonnateur et celui qui était en fonctions au cours de l'exercice examiné ou le dirigeant ou tout autre personne nominativement ou explicitement mise en cause. L'importance relative de ces observations dans l'ensemble de la gestion de la collectivité ou de l'établissement public est évaluée. "

II. En conséquence, le début du dernier alinéa du même article est ainsi rédigé :

" La chambre régionale des comptes peut également...

Article 2

Le chapitre premier du titre premier de la première partie du Livre II du code des juridictions financières est complété par un article L. 211-9 ainsi rédigé :

" Article L. 211-9.- Dans le cadre de la mission qui lui est confiée par l'article L. 211-8, la chambre régionale des comptes recense les difficultés auxquelles les collectivités locales ou établissements publics ont été confrontés dans l'application des dispositions législatives et réglementaires. Les constatations des chambres régionales des comptes sont insérées dans le rapport public annuel de la Cour des comptes dans les conditions fixées par les articles L. 136-2 et suivants. "

TITRE II
DISPOSITIONS TENDANT A AMELIORER
LES PROCEDURES APPLICABLES DEVANT
LES CHAMBRES REGIONALES DES COMPTES

Article 3

L'article L. 111-10 du code des juridictions financières est complété par un alinéa ainsi rédigé :

" Dans le cadre de cette mission permanente, la Cour des Comptes peut être saisie des difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de la procédure d'examen de la gestion prévue par l'article L. 211-8, avant l'adoption des observations définitives, soit par le président de la chambre régionale des comptes, soit par les dirigeants des personnes morales contrôlées ou par tout autre personne mise en cause nominativement ou explicitement dans les observations provisoires de la chambre. Elle formule des recommandations destinées à assurer le bon déroulement de la procédure. La saisine de la Cour ne suspend pas la procédure d'examen de la gestion."

Article 4

L'article L. 211-2 du code des juridictions financières est ainsi rédigé :

" Article L. 211-2.- les comptes des communes dont la population n'excède pas 2 500 habitants ou groupements de communes dont la population n'excède pas 10 000 habitants, et dont le montant des recettes ordinaires figurant au dernier compte administratif est inférieur à 7 000 000 F ainsi que ceux de leurs établissements publics font l'objet, sous réserve des dispositions des articles L. 231-7 à L. 231-9, d'un apurement administratif par les comptables supérieurs du Trésor.

" A compter de l'exercice 2000, le seuil de 7 000 000 F pris en compte pour l'application de l'alinéa précédent évolue chaque année comme la dotation globale de fonctionnement.

" Lorsque, d'un exercice à l'autre, l'évolution du montant des recettes ordinaires figurant au dernier compte administratif par rapport au seuil défini à l'alinéa précédent est inférieure ou égale à 20%, les comptes visés au premier alinéa continuent à être examinés selon les modalités applicables au cours de l'exercice précédent. "

Article 5

L'article L. 241-6 du code des juridictions financières est complété par un alinéa ainsi rédigé :

" Les dispositions du titre premier de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ne sont pas applicables aux mesures d'instruction, rapports et diverses communications provisoires de la chambre régionale des comptes. "

Article 6

L'article L. 241-14 du code des juridictions financières est complété par un alinéa ainsi rédigé :

" Avant que la chambre régionale des comptes arrête lesdites observations et après le cas échéant l'audition des personnes mentionnées à l'alinéa précédent, le ministère public lui présente ses conclusions qui apprécient notamment la légalité de la procédure suivie au cours de l'examen de la gestion. Ces conclusions peuvent être communiquées à leur demande aux personnes visées au premier alinéa de l'article L. 241-11. "

Article 7

Après l'article L. 241-14 du code des juridictions financières, sont insérés les articles L. 241-14-1 et L. 241-14-2 ainsi rédigés :

" Art. L. 241-14-1.- Les observations définitives sur la gestion prévues par l'article L. 241-11 ne peuvent être publiées ni communiquées à des tiers avant que l'ordonnateur et celui qui était en fonctions au cours de l'exercice examiné ou le dirigeant ou tout autre personne nominativement ou explicitement mise en cause aient été en mesure de leur apporter une réponse écrite dans un délai d'un mois. Cette réponse est annexée aux observations définitives de la chambre régionale des comptes."

" Art. L. 241-14-2.- Les observations définitives sur la gestion prévues par l'article L. 241-11 ne peuvent être publiées ni communiquées à des tiers à compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections pour la collectivité concernée et jusqu'à la date du tour de scrutin où l'élection est acquise. "

Article 8

Le chapitre III du titre IV de la première partie du Livre II du code des juridictions financières est complété par un article L. 243-4 ainsi rédigé :

" Art. L. 243-4.- La chambre régionale des comptes statue dans les formes prévues aux articles L. 241-13 et L. 241-14 sur toute demande en rectification d'observations définitives sur la gestion qui peut lui être présentée par les dirigeants des personnes morales contrôlées ou tout autre personne nominativement ou explicitement mise en cause. "

Article 9

Le chapitre III du titre IV de la première partie du Livre II du code des juridictions financières est complété par un article L. 243-5 ainsi rédigé :

" Art. L. 243-5.- Les observations définitives formulées par la chambre régionale des comptes sur la gestion d'une collectivité territoriale, d'un établissement public local ou de l'un des organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 241-11 sont des actes susceptibles de faire grief. Ils peuvent être déférés devant le Conseil d'Etat pour excès de pouvoir. "

TITRE III
DISPOSITIONS TENDANT A PRECISER
CERTAINES REGLES D'INELIGIBILITE
PREVUES PAR LE CODE ELECTORAL

Article 10

Au début du 11° de l'article L. 195 du code électoral, sont insérés les mots :

" Sous réserve des dispositions du second alinéa de l'article L. 205, "

Article 11

Le second alinéa de l'article L. 205 du code électoral est ainsi rédigé :

" Toutefois, par dérogation à l'alinéa précédent, lorsqu'un jugement du juge des comptes statuant définitivement a déclaré comptable de fait un conseiller général, celui-ci est suspendu de ses fonctions d'ordonnateur jusqu'à ce que quitus lui soit délivré de sa gestion. "

Article 12

Au début du 6° de l'article L. 231 du code électoral, sont insérés les mots :

" Sous réserve des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 236, "

Article 13

Le dernier alinéa de l'article L. 236 du code électoral est ainsi rédigé :

" Toutefois, par dérogation à l'alinéa précédent, lorsqu'un jugement du juge des comptes statuant définitivement a déclaré comptable de fait un conseiller municipal, celui-ci est suspendu de ses fonctions d'ordonnateur jusqu'à ce que quitus lui soit délivré de sa gestion. "

Article 14

Le dernier alinéa de l'article L. 341 du code électoral est ainsi rédigé :

" Toutefois, par dérogation à l'alinéa précédent, lorsqu'un jugement du juge des comptes statuant définitivement a déclaré comptable de fait un conseiller régional, celui-ci est suspendu de ses fonctions d'ordonnateur jusqu'à ce que quitus lui soit délivré de sa gestion. "




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