II. LES DÉBATS À L'ASSEMBLÉE NATIONALE TRADUISENT UNE HÉSITATION SUR L'OPPORTUNITÉ D'ÉTENDRE À L'OUTRE-MER LES CONTRAINTES QU'ELLE A PRÉVUES POUR LA MÉTROPOLE

A. SUR L'ENSEMBLE DU DISPOSITIF, LES DÉPUTÉS ONT AJOUTÉ DES CONTRAINTES EXCESSIVES AU DISPOSITIF INITIAL DU GOUVERNEMENT

On rappellera que l'Assemblée nationale a prévu, tant dans le projet de loi ordinaire que dans le texte organique, pour les différents scrutins de liste, lorsque l'élection comporte deux tours, une composition paritaire par groupe de six candidats dans l'ordre de présentation de la liste, et, pour les scrutins à un tour, une stricte alternance de candidats de chaque sexe.

Elle a aussi supprimé le droit de panachage pour les élections municipales dans les communes de 2.500 à 3.500 habitants, contrairement à l'engagement du Premier ministre de ne pas prendre la parité comme prétexte à la modification des modes de scrutin 4 ( * ) .

Cette disposition a cependant été déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 30 mai 2000 précitée.

Le panachage restera donc possible dans toutes les communes de moins de 3.500 habitants.

S'agissant des élections aux assemblées territoriales de la Polynésie française, de Wallis et Futuna et de Nouvelle-Calédonie, organisées sur un seul tour, l'Assemblée nationale a prévu, en première lecture du projet de loi organique, une stricte alternance de candidats de chaque sexe.

Cette position a cependant été modifiée par les députés en deuxième lecture , mais seulement pour l'assemblée territoriale de la Polynésie française.

Toutefois, en nouvelle lecture , les députés ont repris leur position de première lecture pour toutes les collectivités d'outre-mer.

B. L'ASSEMBLÉE NATIONALE S'EST AUSSI INTERROGÉE SUR LES DIFFICULTÉS PRÉVISIBLES D'APPLICATION DU DISPOSITIF EN OUTRE-MER

En effet, si l'Assemblée nationale a maintenu, lors de chacune de ses lectures, des dispositions trop contraignantes pour l'élection des membres des assemblées territoriales de Wallis et Futuna et de Nouvelle-Calédonie (stricte alternance de candidats de chaque sexe), elle a, en deuxième lecture , pour la Polynésie française, prévu une composition paritaire des listes, sans règle particulière concernant l'ordre de présentation des candidats ( article 1 er ).

La disposition retenue par les députés pour la Polynésie française, adoptée en termes identiques par le Sénat en deuxième lecture , résulte d'un amendement de M. Emile Vernaudon, sur lequel le Gouvernement a émis un avis de sagesse et que la commission n'avait pas examiné, M. le président Bernard Roman, rapporteur, en proposant à titre personnel le rejet.

M. Emile Vernaudon a exposé, au cours des débats, que si l'assemblée territoriale de la Polynésie française avait émis un avis favorable aux dispositions initiales du projet de loi organique, prévoyant une composition paritaire des listes sans contraintes supplémentaires, elle s'était, en revanche, par la suite, opposée à une obligation stricte d'alternance de candidats de chaque sexe, et ce, à l'unanimité .

Mme Marie-Thérèse Boisseau a estimé, au cours de la discussion, que " le propre d'une loi intelligente, c'est de savoir rester souple afin de s'adapter à la réalité, sans par trop entrer dans les détails ", cette considération paraissant d'ailleurs refléter la préoccupation constante du Sénat et de sa commission des Lois.

Le vote de l'Assemblée nationale paraît traduire à tout le moins un partage par les députés de l'interrogation exprimée par les sénateurs sur les difficultés prévisibles d'application du texte dans les collectivités d'outre-mer.

En revanche, pour Wallis et Futuna ( article 2 ) et pour la Nouvelle-Calédonie ( article 3 ), l'Assemblée nationale a confirmé, en deuxième lecture, ses positions de première lecture (stricte alternance de candidats de chaque sexe).

Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture comportait donc, pour la Polynésie française, un régime plus souple que pour Wallis et Futuna et la Nouvelle-Calédonie.

Lors de la réunion de la commission mixte paritaire , la procédure de conciliation prévue par l'article 45 de la Constitution n'a pas porté sur l'article 1 er relatif à la Polynésie française , M. le Président Bernard Roman ayant d'ailleurs constaté qu'étaient seuls en navette les deux articles concernant les élections territoriales à Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie.

Au cours de la même réunion, votre rapporteur et M. le Président Jacques Larché se sont interrogés sur la cohérence de régimes différenciés dans les collectivités d'outre-mer si l'Assemblée nationale maintenait en lecture définitive l'obligation d'une stricte alternance de candidats de chaque sexe en Nouvelle-Calédonie et à Wallis et Futuna.

M. le président Jacques Larché s'est interrogé sur l'analyse que ferait le Conseil constitutionnel, obligatoirement saisi sur le présent projet de loi organique, sur la conformité à la Constitution de telles dispositions. Comme votre rapporteur, il a considéré que le principe de spécificité prévu par les articles 74 et 77 de la Constitution justifiait l'adoption pour l'outre-mer de règles plus souples que celles retenues pour la métropole .

Dans sa réponse, M. le Président Bernard Roman, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a indiqué que les dispositions adoptées pour la Polynésie française pourraient être alignées ultérieurement sur celles prévues par l'Assemblée nationale pour la Nouvelle-Calédonie et pour Wallis et Futuna, le cas échéant à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi .

Une telle déclaration confirme que l'Assemblée nationale admettait que les dispositions de l'article premier sur la Polynésie française, adoptées en termes identiques, n'étaient plus modifiables dans le cadre de la présente procédure législative.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur, a exprimé une analyse identique puisque, en ouverture du débat de nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, le 25 mai 2000, il a indiqué, au sujet de l'article 1 er concernant la Polynésie française, que " cet article a été adopté dans les mêmes termes par le Sénat. C'est bien ce qui pose problème, puisqu'il ne peut donc plus être modifié aujourd'hui " .

Néanmoins, rappelant l'article 1 er " pour coordination " , l'Assemblée nationale, ne s'est pas limitée à une coordination formelle (insertion d'un article 6-2 dans la loi n°52-1175 du 21 octobre 1952 relative à la composition et à la formation de l'assemblée territoriale de Polynésie française au lieu d'un article 6-1, déjà créé par la loi organique n ° 2000-294 du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux). En effet, elle a aussi modifié de manière substantielle le dispositif lui-même de cet article pour prévoir une stricte alternance de candidats de chaque sexe, en adoptant un amendement de sa commission des Lois sur lequel le Gouvernement a émis un avis de " sagesse ".

Votre commission des Lois s'interroge sur la sincérité et la régularité de cette navette parlementaire.

Elle s'inquiète de la régularité d'une procédure législative au cours de laquelle l'accord sur le fond entre les deux assemblées sur un article serait remis en cause au cours des lectures suivantes et se demande si l'Assemblée nationale pourrait, le cas échéant, avoir, en lecture définitive, le " dernier mot " sur une disposition n'ayant pas été soumise à la procédure de la commission mixte paritaire .

Votre rapporteur reviendra ci-après, dans son commentaire de l'article 1 er , sur la question de la conformité à la Constitution de la procédure législative suivie.

Quoiqu'il en soit, le texte transmis au Sénat en nouvelle lecture prévoit donc une stricte alternance de candidats de chaque sexe pour les élections territoriales en Polynésie française, à Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie.

* 4 Voir les rapports n°231 et n°299 (1999-2000).

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