B. LA POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE : UNE PÉRIODE DE TRANSITION ?

La politique d'aménagement du territoire mise en oeuvre par le gouvernement actuel présente deux caractéristiques :

- un délaissement des dispositifs traditionnels : les outils financiers créés par la loi du 4 février 1995 n'ont pas été remis en cause par la loi du 25 juin 1999, mais ils sont, dans la pratique, vidés de leur contenu ;

- un flou dans le calendrier de la mise en oeuvre des instruments nouveaux, si bien qu'il est difficile de savoir si la période actuelle est une période de transition ou de point mort.

1. Certaines réformes annoncées tardent à entrer en vigueur

a) A quand une révision des zonages ?

Lors de son audition par votre commission des finances le 27 octobre 1999, la ministre de l'aménagement du territoire a estimé que les dispositifs de zonage existants étaient « nombreux, complexes et incompréhensibles » et que la plupart d'entre eux « ne servaient à rien ».

Malgré son a priori négatif à l'endroit des zonages, elle avait déclaré, lors de la discussion en séance des crédits de l'aménagement du territoire le 4 décembre 1999 : « Ce n'est donc qu' au cours de l'année 2000 que nous procéderons à la réforme des zonages et, à l'occasion du projet de loi de finances pour 2001, nous soumettrons des propositions qui tiendront compte non seulement des résultats du recensement mais aussi des négociations en cours au niveau communautaire sur le régime d'exonération de taxe professionnelle en zonage. »

Finalement, le gouvernement a choisi d'attendre et, après avoir demandé un rapport sur le même sujet à Jean Auroux en 1998, a nommé nos collègues députés Geneviève Perrin-Gaillard et Philippe Duron parlementaires en mission. La mission parlementaire devait produire un état des lieux des zonages en France ainsi que des propositions, en concentrant son attention sur les zonages d'intervention et les zonages environnementaux.

Le rapport a été remis au Premier ministre le 27 mai dernier.

Il propose, afin de rendre plus lisible le dispositif actuel, de simplifier les zonages, par exemple en fusionnant certains d'entre eux (zones urbaines sensibles et sones de redynamisation urbaine) ou en harmonisant les procédures de classement d'espaces de valeur patrimoniale et paysagère.

Le rapport préconise également de renforcer le rôle de la contractualisation.

Enfin, la législation serait modifiée afin d'élargir les possibilités d'intervention des collectivités territoriales dans le domaine économique.

b) Les schémas de service

La loi du 25 juin 1999 prévoyait que les nouveaux schémas de service devaient entrer en vigueur avant le 31 décembre 1999, notamment pour servir de base à la négociation des nouveaux contrats de plan. Finalement, le calendrier a été inversé.

Le 26 octobre 2000, les schémas ont été finalisés.

Ils ont ensuite fait l'objet d'une concertation régionale et nationale, qui s'est close avec l'avis des deux délégations parlementaires à l'aménagement et au développement durable du territoire.

Sur la base des différents avis émis lors de ces consultations, le Gouvernement a largement amendé et enrichi les projets initiaux. Arbitrés lors du CIADT du 9 juillet 2001, les schémas dans leur version définitive, ainsi que le décret d'approbation auquel ils sont annexés, ont été transmis pour avis au Conseil d'Etat.

Les schémas portent sur neuf politiques publiques structurantes pour l'aménagement du territoire que sont l'enseignement supérieur et la recherche, la culture, la santé, l'information et la communication, les transports de marchandises et les transports de voyageurs, l'énergie, les espaces naturels et ruraux, et le sport.

c) La question lancinante des services publics en zone rurale
La levée en 1998 du moratoire sur les fermetures de services publics en milieu rural



Un moratoire opposable aux fermetures de services publics en milieu rural a été mis en place le 10 mai 1993. Selon la DATAR, ses effets auraient été limités, la plupart des services publics étant installés dans des communes plus importantes que celles qui étaient visées. Aussi, sa levée a été décidée lors du CIADT du 15 décembre 1998, et confirmée par les circulaires du Premier ministre aux ministres et aux préfets du 7 juillet 2000, publiées au Journal Officiel du 12 juillet 2000.

L'évolution de l'implantation territoriale des services publics, en particulier en zone rurale, fait désormais l'objet d'un processus de coordination, de concertation et de compensation, décrit dans les circulaires susdites, et que la DATAR et les préfets sont chargés de mettre en oeuvre.

Les maisons des services publics
Le cadre juridique de la constitution des maisons des services publics résulte de deux lois :

- la loi n°99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, dans son article 30-V ;

- la loi 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dans ses articles 27 à 30.

Le décret n°2001-494 du 6 juin 2001, pris pour l'application des articles 27 et 29 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 et relatif aux maisons des services publics, précise les dispositions à suivre, notamment dans l'hypothèse d'un groupement d'intérêt public.

La DATAR a transmis à votre rapporteur spécial les informations suivantes.

« Résultant d'initiatives et de négociations locales », les maisons des services publics sont « très hétérogènes. L'Etat ne participe pas à toutes. Il n'en existe d'ailleurs à ce jour ni recensement, ni suivi centralisés. La Délégation interministérielle à la réforme de l'Etat renouvelle pendant l'été 2001 l'effort de recensement auquel elle avait procédé en 1999.

Leurs modalités de financement reflètent leur hétérogénéité. Selon une tendance fréquente, chaque administration ou organisme participant prend en charge ses salariés et son équipement informatique, ainsi qu'une quote-part de charges communes.

Le CIADT du 9 juillet 2001 a décidé la création d'un comité de suivi des maisons des services publics, afin que les administrations, les organismes publics et les associations d'élus puissent se concerter au niveau central. Il a également décidé de lancer un appel à projets doté de 10 MF afin d'aider la constitution de nouvelles maisons des services publics
».
d) la politique des pays et des agglomérations

A la date du 20 juillet 2001, plus de 280 pays, constitués, en cours de constitution ou en projet, étaient répertoriés au niveau national.

La parution, le 19 septembre 2000, du décret n°2000-09 d'application de l'article 22 de la LOADT du 4 février 1995 modifiée a permis d'initier les procédures de reconnaissance des périmètres (d'étude ou définitifs) de nombre d'entre eux.

Interrogée par votre rapporteur spécial sur sa contribution au financement des pays, la DATAR a fourni les informations suivantes.

Elle indique que « Depuis le comité interministériel du 15 décembre 1997, la DATAR a consacré une part significative de crédits du FNADT à la politique de pays, tant pour soutenir les capacités d'animation et d'études de pays en phase de préfiguration que pour soutenir certains de leurs investissements ».

Ainsi, la DATAR a lancé en 1998 plusieurs appels à projets en faveur des pays, et en 1999 a apporté un soutien à l'ingénierie territoriale au sein des pays.

En outre, la DATAR « a soutenu sur la section générale du FNADT, notamment dans le cadre des décisions du CIADT, de nombreux projets d'investissement intégrés au sein d'une stratégie de pays. Le pays devient progressivement le cadre d'intervention de référence de la DATAR pour son action en faveur du développement local ».

Enfin, la DATAR indique que les CPER 2000-2006 « prévoient une mobilisation sans précédent en faveur des pays. Sur l'ensemble des régions françaises, 4,3 milliards de francs de crédits FNADT ont ainsi été réservés et contractualisés avec les collectivités régionales pour accompagner les démarches territoriales de pays, d'agglomération et de parcs naturels régionaux. Aucune ventilation précise n'a encore été établie entre ces trois catégories de territoires, mais il ne fait pas de doute qu'une part importante de ces crédits pourra être mobilisée par les pays au cours de la période 2000-2006. Le FNADT servira en l'occurrence à accompagner les besoins d'ingénierie de ces territoires de projet mais également à financer les actions de développement ou d'aménagement innovantes ne pouvant bénéficier d'autres moyens ministériels ».

2. Les fonds créés par la loi du 4 février 1995 en déshérence

La loi du 4 février 1995 avait créé des fonds destinés à être les instruments financiers d'une politique ambitieuse d'aménagement du territoire. Où en sont ces fonds aujourd'hui ?

a) L'ancien fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN)

L'article 22 du projet de loi de finances pour 2001 a supprimé le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, ce à quoi s'était opposé le Sénat.

Dans son questionnaire relatif à la loi de finances pour 2002, votre rapporteur a demandé à la DATAR de présenter la répartition dans le budget de l'Etat des anciens crédits du FITTVN. Cette question est demeurée sans réponse.

b) Le fonds national de développement des entreprises (FNDE)

Le FNDE, créé par le CIADT du 15 décembre 1997, n'a jamais eu d'existence véritable. Par exemple, il ne dispose pas d'un comité de gestion. Il n'est pas non plus identifié en tant que tel dans les documents budgétaires.

Il comprend la DATAR, la Direction du Trésor, la Direction du Budget, la DARPMI, la DECAS, ainsi que des organismes gestionnaires : la BDPME/SOFARIS, la Caisse des dépôts et consignations. Son secrétariat est assuré par la DATAR.

Le label « FNDE » est utilisé pour englober diverses mesures d'aides aux entreprises.

c) Le fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA)

La loi du 4 février 1995 avait créé le fonds de péréquation des transports aériens (FPTA), financé par une taxe spécifique. L'article 75 de la loi de finances pour 1999 l'a transformé en FIATA, financé par une fraction du produit de la taxe de l'aviation civile.

Le nouveau FIATA finance les infrastructures aéroportuaires, mais également l'ancienne mission du FPTA : le versement de subventions aux compagnies aériennes qui exploitent des lignes peu rentables mais dont l'intérêt d'aménagement du territoire est avéré.

Ce fonds constitue un élément extrêmement précieux. Aussi, votre rapporteur spécial s'inquiétait l'année dernière de constater que la section « transport aérien » du fonds, qui verse les subventions, n'était pas dotée dans le projet de loi de finances pour 2001.

Cette absence de dotation s'explique par la masse importante de crédits reportés d'année en année depuis 1996 en raison de la faible consommation constatée au cours des premiers exercices.

Votre rapporteur se réjouit de constater que la section « transport aérien » du FIATA fait l'objet d'une nouvelle dotation dans le projet de loi de finances pour 2002, de 15,245 millions d'euros.

Il s'inquiète cependant de la réduction du trafic aérien qui pourrait résulter des attentats du 11 septembre 2001, et se demande si des crédits plus importants ne seraient pas justifiés.

d) Le fonds de gestion de l'espace rural (FGER)

Le fonds de gestion de l'espace rural, créé par l'article 38 de la loi du 4 février 1995, n'a jamais réellement fonctionné.

Il ne dispose pas de la personnalité morale. Il est géré par le ministère de l'Agriculture et ses crédits figurent au chapitre 44-83 du budget de ce ministère. Ces crédits sont presque intégralement déconcentrés. Ils sont alors distribués par le préfet dans le cadre d'orientations pluriannuelles départementales définies après consultation d'une commission départementale de gestion de l'espace (CODEGE).

Il a pour objet de soutenir les actions concourant, notamment, à l'entretien et à la réhabilitation d'espaces agricoles.

Sa ligne budgétaire a été supprimée en 1999, et n'a pas été rétablie par la suite. Cette situations s'explique par l'ampleur des reports de l'année n-1 , que le tableau ci-après permet de mettre en évidence.

Les crédits du FGER depuis 1997

En millions d'euros

Année

LFI

Annulations de crédits

Reports de l'année n-1

Crédits ouverts

Crédits consommés

1997

22,87

22,11

46,19

46,95

27,59

1998

21,34

6,71

18,60

33,23

13,26

1999

-

-

20,05

20,05

10,32

2000

-

-

9,73

9,73

ND

2001

-

-

7,32

7,32

ND

Source : DATAR.

Il n'est pas prévu de doter le FGER en 2002. Votre rapporteur regrette cette politique d'assèchement progressif des ressources du fonds , qui en son temps s'était révélé extrêmement utile pour les zones rurales, touchées par la dégradation de leur situation économique.