III. OBSERVATIONS

A. UN EFFORT DE SINCÉRITÉ BUDGÉTAIRE À METTRE EN PERSPECTIVE AVEC L'OBJECTIF D'UNE NOUVELLE GESTION PUBLIQUE.

1. Un effort de sincérité budgétaire

Votre rapporteur spécial se félicite qu'au terme de plusieurs années d'efforts le ministère de l'économie et des finances ait procédé aux ajustements nécessaires à la présentation d'un budget plus sincère.

Votre rapporteur spécial constate que le rattachement des fonds de concours et la réintégration des crédits « hors budget » touche presque à sa fin et souligne que les remarques qu'il a émises régulièrement pour inciter le ministère à davantage d'orthodoxie budgétaire ont payé.

Les régularisations se sont étalées sur plusieurs années, depuis 1999 :

Les régularisations intervenues en 1999

La régularisation entreprise dans le budget pour 1999 a comporté un volet recettes et un volet dépenses.

S'agissant des recettes , les évolutions notables suivantes ont été enregistrées :

- une masse de « crédits de l'article 6 » a été intégrée à la ligne 309 de recettes non fiscales de l'Etat pour 1.019 millions d'euros ;

- le compte de rémunérations accessoires du cadastre a été inscrit à la ligne 328 pour 9 millions d'euros ;

- le compte de rémunérations accessoires des hypothèques a été inscrit à la ligne 505 pour 12 millions d'euros.

En dépenses , les « budgétisations » se sont élevées à 1,7 milliards d'euros et ont principalement porté sur les « crédits de l'article 6 » et les « crédits de l'article 5 ».

Les régularisations intervenues dans la loi de finances pour 2000

L'essentiel des régularisations entreprises a concerné les moyens de l'industrie.

Toutefois, quelques mesures ont concerné les services traditionnels du ministère de l'économie et des finances.

Il s'agissait principalement de la régularisation des « crédits de l'article 55 » pour 46 millions d'euros. Ces crédits représentaient la contrepartie d'un prélèvement opéré sur les salaires des conservateurs des hypothèques et étaient destinés à financer certains frais de fonctionnement des conservations des hypothèques.

Les régularisations intervenues dans la loi de finances pour 2001

Le montant des régularisations budgétaires en 2001 s'élevait à 270,6 millions de francs. Il s'est réparti comme suit :

- 237,0 millions d'euros de crédits pour la DGCP dont 73,5 millions d'euros au titre du service de la redevance audiovisuelle ;

- 34 millions d'euros pour la DGDDI.

La réduction du montant global des fonds de concours depuis 1996 constatée par la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2000 est ainsi en grande partie imputable au ministère de l'économie et des finances. Les fonds de concours alimentant des chapitres de rémunérations du ministère ont aujourd'hui quasiment disparu.

Pour 2002, le montant des budgétisations s'avèrera beaucoup plus limité et concerne, pour 4,3 millions d'euros, les frais de fonctionnement de la direction générale des impôts précédemment supportés par les conservateurs des hypothèques.

L'exercice de sincérité budgétaire paraît presque achevé. Votre rapporteur spécial souhaite cependant formuler un certain nombre de remarques.

Il reprend d'une part à son compte les observations faites par la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2000 qui relève :

- le nombre important de fonds de concours inactifs ou modestes du ministère de l'économie et des finances qui représentent plus de la moitié des fonds qu'il gère,

- la nécessité de budgétiser la totalité des dépenses et des recettes des hypothèques,

Il s'interroge d'autre part :

- sur la pertinence de l'inscription de dépenses informatiques correspondant à des projets pluriannuels, très lourds financièrement, en fonctionnement plutôt qu'en investissement. Le plan comptable général considère que ces projets constituent des immobilisations et donc au sens de la comptabilité publique, paraissent pouvoir relever d'un régime d'autorisations de programme et de crédits de paiement.

L'absence d'autorisation de programme conduit en gestion à engager la totalité du marché passé pour mener à bien le projet informatique et à ensuite pratiquer autant de reports que nécessaires. Cette solution est critiquable et votre rapporteur spécial conseille le ministère d'adapter sa présentation comptable aux logiques de gestion des projets informatiques correspondant à des investissements.

- sur la pertinence de l'inscription de frais de poursuites et de contentieux des directions fiscales (155 millions d'euros) sur le budget des charges communes plutôt que sur le budget du ministère. Cette imputation paraît d'autant plus contestable que les frais d'huissiers (86 millions d'euros), qui étaient imputés jusqu'en 2001 sur le même chapitre, ont été transférés dans le projet de loi de finances pour 2002 sur le budget du ministère. S'il s'agit simplement de dégrèvements, d'annulations, de remboursements qui viennent en atténuation de recettes liés au contentieux, l'imputation au budget des charges communes peut se justifier. Si en revanche ces crédits permettraient de mieux prendre en compte le coût du contrôle fiscal, qui pourrait devenir à terme un programme au sens de la loi organique du 1 er août 2001, leur inscription au budget du ministère s'impose.

- sur la fusion des crédits de fonctionnement d'un certain nombre de directions du ministère au sein de l'article 12 des chapitres du titre III « administrations centrales », qui ne lui paraît pas aller dans le sens d'une réelle individualisation budgétaire des missions du ministère.

2. Vers une nouvelle gestion publique ?

La loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances pose l'exigence d'une nouvelle gestion publique. Le ministère de l'économie et des finances, en tant que maître d'oeuvre de la réforme, se doit d'être exemplaire. Le fascicule budgétaire pour 2002 s'efforce d'ores et déjà, imparfaitement, mais de manière anticipée, de prendre en compte un certain nombre de dispositions prévues par la loi organique.

Le budget du ministère de l'économie et des finances est tout aujourd'hui sauf un budget de missions et de programme. Il reflète un organigramme qui accorde une position privilégiée aux directions traditionnelles et occulte les directions nouvellement créées ou rattachées. Il ne permet pas, surtout, de discerner ce qui fonde les missions du ministère. La plupart des agrégats sont aujourd'hui créés sur une base organique. Les intitulés de certains, s'ils paraissent plus fonctionnels, posent également des problèmes de cohérence. Votre rapporteur spécial ne peut distinguer entre « relations économiques extérieures » (agrégat 16) et « action internationale » (agrégat 26), entre « action sur l'environnement et le développement de la compétitivité des entreprises  (agrégat 23)» et « action économique » (agrégat 27). Ces agrégats, malgré leurs intitulés, recouvrent non pas un programme mais une direction particulière du ministère.

Votre rapporteur spécial se félicite de l'effort fourni pour mettre en place à chaque agrégat un certain nombre d'objectifs et d'indicateurs pour les mesurer Les résultats sont à nuancer. Votre rapporteur spécial a pu constater une grande hétérogénéité dans les objectifs, certains exclusivement quantitatifs (nombre de rapports sur l'accès au marché, agrégat 16), d'autres plus qualitatifs (taux de respect spontané des échéances déclaratives en matière d'impôt sur le revenu, agrégat 13), d'autres inexistants (agrégat 27). Certains indicateurs s'avèrent peu pertinents (frais de déplacement : coût moyen par agent, agrégat 17). D'autres n'évaluent pas leurs objectifs pour les années à venir, ne mesurant la réalisation des objectifs que pour les années passées et n'effectuant aucune prévision (nombre d'article publiés, agrégat 15). Quelques indicateurs affichent des objectifs en baisse pour les années à venir (part des cycles homologués au sein de l'offre globale de formation, agrégat 25).

Enfin, votre rapporteur spécial constate que les services chargés du recouvrement de l'impôt n'ont pas retenu les mêmes indicateurs de performance.

Au-delà de ce florilège, votre rapporteur spécial constate que les directions qui réussissent le mieux l'exercice sont celles qui ont signé des contrats d'objectifs-moyens : direction générale des impôts et direction des relations économiques extérieures. Il considère que la lisibilité des missions du ministère ne pourra être obtenue qu'au prix d'une grande rigueur. Il remarque que la nouvelle gestion budgétaire ne doit pas être une « nouvelle gestion de papier », promue uniquement dans les documents de présentation budgétaire, mais qu'elle doit induire des réformes de structure. Votre rapporteur spécial voit mal comment la création au sein du budget du ministère d'une mission « recouvrement de l'impôt » pourrait s'accommoder de la persistance de deux structure dédiées à cette mission.

B. UN RÉFORMISME REVENDIQUÉ, UNE RÉFORME QUI PEINE À TROUVER SON CHEMIN

Les efforts de réforme du ministère n'ont pas été abandonnés après l'échec de la fusion entre la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique. 92,5 millions d'euros seront engagés en 2002 au titre de la réforme. Le programme de modernisation actuel, s'il diffère des tentatives précédentes par un pragmatisme mesuré, n'affiche pas moins un nombre impressionnant de mesures prises ou à prendre. Si la portée de ces mesures est parfois limitée, votre rapporteur spécial vous rappelle ainsi le changement d'appellation du ministère de l'économie et des finances en MINEFI, si celles-ci concernent davantage des expérimentations que des réalisations, elles n'en constituent pas moins une première avancée. Cette avancée demande aujourd'hui une ligne directrice claire et la volonté de mener au bout des réformes de structure et une action de réduction des coûts. Elle demande aujourd'hui une ambition qui transcende les cinq orientations présentées par le ministère : simplification, transparence, adaptation et formation aux technologies innovantes, dialogue et expérimentation.

1. Les conditions de la réforme sont réunies

Votre rapporteur spécial constate que les conditions de la réforme sont réunies. Elles tardent pourtant à être exploitées.

L'unification des services du ministère de l'industrie, du secrétariat d'État aux PME, au commerce et l'artisanat intervenue en 1998 a ouvert la voie à un grand ministère de l'économie tourné de manière plus efficace vers les entreprises. Si la fusion budgétaire a bien eu lieu, tant et si bien qu'elle rend difficile la distinction des moyens de fonctionnement entre les différentes directions et programmes du ministère, les redéploiement de crédits, les changements de périmètre et les synergies entre directions tardent à être mis en oeuvre.

D'autres réaménagements de structures ont connu davantage de succès. Votre rapporteur spécial citera ainsi pour mémoire :

- la création d'une direction des affaires juridiques qui regroupe le service juridique et l'agence judiciaire du Trésor, le secrétariat général de la commission centrale des marchés et les bureaux « juridiques » de la direction générale de l'administration et des finances du secrétariat d'Etat.

- la création de la direction du personnel, de la modernisation et de l'administration qui regroupe les directions transversales du « pôle finances » et du « pôle industrie ».

- la création d'une direction des relations avec les publics et de la communication

- la réintégration du service de législation fiscale à la mouvance de la direction générale des impôts.

De même, la mise en place d'un secrétaire général du ministère de l'économie et des finances dont l'emploi et les attributions ont été respectivement créés et fixés par les décrets n°2000-417 et 2000-429 des 18 et 23 mai 2000 constitue un progrès certain. Dirigeant une équipe de trois chargés de mission avec rang de directeur de projet, il est chargé de coordonner l'action de l'administration, d'assurer le suivi et le pilotage des projets de réforme-modernisation, d'effectuer la répartition et le suivi des moyens budgétaires et de mettre en oeuvre l'aménagement et la réduction du temps de travail dans le ministère. La nomination d'un « Monsieur Réforme », doté de véritables leviers sur les moyens budgétaires et humains, interlocuteur naturel des organisations syndicales, doit désormais permettre une impulsion forte des actions de modernisation.

Le contexte y est favorable même si une première occasion a été manquée. Les inévitables négociations liées à l'aménagement et la réduction du temps de travail auraient pu être l'occasion d'une modernisation de la gestion des ressources humaines et permettre, par exemple, de nouvelles amplitudes horaires. Des expérimentations menées dans 150 sites administratifs ont mené à un accord conclu le 11 juillet 2001 avec FO, la CFTC et la CGC.

Votre rapporteur spécial considère que cet accord pour positif qu'il soit devra être complété pour améliorer le service et l'accueil rendu aux usagers. Cet accord déroge en de nombreux points aux dispositions du décret n° 200-815 du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat qui fixe à 1.600 heures annuelles le temps de travail dans l'administration : « des repos compensateurs sont attribués à titre individuel par le chef de service en considération de la pénibilité et/ou des contraintes de certains travaux, sans qu'il soit nécessaire de définir une dérogation réglementaire aux 1.600 heures, les services nouveaux en cours d'expérimentation pourront le cas échéant faire l'objet de repos compensateurs... »

Les conditions favorables créées par l'évolution démographique du ministère seront dans un très proche avenir à prendre en considération. Le nombre de départs des agents du ministère de l'économie et des finances devrait passer ainsi de 5.034 en 2001 à 35.390 en 2006 puis à 82.061 en 2012, les agents de catégorie B et C étant davantage concernés que ceux de catégorie A.



Ces évolutions démographiques doivent permettre une redéfinition des effectifs du ministère plus conforme à ses missions : réduction des effectifs dans certaines directions s'il y a lieu, redéploiement d'emplois de catégorie B ou C vers des emplois plus qualifiés A ou A+, mise à plat des organigrammes et des organisations...

2. Le ministère de l'économie et des finances, vitrine technologique du gouvernement, n'est pas encore un e-ministère.

Fort du succès de son site internet, dont le nombre de visites est passé de 209.000 en juin 2000 à 423.000 en juin 2001, le ministère a fait des nouvelles technologies une des cinq orientations de sa réforme. Le ministère de l'économie et des finances constitue indéniablement la vitrine technologique du gouvernement.

Les nouvelles technologies servent tout d'abord un objectif de communication et de transparence : internet est ainsi devenu le vecteur majeur de communication du ministère.

Elles ont ensuite renforcé la culture de service du ministère en mettant à disposition du public les formulaires administratifs les plus indispensables. 540 formulaires touchant aux formalités des entreprises ont ainsi été « dématérialisés » et mis en ligne sur internet.

Par ailleurs, par rapport aux autres ministères, le ministère de l'économie et des finances est en pointe pour la mise en place de télé-procédures. Celles-ci permettent d'effectuer de son domicile diverses formalités liées au calcul et au paiement de l'impôt, grâce à internet.

S'agissant des entreprises, celles-ci ont la possibilité de déclarer et de payer la TVA, de déclarer leurs embauches par internet, de fournir par voie électronique la déclaration annuelle de données sociales et la déclaration unifiée de cotisations sociales.

Les particuliers peuvent, malgré quelques difficultés techniques non encore surmontées, déclarer leurs revenus et payer leur impôt sur le revenu, moyennant inscription, par internet. Ils peuvent également adhérer à la mensualisation directement par internet. Pour la campagne de l'impôt sur le revenu 2001, 3,2 millions de personnes auraient utilisé le dispositif de calcul de l'impôt sur le revenu, 470.000 formulaires ont été téléchargés, 16.600 télé-déclarations ont été effectuées (respectivement +113%, + 20%, + 269% par rapport à 2000).

Votre rapporteur spécial, s'il considère que ses efforts en faveur des nouvelles technologies s'avèreront payants à terme, ne tient pas pour autant à céder à la fascination technologique.

Il rappelle que le public, y compris les entreprises, est aujourd'hui encore peu préparé aux télé-procédures. Ainsi, la téléTVA (déclaration et paiement par voie électronique), obligatoire pour les entreprises de plus de 15 millions d'€ de chiffre d'affaires connaît des difficultés dans sa mise en place. Prévue au premier mai 2001, puis au 1 er septembre 2001, l'obligation de déclaration et de paiement a encore été repoussée au premier janvier 2002. En effet, sur les 17.000 entreprises concernées, 5.000 avaient au premier septembre entamé la démarche mais seules 929 avaient effectivement fait leur première télé-déclaration et 562 un télépaiement...

De même, le ministère de l'économie et des finances a ébauché une concertation avec le public par voie électronique. Cette démarche louable s'est notamment traduite par le lancement d'un forum électronique sur « la qualité de service dans le service des impôts ». Ce forum a recueilli peu d'échos : à peine plus de cent contributions ont été déposées.

Votre rapporteur spécial insiste sur la nécessaire cohérence des actions menées en matière de nouvelles technologies. Il note ainsi que si la tendance est, dans les directions, à la création d'un accueil unique et à la recherche de l'accès le plus direct à l'information pour les usagers, la tendance inverse s'exprime sur internet. Il a ainsi constaté une prolifération de serveurs destinés aux entreprises, au détriment de toute simplicité, qui fait craindre que la jungle des nouvelles technologies ne remplace les méandres administratifs. Selon le service qu'il attend, le chef d'entreprise aura à choisir entre service-public.fr, minefi.gouv.fr, net-entreprises.fr, mininfo.minefi.gouv.fr etc...

C'est pourquoi votre rapporteur spécial pense que les nouvelles technologies ne peuvent promouvoir la modernisation du ministère que si elles induisent des réformes de fonctionnement et de structure en interne. Deux priorité doivent ainsi être dégagées : la création d'une informatique commune entre les directions et le raccordement des agents au réseau intranet pour développer les échanges internes d'information.

Le projet d'informatique budgétaire et comptable ACCORD, Application Coordonnée de Comptabilisation, d'Ordonnancement et de Règlement de la Dépense de l'Etat, se veut à ce titre exemplaire. ACCORD devra être utilisé par l'ensemble des ministères d'ici 2004 et le basculement du MINEFI est prévu au 1 er janvier 2003, étant précisé que les opérations de raccordement devront être terminées au 1er septembre 2002 pour préparer la gestion de l'exercice suivant. Ce projet qui a déjà pris beaucoup de retard est néanmoins porteur de beaucoup de promesses.

De la même manière, notamment pour les directions « fiscales », le raccordement des personnels à l'intranet commun « Alize » paraît nécessaire. C'est sur les échanges d'informations entre les services que se fonde la « non-réforme » de la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique : le principe consiste à ce que l'usager ne supporte pas les conséquences d'une organisation peu lisible et qu'une demande de renseignement, un recours ou un changement de situation d'un contribuable puisse immédiatement être transmis au service compétent. 51 millions d'€ seront engagés en 2002 en faveur d'un nouveau système d'information des administrations fiscales dénommé COPERNIC.

Aujourd'hui, 60.000 agents sont connectés à l'intranet. L'installation de nouveaux postes équipés prend du temps et votre rapporteur spécial n'est pas certain que l'objectif de raccordement des 180.000 agents du ministère en juin 2002 puisse être tenu. La courbe de déploiement pour les prochains mois est en effet optimiste :

3. Le ministère de l'économie et des finances doit maîtriser sa sous-traitance

Votre rapporteur spécial note que la sous-traitance peut apporter des éléments de souplesse à la gestion du ministère pour peu que celle-ci soit maîtrisée. Il craint que cela ne soit toujours le cas en rappelant deux faits récents.

- L'inspection générale des finances dans un rapport sur la fonction de communication du ministère de juin 2000 indique que « le recours à la sous-traitance  par la direction de la communication n'est pas maîtrisé ». Il montre que « l'examen des marchés de la direction de la communication révèle des irrégularités nombreuses, parfois graves, ce qui est d'autant plus préoccupant que plusieurs rapports de l'inspection générale des finances ont récemment alerté le ministre sur les risques juridiques encourus lors de la passation des marchés publics au sein de son propre ministère. »Il diagnostique enfin « un certain nombre de surcoûts dans la réalisation des actions de communication. »

- Le récent incident de l'envoi d'avis d'imposition erronés à des contribuables mensualisés, s'il a donné lieu à une réaction rapide et à une correction prompte, n'en est pas moins révélateur des difficultés que le ministère connaît pour maîtriser sa sous-traitance. L'incident, survenu chez un sous-traitant auprès duquel une défaillance informatique a été constatée, montre la nécessité de fiabiliser au maximum les processus d'édition de documents sensibles en renforçant les tests de validation auprès des sous-traitants, en rédigeant les contrats de sous-traitance avec précaution et en intégrant les sous-traitants dans les procédures « qualité » du ministère.

4. Des expérimentations sans conséquence immédiate

Votre rapporteur spécial n'a pu relever que peu de réalisations concrètes en dehors du domaine des nouvelles technologies à mettre au crédit du programme de réforme-modernisation du ministère. Il relève néanmoins la création de la direction des grandes entreprises au sein de la direction générale des impôts qui paraît en très bonne voie et qui devrait être opérationnelle au premier janvier 2002. Un nouveau bâtiment, à Pantin, a été livré et 200 agents recrutés. Il prend acte également de la fusion des services financiers à l'étranger décidées en 2001.

Certaines directions ont aujourd'hui clairement opté pour une labellisation de leurs engagements pris en matière de qualité de service. Ainsi, comme une entreprise privée, les missions d'expertise économique et financière à la direction générale de la comptabilité publique sont certifiées ISO 9000. Les postes d'expansion économique et les direction régionales du commerce extérieur sont en cours de certification comme la direction du personnel, de l'administration et de la modernisation qui vise pour ses quatre activités essentielles (conduite d'opérations immobilières, exploitation-maintenance, coordination d'opérations de transfert, expertise et conseil) l'obtention de la norme ISO 9001.

Votre rapporteur spécial regrette par contre qu'un seul contrat d'objectifs-moyens ait été signé au sein du ministère en plus de celui passé avec la direction des relations économiques extérieures. Ce contrat, qui a été signé le 27 octobre 1999 par la direction générale des impôts, préfigure jusqu'à un certain point la gestion par objectifs prévue par la loi organique relative aux lois de finances. Depuis 1999, aucun autre contrat n'a été signé par une direction.

Pour le reste, la réforme-modernisation consiste en des expérimentations qui manquent encore de ligne directrice. Votre rapporteur spécial se bornera à énumérer les principales :

-l'accueil commun centre des impôts/trésorerie destiné à faciliter les démarches des contribuables (9 lieux d'expérimentation)

- le rapprochement des centres des impôts et des recettes afin de faciliter les démarches fiscales des entreprises et des membres des professions libérales ( 13 sites expérimentaux)

- le centre d'appels à la direction générale des impôts pour assurer un service permanent de renseignements téléphoniques aux particuliers comme aux entreprises (un centre expérimental installé à Lille depuis la fin de l'année 2000).

- des points d'accès " MINefi Services Contact ", maisons des services publics économiques et financiers destinées à offrir des points de contact de proximité pour les usagers (11 points de contacts expérimentaux).

- un centre d'encaissement de la direction générale de la comptabilité publique destiné à centraliser et à traiter sur le même site tous les paiements non dématérialisés (chèques, TIP) (expérimentation en cours en Seine-et-Marne et dans le Val-de-Marne).

Aucune de ces expérimentations n'a encore donné lieu à un bilan. Elles tendent parfois à donner l'illusion de la réforme sans vouloir toucher de manière résolue aux structures et aux missions des administrations fiscales.

Votre rapporteur spécial rappelle que son rapport d'information sous-titré « Pour une modernisation du service public de l'impôt » proposait une réforme d'une autre ambition puisqu'elle devait déboucher sur l'instauration d'une administration fiscale unique. Elle visait à obtenir la fusion entre la direction générale de la comptabilité publique et la direction générale des impôts sans imposer un regroupement sur site qui ne se justifie pas à l'heure des nouvelles technologies et en envisageant un élargissement des missions de la nouvelle direction au recouvrement des droits de douane et des cotisations sociales.

C. UNE RESPONSABILITÉ ÉMINENTE DANS LA MISE EN PLACE DE L'EURO

Le ministère de l'économie et des finances est aujourd'hui le ministère chef de file pour la mise en place de l'euro à l'horizon du 1er janvier 2002.

Votre rapporteur spécial ne peut apprécier véritablement le degré de préparation des agents économiques, qu'il s'agisse des consommateurs ou des entreprises. S'agissant des entreprises, il constate simplement que les organisations professionnelles ne portent pas toutes le même regard sur la préparation à l'euro. Le journal de la fédération des entreprises du commerce et de la distribution titre, optimiste, « Bienvenue à l'euro ! » tandis que la fédération générale de l'alimentation en détail se montre plus inquiète et « appréhende les difficultés pratiques que poseront les conditions d'introduction des pièces et billets en euros ».

Votre rapporteur spécial regrette l'absence d'enquête officielle récente sur l'état de préparation à l'euro des particuliers et des entreprises permettant d'établir des comparaisons entre la France et ses voisins. Les dernières données officielles franco-françaises disponibles remontent à la fin du mois d'août 2001.

Résultats de l'enquête ministère de l'économie et des finances
29 août 2001

Entreprises :

-81% des entreprises employant de 1 à 499 salariés déclaraient avoir commencé leur préparation à l'euro. La proportion d'entreprises unipersonnelles (0 salarié) ayant entamé leur préparation à la monnaie unique s'établissait à 58% en août.

-20% des entreprises unipersonnelles et 23% de celles de moins de 1 à 499 salariés estimaient être prêtes au passage à l'euro ou l'être rapidement.

-58% des entreprises de 1 à 499 salariés faisaient savoir qu'elles acceptaient les paiements en euro par carte bancaire et par chèque et 20% planifiaient d'accepter les paiements en euro d'ici la fin de l'année. La proportion de celles qui ne prévoyaient pas de le faire avant le 1 er janvier 2002 s'établissait à 14%.

Paiements en euros :

-3,84% des chèques avaient été libellés en euro au mois d'août, soit deux fois plus qu'en juillet. Parmi les clients des banques, 48% des particuliers mais aussi 60% des professionnels et 58% des entreprises possédaient déjà un chéquier en euro. Les opérations par carte bancaire en euro demeuraient très marginales (0,23% de l'ensemble de ces opérations) et ce malgré l'adaptation à l'euro d'une large majorité (73%) des terminaux de paiement.

L'information des particuliers :

-Une large majorité des Français (67%) connaissaient la date du début du paiement avec des pièces et des billets en euro. L'utilisation de l'euro apparaissait néanmoins encore minoritaire : 20% des Français déclaraient avoir effectué un paiement en euro dont 17% par chèque, 4% par carte bancaire et 2% par un autre moyen de paiement (mandat, ...). Parmi ceux qui n'avaient encore jamais payé en euro, 60% n'envisageaient pas de le faire avant janvier 2002.

-Enfin, 62 % étaient capables de donner la valeur en franc d'un euro.

Votre rapporteur spécial souhaite faire le point sur les actions liées au passage à l'euro entreprises par le ministère qui ont un impact budgétaire. Elles touchent la communication, la surveillance des prix et la lutte contre le blanchiment d'argent.

1. Un effort budgétaire de la commission européenne

La commission européenne finance une partie des actions mises en oeuvre par le ministère de l'économie et des finances. 6,5 millions d'euros de fonds de concours (compte 07-1-4-965) au titre des actions de communication sur le passage à l'euro seront imputés en 2001 sur le chapitre 34-98. 4,8 millions d'euros sont prévus pour 2002.

Les montants du fonds de concours ont cru jusqu'en 2001, passant de 1,4 millions d'euros en 1998 à 3 en 1999 et 3,4 en 2000. Ce fonds de concours a pris le relais du compte 07-1-4-954 « participation de la Commission européenne aux activités de sensibilisation à l'euro ».

2. Une responsabilité éminente du ministère de l'économie et des finances en terme de communication sur l'euro

Le ministère de l'économie et des finances gère l'essentiel des actions de communication sur l'euro lancées par le gouvernement.

Une ligne, sur le chapitre 34-98, regroupe l'ensemble des crédits affectés au plan de communication sur le passage à l'euro. Cette ligne est gérée par la direction des relations avec les publics et de la communication. Elle devrait être créditée de 7,6 millions d'euros en 2002 après 16 millions en loi de finances initiale pour 2001 et 9,9 en loi de finances initiale pour 2000.

Cette ligne finance en 2001 diverses opérations de communication :

-un nouveau guide pratique du passage à l'euro de 16 pages (27,5 millions d'exemplaires),

-la réalisation d'un guide euro pour les élus et les collectivités locales (150.000 exemplaires),

-la distribution de kits « euros bienvenus » aux commerçants (450.000 kits),

-le programme d'information et de formation à l'euro des personnes déficientes visuelles, intitulé " Euro-vision France ",

-la réalisation de convertisseurs francs/euros, euros/francs à restitution vocale pour les personnes déficientes visuelles (200.000 exemplaires) et la distribution de convertisseurs adaptés aux personnes en situation de précarité économique et sociale (1.200.000 exemplaires selon communiqué de presse),

-la diffusion de dépliants en langues étrangères (200.000 exemplaires),

Il est trop tôt pour évaluer ces dispositifs. Votre rapporteur spécial souhaite simplement souligner que la priorité du ministère a été tournée vers les publics les plus fragiles et que les opérations prises en direction des entreprises l'ont été pour la plupart en partenariat avec les chambres consulaires et les organisations professionnelles, voire complètement déléguées.

3. L'évaluation des actions menées entre 1997 et 1999

S'agissant des actions menées dans la première phase du plan de communication, entre 1997 et 1999, votre rapporteur spécial dispose d'un rapport de l'inspection générale des finances sur la fonction de communication, de juillet 2000, plus que nuancé.

Ce dernier rapport recense tout d'abord les actions entreprises les plus visibles durant la période. Il indique qu'un budget de 29 millions d'euros (188 millions de francs) a été consacré à l'euro durant cette période, se répartissant entre l'envoi à tous les foyers du guide pratique de l'euro (4,9 millions d'euros, 32 millions de francs), des campagnes médias (en direction des PME-PMI à l'été 1999, pour le premier anniversaire de l'euro, pour un coût total de 3,4 millions d'euros, 22 millions de francs), la lettre de l'euro (1,1 millions d'euros, 7 millions de francs) et la création d'un numéro vert (0,6 millions d'euros, 4 millions de francs).

Il indique ensuite que les résultats sont mitigés :

« Le guide pratique sur l'euro est revenu à 93 centimes l'unité, soit 9 fois plus cher que le « 4 pages » inséré dans la déclaration d'impôt, et seulement 61 % des Français l'ont reconnu, le confondant souvent avec des brochures des banques ou de la poste. S'agissant de la campagne média sur les PME-PMI, les résultats sont nettement en deça des normes standards ; seulement 3% des chefs d'entreprises interrogés ont été en mesure de restituer au moins un élément spécifique de cette campagne. La campagne pour le premier anniversaire de l'euro n'a pas non plus rencontré le succès escompté, puisque moins de la moitié des personnes interrogées (47 %) se sont souvenues avoir vu une campagne sur l'euro, seulement 14 % l'attribuent au ministère et 1% ont mémorisé le visuel. Quant au numéro vert, moins de 100 000 appels ont été traités en deux ans, ce qui porte le prix de revient de l'appel à 7,9 euros (52 francs) en 1999, sans que cette opération ait été remise en cause. »

Votre rapporteur spécial espère que le ministère a tiré les leçons des difficultés passées et que les critiques de l'inspection générale des finances ont porté leurs fruits.

4. Une préoccupation récente : l'évolution des prix lors du passage à l'euro.

Le ministère de l'économie et des finances s'est préoccupé d'un éventuel dérapage des prix lié au passage à l'euro à l'occasion de la parution d'un numéro de 60 millions de consommateurs portant sur 210 produits d'entretien et d'alimentation, dans 10 points de vente dans les Yvelines et Paris durant la période juin 2000-juin 2001. L'enquête, à l'objet d'étude limité, montrait des hausse fortes sur certains produits comme les lessives et les produits laitiers.

La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a mis en place un dispositif exceptionnel depuis juin 2001 visant à suivre l'évolution du double affichage, à repérer les erreurs de conversion et à mesurer les évolutions de prix liées au passage à l'euro. 300 enquêteurs relèvent tous les mois les prix de 20.800 produits de services de grande consommation dans 2.900 points de vente. Dix relevés mensuels, publiés, sont prévus jusqu'au mois de mars 2002.

Il semble que jusqu'à présent, au vu des résultats des enquêtes qui m'ont été communiqués, les hausses de prix liés au passage à l'euro soient restées relativement circonscrites.

5. Une mobilisation importante pour éviter le blanchiment d'argent à l'occasion des conversions d'agent liquide en euro.

Cette préoccupation a toujours été présente au sein du ministère de l'économie et des finances. La cellule TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers clandestins) a constitué un groupe de travail « sécurité du passage à l'euro fiduciaire » en septembre 2000. Par ailleurs, TRACFIN et la direction des douanes échangent en temps réel leurs informations respectives en relation avec l'euro et établissent en concertation avec la commission bancaire les plans de contrôle des changeurs manuels dans la perspective du basculement vers la monnaie unique.

Si cette mobilisation paraît indispensable à votre rapporteur spécial, il ne bénéficie d'aucune information lui permettant d'appréhender l'étendue du risque.

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En conclusion, le ministère de l'économie et des finances paraît fortement mobilisé sur l'euro qui constitue une de ses trois priorités pour 2002. Les moyens budgétaires ne semblent pas sous-évalués et votre rapporteur spécial espère que les premiers balbutiements de la communication sur l'euro du ministère appartiennent au passé. Le plan d'action du ministère a dû être plusieurs fois modifié pour répondre aux événements. Sans doute est-ce normal s'agissant d'un élément unique dans notre histoire économique et face à un aussi grand nombre d'acteurs, souvent pleins de bonne volonté cependant.

En la matière, quoiqu'il en soit, l'évaluation de la politique du ministère pourra être rapidement dressée, dès les premiers jours du mois de janvier 2002. Le succès, comme l'échec, sera celui du ministère, mais aussi celui de tous.