II. DÉPENSES D'ÉQUIPEMENT6( * )

1. Analyse générale

a) Une nouvelle encoche forte par rapport à l'actuelle loi de programmation et une jonction difficile avec la prochaine loi de programmation

Crédits de paiement

La présentation du budget d'équipement pour 2002 intègre 412 millions d'euros (2,7 milliards de francs) de reports de crédits de la gestion 2001.

Compte non tenu de ces reports, les crédits de paiement des titres V et VI s'élèvent à 12,4 milliards d'euros (81,34 milliards de francs), en diminution de 2,8 % par rapport à 2001 (soit une baisse une fois et demie plus forte que celle des budgets d'investissement civil limitée à 1,7 %).

Si l'on intègre les reports 2001, les crédits de paiement s'élèvent à 12,8 milliards d'euros (84,03 milliards de francs), en hausse de 0,7 % par rapport à 2001.

Il reste que, même en intégrant les reports autorisés, l'enveloppe des crédits d'équipement subit en 2002 une encoche forte par rapport au niveau arrêté par la revue de programmes de 1998 .

De fait, l'écart s'établit à 4,5 milliards de francs (680 millions d'euros) par rapport au niveau fixé par la loi de programmation révisée, et à 8,9 milliards de francs (1,35 milliard d'euros par rapport à celui fixé par la loi de programmation initiale.

Hors reports, l'écart atteint 7,2 milliards de francs (1,09 milliard d'euros) par rapport à la loi de programmation révisée, et 11,5 milliards de francs (1.760 millions d'euros) par rapport à la loi de programmation initiale.

Par ailleurs, on ne peut que s'inquiéter déjà de l'écart tout aussi considérable entre l'annuité 2002 et le montant retenu pour la prochaine loi de programmation pour 2003, soit 13,34 milliards d'euros (87,5 milliards de francs). Hors reports, celle-ci atteint près de 1 milliard d'euros (7 milliards de francs).

Hors dépenses dites de « bourrage », en principe exclues par la loi de programmation militaire, -c'est-à-dire essentiellement contribution au BCRD 7( * ) et financement des compensations accordées à la Polynésie 8( * ) au titre de l'arrêt des essais nucléaires-, la « marche » budgétaire qu'il faudra, en principe, escalader, est de l'ordre de 1,4 milliard d'euros (plus de 9 milliards de francs).

Autorisations de programme

Les autorisations de programme s'élèvent à 13,01 milliards d'euros (85,34 milliards de francs), soit une progression de 0,7 % par rapport à 2001.

Bien que supérieures de 4 milliards de francs à celui des crédits de paiement, le niveau des autorisations de programme ne devrait pas suffire toutefois à maintenir une politique cohérente de commandes totales.

La limitation de la dotation obligera ainsi à repousser début 2003 des commandes importantes qui auraient dû être passées en 2002, comme celle des missiles M51.

b) Poursuite du « bourrage d'enveloppe »

Outre l'effet des reports, l'appréciation portée sur l'évolution des crédits d'équipement doit également tenir compte de l'incidence des procédures diverses de « bourrage d'enveloppe », correspondant à des dépenses non prévues ou exclues par la loi de programmation, et pour l'essentiel inscrites au titre VI du budget.

On soulignera d'ailleurs que, sur l'ensemble de la durée de programmation, l'évolution générale des dépenses d'équipement recouvre deux mouvements divergents entre les crédits du titre V, strictement affectés à l'équipement des forces armées, et ceux du titre VI, qui regroupent des subventions de nature diverse, parfois très indirectement rattachées à l'équipement militaire.

De fait, en 2002, seuls les crédits du titre V sont diminués (- 2,8 % en crédits de paiement et + 0,6 % en autorisations de programme).

Inversement, ceux du titre VI poursuivent la forte progression enregistrée au cours des exercices précédents, du fait de l'imputation croissante sur ce titre de dépenses non liées à l'équipement des forces armées : aides à la Polynésie française consécutives à l'arrêt des essais nucléaires 9( * ) , financement de la recherche civile par transfert de crédits au budget de la recherche civile 10( * ) , Fonds pour les restructurations de la défense (FRED) 11( * ) subventions à l'ONERA ( Office national d'études et de recherches aérospatiales ) et à l'Institut franco-allemand de Saint-Louis, dotations pour les fondations et le tourisme de mémoire ( Anciens combattants ), pour l'essentiel.

Le titre V « porte » en outre des dépenses dont la nature relèverait davantage du titre III. Celles-ci, qui contribuent à majorer « optiquement » le poids du titre V, correspondent d'ailleurs souvent à des transferts progressifs, au cours de la programmation, en provenance du titre III.

Tel est le cas par exemple du transfert partiel des crédits d'entretien programmé du matériel , dont le total, au terme d'un nouveau transfert de 40 millions d'euros (262 millions de francs), s'élève pour 2002 à 304 millions d'euros (près de 2 milliards de francs).

De même, la masse salariale correspondant aux personnels employés par la Direction des constructions navales et par le Service de maintenance aéronautique ne figure pas au titre III du budget mais au titre V, dès lors qu'elle est financée sur les programmes d'armement et d'entretien commandés à ces deux services par les armées. La même situation prévaut pour la Direction des applications militaires (DAM) du CEA , dont la masse salariale est financée sur les programmes militaires.

2. Répartition par armée et service

La réduction en 2002 des dotations de la Marine et de l'Etat-major des armées provient en partie du niveau élevé des dotations affectées à certains programmes en 2001 (Espace, Rafale notamment).

L'augmentation des dotations en autorisations de programme de l'armée de l'Air et de l'armée de Terre s'explique notamment par d'importantes commandes prévues en 2002 (FSAF -missiles Famille sol-air futurs-, valorisation VAB, véhicules divers notamment).

3. Évolution par domaine

L'augmentation sensible en 2002 des crédits consacrés au domaine nucléaire résulte principalement de la montée en puissance des grands programmes, tels que le quatrième SNLE-NG (sous-marin nucléaire lance-engins - nouvelle génération), l'ASMP-A (missile air-sol moyenne portée amélioré) et le programme de simulation. Parallèlement, les enveloppes des domaines spatial et classique enregistrent des réductions importantes, en partie seulement liées au niveau élevé des crédits consacrés à certains programmes en 2001 (Hélios, Syracuse, Rafale, char Leclerc, MTGT (modernisation des moyens de transport des garnisons de l'armée de Terre).

En réalité, l'évolution enregistrée en 2002 reflète sans doute une tendance de plus long terme à laquelle il convient d'être attentif.

Elle correspond en effet à une remontée structurelle du poids des dépenses nucléaires, dont l'effet d'éviction sur les autres grands programmes pourrait bien progresser.

Après avoir considérablement diminué depuis les années soixante-dix, (il était alors proche de 30 milliards de francs), l'agrégat nucléaire est tombé à un niveau voisin de 15 milliards de francs en 2001. La forte progression enregistrée en 2002 (+ 23 % pour les autorisations de programme ; + 13 % pour les crédits de paiements), signale vraisemblablement le début d'un retournement de tendance, lié à la modernisation simultanée des vecteurs, des missiles et des charges, et à la montée en puissance de la simulation 12( * ) .

Inversement, il faut souligner le relatif « sacrifice » des crédits liés à l'Espace, tout au long de la loi de programmation, notamment en exécution 13( * ) . Certes liée à une visibilité difficile sur l'évolution des programmes, en raison des multiples défaillances de la coopération européenne, ce choix apparaît coûteux aujourd'hui, notamment en termes d'autonomie.

4. Evolution par catégorie de dépenses

Les variations observées traduisent principalement :

- un effort en faveur de moyens d'études et de recherche , longtemps sacrifiés ;

- un effort également en faveur du maintien en condition opérationnelle des matériels, dont le niveau était devenu préoccupant ;

- la diminution des enveloppes qui avaient été « privilégiées » au cours de l'exercice 2001 : infrastructures (Gendarmerie et Service de santé des armées), fabrications et munitions.