M. Roger BESSE

PREMIÈRE PARTIE :

PRÉSENTATION D'ENSEMBLE DE LA MISSION

I. UNE NOUVELLE ARCHITECTURE

A. UNE MISSION INTERMINISTÉRIELLE RÉDUITE À DEUX PROGRAMMES

1. Dès 2007, la suppression d'un programme

En 2006, première année d'existence de la maquette budgétaire issue de la LOLF, la mission « Politique des territoires » associait principalement deux ministères et comprenait six programmes .

D'une part, le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire (MIAT) pilotait 2 programmes : le programme 112, « Aménagement du territoire », et, par délégation de gestion du Premier ministre, le programme 162, « Interventions territoriales de l'Etat », couramment désigné « PITE ».

D'autre part, le ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer (MTETM) pilotait 4 programmes :

- le programme 113, « Aménagement, urbanisme et ingénierie publique » (AUIP) ;

- le programme 159, « Information géographique et carto-graphique » ;

- le programme 222, « Stratégie en matière d'équipement » ;

- le programme 223, « Tourisme ».

Destiné à retracer principalement des dépenses de personnel et de fonctionnement des services de l'équipement, le programme « Stratégie en matière d'équipement » précité a disparu dans la LFI pour 2007 , étant « fondu » dans le programme 217, « Soutien et pilotage des politiques d'équipement » de la mission « Transports ». Cette réforme était en fait envisagée dès l'examen du PLF pour 2006, eu égard à la complexité de la délimitation du périmètre de chacun des deux programmes finalement fusionnés.

2. Pour 2008, une amputation de trois programmes au profit d'autres missions

La maquette budgétaire retenue par le présent PLF modifie profondément l'architecture de la mission « Politique des territoires ».

En premier lieu, deux des programmes composant la mission en 2006 et en 2007, « Aménagement, urbanisme et ingénierie publique » et « Information géographique et cartographique », sont désormais rattachés à la mission « Ecologie, développement et aménagement durables », nouvellement constituée 1 ( * ) .

En second lieu, le programme « Tourisme » , en tant que tel, a disparu de la maquette budgétaire proposée par le gouvernement. Les actions correspondantes se trouvent intégrées à la mission « Développement et régulation économiques », sous la forme d'une action unique (n° 12), au sein du programme 134, « Développement des entreprises », rebaptisé en conséquence « Développement des entreprises, des services et de l'activité touristique » 2 ( * ) .

Cette dernière mesure répond à des critiques régulièrement formulées, dont le rapport de la Cour des comptes sur les résultats et la gestion de l'Etat pour 2006 s'est fait l'écho : « l'inclusion du programme "Tourisme" dans la mission "Politique des territoires" est discutable. En effet, la politique du tourisme, fondée surtout sur des interventions économiques et sociales, repose à la fois sur un programme qui ne relève d'aucune stratégie territoriale particulière et sur des dépense fiscales, dont la principale (l'application d'un taux de TVA réduit dans l'hôtellerie) ne contribue que très indirectement à l'aménagement du territoire. »

De cette façon, la mission « Politique des territoires », pour 2008, ne comporte plus que deux programmes :

- d'une part, le programme « Aménagement du territoire », piloté par le ministère d'Etat de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables ;

- d'autre part, le PITE , dont le pilotage, par délégation de gestion du Premier ministre, reste assuré par le ministère chargé de l'intérieur, désormais ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivité territoriales.

On observera que cette forte réduction de périmètre n'est pas sans limiter, de facto , les possibilités d'amendement du Parlement , dont le droit en la matière, conformément à la LOLF, ne peut s'exercer qu'entre les programmes d'une même mission.

B. UNE MISSION DONT L'ORGANISATION RESTE PROBLÉMATIQUE

1. La difficile cohérence de la mission

Comme votre rapporteur spécial l'a fait observer dans le cadre de l'examen du PLF pour 2007 3 ( * ) , la mission « Politique des territoires », jusqu'à présent, a peiné à trouver sa cohérence interne . Le RAP annexé au projet de loi de règlement pour 2006 4 ( * ) a confirmé l'image que les PAP pour 2006 et pour 2007 donnaient de cette mission, relevant davantage de la simple juxtaposition de programmes que d'une action d'ensemble cohérente qui fédérerait sur le fond ces derniers.

La dimension interministérielle de la mission, naturellement, contribuait d'une façon non négligeable à cette situation. Plus encore, cependant, la diversité des secteurs concernés en était responsable : aménagement du territoire, urbanisme, tourisme... Il s'agissait d'un agrégat de politiques publiques spécifiques plus que d'une politique réellement unifiée . Du moins, la présence du programme « Tourisme », comme on l'a vu, brouillait fortement la vocation « territoriale » affichée par la mission. Dans son rapport sur le programme « Aménagement du territoire » rendu au mois de mai 2007 5 ( * ) , le Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP) a ainsi souligné « l'absence de synergie entre les programmes qui compos[ai]ent la mission, du fait de leur contenu hétérogène ».

De ce point de vue, le recentrage de cette mission, pour 2008, autour de l'aménagement du territoire (le programme homonyme représente près de 90 % des crédits de paiement prévus pour la mission par le présent PLF) est de nature à mettre fin au « flou conceptuel » qui, depuis l'origine, caractérisait son architecture.

On doit toutefois nuancer, assez fortement, cette analyse.

Tout d'abord, dès lors que l'objectif était bien d'unifier la mission « Politique des territoires » autour d'une thématique territoriale « pure », on pourra juger discutable le rattachement à une autre mission, comme il a été indiqué, du programme « Information géographique et cartographique », voire celui du programme « AUIP ».

Ensuite, les crédits consacrés par l'Etat à l'aménagement du territoire, politique « transversale », excèdent de loin les seuls crédits inscrits dans le programme « Aménagement du territoire » lui-même et, plus généralement, ceux de la mission « Politique des territoire ». Cette mission, en effet, ne correspond dans le présent PLF qu'à un peu plus du dixième de l'effort budgétaire global en la matière ( cf. infra ). De la sorte, en vue d'apprécier la politique nationale d'aménagement du territoire, on ne saurait faire abstraction de l' interdépendance des actions retracées dans cette mission avec des actions relevant d'autres missions .

Par ailleurs, il convient de souligner qu'une part significative des difficultés jusqu'à présent posées, sur le plan de la cohérence, par la mission « Politique des territoires », tient aux spécificités du PITE, programme sui generis ( cf. infra ). Le maintien de ce programme, présenté comme « expérimental » par le RAP de la mission annexé au présent PLF, implique la persistance d'une certaine « perturbation » de la lisibilité de la mission, quant à l'objet exact de la politique publique dont elle est en charge de rendre compte, conformément aux prescriptions de la LOLF.

En outre, l' avenir incertain du PITE pose la question de l'avenir de la mission elle-même, qui en tout état de cause ne pourrait se résumer à un programme unique le programme « Aménagement du territoire » , eu égard aux exigences de la LOLF que le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de rappeler 6 ( * ) .

Enfin, compte tenu de la disproportion, en termes de volume de crédits, entre le programme « Aménagement du territoire » et le PITE (lequel, dans le présent PLF, ne représente qu'un peu plus de 10 % des crédits de paiement inscrits dans la mission), force est de constater le caractère déséquilibré que présente, désormais, l'organisation de cette mission.

2. Un risque de difficultés pour apprécier les résultats de la gestion 2008

Malgré les réserves qui viennent d'être exposées, la nouvelle configuration de la mission « Politique des territoires » proposée par le présent PLF apparaît comme un progrès. Néanmoins, votre rapporteur spécial s'interroge sur les conséquences que le changement de périmètre de cette mission, en 2008, pourrait emporter sur les conditions de l'appréciation qu'il reviendra au Parlement de porter quant à la gestion relative à cet exercice, lors de l'examen, en 2009, du projet de loi de règlement afférent.

En effet, on peut estimer que la comparaison entre la gestion 2007 et la gestion 2008, en ce qui concerne les crédits inscrits en 2007 dans les trois programmes soustraits à la mission « Politique des territoires » par le présent PLF, sera peu ou prou rendue délicate sauf aménagement ad hoc des RAP concernés pour 2008. Aussi, votre rapporteur spécial formule d'ores et déjà le souhait que ces documents soient présentés sous une forme qui permette le suivi, dans les meilleures conditions, de la gestion de ces crédits d'un exercice sur l'autre , nonobstant le changement de l'architecture budgétaire.

Cette préoccupation vise tout particulièrement la gestion des crédits consacrés à la politique du tourisme, dans la mesure où celle-ci ne ferait plus l'objet, suivant les dispositions du présent PLF en son état initial, que d'une action parmi celles du programme « Développement des entreprises, des services et de l'activité touristique ».

* 1 Les rapporteurs spéciaux de cette mission sont nos collègues Alain Lambert, Jean-Pierre Masseret, Gérard Miquel, Yvon Collin et Fabienne Keller.

* 2 A l'initiative conjointe de nos collègues députés Pascal Terrasse, au nom de la commission des finances, et Michel Bouvard, d'une part, et Arnaud Montebourg, Alain Vidalies, Serge Blisko
et les membres du groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche, d'autre part, l'Assemblée nationale a « rétabli » un programme « Tourisme » dans le budget général. Mais ce programme figure désormais au sein de la mission «
Développement et régulation économiques », dont le rapporteur spécial au Sénat est notre collègue Eric Doligé.

* 3 Rapport n° 78 (2006-2007), tome III, annexe 18, p. 20.

* 4 Cf. la contribution de votre rapporteur spécial au rapport n° 393 (2006-2007), tome II.

* 5 Rapport n° 2007-1-56-02 transmis à votre commission des finances.

* 6 Décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005 ( Loi de finances pour 2006 ).