2. Les " bleus " ou la consécration de l'anomie budgétaire

a) Malgré leur réforme...

La présentation des crédits dans les " bleus budgétaires " constitue aujourd'hui l'essentiel de l'information brute donnée par le gouvernement sur le montant et la destination des crédits. Ces " bleus " ont, en outre, une vraie portée juridique : la répartition des crédits par chapitre lie le gouvernement dans l'exécution du budget, sous les réserves rappelées dans le chapitre 2 du présent rapport.

Afin de mieux faire apparaître les missions imparties aux ministères, la direction du budget a entrepris, en 1994, une réforme de ces annexes explicatives.

La modernisation des documents budgétaires s'est traduite par la suppression des actions figurant jusqu'ici dans les bleus, et leur remplacement par des regroupements plus globaux dénommés agrégats. A chacun de ceux-ci sont associés des indicateurs destinés à apporter des éléments d'appréciation et de comparaison sur leurs activités et leur bilan coût-efficacité.

Ainsi, après une récapitulation des crédits et leur présentation par chapitre et article, les " bleus " comportent une récapitulation des crédits par agrégat.

Leur nombre est variable, allant de trois à huit, pour les ministères dont les budgets sont les plus importants.

Chaque agrégat est accompagné d'un tableau faisant apparaître le montant des crédits, tant en autorisations de programme qu'en crédits de paiement, suivi de la liste des chapitres et articles dans lesquels sont répartis ces crédits.

Enfin, suivent deux paragraphes. Le premier, intitulé " contenu de l'agrégat ", comporte, d'une part, la liste des services dont les moyens sont regroupés dans l'agrégat et, d'autre part, les dépenses couvertes par les dotations affectées à ce même agrégat. Le second paragraphe concerne les indicateurs.

b) ...les " bleus " ne constituent en rien le support d'une budgétisation par objectifs...

La direction du budget prévoyait trois types d'indicateurs concernant respectivement les moyens (effectifs mis en oeuvre, équipements immobiliers, nombre de micro-ordinateurs, taux de déconcentration des crédits...), les activités (nombre d'actes effectués, d'activités opérationnelles...) et, enfin, les résultats (performances, objectifs atteints, qualité des services rendus...).

En pratique, les indicateurs de résultats sont généralement inexistants. L'absence d'objectifs chiffrés rendrait d'ailleurs leur exploitation peu probante.

En l'état actuel des choses, l'intérêt des agrégats est essentiellement d'ordre pédagogique. En revanche, pour un lecteur extérieur, les bleus n'apportent que des informations succinctes sur les projets des ministères et sur le rapport coût-efficacité de l'utilisation de leurs dotations budgétaires.

Les " bleus " ne peuvent nullement être assimilés à des rapports d'activité des ministères concernés.

Il convient par ailleurs de s'interroger sur le choix des agrégats dès lors qu'ils ne correspondent pas aux programmes inscrits dans les " blancs ".

c) ... et constituent le support d'une budgétisation de moyens.

Outre la répartition des crédits par chapitre, les bleus constituent le support juridique de la distinction entre services votés et mesures nouvelles.

Formant 93 % de l'ensemble des dépenses du budget général, les services votés constituent le minimum de moyens que le gouvernement juge nécessaire à la poursuite des missions de l'Etat. Au-delà, ce sont les moyens supplémentaires, qu'il est demandé au Parlement de voter chaque année par ministère, et dénommés " mesures nouvelles ".

Aucune explication de la distinction entre les deux types de moyens n'est fournie dans les bleus, et elle reste mystérieuse. Où se trouve la lisière entre moyens indispensables et moyens qui ne le sont pas ? Les bleus ne le disent pas.

En revanche, c'est bien sur des moyens nouveaux, sans considération des objectifs, ni débat sur les moyens indispensables, que le Parlement doit se prononcer chaque année.

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