C. BILAN DES DISPOSITIFS DE CONCERTATION ET CONTRACTUALISATION DANS LE DOMAINE DE L'EAU

18. Intervention de M. Jean BIZET , sénateur de la Manche, rapporteur pour avis du budget de l'environnement, Commission des affaires économiques

Menée depuis des décennies avec la plus grande rationalité, la politique de gestion de l'eau française a servi de modèle, sur plusieurs points, à la directive cadre européenne sur l'eau. Bien entendu, j'espère que ces éléments spécifiques seront retenus dans la loi de transcription française.

La concertation et la contractualisation constituent des éléments essentiels de la gestion de l'eau. Le contrat notamment peut être considéré comme la clé de voûte du système. Son rôle fédérateur est indéniable puisqu'il crée des liens entre les différents acteurs de l'eau -organismes nationaux, élus locaux, industriels ou encore agricultures- et assure la participation de tous. Outil de décentralisation par excellence, le contrat permet à l'Etat d'atteindre des niveaux subsidiaires sans pour autant devoir céder à la privatisation de la gestion publique. Le contrat, fondé sur une confiance mutuelle entre les parties, est un acte de prévision et d'administration important. Par ce contrat, chaque partie se voit, en effet, engagée sur des programmations budgétaires.

La contractualisation doit, depuis quelques années, tenir davantage compte de deux paramètres nouveaux : les attentes des consommateurs et l'évolution de l'intercommunalité.

1. Les attentes des consommateurs

En tant qu'utilisateurs de la ressource en eau, les consommateurs sont bien sûr les partenaires privilégiés de cette contractualisation. Pourtant, je précise que la préoccupation de la ressource en eau pour ce consommateur est un phénomène nouveau. Parce que l'avis du consommateur compte beaucoup plus aujourd'hui, la contractualisation s'est considérablement modifiée. Elle devient une expression supplémentaire de la démocratie participative. Toutefois, pour que la participation du consommateur soit efficace, simplicité et transparence administratives doivent absolument être garanties. S'affirmant comme des acteurs économiques à part entière, les consommateurs sont donc devenus plus exigeants en termes d'informations.

2. L'évolution de l'intercommunalité

Le paysage institutionnel s'est modifié et l'intercommunalité a complètement bouleversé les limites territoriales de la contractualisation. L'eau ignore les limites administratives, elle leur préfère bien sûr les dimensions géographiques et géologiques. L'intercommunalité permet d'atteindre une taille critique dans la négociation contractuelle. En somme, elle occasionne des économies d'échelle importantes, favorables in fine au consommateur. La confiance et la transparence locale sont de mieux en mieux perçues, contrairement à l'arbitraire étatique. La formule contractuelle, largement répandue, encourage la confiance collective. Par ailleurs, je rappelle que la nouvelle législation sur l'aménagement du territoire prévoit la mise en place des structures d'agglomération et de pays. Ces espaces pourront devenir de nouveaux partenaires de la contractualisation sur l'eau.

De toute évidence, l'organisation à venir du territoire permettra aux partenaires financiers tels que les agences, les régions ou les départements de traiter avec un nombre d'interlocuteurs plus limité, dans le cadre d'un périmètre plus pertinent. La planification et la programmation pluriannuelle vont s'en trouver améliorées considérablement.

La démarche de concertation et de contractualisation comporte donc de nombreux aspects positifs. Les contrats permettent de mettre en oeuvre des investissements cohérents et évitent le saupoudrage des crédits. Les objectifs d'amélioration et les échéances sont fixés de façon réaliste et les prévisions financières à court terme sont assurées.

Toutefois, quelques contraintes apparaissent sur les différents contrats instaurés par les agences de bassin. Certes, l'extension d'une politique contractuelle représente une sécurité pour l'agence, mais elle engendre également des difficultés dues au succès de la formule. Dans de nombreux cas, l'engagement pluriannuel mobilise une très grande partie de ses crédits, limitant ainsi les marges de manoeuvre de l'établissement.

En somme, un contrat ne peut se concevoir sans confiance et sans respect des engagements. Il ne peut donc pas se passer de financements garantis et de règles du jeu stables. Il ne faudrait pas que l'Etat s'illustre par des manquements aux contrats qu'il a cosignés.

La taxe générale sur les activités polluantes par exemple, apparue tout d'abord comme une rationalisation des taxes antérieurement perçues par l'ADEME, a rapidement été comprise comme un impôt supplémentaire, assis sur des bases environnementales et affecté à autre chose que l'environnement. Les citoyens ont manifestement été trompés par cette disposition. La seconde dérive, plus récente, concerne la suppression de la redevance d'assainissement dans le calcul du coefficient d'intégration fiscal pour les seules communautés de communes, réduisant ainsi leur dotation globale de fonctionnement.

En somme, j'estime dangereux de faire transiter 10 à 12 milliards de francs de redevances par le budget de l'Etat dont on connaît l'ampleur du déficit : le risque de dilution des fonds est bien réel. Cela hypothéquerait l'efficacité du système de contractualisation mis en place depuis des années.

Le bilan de la contractualisation est globalement satisfaisant, cependant les outils restent perfectibles. Chacun doit veiller à la bonne marche du procédé et à la préservation de la pérennité des financements. Là encore, la décentralisation doit demeurer l'objectif majeur. Je crains que le projet de loi gouvernemental ne conduise à une recentralisation de la politique de l'eau, d'autant plus dangereuse qu'elle avance masquée.

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