III. QUELS INVESTISSEMENTS POUR QUELS OBJECTIFS ?

9. Intervention de M. André SANTINI, ancien ministre, député des Hauts-de-Seine, président du Syndicat des Eaux d'Ile-de-France :

La future loi sur l'eau devra intégrer de manière définitive les principes fondamentaux de la directive cadre européenne. Les objectifs nationaux devraient suivre une approche pragmatique, à l'image de celle déjà initiée lors des précédentes lois sur l'eau. Un état des lieux précis comportant une évaluation écologique et économique permettra de définir des objectifs concrets assortis de délais et de moyens pour y parvenir. Enfin, la loi devra envisager des moyens pertinents de contrôle sur les programmes d'action.

La France dispose d'un délai de vingt ans, accordé par le Parlement européen, pour atteindre un niveau de qualité satisfaisant sur toutes les eaux de surface et eaux souterraines. Pour y parvenir, l'Etat devra soutenir la décentralisation de la gestion de l'eau. Le rôle et les compétences des agences de l'eau peuvent, bien entendu, être améliorés sans être, pour autant, remis en cause.

La loi française devra donc différencier précisément les compétences des opérateurs chargés de l'exécution des programmes d'action et celles de l'Etat, responsable des prescriptions réglementaires et des moyens à mettre en oeuvre pour les faire respecter dans le cadre d'une véritable police de l'eau.

Par ailleurs, tous les acteurs économiques du monde de l'eau doivent être associés afin que chacun prenne conscience des conséquences de ses interventions. Il convient d'être précis sur les objectifs à atteindre, mais aussi réaliste et concret sur leur mode de financement. Le principe " pollueur payeur " doit s'inscrire dans un concept plus global de prise en compte des coûts d'utilisation de l'eau. L'implication financière des industriels ou agriculteurs pollueurs doit servir exclusivement la politique de l'eau. L'instauration récente de la TGAP constitue notamment un véritable détournement de fonds au détriment de la politique de l'eau.

Enfin, je précise que les attentes de l'usager sont multiples : il attend une eau plus sûre et une facture compréhensible. Il souhaite également qu'un comptage individualisé de sa consommation d'eau soit instauré, quel que soit son mode d'habitation. Il importe que le consommateur puisse percevoir le coût réel du service qui lui est offert et pas uniquement les évolutions tarifaires.

Malheureusement, ces principes européens ne semblent pas figurer dans le projet de loi français. En somme, l'approche délibérément centralisatrice du Gouvernement risque de compromettre l'action au lieu de la démultiplier.

A. L'EAU, PHÉNOMÈNE DE SOCIÉTÉ

10. Intervention de M. Jean-Luc TRANCART , directeur de la clientèle de Lyonnaise des Eaux, président du Centre d'information sur l'eau (CIEau)

Le CIEau, que j'ai l'honneur de présider, a édité récemment une brochure qui décrit la façon dont les français se comportent avec l'eau. Les résultats de cette analyse serviront de base à mon propos.

L'opinion publique doit aujourd'hui disposer d'une place importante dans l'élaboration de la future loi sur l'eau française. En effet, une loi doit être de son temps et pour y parvenir, elle doit tenir compte des grandes tendances de la période dans laquelle elle est étudiée puis votée.

La loi sur l'eau de 1964 correspondait à l'émergence de la politique d'aménagement du territoire. Les agences de l'eau ont été créées dans cette optique. La loi de 1992 a davantage tenu compte de la montée des préoccupations environnementales des Français. Dans quel contexte le nouveau projet de loi sur l'eau est-il préparé ? En effet, il ne doit pas négliger la montée de l'intérêt de l'opinion publique pour l'eau. Entre 1990 et 2000, le nombre d'articles de presse consacrés à l'eau a été multiplié par dix. Trois types de raisons permettent d'expliquer cette évolution.

• Le taux d'augmentation du prix de l'eau durant cette décennie a fortement marqué l'opinion publique. Les français ont pu, par exemple, noter une hausse de 12 % du prix en 1994.

• Même si plusieurs dispositions législatives (lois Barnier, Sapin...) ont fait évoluer la situation, les interrogations sur la valeur du service de l'eau engendrent un grand débat de société, en particulier sur la place et le rôle du secteur privé dans ce domaine.

• Enfin, une dernière raison a suscité un nouveau débat français sur l'eau. Aujourd'hui, 38 % des Français sont inquiets pour leur santé à cause de l'eau. Cette crainte se traduit par une réelle désaffection pour l'eau du robinet. Environ un quart des Français se déclare consommateurs exclusifs d'eau en bouteille. L'eau est donc considérée comme un service, mais aussi comme un aliment. L'opinion cherche à en savoir toujours davantage sur sa qualité, la pureté de son origine ou encore la traçabilité de son parcours. 56 % des Français se déclarent prêt à payer davantage pour une eau de qualité... Je crois que l'intérêt du consommateur va très rapidement nous indiquer la nécessité de communiquer davantage . Malheureusement, des confusions graves subsistent dans la compréhension du " cycle de l'eau ". Il faut savoir que plus de 50 % des consommateurs s'imaginent que l'eau potable provient du retraitement des eaux usées issues des stations d'épuration.

Quelle évolution attendre pour ces prochaines années ? Il me semble que nous assistons aujourd'hui à un changement de priorité des Français. Ils se préoccupent davantage de la qualité et de traçabilité du produit plutôt que du service de distribution. Le retour de la croissance semble donc se traduire par un regain d'intérêt des Français pour l'environnement. Toutefois, je précise qu'ils tiennent également à la question du prix de l'eau et à sa transparence .

En conclusion, j'invite les auteurs de la future loi à respecter quelques points spécifiques.

• Les Français sont aujourd'hui demandeurs d'informations sur l'eau, ils souhaitent devenir de véritables acteurs du processus.

• A cet égard, le phénomène de centralisation me semble être plutôt positif. En effet, si la communication locale sur l'eau est bonne, il n'existe pas de discours national homogène. La création d'un Haut Conseil et le recours au Parlement permettront certainement de concevoir ce langage national.

• Par ailleurs, les Français souhaitent que le problème des nitrates et des pesticides soit considéré comme prioritaire.

• Enfin, les agences vont devoir prendre en compte l'attente en matière de transparence. Il est important notamment que la façon dont les redevances sont établies soit compréhensible par le consommateur.

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