VI. LES ASPECTS INTERNATIONAUX

Le développement sans précédent et particulièrement alarmant des trafics à fins d'exploitation sexuelle a conduit les organisations internationales (ONU, Union européenne, Conseil de l'Europe) à prendre des initiatives pour lutter contre la traite des êtres humains.

Mais les conceptions très différentes, d'un Etat à l'autre, du statut à accorder à la prostitution ont fait de l'adoption de positions communes un véritable défi.

A. LA MULTIPLICATION DES RÉSEAUX

Comme beaucoup d'autres, le dossier de la prostitution est confronté au problème de la mondialisation, laquelle est venue en compliquer considérablement l'approche ; les réseaux internationaux prospèrent et se multiplient.

Le phénomène du trafic a certes toujours existé -la traite européenne des femmes " alimentait " autrefois les maisons closes-, mais il a changé de dimension. Le nombre de ses victimes dans le monde dépasserait les quatre millions et 300.000 femmes venues de l'Est se prostitueraient actuellement sur les trottoirs des pays d'Europe Occidentale.

La prostitution est devenue une gigantesque organisation criminelle internationale. Les réseaux se développent en raison d'intérêts économiques très puissants. Les flux financiers sont considérables, sans compter les ramifications dans l'industrie du sexe et de la pornographie.

Tous les pays européens sont concernés et il s'agit de réseaux très organisés, même si l'on ne peut, selon l'OCRTEH, parler de " mafias " dans la mesure où ils ne cherchent pas à pénétrer les rouages administratifs et économiques des pays dans lesquels ils opèrent et à recycler dans ces pays le produit de leur activité. Ils fonctionnent partout de la même manière avec des petits trafiquants qui travaillent pour des plus grands ; ils contrôlent tout à la fois les marchés des armes et de la drogue, la prostitution servant notamment au blanchiment de l'argent sale.

La libre circulation des personnes, l'absence de contrôles frontaliers dans l'espace Schengen, la rapidité des transports et les nouvelles technologies sont autant d'éléments qui facilitent l'action de ces réseaux.

Il existe en Europe un certain nombre de " plaques tournantes ", variables selon les filières. Les trafics asiatiques transiteraient ainsi par Moscou, Kiev et Prague ; depuis leur entrée dans l'espace Schengen, la Grèce, l'Italie et l'Autriche servent de frontières pour les flux en provenance du Moyen-Orient et surtout des Balkans (Albanie et Kosovo, notamment) ; leur topographie, faite de multiples îles, côtes maritimes et montagnes, facilite l'accès sur le territoire européen.

Les causes des trafics d'êtres humains sont bien sûr le déséquilibre économique qui existe entre Etats riches et pauvres, mais aussi les violences sociales et politiques des pays d'origine (guerres et conflits ethniques, dictatures, violation des droits de l'Homme...). Les possibilités très réduites d'émigration légale dans les pays d'Europe Occidentale depuis une vingtaine d'années sont une autre explication. Enfin, il faut bien admettre que les trafics ne se développeraient pas sans l'existence d'une " demande " sur les territoires de destination...

Les réseaux de prostitution profitent, en outre, de l'inertie des services de police dans les pays dont ils sont originaires, inertie qui tient avant tout à la désorganisation des structures administratives, mais aussi au fait que, confrontés à une grande criminalité, la prostitution ne constitue pas pour ces services une priorité. Il est très vraisemblable aussi que les réseaux prolifèrent dans certains cas grâce à la corruption des fonctionnaires.

Les trafiquants de femmes destinées à l'exploitation sexuelle ne courent à ce jour pas grands risques aux frontières de l'Europe Occidentale, en tout cas moins que dans d'autres trafics comme ceux des armes ou des stupéfiants, compte tenu du manque de sensibilisation des douaniers et policiers ou, le cas échéant, de l'absence de législation pour asseoir leur action.

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