C. DE LA CRISE À LA CROISSANCE... À LA CRISE ?

Singapour a très vite surmonté la crise asiatique, qui ne l'a d'ailleurs affecté que par ricochet.

L'objet du présent rapport n'est pas de rentrer dans l'interprétation délicate des causes de cet événement. Au-delà de la crise de confiance qui a saisi les marchés financiers, des explications macro-économiques -touchant les modalités de la croissance asiatique- et micro-économiques, portant sur les éléments structurels de l'économie, ont été avancées. On a ainsi parlé à la fois d'une crise du régime des taux de change, d'une politique monétaire inadaptée (masse excessive des crédits à l'économie), d'une financiarisation excessive des balances des paiements (avec prédominance des capitaux à court terme), d'un surinvestissement, d'une inflation des actifs, d'une mauvaise allocation des capitaux, d'une mauvaise coordination dans les termes des engagements et des placements des banques et des entreprises, ainsi que de l'immaturité des marchés financiers...

La délégation ne souhaite pas revenir sur ces différents analyses, d'autant qu'il existe une littérature abondante sur ce sujet. Il suffira, pour le présent propos, de mesurer les conséquences de la crise régionale sur l'économie singapourienne.

1. Un impact mesuré de la crise asiatique de 1997

Singapour n'a été que peu affecté, dans un premier temps, par la crise financière régionale déclenchée en Thaïlande en été 1997 et qui s'est progressivement propagée, à partir de cette date, aux pays voisins.

Ce n'est qu'à la fin de 1998 que l'économie fut touchée, principalement par le biais de l'effondrement du commerce intra-asiatique , ainsi que par le recul de la demande mondiale.

Au total, les graphiques ci-dessous illustrent le ralentissement -temporaire mais réel- de l'économie singapourienne en 1998 :

EVOLUTION TRIMESTRIELLE DU PIB
(À PRIX CONSTANT 1990, EN GLISSEMENT ANNUEL)

EVOLUTION DU PIB ANNUEL EN MILLIONS DE DOLLARS SINGAPOURIENS

Le tassement de la croissance n'aura été que très passager.

2. Une flexibilité de l'économie qui a favorisé une reprise rapide

a) La croissance retrouvée dès 1999

Une reprise " tirée " par la demande occidentale, puis asiatique

Après la récession de 1998, Singapour a renoué avec la croissance dès 1999. La reprise de l'activité a été " tirée " par la demande extérieure, stimulée par un environnement international très porteur, notamment dans le secteur électronique , à partir de la fin 1998.

Les effets de la crise ont ainsi été amortis par le différentiel de conjoncture entre l'Asie d'une part, en récession pendant 2 ans, et les Etats-Unis et l'Europe, d'autre part. Les exportations de Singapour vers l'Asie (55 % des exportations totales en 1998) ont chuté de 5 %, tandis que les Etats-Unis et l'Europe les tiraient à un rythme de respectivement 7 % et 15 %. Par ailleurs, la dépréciation du change effectif réel a stimulé les exportations.

Il convient toutefois de noter que le rebond du commerce intra-régional en 1999 est rapidement venu prendre le relais. Les exportations vers l'Asie ont progressé de 11 % en 1999, tandis que les Etats-Unis les tiraient à un moindre rythme (de 2 %). Quant aux exportations vers l'Europe, elles ont diminué de 4 %. L'analyse géographique des exportations domestiques non pétrolières en 1999 confirme cette tendance : ces exportations n'ont augmenté que de 2,2 % vers les Etats-Unis et de 7 % vers l'Europe, alors que vers le Japon et la Malaisie les hausses respectives ont été de 38,2 % et 21,4 %.

Grâce à la spécialisation de Singapour dans le secteur électronique , l'amélioration de l'environnement économique mondial dans ce secteur a eu un effet multiplicateur sur les exportations surtout en 2000 (sur les 9 premiers mois de l'année, leur hausse a été de plus de 22 %). La demande en semi-conducteurs et en équipements de télécoms, tirée par l'usage croissant de l'Internet (+31 % en 2000, selon l'Association américaine de l'industrie du semi-conducteur) a été exceptionnellement dynamique.

Un redémarrage de la consommation domestique

Mais le retour de la croissance économique en 1999 est également dû à la reprise de la demande interne tirée par la consommation privée (+6,6 % en 1999). Les dépenses des ménages ont ainsi dépassé dès 1999 leur niveau d'avant crise. Cette reprise vigoureuse de la demande intérieure s'est traduite par un dynamisme retrouvé des importations : ces dernières ont augmenté de 9,4 % en 1999, et de 23 % sur les 9 premiers mois de l'année 2000 (in fine, la croissance sera de l'ordre de 10 %). La consommation des ménages stimulée par la remontée des prix des actifs et l'amélioration de la situation sur le marché du travail a également été en 2000 la principale source de croissance.

Cette reprise de l'activité s'est accompagnée d'un mouvement massif de reconstitution des stocks qui a apporté une contribution décisive à la croissance en 1999. Enfin, l'investissement a lui aussi affiché une reprise plus rapide que dans de nombreux autres pays asiatiques.

Depuis le début de l'année 2000, l'économie singapourienne a affiché d'excellentes performances : la croissance ne devrait pas être très loin de 10 % sur l'ensemble de l'année 2000. Néanmoins, ce bon résultat d'ensemble masque des disparités sectorielles : si le secteur manufacturier fait preuve d'un grand dynamisme, d'autres secteurs comme l'immobilier sont moins bien orientés. L'inflation reste modérée (1,5 % en glissement annuel au troisième trimestre) malgré la vigueur de l'activité et la hausse des prix des matières premières.

La convalescence de l'économie singapourienne a donc été particulièrement rapide.

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