Audition de M. Jean-Louis HUREL,
Directeur général de SARIA industries

(21 février 2001)

M. Gérard Dériot, Président - Monsieur Hurel, vous êtes Directeur général de SARIA Industries et vous êtes aujourd'hui entendu dans le cadre de notre Commission d'enquête du Sénat sur le problème des farines animales et leurs conséquences avec la propagation de l'ESB.

Le président rappelle le protocole de publicité des travaux de la commission d'enquête et fait prêter serment à M. Hurel.

M. le Président - On nous avait annoncé que vous seriez accompagné de M. Voguet, responsable de la Communication pour le compte du SIFCO. Je préfère donc qu'il vienne avec vous et qu'il prête serment afin de pouvoir répondre aux éventuelles questions qui pourraient lui être posées.

Dans le cas contraire, je serais obligé de lui demander de sortir de cette salle. Cette séance est publique pour les journalistes mais pas pour les autres personnes.

M. Jean-Louis Hurel - Je n'y suis pas opposé si lui-même est favorable à votre requête.

M. le Président - Monsieur Voguet, vous êtes responsable de la Communication pour le compte du SIFCO, à savoir l'organisation professionnelle de l'ensemble de la profession.

Je vais vous demander de prêter serment afin que vous puissiez répondre à toute question qui pourrait vous être posée. Je vous demande de dire toute la vérité, rien que la vérité, de lever la main droite et de le dire je le jure.

M. Voguet - Je le jure.

M. Jean-Louis Hurel - SARIA Industries est aujourd'hui une entreprise de 1 450 personnes qui réalise un chiffre d'affaires d'environ 1,4 GF.

Elle émane, à l'origine, d'un département de la société SANOFI Bio-Industries spécialisé dans les bio-industries du Groupe SANOFI. Cette société a été vendue en 1995 au Groupe allemand Rethmann.

En France, elle regroupe environ 14 usines plus ou moins spécialisées dans différentes activités en fonction du gisement et de la collecte des matières premières.

Le Groupe SARIA Industries est spécialisé dans le traitement et la valorisation (au moins jusqu'à une date récente) des coproduits d'abattoirs ; ce qui n'est pas directement utilisé dans la viande est récupéré pour être transformé, principalement en farines animales et en graisses.

Une deuxième partie de l'activité consiste à traiter le service public de l'équarrissage ; il s'agit de collecter et de transformer (en farines animales destinées à l'incinération) les matériaux à risques spécifiés, à savoir les coproduits exclus de la chaîne alimentaire par les Services Vétérinaires, dans les abattoirs suivant une liste déposée. Cette mission consiste également à collecter les cadavres d'animaux dans les élevages.

Cette activité représente aujourd'hui environ un tiers du volume total traité par SARIA Industries qui collecte et transforme environ un 1 500 000 tonnes de coproduits et de produits animaux.

Je suis moi-même rentré dans l'entreprise en octobre 1996 et j'ai exercé pendant 4 ans les fonctions de Directeur administratif et financier. J'ai été nommé Directeur général du Groupe en France depuis le 1er janvier 2001.

Les conditions dans lesquelles nous exerçons notre activité résument la situation que nous vivons aujourd'hui. Depuis 1990 un certain nombre de cas, en France, d'animaux atteints de l'ESB a été constaté. En 1990, la consommation de farines animales par les ruminants a été supprimée. Ce n'est qu'en 1996 que la séparation totale des matériaux à risques spécifiés et leur incinération a été effectuée, en obligeant les structures industrielles que nous sommes à séparer les circuits de transformation et de collecte ; il nous a été demandé de traiter de manière totalement indépendante le service public de l'équarrissage et la transformation pour valorisation des coproduits.

Des unités de stérilisation ont été installées en 1998 à la suite des demandes de la Commission européenne. Le 14 novembre 2000, les farines et une partie des graisses issues de la transformation ont été interdites dans l'alimentation animale. Toutefois, depuis peu de temps les farines de poissons sont à nouveau autorisées dans l'alimentation de certains animaux, mais pas dans celle des bovins.

M. le Président - Par rapport à cette évolution, comment vos entreprises ont-elles évolué au cours du temps ? Il semble qu'à chaque fois vous étiez obligés de traiter les produits de manière différente. Comment cela s'est-il passé et à quelle date avez-vous appliqué les réglementations qui s'imposaient ?

M. Jean-Louis Hurel - Dès 1996 nous avons appliqué la séparation des collectes et des traitements. Les véhicules devaient être identifiés concernant le service public de l'équarrissage, et pour les MRS, ainsi que pour la partie valorisation. Les usines ont également été spécialisées.

Concernant notre Groupe, 4 usines ont fait l'objet d'une affectation exclusive pour le service public de l'équarrissage. Les deux usines de Plouvara et Guer sont exclusivement dédiées à cette activité. Deux autres usines mixtes, avec des installations totalement indépendantes, sont situées dans les Côtes d'Armor.

M. Jean Bizet, Rapporteur - Monsieur le directeur, j'aimerais revenir sur un point. Durant les différentes auditions nous avons pris conscience que la mise en place d'un process nouveau, d'origine anglo-saxonne, abaissant la température, la pression et le temps de cuisson, a généré des farines impropres à la consommation par rapport à ce qui se fabriquait au préalable. On nous a précisé que c'était à partir de 1983 en Angleterre, à la suite du premier choc pétrolier.

En France, comment cela s'est-il passé : à partir de quel moment n'avez-vous plus respecté les fameux trois critères de 133°C, 3 bars et 20 minutes ?

M. Jean-Louis Hurel - La France avait pris une option en 1996 ; elle avait décidé un tri complet des matières collectées en équarrissage et des matériaux à risques spécifiés. C'est la raison pour laquelle le principe de stérilisation par autoclavage (133°C, 3 bars et 20 minutes) a été appliqué à la suite d'un arrêté ministériel du 8 février 1998 pris par M. Le Pensec qui était alors ministre de l'Agriculture. Il s'agissait d'une application des mesures européennes sur le territoire français.

M. le Rapporteur - Vous avez rectifié ces normes à partir de 1996.

M. Jean-Louis Hurel - Nous avons, dans l'entreprise, assuré le tri selon les règles nationales en dissociant la partie du service public de l'équarrissage, et des matériaux à risques, de celle concernant la valorisation, à partir de la date de cet arrêté ministériel.

Le 8 février il a été décidé de mettre la France aux normes européennes et d'imposer le procédé de stérilisation par autoclavage. Cela a été appliqué dès le départ ; les farines étaient transférées, en sous-traitance, dans des entreprises qui étaient en mesure de les stériliser, pendant que le processus de stérilisation était installé dans nos usines.

M. le Président - Où le faisiez-vous réaliser ?

M. Jean-Louis Hurel - A ma connaissance, le SIFCO a regroupé l'ensemble des farines qui émanaient de la profession ; elles étaient traitées, à l'époque, dans une entreprise située dans l'Ouest de la France, chez SOCOFARIA.

M. le Président - Cette organisation a été mise en place sous l'égide du SIFCO.

M. Jean-Louis Hurel - L'ensemble a été réalisé en commun à travers le passage d'une décision de l'ensemble des opérateurs, en association avec les services de la Direction Générale de l'Alimentation.

M. le Rapporteur - Avant 1998, vous aviez les mêmes normes de fabrication que vos homologues anglo-saxons.

M. Jean-Louis Hurel - Les normes de fabrication qui relevaient, à ma connaissance, de nos processus de transformation, ne prévoyaient pas une température de l'ordre de 80°C ou 90°C ; ces informations m'ont été communiquées ultérieurement. Nos processus de transformation utilisaient déjà des températures de cuisson d'environ 135°C. Un seul point n'était pas totalement conforme à la stérilisation sous forme d'autoclavage car il n'y avait pas de pression ; à l'époque, les 3 bars n'étaient pas une obligation.

M. le Rapporteur - J'avais cru lire que quelques recommandations avaient été faites directement par le SIAL qui indiquait qu'il fallait faire attention aux importations de farines anglo-saxonnes car les critères respectés en France ne l'étaient pas en Angleterre. Or, nous avons appris depuis que ces normes n'étaient respectées ni en France ni en Angleterre.

Vous indiquez que vous étiez en conformité, à partir de 1998, avec l'arrêté ministériel et qu'auparavant le critère de la pression n'était pas respecté.

M. Jean-Louis Hurel - Nous avons toujours été en conformité avec les arrêtés ministériels. La législation, à l'époque, ne nous imposait pas de stériliser au sens des 133°C, 20 minutes et 3 bars. Les processus des transformations des farines, tels qu'ils existaient en France (validés par les Services Vétérinaires et par l'Administration), étaient considérés comme étant exempts de risques.

Ce n'est que pour se conformer à une disposition européenne qu'il a été décidé de mettre en place le système de stérilisation par autoclavage à partir de 1998.

La transformation, telle qu'elle était pratiquée dans nos usines, a toujours été effectuée à une température de 135°C. La seule chose qui n'existait pas, et qui n'était pas imposée sur le territoire français, et ne l'a d'ailleurs été qu'en 1996 par la Commission européenne, était l'autoclavage avec une pression de 3 bars.

L'ensemble de la transformation était conforme à ce qui était demandé par les Pouvoirs Publics français. Toutefois, j'ai entendu dire que les farines anglaises étaient sans doute moins chauffées.

M. Georges Gruillot - Pourquoi la France a-t-elle attendu deux ans (entre 1996 et 1998) pour mettre en application cette consigne européenne ?

M. Jean-Louis Hurel - Ma réponse n'engage que ma propre interprétation. Sans avoir aucun élément à l'appui de cette idée, je pense qu'à l'époque on avait identifié le processus de tri comme étant suffisant.

M. Georges Gruillot - Nous ne respections pas la réglementation européenne. Elle date de 1996 et n'a été mise en application qu'en 1998 ; nous avons donc attendu deux ans avant de l'appliquer sur le territoire national.

M. Jean-Louis Hurel - Je ne peux pas répondre à cette question qui concerne plutôt l'administration et la DGAL.

M. Georges Gruillot - En 1996, c'était donc une décision générale sur l'Europe.

M. Jean-Louis Hurel - Apparemment.

M. Georges Gruillot - Dans quels pays cette loi européenne a-t-elle été appliquée dès 1996 ?

M. Jean-Louis Hurel - En Allemagne.

M. Georges Gruillot - En Angleterre ?

M. Jean-Louis Hurel - Dans ce pays il n'était plus possible d'utiliser les farines depuis un certain temps ; il n'était donc plus nécessaire de stériliser les produits valorisables.

M. le Président - Qu'en faisaient-ils ?

M. Jean-Louis Hurel - A ma connaissance, ils les détruisaient.

M. le Rapporteur - Votre Groupe a des établissements en Allemagne. Existait-il des mouvements de farines, entre les unités françaises et allemandes, à partir de 1996, pour répondre à la demande de la filière de l'alimentation animale ?

M. Jean-Louis Hurel - Concernant la valorisation, les transferts de farines étaient destinés à l'incinération dans des incinérateurs allemands, sous le contrôle des Services Vétérinaires.

M. le Rapporteur - Il existait donc des mouvements de la France vers l'Allemagne et pas l'inverse.

M. Jean-Louis Hurel - Oui.

M. Paul Blanc - Concernant le stockage de ces farines animales, vous avez été cloué au pilori en raison des risques de percolation par l'eau avec une pollution éventuelle. Qu'en est-il exactement ?

M. Jean-Louis Hurel - Au moment de la décision, à savoir de l'arrêté ministériel du 28 juin 1996, nous avions une problématique en France avec l'absence totale d'identification et de lieux d'incinération. Il a été décidé que les matériaux à risques spécifiés devaient partir en incinération mais il n'existait pas encore de solution identifiée pour incinérer les farines.

Par ailleurs, quand ces solutions existaient, notamment au travers de l'industrie cimentière, celles-ci nécessitaient une qualité de farine particulière que certaines usines n'ont pas toujours été en mesure de produire. Il existait, dans certaines usines, un système de dégraissage des farines, avec un solvant, permettant de transformer la teneur initiale de matières grasses de la farine, d'environ de 35 %, en farine avec une teneur en matières grasses d'environ 2 % à 4 %. Ce procédé, qui existait dans certaines usines, ne pouvait être affecté qu'à l'activité de valorisation des farines puisqu'elle était la seule à nécessiter des farines dégraissées.

Nous avons donc été contraints de stocker les farines grasses, notamment sur les lieux de production, puisqu'il n'existait pas non plus de solution de stockage. Les stocks de farines, provenant du service public de l'équarrissage qui produisait des farines grasses, ont augmenté relativement rapidement. Quand on a identifié des solutions d'incinération, notamment chez les cimentiers, des cahiers des charges, n'autorisant les farines qu'avec une teneur en matières grasses de 12 % à 14 %, nous ont été transmis pratiquement un an après la décision de tri et de destruction.

Les farines qui avaient été stockées pendant près d'un an et contenaient près de 30 % de matières grasses ne pouvaient pas être incinérées directement dans la filière cimentière. C'est la raison pour laquelle elles ont principalement été traitées dans des incinérateurs allemands.

M. Paul Blanc - En attendant elles ont été stockées comme il était possible de le faire. C'est là que des problèmes ont été rencontrés.

M. Jean-Louis Hurel - Nous n'avons pas identifié de problèmes autres que ceux médiatiques, que vous soulevez, concernant le refus de voir s'accumuler sur les sites des tonnages importants de farines grasses provenant du service public de l'équarrissage.

M. Paul Blanc - Les cimentiers sont-ils capables d'éliminer toutes celles actuellement produites ?

M. Jean-Louis Hurel - Il semblerait que ce ne soit pas le cas. Selon les informations dont je dispose, il y a peu de temps l'ensemble de ces farines produites dans le cadre du service public avaient, dans certains cas, des difficultés à partir en incinération. J'imagine qu'avec les décisions prises dans l'arrêté du 14 novembre 2000 la capacité des cimentiers est largement insuffisante. Je sais qu'ils ont planifié un certain nombre de transformations d'usines et d'adaptation de cimenteries pour augmenter cette capacité d'incinération.

M. Paul Blanc - C'est ce que j'avais cru comprendre lors de la visite à Bayet.

A votre avis, ne serait-il pas préférable d'aider les cimentiers à s'équiper de brûleurs plutôt qu'essayer de rechercher des sites de stockage puisque cela semble poser quelques problèmes ?

M. Jean-Louis Hurel - Il serait préférable d'interroger l'industrie cimentière qui serait plus capable de vous répondre. Il me semble que l'on ne puisse pas dépasser un certain volume de farines incinérées dans une cimenterie ; c'est directement lié à la capacité d'utilisation du ciment.

M. Paul Blanc - J'ai pu comprendre que toutes les cimenteries n'étaient pas équipées de brûleurs adéquats leur permettant d'incinérer ces farines animales. Toutefois, si d'autres cimenteries étaient équipées, cela permettrait d'éliminer la totalité. Quel est votre avis ?

M. Jean-Louis Hurel - A ma connaissance, et selon ce qui m'a été indiqué par l'industrie cimentière que je rencontre assez régulièrement, la totalité ne pourrait pas être éliminée au travers des cimenteries ; en effet, cela dépend aussi de la quantité de ciment produite en France. Il n'est pas possible d'augmenter le nombre de cimenteries pour les transformer en unités d'incinération de déchets.

M. le Rapporteur - Quels secteurs d'activité pouvaient constituer des débouchés pour les graisses animales ?

M. Jean-Louis Hurel - Il existe un certain nombre de secteurs dont le plus important était l'alimentation animale. Les graisses étaient utilisées dans différents produits et notamment les produits de remplacement du lait pour les animaux, à savoir les lacto-remplaceurs.

M. le Rapporteur - Quels étaient les critères de fabrication de ces graisses ?

M. Jean-Louis Hurel - Techniquement, la fabrication des graisses s'effectue suivant plusieurs méthodes. Des graisses proviennent directement de la fonte de suif d'animaux ou de saindoux ; dans ce cas précis, elles sont directement obtenues à partir des parties grasses de l'animal.

Une deuxième catégorie est celle des graisses de cuisson qui correspondent à l'extraction de la phase graisseuse qui se trouve dans la viande. Quand on passe les déchets en traitement de cuisson, cela élimine la phase aqueuse. Il reste un produit constitué de farine sèche et de graisses animales obtenues par pressage de la farine à la sortie du cuiseur.

M. le Rapporteur - L'alimentation animale était-elle votre seul débouché ?

M. Jean-Louis Hurel - Il existe des applications techniques, notamment la cosmétologie, l'industrie de la saponification et d'autres applications techniques.

M. le Rapporteur - Vous devez disposer de documents faisant état des tonnages et des différents clients. Pourriez-vous nous les fournir ?

M. Jean-Louis Hurel - Naturellement.

M. le Rapporteur - Compte tenu de l'utilisation non alimentaire de ces farines, la différenciation entre les deux circuits de fabrication (à bas risques et hauts risques) est-elle appelée à perdurer ? En effet, en tant que professionnel, cela vous pose sans doute des problèmes différents en termes de traçabilité, de différents circuits, etc.

Avez-vous des propositions à faire ?

M. le Rapporteur - Les conséquences sont évidemment importantes en termes d'organisation industrielle. En 1996 nous avons spécialisé les usines pour traiter en deux circuits séparés. J'attire votre attention sur le fait qu'aujourd'hui la nature des produits n'est rigoureusement pas la même s'agissant de leur destination.

Dans un premier cas, il s'agit de matières provenant du service public de l'équarrissage et étant identifiée comme étant à risques. Dans un second cas, il s'agit d'un marché aujourd'hui fermé pour des raisons de sécurité ou de précautions à prendre. La fabrication des farines en France n'est pas mise en cause ; il s'agit plutôt de leur utilisation vers l'alimentation animale.

Dans les deux cas, on trouve une différenciation complète sur la nature des produits. Dans un premier cas, ils sont considérés à risques et doivent être détruits immédiatement. Dans un second cas, il s'agit de matières qui, jusqu'à présent, étaient utilisées. L'arrêté du 14 novembre ne prévoit d'ailleurs qu'une suspension de ces matières et il n'est pas, aujourd'hui, opportun de mélanger ces deux circuits, même si, sur le plan industriel, je n'ai pas évalué les conséquences positives ou négatives qu'un traitement conjoint pourrait engendrer. Je pense que cela nous obligerait néanmoins à modifier un certain nombre de circuits de traitement.

Sur le plan médiatique, ou de l'image, on ne parle pas du même produit. On le remarque dans les capacités de stockage dont nous disposons aujourd'hui ; en effet, on nous impose, la plupart du temps, de ne stocker que les produits dits à bas risques. Si l'on commençait à envisager le stockage mélangé, de produits à hauts risques et à bas risques, les conséquences en termes médiatiques ne seraient pas les mêmes.

M. le Rapporteur - Avez-vous une activité concernant les graisses en dehors du domaine alimentaire et fournissez-vous toujours la cosmétologie ?

M. Jean-Louis Hurel - Oui. Nous avons des applications de ces produits en lipochimie.

M. le Rapporteur - Peut-on avoir la liste de vos clients ?

M. Jean-Louis Hurel - Oui.

M. le Rapporteur - Savez-vous à quoi sont destinés ces produits ?

M. Jean-Louis Hurel - Je connais les grandes lignes de leurs procédés mais pas les détails.

M. le Rapporteur - Antérieurement, avant toutes ces interdictions, achetiez-vous à l'abattoir ou étiez-vous payés pour collecter les matières premières qui participaient à la fabrication des farines ?

M. Jean-Louis Hurel - Les deux cas existaient suivant certains critères tels que la nature des produits collectés et l'emplacement éventuel des abattoirs. En l'occurrence, nous avons toujours basé notre système d'achat ou de facturation de prestations de services pour l'abattoir sur le niveau de rentabilisation que nous pouvions obtenir des produits transformés.

Nous avons toujours indexé le niveau des prestations, ou le coût d'achat des matières, en fonction d'un prix de revient ou d'un prix de vente des produits finis. Ce prix de vente est souvent, pour notre profession, indexé sur les coûts moyens, au niveau mondial, de la protéine ou des graisses.

M. le Président - Les animaux qui sont retirés du marché directement à l'abattoir, pour soulager le marché, passent-ils, chez vous, dans la filière hauts risques ou bas risques ?

M. Jean-Louis Hurel - Les bovins âgés de moins de 30 mois, qui ne font pas l'objet de tests aujourd'hui, sont principalement traités dans des unités bas risques, à savoir dans des usines spécialisées dans la valorisation. Toutefois, quelques carcasses ont été traitées dans des unités hauts risques. La destination est la même puisqu'elles partent en incinération.

M. le Rapporteur - Compte tenu du fait que ces farines ne peuvent plus être valorisées, comment équilibrez-vous votre activité ?

M. Jean-Louis Hurel - Un décret paru le 1er décembre 2000 indemnise les producteurs sur la base d'une valeur déterminée selon le cours des marchés à ce moment-là, à savoir le 14 novembre. Un décret est d'ailleurs en cours de signature et de publication pour modifier et adapter les prix d'indemnisation.

M. le Rapporteur - Ces cours seront soumis à des fluctuations, comme l'était autrefois le prix de la protéine.

M. Jean-Louis Hurel - Il s'agit d'une décision des Pouvoirs Publics pour indemniser l'activité en remplacement du chiffre d'affaires qui existait auparavant.

M. le Rapporteur - En tant qu'ancien Directeur financier vous avez pu avoir une certaine approche. Même si c'est récent, estimez-vous que la situation antérieure était économiquement plus intéressante par rapport à celle d'aujourd'hui ?

M. Jean-Louis Hurel - Il est trop tôt pour se prononcer. Les cours mondiaux, notamment de la protéine de soja, qui était le prix de référence pour la commercialisation de nos produits, étaient extrêmement fluctuants d'une année sur l'autre. Nous avons connu, dans les dernières années, des variations très élevées, ce qui engendrait également des variations très importantes du chiffre d'affaires de nos entreprises.

A titre indicatif, une tonne de farine de viande se vendait environ 1 800 F en janvier 1998 et 550 F en septembre 1999. Cela a engendré des pertes considérables pour l'ensemble des acteurs.

M. Georges Gruillot - Dans le domaine des prix des farines, dans les années 1990/1992, quels étaient les prix pratiqués en France et, dans le même temps, ceux pratiqués en Angleterre ?

M. Jean-Louis Hurel - Je suis incapable de vous répondre car je n'étais pas présent dans cette activité à l'époque ; je ne connais pas les prix.

Comme tout le monde, j'ai lu dans la presse que les farines anglaises étaient distribuées à un prix plus bas.

M. le Président - Pourriez-vous faire rechercher, dans les archives de votre entreprise, les prix pratiqués et ceux qui pouvaient l'être par les Anglais ?

M. Jean-Louis Hurel - Aucune importation n'a été faite directement d'Angleterre par notre entreprise. Je pourrais toutefois vous indiquer à quel prix nous vendions.

M. Georges Gruillot - SARIA Industries n'a donc pas acheté de farines anglaises pour augmenter son volume de ventes en France.

M. Jean-Louis Hurel - Non.

M. le Rapporteur - Vous produisiez ce que vous vendiez.

M. Jean-Louis Hurel - Une activité de négoce consistait à exporter les produits fabriqués en France.

M. le Rapporteur - Il n'y avait aucune importation pour assurer la fourniture de vos clients.

M. Jean-Louis Hurel - Pas à ma connaissance. J'ai seulement identifié que des produits passaient en Belgique et étaient réexportés à l'extérieur dans la période 1990/1996.

A l'époque, j'ai pu constater, dans les documents qui m'ont été fournis, des exportations de farines produites en France et exportées vers les pays tiers. Certaines de ces farines produites en France passaient par des filiales du Groupe Sanofi Benelux qui a servi d'intermédiaire.

M. le Président - Vous dites que vous ne savez pas, ou que vous n'avez pas connaissance, s'il y a eu importation de farines anglaises, par un Groupe tel que le vôtre, pour les renégocier par ailleurs.

M. Jean-Louis Hurel - Pas à ma connaissance et je n'ai vu aucun document qui puisse en attester.

M. le Rapporteur - Les fabricants d'aliments, quand ils voulaient acquérir des farines animales sur le marché, s'adressaient à vous, quand c'était autorisé, ou au marché international. Toutefois, vous ne serviez pas d'intermédiaire ; votre seul négoce concernait votre production.

M. Jean-Louis Hurel - Nous n'avions aucun intérêt à commercialiser en France des produits provenant de l'étranger puisque nous devions prioritairement commercialiser nos propres produits élaborés en France. Utiliser des produits de l'étranger pour les revendre en France aurait été une fausse concurrence.

M. le Rapporteur - Quand on a su l'effondrement des cours des farines anglaises, il était tentant d'en acheter pour les revendre à un certain prix.

M. Jean-Louis Hurel - C'était peut-être vrai pour un fabricant d'aliments mais pas pour un producteur de farines.

M. Georges Gruillot - Nous insistons tous sur ce point car un fabricant d'aliments nous a indiqué que les fabricants d'aliments, en France, à cette période, s'adressaient à leurs équarrissages, pour acheter des farines de viande ; or, il semblerait que les équarrisseurs importaient des farines d'Angleterre pour les mélanger à leur production et les revendre aux fabricants d'aliments français.

M. Jean-Louis Hurel - Je n'ai pas de traces d'une telle pratique.

M. Georges Gruillot - Il existe une certaine incohérence entre ce que vous nous expliquez et ce qui nous a été dit ici il y a quelques jours.

M. Jean-Louis Hurel - Dans le cas de responsabilités, il est toujours plus facile de s'exonérer...

M. le Président - Nous avons entendu l'inverse. Nous vous posons des questions et vous devez nous dire toute la vérité et rien que la vérité.

M. le Rapporteur - Auriez-vous ici des documents concernant l'évolution du tonnage, depuis 1975 jusqu'en 2000, commercialisé par vous ?

M. Jean-Louis Hurel - Je vous ai indiqué que j'étais rentré dans l'entreprise à la fin de l'année 1996. J'ai été extrêmement occupé dans cette activité depuis cette date et je n'ai pas eu la nécessité d'aller rechercher ce qui s'était produit dans la période antérieure.

M. le Rapporteur - Vous pouvez toutefois retrouver ces évolutions de volume de production.

M. Jean-Louis Hurel - Je n'ai jamais fait de démarche consistant à identifier d'éventuels circuits comme ceux que vous citez.

M. le Rapporteur - Je parle des tonnages de production au cours des 20 dernières années.

M. Jean-Louis Hurel - Je n'ai aucune difficulté pour cela. Je retrouverai ces informations dans les archives.

M. le Rapporteur - Vous n'avez pas les documents ici ?

M. Jean-Louis Hurel - Non, mais je pourrai vous les fournir.

M. le Rapporteur - Nous souhaitons connaître l'évolution de vos productions.

M. Jean-Louis Hurel - Ce sera sans aucune difficulté, sauf si une partie de l'information a été abandonnée ou a disparu dans la période, ce dont je doute. Il est sans doute possible de retrouver les tonnages qui ont été traités dans notre entreprise.

M. le Rapporteur - Nous voulons aussi connaître ce qui a été traité en hauts risques ou bas risques, à partir de 1991, et quels ont été les tonnages de farines destinées à l'incinération ou valorisables après 1996. Il serait important que vous puissiez nous fournir cela avec la différenciation.

Y avait-il une commercialisation, de votre part, des farines pour les activités d'amélioration de la qualité des sols, à savoir pour les engrais ?

M. Jean-Louis Hurel - C'est une activité relativement récente dans notre Groupe et nous distribuons aujourd'hui une très faible quantité de farines dans les engrais. Ce marché est relativement marginal mais il existe néanmoins.

M. le Rapporteur - Dans ce document, que vous aimerions recevoir, sur l'évolution des tonnages, pourrions-nous connaître la ventilation des différentes applications d'utilisation de vos produits ?

M. Jean-Louis Hurel - Oui.

M. le Rapporteur - Ce serait intéressant pour nous aider à comprendre.

M. le Président - Concernant la situation dans laquelle vous vous trouvez aujourd'hui, nous constatons souvent dans la presse des attaques contre votre entreprise, indiquant que dans chaque usine vous traitez plus que prévu par la réglementation.

Pouvez-vous nous dire pourquoi est-ce ainsi et comment comptez-vous réagir par rapport à cette situation pour l'améliorer ?

M. Jean-Louis Hurel - Plusieurs facteurs sont à l'origine de cette situation. Le premier est une augmentation permanente des matériaux à risques spécifiés qui a pris des proportions très élevées dans les dernières années et mois, notamment par la récente interdiction des intestins de bovins.

Cette augmentation de tonnage des MRS est relativement passée inaperçue dans une période de bien plus faible abattage comme à la fin de l'année 2000. En réalité on augmentait le volume des matériaux à risques en proportion des bovins abattus, sans se rendre compte immédiatement de l'évolution de la situation quand l'abattage reviendrait à un niveau normal.

Or, depuis le 1er janvier 2001 on procède à l'abattage des bovins de plus de 30 mois non testés. On est donc parvenu relativement rapidement à un niveau d'abattage extrêmement élevé qui a généré directement une augmentation considérable des volumes de matériaux à risques spécifiés. A titre indicatif, notre entreprise traitait environ 300 000 tonnes de matériaux à risques à la fin de l'année 1999, elle a traité 400 000 tonnes durant l'année 2000 et nous envisageons une augmentation de 10 % à 20 % sur l'année 2001.

Nous ne changeons rien au volume global de matériaux, ou de matières premières, issus de la filière viande ; il ne s'agit que d'un transfert d'une situation de bas risques à une situation de hauts risques. L'outil industriel existe, en tant que tel, pour traiter la totalité des matières. Nous devons être capables de transformer une unité bas risques en une unité hauts risques au bon moment, à savoir quand nous identifierons clairement l'augmentation considérable des volumes.

Le passage d'une usine de bas risques en hauts risques ne peut s'effectuer que par paliers, avec la transformation d'une centaine de milliers de tonnes annuelles d'un secteur vers l'autre.

Nous avons attendu et nous ne nous sommes pas rendu compte, vers la fin de l'année 2000, de la conséquence des MRS, de l'interdiction des intestins de bovins, et nous avons constaté, dès le début 2001, que les tonnages augmentaient de manière considérable. Nous sommes tenus, par des marchés publics signés avec l'administration, d'enlever tous les produits d'abattoir résultant du service public.

Nous avons pu, dans certains cas, signer des avenants permettant une augmentation des marchés mais nous n'intervenons qu'a posteriori, et le marché n'est pas décidé avec une connaissance précise des volumes qui seraient traités sur la période.

M. le Président - Aujourd'hui, pour l'évacuation de ces farines à partir des différentes usines vers le stockage, rencontrez-vous des problèmes ?

M. Jean-Louis Hurel - Jusqu'à présent, en toute honnêteté, il est vrai que nous manquons parfois d'un peu de visibilité, mais nous avons toujours trouvé des solutions d'évacuation de ces produits. En n'ayant pas obligatoirement la connaissance d'un emplacement d'évacuation de nos matières, nous avons parfois quelques inquiétudes par rapport aux volumes traités.

M. le Président - Nous vous remercions d'avoir répondu à nos questions. Vous devez nous transmettre certains documents et je vous demande de le faire le plus rapidement possible.

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