ANNEXE N° 2 :


ANALYSE DU PROGRAMME PLURIANNUEL DE FINANCES

PUBLIQUES À L'HORIZON 2004 RÉALISÉE PAR L'OFCE

POUR LA COMMISSION DES FINANCES DU SÉNAT

Fondation Nationale des Sciences Politiques

OBSERVATOIRE FRANÇAIS DES CONJONCTURES ÉCONOMIQUES

O.F.C.E.

69 quai d'Orsay 75341 PARIS Cedex 07 --

Tél : 01 44 18 54 00 -- Fax : 01 45 56 06 15

Analyse du programme pluriannuel de finances publiques à l'horizon 2004

Le 5 juin 2001

O.F.C.E.

Note pour le Sénat

Gaël Dupont (gael.dupont@ofce.sciences-po.fr, 01 44 18 54 74)
Xavier Timbeau ( xavier.timbeau@ofce.sciences-po.fr , 01 44 18 54 57)

L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES PUBLIQUES PRÉVUE PAR LE

PROGRAMME PLURIANNUEL DE FINANCES PUBLIQUES

À L'HORIZON 2004

Le programme pluriannuel de finances publiques à l'horizon 2004 prévoit une augmentation des dépenses des administrations publiques un peu inférieure à 1,5 % par an en moyenne en volume pendant trois ans. L'enveloppe a été relâchée par rapport aux programmes précédents. L'objectif d'évolution des dépenses reste cependant assez contraint au vu de la croissance économique prévue (2,5 ou 3 %) et de la croissance potentielle (2,5 %). Cela permet une réduction de la part des dépenses des administrations dans le PIB.

Le programme prévoit un ralentissement des dépenses publiques. Entre 1997 et 2000, les dépenses des administrations ont augmenté en volume de 1,7 % en moyenne. Le gouvernement compte sur des économies au titre de la politique de l'emploi possibles de par l'amélioration du marché du travail. La grande interrogation concerne les dépenses de santé et la réduction du temps de travail. Le ministère de la fonction publique considère que celle-ci n'a pas vocation à créer des emplois dans la fonction publique. C'est ce que reprend, a priori , le programme pluriannuel.

I. CADRE GÉNÉRAL

La nature d'une telle programmation est hybride : les dépenses de l'Etat et de la Sécurité sociale sont du ressort du gouvernement. Il s'agit donc des grands équilibres d'un programme de politique économique sur trois ans. Concernant les administrations locales et une partie des administrations de Sécurité sociale, le gouvernement n'est pas maître. Il s'agit donc davantage d'une prévision.

Le programme proposé par le gouvernement est extrêmement succinct en ce qui concerne les hypothèses sous-jacentes. Nous avons essayé de retrouver les hypothèses faites par le gouvernement, en particulier les dépenses de la fonction publique d'Etat, afin d'évaluer la robustesse du scénario, notamment au vu des évolutions passées.

L'augmentation des dépenses des administrations publiques prévue dans le programme pluriannuel de finances publiques à l'horizon 2004 (1,5 % par an en volume) est plus rapide que celle prévue dans les programmes antérieurs : le programme pour la période 2001-2003 supposait une augmentation de 1,3 % par an, et le programme 2000-2002 prévoyait une hausse de 1 % par an en volume. La révision successive de l'objectif s'explique en partie par la difficulté à contrôler les dépenses de santé.

Objectifs de dépenses des programmes pluriannuels successifs

Taux de croissance moyen en volume

2000-02

2001-03

2002-04

Apu

1.0

1.3

1.5

Etat

0.3

0.3

0.3

ASS

1.5

1.4

1.6

Maladie

1.2

1.5

1.8

Retraites

2.0

1.9

1.9

Apul

1.5

1.9

1.7

Source : ministère de finances

Le dernier programme intègre 24 milliards de dépenses supplémentaires sur trois ans par rapport au programme 2001-2003 : 12 milliards de dépenses Unedic 30 ( * ) , 7 milliards de dépenses de santé et 10 milliards liés à la montée en charge de la contribution de la France au budget européen qui correspond, sur le plan économique, davantage à des transferts de ressources de l'Etat qu'à des dépenses. Les dépenses des collectivités locales sont plus faibles (5 milliards).

En 2000, les dépenses publiques ont augmenté de 1,2 % en volume. Le détail par sous administration n'est pas disponible pour l'année 2000. En moyenne sur 2000-2001, l'évolution devrait être de l'ordre de 1,4 à 1,5 %, ce qui est conforme au rythme du programme.

Dépenses des administrations publiques

En milliards de francs courants

1997

2000

Évolution

Rémunération des salariés

1 132

1 248

3.3%

Consommations intermédiaires

489

496

0.5%

Intérêts

304

302

-0.2%

Prestations et autres transferts

2 307

2 485

2.5%

Prestations autres que transferts en nature

1 540

1 658

2.5%

Transferts sociaux en nature

442

489

3.5%

Subventions

123

117

-1.6%

Autres transferts

202

220

-2.1%

Formation brute de capital fixe

243

277

4.4%

Total des dépenses

4 511

4 867

2.6%

Source : comptes nationaux

II. RÉMUNÉRATIONS

Le gouvernement suppose que la réduction du temps de travail ne créera pas d'emplois d'Etat et limite les hausses de salaires aux augmentations liées à l'effet de carrière.

Le gouvernement annonce une hausse des dépenses de fonction publique un peu supérieure à 1 % en volume chaque année. Ceci correspond grosso modo à l'évolution des dépenses si le nombre de fonctionnaires actifs est stable et si la rémunération moyenne des salariés en place est indexée sur les prix. Cette évolution résulte de plusieurs effets. Le salaire moyen augmente spontanément du fait de l'effet de carrière (GVT positif) et de l'effet entrées-sorties (GVT négatif). L'augmentation progressive des départs en retraite réduit l'augmentation spontanée du salaire moyen en renforçant le GVT négatif : estimé à 0,8% entre 1995 et 1997, elle serait de 0,5 % en 2000 2001 et de 0,23 % en moyenne entre 2002 et 2004, selon le gouvernement.

Le nombre de retraités de droit direct et indirect augmente de 43 000 en 2001 (+2,3 %). Mais le flux des départs en retraite va s'accélérer dans les années qui viennent, passant d'environ 65 000 en 2001 à 75 000 en moyenne sur la période 2002-2004. Les effectifs retraités de la fonction publique d'Etat pourraient donc augmenter d'environ 2,7 % en moyenne sur la période. La pension moyenne augmenterait de 0,4 % dans le même temps, essentiellement du fait de l'augmentation de la part des pensionnés de droit direct. On estime donc que les dépenses de pensions pourraient augmenter de 3,1 % en moyenne sur trois ans. Au total, compte tenu de la part respective des rémunérations et des pensions, les frais de personnels augmenteraient d'un peu plus de 1 % soit strictement ce que propose le gouvernement...

Les hypothèses du gouvernement se limitent donc grosso modo aux évolutions spontanées, à stabilisation des effectifs. Dans ces conditions, les fonctionnaires en activité verraient leurs rémunérations augmenter en moyenne de 1,5 à 2 % par an en pouvoir d'achat compte tenu de l'effet de carrière.

La stabilisation des effectifs permettra le recrutement de 75 000 personnes en moyenne chaque année. L'augmentation progressive des départs en retraite dans les années à venir facilitera la ré-affectation des postes aux objectifs prioritaires.

Evolution « spontanée » des salaires et des pensions de l'Etat

Salaires

Pensions

Effectifs

0 (hypothèse)

2.7%

Evolution spontanée du revenu moyen

0.23 %

0.4 %

Dépenses

0.23 %

3.1%

Sources : Commission des comptes de la sécurité sociale, PLF 2001, calculs OFCE

III. LES 35 HEURES DANS LA FONCTION PUBLIQUE D'ETAT

On peut évaluer le coût de la réduction du temps de travail si elle se traduit par des embauches nettes. 10 % de créations d'emplois civils représentent 170 000 salariés supplémentaires. Si on suppose une rémunération moyenne de 10 000 francs bruts mensuels, soit 2/3 de la rémunération mensuelle des agents de l'Etat, cela coûterait 20 milliards de francs (scénario 2). Un tel scénario augmenterait le déficit des administrations de 0,2 point de PIB chaque année. En supposant le scénario du gouvernement valable par ailleurs, le solde serait donc nul en 2004.

La première loi Aubry prévoyait 6 % de créations d'emplois. Si tel était le cas dans la fonction publique d'Etat, le coût de la réduction du temps de travail serait de 12 milliards. Enfin, la titularisation de 75 000 emplois jeunes de la fonction publique d'Etat correspondrait à 4,4 % d'augmentation des effectifs et coûterait 9 milliards (cf. supra). Mais il ne s'agirait évidemment pas de créations nettes d'emplois compensant la baisse de la durée puisqu'ils sont déjà en activité.

Scénarios de réduction du temps de travail dans la fonction publique d'Etat

Scénario 1

Scénario 2

Scénario 3

Scénario 4

Croissance des effectifs civils

10%

10%

6%

4.4%

Variation des effectifs ( en milliers )

170

170

102

75

coût total ( milliards de francs )

31

20

12

9

Croissance des dépenses de fonction publique

2.5 %

2.0 %

1.6 %

1.5 %

Croissance des dépenses de l'Etat

0.9 %

0.7 %

0.6 %

0.5 %

Note : dans le premier scénario, on a supposé que le salaire des embauchés était égal au salaire moyen des agents (180 KF brut), dans tous les autres on a supposé que le salaire était de 10 000 F bruts mensuels. Le scénario 4 suppose 75 000 créations de postes, soit l'équivalent des emplois jeunes actuellement en poste dans la fonction publique d'Etat.

Source : calculs OFCE

IV. AUTRES DÉPENSES DE L'ETAT

Hors charges de la dette et dépenses de fonction publique, les dépenses de l'Etat représentent 725 milliards de francs, soit 42,6 % du budget général. Pour l'ensemble de ces dépenses, le gouvernement annonce une augmentation annuelle de 0,5 % en valeur, soit une réduction de 0,9 % par an en volume.

Entre 1997 et 2001, les dépenses hors dette et fonction publique (« autres dépenses ») ont diminué de 0,3 % en volume. Le gouvernement suppose donc, là aussi, un ralentissement de la dépense. La cible de -0,9 % en volume est possible à atteindre car de nombreuses dépenses (interventions, investissements...) sont à la discrétion du gouvernement. Par rapport à une baisse de 0,3 % par an en volume, l'évolution prévue suppose une économie supplémentaire de 4,5 milliards de francs chaque année.

Les « autres dépenses » sont très diverses (cf. tableau). Une analyse économique précise du programme pluriannuel supposerait d'avoir le détail de l'évolution prévue de chacun des postes, mais il n'est pas donné et compte tenu des masses en jeu, il est impossible de le reconstituer. En particulier on ne peut déterminer si les emplois jeunes ont été pérennisés.

Évolution des « autres dépenses » depuis 1997, à structure constante

En milliards de francs courants

1997

2001
structure 1997

Croissance (volume)

Ecart au volume stable

Contribution

Emploi

144

149

-0.1%

-1

-0.1%

Transferts sociaux

111

129

2.9%

13

1.9%

défense (hors rémunérations)

113

104

-3.0%

-14

-1.9%

Interventions économiques et diverses

93

96

-0.2%

-1

-0.1%

Etablissements et entreprises publiques

79

86

1.2%

4

0.5%

Dépenses en capital civiles

72

72

-0.9%

-3

-0.4%

Subv. aux régimes sociaux spéciaux

49

43

-3.9%

-8

-1.1%

Fonctionnement de l'Etat

35

38

1.2%

2

0.2%

Total

696

717

-0.3%

-7

-1.0%

Source : Rapport économique et financier, annexé au PLF 2001.

Une partie de l'inflexion viendra des interventions en faveur de l'emploi, qui pourront être réduites compte tenu de la poursuite des créations d'emploi. On peut supposer, à titre indicatif, que l'ensemble des postes des « autres dépenses » (hors emploi) évoluent comme entre 1997 et 2001 en loi de finances, et que l'ajustement se fait entièrement sur la politique de l'emploi. Cela suppose notamment que les dépenses d'investissement et de défense continuent à être réduites afin de respecter les enveloppes annoncées.

Pour atteindre l'objectif d'une baisse des dépenses en volume de 0,9 %, les interventions en faveur de l'emploi devraient être réduites de presque 14 % en trois ans. Depuis le retour au pouvoir de la gauche, les dispositifs d'aide à l'emploi dans le secteur privé ont été fortement réduits, au profit d'emplois dans le secteur non marchand. La réduction des contrats initiative emplois devra se poursuivre (voir tableau), ainsi que les préretraites. Il est vrai que l'accord réformant l'Unedic signé par les partenaires sociaux va dégager des ressources destinées à financer une politique active de l'emploi.

Principales interventions en faveur de l'emploi

En milliards de francs courant

LFI1997

PLF2001

Var. en vol/an

Contrats aidés dans le secteur non marchand

15.2

34.2

22.3

Préretraites et reconversion d'emplois

15.3

5.0

-24.8

CIE

17.9

7.1

-21.1

Formation professionnelle

18.9

30.8

12.8

Autres

33.6

23.5

-8.9

Total

101.0

100.6

-0.3

Source : rapports Migaud

V. EMPLOIS JEUNES

Fin avril 2001, 277 000 emplois jeunes avaient été créés : 35 % des postes étaient des emplois de l'Etat, 30 % dans les associations et 35 % dans les collectivités locales et les entreprises publiques. Au total, 312 000 jeunes étaient passés par le dispositif, plusieurs personnes pouvant s'être succédées sur un même poste. L'objectif du gouvernement est d'atteindre 350 000 fin 2001. Au milieu de l'année 2000, les emplois effectivement occupés (« présents en fin de mois ») comptabilisés par le Bulletin mensuel des statistiques du travail représentaient seulement 75 % des emplois créés. Si l'objectif de 350 000 embauches était atteint fin 2001, on peut donc penser que cela correspondrait à 240 à 250 000 postes occupés. Un chiffre de 215 à 220 000 paraît plus réaliste : fin avril 2001, les postes effectivement créés peuvent être estimés à 208 000 et les créations d'emplois ont fortement ralenti au début de l'année (augmentation de 2,6 % sur les trois derniers mois). Compte tenu des statistiques disponibles, il est impossible de connaître la répartition des postes effectivement occupés. On a supposé que la répartition était la même que celle des emplois créés. Fin 2001, on peut donc faire l'hypothèse qu'il y aura environ 75 000 postes occupés dans la fonction publique d'Etat et 140 000 dans les associations, collectivités locales et entreprises publiques.

Dernier bilan des emplois jeunes, avril 2001

Effectifs

En % du total

Emplois créés

276 950

Associations

81 880

29.6

Collectivités locales

64 240

23.2

SEM, entreprises et établissements publics

33 830

12.2

Education nationale

70 000

25.3

Police nationale

25 000

9.0

Agents de justice

2 000

0.7

Effectifs

Jeunes embauchés

311 740

Associations et collectivités locales

197 340

Education nationale

89 550

Police nationale

23 650

Agents de justice

1 200

Source : ministère du travail

Le gouvernement axe la politique de l'emploi sur la réduction du temps de travail, dont le coût est élevé et dont le financement a été sorti du budget de l'Etat (voir infra.) . Au sens économique, il est logique de ne pas considérer le coût de la réduction du temps de travail comme de la dépense de l'Etat puisqu'il s'agit de baisses de cotisations. La question de la compensation par l'Etat des exonérations est actuellement en débat et pourrait se traduire, le cas échéant, par des dépenses supplémentaires du budget de l'emploi. Cependant, il est probable qu'un éventuel financement de l'Etat se fera par l'affectation de nouveaux impôts, ce qui éviterait de se traduire par une hausse des dépenses.

VI. LE FINANCEMENT DES 35 HEURES DANS LE SECTEUR PRIVÉ

Le financement des 35 heures est une perte de recette, ou une diminution de prélèvements obligatoires plutôt qu'une nouvelle dépense publique. Une partie importante des exonérations de charges est financée par l'Etat. Jusqu'à la loi Aubry, les baisses de cotisations patronales (type ristourne Juppé) étaient comptabilisées en dépenses du budget de l'emploi. La création du FOREC permet d'éviter que l'augmentation très importante des ristournes induite par la réduction du temps de travail fasse exploser le budget de l'emploi et les dépenses de l'Etat (sans modifier les dépenses de l'ensemble des administrations publiques puisqu'il s'agit de transferts entre sous secteurs des administrations, qui disparaissent dans le compte consolidé) : le financement par l'Etat des baisses de charges se fait essentiellement par une baisse des recettes de l'Etat (transfert de recettes fiscales) et non par des dépenses d'intervention. Il s'agit bien évidemment d'un problème de présentation, puisque le résultat sur le solde de l'Etat est le même que les flux financiers soient comptabilisés en dépenses ou en recettes négatives. Or l'impact des baisses de charges sur les déficits publics est difficile à évaluer et pourrait être élevé. Il convient de distinguer le coût ex ante des baisses de charges, pris en compte dans l'étude des transferts financiers entre sous-secteurs des administrations, et coût ex post , qui permet de déterminer l'impact de la mesure de politique économique (réduction du temps de travail + baisses de charges) sur le solde des administrations.

Etant donné les recettes actuellement affectées de façon permanente au financement des baisses de charges (TGAP, contribution sociale sur les bénéfices et une partie des droits sur le tabac et sur les alcools), le déficit du FOREC est probable. Les recettes affectées n'accompagneront pas les augmentations futures liées au financement des allègements de charges, compte tenu de la montée en charge des 35 heures et des indexations de ces allègements sur les évolutions de la masse salariale. En l'absence de nouveaux transferts de recettes ou de crédits budgétaires de l'Etat, la Sécurité sociale sera mise à contribution.

Il est abusif de considérer que le FOREC sert à financer le coût des 35 heures. En particulier, les déficits à venir du FOREC ne peuvent s'interpréter comme un coût, direct ou indirect, prévu ou imprévu des 35 heures. D'une part, les recettes affectées sont déconnectées de l'application des 35 heures et des allègements de charges. D'autre part, le FOREC réunit les allègements de charges au titre de diverses mesures comme la réduction du temps de travail au titre de la Loi Robien ou les allègements de charges sur les bas salaires mis en place en 1993 et accrus en 1995 par le gouvernement Juppé. Notons que légalement, les entreprises ayant signé un accord 35 heures dans le cadre de la loi Aubry II bénéficient d'un allègement de charge au titre de cette loi. Cet allègement de charge remplace la « ristourne Juppé » et ne se cumule pas avec elle. Cependant, économiquement parlant, cet allègement de charge intègre la ristourne Juppé et en augmente l'ampleur.

Compte tenu de ces précautions, les charges du FOREC ne seraient imputables en 2001 qu'à 50% du coût ex ante des 35 heures. Cette part devrait augmenter au fur et à mesure que les 35 heures se diffusent, pour atteindre 60 à 70 % à terme.

Par ailleurs, il importe de prendre en compte les effets ex post des 35 heures ou des allègements de charge pour en déterminer le coût effectif pour les administrations publiques. La structure comptable du FOREC ne permet pas, par construction, de faire apparaître ce coût ex post . Il est pour cela nécessaire d'évaluer l'impact sur l'économie des 35 heures ou des allègements de charges et en soldant les effets positifs et négatifs d'en déduire le coût effectif global. Ce type d'exercice est délicat et suppose des hypothèses. Il est donc discutable, mais est une meilleure évaluation de toute façon que le coût ex ante . Dans le cas des 35 heures, selon les évaluations de l'OFCE, le coût ex post est environ le ¼ du coût ex ante . Les canaux principaux de retour positifs sont d'une part les cotisations sociales supplémentaires payées par les nouveaux embauchés au titre des 35 heures et d'autre part, les baisses d'allocation chômage induites par la création d'emplois et la baisse du chômage. Pour un allègement ex ante de 65 milliards de francs, 24 milliards de francs supplémentaires de cotisations sociales seraient encaissés et 10 milliards de francs d'allocations chômage seraient économisés. 20 milliards de francs seraient par ailleurs collectés au titre d'impôts divers.

Ces recettes supplémentaires ne se matérialisent pas dans les caisses du FOREC. En effet, les cotisations sociales supplémentaires sont en grande partie collectées par la Sécurité Sociale, les caisses de retraite et l'UNEDIC. Les économies d'allocation chômage sont quant à elles au bénéfice de l'UNEDIC. Les transferts entre institutions, dont certaines sont paritaires, sont loin d'être résolus. En gros, et en l'absence de décisions claires, la création du FOREC sans autres transferts revient à laisser les retours positifs dans les caisses de la Sécurité Sociale et de l'UNEDIC et la non-création du FOREC conduit à faire porter une grande partie du coût ex ante sur la Sécurité Sociale. Les deux solutions sont ainsi mauvaises.

Le tableau indique différentes estimations de dépenses pour le FOREC pour l'année 2001. Notre estimation est proche de celles réalisées par le Ministère de l'emploi et de la solidarité et par l'Acoss. A l'instar de ces deux organismes, nous prévoyons, en janvier 2001, des dépenses liées aux allègements de charges 31 ( * ) légèrement inférieures à 100 milliards de francs. Le calcul prend en compte l'ensemble des allègements de charges et pas seulement ceux liés aux lois Aubry. En l'occurrence, on intègre dans cette évaluation les allègements de charges dégressifs jusqu'à 1,3 Smic introduits en octobre 1996 par le gouvernement Juppé. Ces derniers peuvent être évalués aux alentours de 45 milliards de francs. L'estimation du surcoût de dépenses lié aux 35 heures se situe alors aux alentours des 50 milliards de francs en janvier 2001. Si l'on tient compte du fait qu'une partie de ce surcoût est transitoire, en régime permanent, lorsque l'ensemble des entreprises seront passées aux 35 heures, le surcroît des dépenses s'élèverait à près de 70 milliards de francs, évaluation proche du scénario retenu par le gouvernement (65 milliards).

Dans les années qui viennent, les allègements de charges (à la fois ceux liés aux 35 heures et l'ancienne ristourne) devraient évoluer sous trois impulsions. La première est une revalorisation régulière liée aux évolutions du salaire moyen. On peut estimer celle-ci à à peu près 3 % par an. La deuxième est liée aux évolutions de l'emploi. La baisse du chômage et les augmentations de la population active devraient conduire dans les prochaines années à une augmentation de 2 à 3 % à ce titre. Enfin, les allègements de charges sont liés à la structure des salaires. Plus il y a de salariés entre 1 et 1,8 SMIC, plus les allègements sont importants. Il est difficile d'évaluer les évolutions liées à la structure des salaires. Cependant, dans les 5 prochaines années, les relèvements du SMIC devraient écraser la distribution des salaires et augmenter les allègements de charges.

Les prévisions en janvier 2001 des dépenses du FOREC en 2001

En milliards de francs courants

DARES

ACOSS

OFCE*

Ristourne dégressive Juppé

Entreprises à 39 h

27,2

23,1

27,5

Loi Aubry I

17,1

14,6

19,4

Aides structurelles

-

-

15

Baisse de charges entre 1,3 et 1,8 Smic

-

-

4,4

Loi Aubry II

46,6

58,9

44,8

Aides structurelles

-

-

17,6

Baisse de charges entre 1,3 et 1,8 Smic

-

-

9,7

Ristourne Juppé structurelles

-

-

17,5

Aide Robien

3,7

3,2

3,9

Total

94,6

99,8

95,8

Ristourne Juppé

45

45

45

Surcoût 35 h

49,6

54,8

50,8

Transitoire

-

-

8,5

Permanent

-

-

42,3

Le calcul repose sur les hypothèses suivantes : 60 % du champ potentiel des salariés sont passés à 35 heures, Ce pourcentage se décompose en 2,8 % de Robien, 18,5 % d'Aubry I et 39% d'Aubry II, Les aides de l'Etat par salariés s'élèvent à 14 000 francs pour les Robien, 10 500 francs pour les Aubry I et 7000 francs pour les Aubry II.

Au total, un rythme de croissance de 10% l'an en termes nominaux,  en-dehors de la montée en charge des 35 heures, n'est pas impossible. Sur trois ans, le gouvernement prévoit une augmentation des cotisations sociales liées à la réduction du temps de travail de cet ordre : elles atteindraient respectivement 105.6, 116.2 et 125.2 en 2002, 2003 et 2004. La hausse est donc de 10,4 et 7,4 % en valeur en 2003 et 2004. Pour 2001, les dépenses du FOREC sont estimées entre 95 et 100 milliards (voir tableau). L'augmentation en 2002 sera donc comprise entre 5,6 % (dans le second cas) et 11,2 % (dans le premier cas) 32 ( * ) . Les hypothèses du gouvernement constituent donc en quelque sorte un plancher. Si les dépenses augmentaient de 15 % par an en valeur, les ristournes atteindraient 150 milliards en 2004 et le solde des administrations serait réduit de 0,2 point de PIB en 2004.

VII. LES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES LOCALES

Les dépenses des administrations locales représentent 871 milliards de francs en 2001, soit un peu moins de 10 % du PIB. Le gouvernement n'a pas la possibilité de déterminer l'évolution de ces dépenses. Il s'agit donc d'effectuer une prévision réaliste. Le gouvernement prévoit une croissance annuelle de 1,7 % en volume (soit une croissance cumulée de 5,2 %), alors que la croissance moyenne depuis le milieu des années 1990 est de 2 %. Si la tendance restait la même que par le passé, les dépenses des administrations locales seraient supérieures de 3 milliards de francs en 2002 et de 9 milliards en 2004. Les dépenses des administrations publiques augmenteraient ainsi de 1,56 % chaque année au lieu des 1,5 % prévus dans le scénario central. Le déficit des administrations publiques serait accru de moins de 0,1 point de PIB en 2004.

La fin du cycle électoral pourrait effectivement se traduire par un ralentissement des investissements, qui représentent 19,7 % des dépenses des administrations locales. La fin de la montée en charge du taux de cotisation de la caisse de retraite des collectivités locales doit contribuer à un ralentissement des dépenses des collectivités locales : le taux de cotisations employeurs à la CNRACL a été relevé de 0,5 point en 2000 et en 2001, passant de 25,1 % en 1999 à 26,1 % en 2001. La CNRACL estime que cette mesure « représente un effort de 550 millions de francs pour les collectivités locales », soit 0,06 % des dépenses des administrations locales.

Deux interrogations pèsent sur l'évolution des dépenses des administrations locales : la réduction de la durée du travail des 1,6 million de fonctionnaires territoriaux et le financement de la nouvelle allocation personnalisée à l'autonomie. Compte tenu du ralentissement prévu des dépenses des administrations locales, il semble que le gouvernement n'a pas pris en compte de coût supplémentaire pour l'application de ces deux mesures. Il paraît assez réaliste de supposer que les 35 heures créeront peu d'emplois dans les collectivités locales. Celles-ci ne bénéficieront pas d'aides de l'Etat et la durée y est déjà faible. Selon la mission Roché, la durée moyenne hebdomadaire effective allait en 1998 de 31 h 17 à 37 h 53 dans les communes et de 36 h 24 à 37 h 52 dans les conseils généraux. Le programme pluriannuel prend-il en compte la montée en charge de la nouvelle allocation personnalisée à l'autonomie qui devrait en grande partie être financée par les départements ? Une contribution à hauteur de 10 milliards représenterait 1,1 % des dépenses des administrations locales...

VIII. LES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE

Le gouvernement a relâché l'objectif d'évolution des dépenses de santé qui a été fixé à 1,8% par an en volume contre 1,5 % dans le programme antérieur. Une telle évolution suppose une inflexion par rapport à la croissance des années 1990 qui était de 2,5 % en moyenne. D'autant que les années récentes ont été marquées par une accélération, les dépenses augmentant de plus de 3 % par an en volume entre 1998 et 2000. Depuis 3 ans, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) est systématiquement dépassé de plus de dix milliards.

Ondam tous régimes, métropole 33 ( * )

En milliards de francs courants

1997

1998

1999

2000

Objectif

587

599

615

642

Réalisation

586

609

626

660

Ecart

-1

10

11

18

Source : Commissions des comptes de la Sécurité sociale

Une croissance de 3 % par an de l'Ondam coûterait 8 milliards supplémentaires chaque année aux administrations publiques. Cela augmenterait le taux de croissance annuel des dépenses de l'ensemble des administrations publiques de 0,15 point, à 1,65 % (toutes autres hypothèses du gouvernement étant supposées justes). La part des dépenses dans le PIB resterait cependant stable à moyen terme compte tenu du dynamisme économique prévu. Le solde resterait légèrement positif en 2004 puisque le dérapage induirait un « trou » de 0,25 point de PIB.

L'enveloppe paraît peu réaliste au vu des évolutions récentes, d'autant que le gouvernement passe sous silence le problème épineux des 35 heures dans la fonction publique hospitalière. 0,8 million de personnes sont concernées. La mission Roché estimait la durée de travail hebdomadaire moyenne entre 35 h 30 et 38h 29 pour les salariés de jour. Les mesures structurelles prises par le gouvernement pourraient cependant avoir des effets dans les années à venir. En tout état de cause, l'objectif sera difficile à tenir. Savoir si cela est souhaitable est une autre question...

Les dépenses de santé en milliards de francs 1995.

IMPACT DES RÉVISIONS DE CROISSANCE
SUR LES RECETTES PUBLIQUES

Dans le PLF 2001, la croissance prévue par le gouvernement était de 3,3 % pour l'année 2001. Le déficit public prévu était de 1,0 point de PIB. La révision de croissance opérée lors de la dernière prévision officielle est de 0,4 point. La justification de cette révision vient principalement de l'atterrissage, plus brutal que prévu, de l'économie américaine.

Le consensus a suivi à peu près le même mouvement de révision en passant de 3,2 % à 2,8 % pour le dernier chiffre connu (Consensus Forecast de mai 2001 et de novembre 2000). Les prévisions de croissance de l'OCDE (2,6 % contre 2,9 %) et du FMI (2,6 % contre 3,5 %) sont significativement plus basses et ont connu des révisions importantes.

L'erreur de prévision est ainsi partagée par l'ensemble des institutions et organismes, et le gouvernement ne peut pas être accusé d'avoir été trop optimiste.

Révision de la croissance économique

2000

2001

PLF 2001

PIB

3.4

3.3

Déficit des APU

1.4

1.0

Budgets éco., mars 2001

PIB

3.2

2.9 (2,7 à 3,1)

Déficit des APU

1.3

1.0


Source : PLF 2001, Budgets économiques mars 2001, déficit hors licence UMTS.

Par contre, aucune révision n'a été faite concernant la prévision de déficit public. Il y a là un probable optimisme. L'impact de la croissance sur les recettes fiscales est rappelé dans le tableau suivant (variantes OFCE) :

Impact de la croissance sur les recettes fiscales

En milliards de francs courants

Ecart de croissance

0,4 point de PIB

1,0 point de PIB

Etat

5

13

Administrations de Sécurité sociale

8

20

Administrations publiques locales

2

5

Total

15

38

Source : OFCE, e-mod.fr

15 milliards de francs représentent 0,17 point de PIB. Certes, les dépenses peuvent s'ajuster et il existe des moyens de transférer d'une année à l'autre des recettes (en particulier les recettes non fiscales), mais il sera difficile de tenir exactement le déficit annoncé. La diminution annoncée du déficit pourrait alors être une stabilité, à moins que la croissance ne se révèle conforme aux prévisions de l'automne.

En comptabilité nationale, les produits des licences UMTS sont imputés entièrement à l'année 2001 (ce qui est conforme à la règle des droits constatés) et réduiront le déficit public de 0,7 point de PIB. Si les 4 licences prévues initialement avaient été attribuées le solde aurait été amélioré de 1,4 point de PIB en 2001. En comptabilité budgétaire, les recettes devraient être de 16,2 milliards de francs (0,18 point de PIB) pour 2 licences.

Le débat d'orientation budgétaire est un moment privilégié.

Il est l'occasion de s'interroger sur la cohérence et la pertinence des perspectives tracées par le gouvernement. Il permet aussi au Parlement de porter un regard rétrospectif sur l'évolution des finances publiques.

Les orientations du gouvernement sont marquées pour 2001 et 2002 par de nombreuses incertitudes, qu'il s'agisse des conditions de la croissance, ou du contenu de la politique budgétaire. Le ralentissement enregistré aux Etats-Unis suscite en effet des inquiétudes sur le niveau de la croissance française.

Dans ce contexte, le contenu du programme pluriannuel pour les années 2002-2004 semble difficile à appliquer au vu des engagements de dépenses qui s'accumulent, au premier rang desquels figurent tant la pérennisation des emplois-jeunes, la politique suivie dans la fonction publique, que le financement « acrobatique » des 35 heures. S'appuyant sur les résultats d'une étude commandée à l'OFCE, la commission des finances ne les estime pas, en effet, « tenables » en l'état.

De même, les engagements pris, tant en matière de réduction du déficit budgétaire que de limitation des 4.500 milliards de francs de dette de l'Etat, apparaissent d'autant moins crédibles que la procédure d'attribution des licences de téléphonie mobile UMTS ne peut plus se dérouler dans les conditions prévues initialement.

Face à la montée de ces aléas, et en l'absence de réformes structurelles, l'actuel gouvernement reste fidèle à « l'exception française » marquée par un niveau historiquement élevé des prélèvements pesant sur les Français, une maîtrise peu rigoureuse de la dépense et un déficit insuffisamment contrôlé...

* 30 On ne sait pas à quoi correspondent ces 12 milliards. Pour 2001, l'Unedic estime à 7,8 milliards l'augmentation des dépenses induites par la convention. Compte tenu d'une baisse des cotisations de 7,8 milliards et d'une diminution des produits financiers de 0,4 milliard, la convention détériorerait le solde de 16 milliards. Par ailleurs, sur la période 2001-2003, l'UNEDIC prévoit de dépenser 29,9 milliards à des « actions personnalisées en faveur du retour à l'emploi » et 19,9 milliards à l'amélioration des indemnités.

* 31 Ce calcul n'intègre pas certaines exonérations de cotisations d'allocations familiales.

* 32 Une estimation de la commission des comptes de la sécurité sociale va être publiée sous peu (le 7 juin ?).

* 33 Le rapport de la Commission des comptes de la Sécurité sociale qui sort dans quelques jours donnera une nouvelle estimation de la réalisation pour l'année 2000.

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