III. LE SECTEUR ASSOCIATIF

a) Impact de la taxe sur les salaires sur le positionnement économique du secteur

La taxe sur les salaires est l'une des quatre taxes (outre la TVA, l'impôt sur les sociétés et la taxe professionnelle) pouvant peser sur les associations à raison des salaires qu'elles versent.

Compte tenu de l'évolution du secteur associatif et de la jurisprudence, l'Administration a redéfini, dans une instruction du 15 septembre 1998 59 ( * ) précisée par une instruction du 16 février 1999 60 ( * ) , les critères à prendre en considération pour apprécier si une association est lucrative ou non et déterminer ainsi sa situation fiscale.

Une méthode d'analyse de la situation de l'association, commune à tous les impôts commerciaux, est définie à partir de critères hiérarchisés. Ainsi une association à but non lucratif se trouve assujettie aux impôts commerciaux :

- si sa gestion est intéressée, c'est-à-dire que des rémunérations ou des avantages significatifs sont consentis aux dirigeants ou à des tiers ;

- ou, lorsque la gestion est désintéressée, si l'association développe une activité exercée par une entreprise commerciale, car elle vise un public identique, pratique des prix comparables, ou a recours à des méthodes commerciales similaires à celles d'une entreprise commerciale.

Ces critères de lucrativité sont communs à l'ensemble des impôts dits commerciaux, à savoir l'impôt sur les sociétés, la TVA et la taxe professionnelle.

Ces critères d'assujettissement aux impôts commerciaux des associations étant extrêmement larges, le champ d'application de la TVA dans le cadre des activités du secteur associatif va certainement s'en trouver élargi. Corrélativement, le champ d'application de la taxe sur les salaires sera restreint.

Par ailleurs, en matière de taxe sur les salaires, les associations et organismes à but non lucratif sont confrontés à deux difficultés qui méritent d'être relevées dans le cadre de ce rapport et qui concernent particulièrement les modalités de calcul de la taxe sur les salaires.

La première difficulté concerne les associations qui ont constitué des secteurs distincts d'activité 61 ( * ) . A cet égard, les associations éprouvent de sérieuses difficultés à classer le personnel (notamment administratif) entre les différents secteurs. Lorsque le personnel est dépourvu d'affectation permanente et exclusive, les différentes personnes concernées sont soumises à la taxe à raison du rapport général.

La seconde difficulté a trait à l'agenda de la régularisation. En effet, il convient de rappeler ici, que pour les salaires payés en début d'année, les assujettis partiels à la taxe sur les salaires calculent leur rapport d'assujettissement à cette taxe d'après des chiffres provisoires de l'année précédente. Ils doivent donc, lorsque le rapport définitif d'assujettissement à la taxe sur les salaires est connu et se révèle différent du rapport provisoire, procéder à une régularisation. En cas d'insuffisance de versement de taxe sur les salaires, celle-ci peut être réparée sans indemnité de retard lors du prochain versement de la taxe, soit normalement au plus tard le 15 mai. Dans le cas contraire, l'excédent de taxe peut être imputé sur les versements suivants ou remboursé sur demande présentée à la direction des services fiscaux.

Ainsi, ce décalage dans le temps entraîne des difficultés et un coût opérationnel de gestion. La taxe alourdit donc de façon considérable les obligations pesant sur les associations.

Compte tenu de l'ensemble de ces difficultés, l'abattement prévu par l'article 1679 A du code général des impôts pour les associations de la loi de 1901 (et les syndicats professionnels notamment) et fixé à 33.470 F pour la taxe due au titre des salaires versés en 2001 62 ( * ) ne semble pas alléger suffisamment la charge que constitue la taxe sur les salaires.

En effet, il ne joue de façon significative que pour les associations les plus modestes. L'application de l'abattement qui n'est d'ailleurs pas subordonnée au caractère désintéressé de la gestion 63 ( * ) devrait être dans ce sens élargie (possible relèvement de l'abattement).

Enfin, on peut spécifier que le secteur associatif bénéficie d'allégements ponctuels en matière de taxe sur les salaires. Ainsi, les rémunérations versées au personnel recruté à l'occasion et pour la durée des manifestations de bienfaisance ou de soutien qui sont exonérées de TVA en vertu de l'article 261-7-1°-c du code général des impôts, sont exonérées de taxe sur les salaires en application de l'article 231 bis L du même code. Il en est de même pour les rémunérations versées aux personnes embauchées en application des conventions "nouveaux services-emplois jeunes" (article 231 bis N alinéa 2 du code général des impôts).

b) Propositions formulées par les représentants du secteur

Les représentants du secteur associatif insistent donc sur la nécessité de supprimer la taxe sur les salaires à l'égard des associations, en soulevant plusieurs types d'arguments.

Tout d'abord, ils prétendent que l'abattement déjà existant (tel qu'il a été institué par l'article 9-1 de la loi de finances pour 1982, loi n° 82-1126 du 29 décembre 1982) n'a pas d'effet réellement incitatif, dans la mesure où il ne joue ce rôle que pour les petites associations, n'employant qu'un petit nombre de salariés, et demeure marginal pour les plus importantes. En effet, selon le nombre de personnes employées, l'abattement de 33.000 francs représente pour une association versant des salaires bruts annuels de 100.000 francs, des allégements sur la taxe due et sur le coût de l'emploi très différents: de 100 % pour une association employant 4 salariés à 4.4 % pour une association en employant 100.

De même, ainsi que cela a déjà été mentionné, les représentants du secteur associatif insistent sur les complexités engendrées par la taxe sur les salaires. Cet argument prend encore plus de poids lorsque l'on songe au fait que ce sont surtout les petites associations qui souffrent de ces coûts administratifs et financiers supplémentaires.

En outre, les représentants du secteur associatif considèrent que la taxe sur les salaires constitue un obstacle à l'emploi dans le secteur associatif (la taxe frappe lourdement les associations: elle équivaut à plus de 8 % d'un salaire annuel brut d'environ 100.000 francs, et à 10 % d'un salaire annuel de 160.000 francs) alors même que l'emploi dans le secteur revêt une importance capitale dans toutes les politiques de lutte contre l'exclusion et plus généralement de lutte contre le chômage.

Il est vrai que cet aspect du secteur associatif a été explicitement reconnu par le législateur qui a accordé un statut particulier aux rémunérations versées dans le cadre des conventions "nouveaux services emplois jeunes" (article 231 bis N alinéa 2 du code général des impôts) dans la mesure où celles-ci bénéficient d'une exonération de la taxe sur les salaires. Toutefois, si cette mesure constitue un progrès, elle est de loin insuffisante.

Ainsi, les représentants du secteur associatif soulignent que l'emploi qualifié est particulièrement pénalisé en leur sein, et que cet état de fait remet en cause toute la qualité de l'encadrement de ce secteur.

Enfin, il convient de souligner que le fait que le secteur associatif constitue une alternative, voire l'ultime solution pour des personnes éprouvant des difficultés à trouver un emploi. A cet égard, la réforme de la taxe sur les salaires demeure essentielle, surtout si est gardée à l'esprit le fait que le secteur associatif conserve un potentiel énorme en termes d'emplois.

De façon plus large, les représentants du secteur associatif indiquent que la taxe sur les salaires est de nature à faire obstacle au développement d'un certain type d'associations.

Ce point de vue s'avère partiellement exact si l'on garde à l'esprit le fait que les associations de services ou d'aide à domicile paient la taxe sur les salaires alors que les particuliers n'utilisant le concours que d'un seul salarié à domicile ou d'une assistante maternelle agrée sont quant à eux exonérés de cette taxe.

La taxe sur les salaires est en outre de nature à susciter des distorsions de concurrence entre les associations et les entreprises.

Face à la solution radicale que constitue la suppression pure et simple de la taxe, certaines associations mettent aussi en avant la possibilité d'une suppression progressive de cette taxe. La baisse de la taxe pourrait ainsi être programmée sur trois ans:

- dès 2001, on pourrait instituer une première tranche à taux zéro et une diminution du différentiel entre les deuxième et troisième tranches ;

- en 2002, on pourrait instituer une deuxième tranche à taux zéro et une diminution du différentiel sur la troisième tranche ;

- en 2003, on assisterait à la suppression définitive de la taxe.

D'autres solutions sont également proposées :

- procéder, sur la taxe sur les salaires, aux mêmes abattements que sur les charges sociales pour le travail à temps partiel ;

- appliquer l'abattement par tranches de 10 salariés employés par chaque association, avec un minimum de 20.000 francs (33.000 francs en 2000) pour obtenir un effet d'allégement du coût de l'emploi associatif de 1.5 % quel que soit le nombre de salariés d'une association ;

- alléger le poids de la taxe sur deux points. En premier lieu, harmoniser l'assiette de la taxe sur les salaires et l'uniformiser sur le système de calcul mensuel des charges sociales. En second lieu, ne plus faire référence aux tranches de l'impôt sur le revenu annuel, mais plutôt au SMIC, et ce sur une base mensuelle. Ainsi, pour la part des salaires inférieure au SMIC, instaurer une taxe sur les salaires qui tendrait le plus possible vers zéro (et à tout le moins qui serait inférieure à 4.25 %) et pour la part des salaires supérieure au SMIC, instaurer un taux de taxe sur les salaires compris entre 4.25 % et 13.6 % tendant le plus possible vers 4.25 %. Enfin, en fonction du taux retenu, il pourrait être nécessaire de maintenir un abattement de l'ordre de 3.000 francs par mois, afin de ne pas pénaliser les petites structures associatives, qui finalement sont les plus fragiles ;

- cibler, le cas échéant, certaines de ces mesures sur les associations financées par les collectivités publiques ou sur des associations reconnues d'utilité publique et de bienfaisance agréées.

* 59 Instruction du 15 septembre 1998, BOI 4 H-5-98.

* 60 Instruction du 16 février 1999, BOI 4 H-1-99.

* 61 "Taxe sur les salaires : le régime des assujettis partiels", A. Becquart, jurisassociations n° 124, 1 er mars 2000.

* 62 Cet abattement était de 29.070 F pour 1999. Il est en principe relevé chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'IR ; pour l'année 2000, il a toutefois fait l'objet d'un relèvement spécifique (Loi n° 99-1172 du 30-12-1999 art. 16).

* 63 CAA Nantes 17-12-1996 n° 94-79 : RJF 3/97 n° 219.

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