B. UNE CROISSANCE ÉQUILIBRÉE, MAIS SANS RETOUR AU PLEIN-EMPLOI

Le scénario se développe sur un paradoxe. Bien que supérieure à la croissance potentielle, la croissance qu'il décrit reste équilibrée. Cette situation appelle quelques explications.

a) Une croissance équilibrée

Le scénario exploré dans cette projection décrit une croissance forte et équilibrée. En effet, jusqu'en fin de période, la croissance surpasse nettement la croissance potentielle de l'économie française, et, ce, sans tensions sur les prix.

Cette configuration, très favorable, peut apparaître paradoxale. En effet, la croissance potentielle est, en théorie, la croissance maximale qu'une économie peut connaître sans inflation. Au-delà, le glissement des prix vient dégrader la compétitivité et affecte, en outre, le revenu des ménages si bien que l'économie rejoint alors son sentier de croissance potentielle Ces enchaînements, qui ne sont pas entièrement ignorés dans la présente projection, puisque l'écart entre la croissance qu'elle décrit et la croissance potentielle se réduit en fin de période, n'y interviennent que tardivement. Plusieurs éléments concourent à placer l'économie sur une trajectoire finalement équilibrée.

Le premier d'entre eux, sur lequel on ne reviendra pas, est d'ordre purement conventionnel. Le scénario est construit sur l'hypothèse que l'écart entre la croissance française et celle des partenaires ne produit aucun déséquilibre extérieur. Votre rapporteur a déjà souligné les aléas d'une telle condition.

Votre rapporteur insistera davantage sur les conditions relatives à la formation des revenus des ménages . Sur ce plan, la projection délivre un message d'un grand intérêt, dont les conditions de la très forte croissance américaine des années 90 ont déjà offert une illustration. Tout se passe dans la projection comme si, en situation de réduction durable du chômage, il fallait compter sur une déformation du revenu des ménages au détriment des revenus salariaux et au profit des revenus financiers .

En effet, dans le compte, les salaires s'accroissent mais modérément.

Evolution du salaire par tête 2001 - 2006

(en %)

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Horaire nominal, secteur marchand

3,8

3,2

3,2

3,5

3,4

3,3

Horaire réel, secteur marchand

2,4

1,6

1,9

2,0

1,5

1,6

Mensuel nominal, secteur marchand

1,2

1,4

1,8

2,0

1,5

1,5

Mensuel réel, secteur marchand

1,2

1,4

1,8

2,0

1,5

1,5

Ce résultat est absolument indispensable. Il ne fait que traduire l'exigence de modération salariale sans laquelle le taux de chômage d'équilibre (voir infra ) ne saurait refluer.

Il permet une progression modérée des coûts salariaux unitaires, qui favorise le maintien d'une faible inflation.

Evolution des coûts salariaux unitaires et de l'inflation 2001 - 2006

(en %)

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Coût salarial par unité produite

2,3

1,6

0,9

1,5

1,8

1,8

Prix :

PIB

1,2

1,4

1,2

1,2

1,7

1,5

Consommation

1,4

1,5

1,3

1,4

1,9

1,7

Mais, dans le même temps, ce résultat est, en soi, limitatif. Si le revenu des ménages progressait comme les revenus salariaux, la croissance effective pourrait ne pas atteindre le niveau requis pour que le chômage baisse, excepté, votre rapporteur le souligne, si l'investissement prenait le relais.

La résolution de ce problème passe donc par l'apport des autres déterminants du revenu des ménages à un plus grand dynamisme de ce revenu. Dans la situation des finances publiques que nous connaissons, il ne faut rien attendre d'une redistribution opérée par les administrations publiques au profit des ménages. Votre rapporteur souligne d'ailleurs, dans le troisième chapitre du présent rapport, le caractère illusoire des discours affirmant le contraire.

La seule contribution envisageable est à trouver du côté des entreprises ou de l'environnement financier. Dans la projection, la dynamique du revenu des ménages provient des dividendes versés par les entreprises. Une solution alternative, qui ne serait peut-être pas entièrement équivalente, serait que les ménages bénéficient d'un effet de richesse. Celui ci pourrait provenir d'une appréciation de leurs actifs, soit que les performances économiques des entreprises la justifient, soit que la réduction des taux d'intérêt la provoque.

Votre rapporteur n'ignore pas que de tels enchaînements peuvent se produire. Une part importante de la croissance durable observée aux Etats-Unis en provient certainement. Toutefois, il lui revient de souligner les exigences que supposent de telles conditions.

La première d'entre elles est, bien entendu, qu'il existe des marges pour une réduction du niveau des taux d'intérêt. Ces marges existent-elles en Europe ? A supposer que la réponse soit affirmative, elles sont plus réduites que dans le passé, compte tenu du niveau atteint par les taux d'intérêt, et supposent que les obstacles structurels à une diminution supplémentaire de ces taux soient levés.

Une seconde condition apparaît cruciale. Si l'effet de richesse a pu soutenir la croissance américaine, c'est parce que les entreprises américaines ont réussi à augmenter leur efficacité. La forte augmentation de leurs gains de productivité dans les années récentes en témoigne. Le système productif américain a su créer les conditions d'une forte demande.

Votre rapporteur en tire une conclusion essentielle pour les politiques économiques. Leur défi sera, à l'avenir, de créer les conditions d'une élévation du niveau de l'offre. Cela suppose au premier chef d'éliminer les contraintes qui en brident l'essor.

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