II. DE L'IMPORTANCE DE MAÎTRISER LES DÉPENSES PUBLIQUES

Dans la projection ici présentée, le poids des dépenses publiques dans le PIB ne se replie que grâce à des hypothèses adéquates, qui peuvent paraître trancher avec les tendances lourdes de la dépense publique. On présente ainsi le résultat de variantes réalisées sur la base de variations plus tendancielles. Les équilibres s'en trouvent naturellement affectés.

Mais, avant de présenter ces résultats, votre rapporteur souhaite insister sur le caractère essentiellement non reconductible des allégements d'impôts lorsqu'ils ne sont pas gagés par une réduction durable des dépenses publiques.

A. UN BILAN FISCAL D'UNE LÉGISLATURE EN TROMPE-L'oeIL

Selon le rapport économique, social et financier pour 2002, le total des allégements fiscaux s'est élevé à 29,8 milliards d'euros (195 milliards de francs) entre juin 1997 et 2002.

Et le rapport de conclure que, sans ces allégements, le taux des prélèvements obligatoires aurait été plus élevé de 2,3 points de PIB en 2002.

Contribution des mesures nouvelles à l'évolution des prélèvements obligatoires 1)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Contribution des mesures nouvelles à l'évolution du taux de P.O.

0,3 %

-0,3 %

-1,0 %

-1,0 %

-0,4 %

Evolution spontanée des prélèvements obligatoires (en points de PIB)

-0,5 %

1,1 %

0,6 %

0,5 %

0,0 %

Evolution totale des prélèvements obligatoires

-0,1 %

0,8 %

-0,4 %

-0,3 %

-0,4 %

Taux de prélèvements obligatoires

44,9 %

44,8 %

45,6 %

45,2 %

44,9 %

44,5 %

1. Rapport économique, social et financier, 2002, p. 149.

Source : Direction de la Prévision, bureau des études fiscales.

Votre rapporteur est perplexe devant cette présentation.

Il fait d'abord observer que, malgré lesdits allégements fiscaux, le repli du taux de prélèvements obligatoires ne s'élève qu'à 0,4 point de PIB entre 1997 et 2002, soit environ 40 milliards de francs 2002, et qu'avec ce taux, la France reste largement en tête des grands pays développés sous l'angle de la pression fiscale.

Il fait également observer que 195 milliards de francs d'allégements fiscaux représentent, en réalité, 1,95 point du PIB de 2002 qui, en prévision, est estimé par le gouvernement à 9 975,4 milliards de francs.

Total des recettes courantes des administrations publiques

(en % de PIB aux prix du marché)

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Allemagne

45,7

45,4

45,5

46,1

46,0

44,6

44,6

France

49,7

49,7

49,6

50,4

50,2

49,8

49,6

Italie

45,5

47,2

45,8

46,3

45,5

44,8

44,2

Royaume-Uni

38,6

38,9

40,2

40,5

41,1

40,6

40,2

Europe à 11

46,1

46,3

46,0

46,5

46,2

45,4

45,1

Europe à 15

45,6

45,6

45,5

46,0

45,8

45,0

44,7

Etats-Unis

32,0

32,3

32,7

32,9

33,6

33,8

33,3

Source : Commission européenne.

Mais, il y a plus. Contrairement à ce que déclare le gouvernement, les allégements fiscaux n'ont pas fait réellement bénéficier les Français des fruits de la croissance. Ils n'ont fait que leur restituer les produits d'un système fiscal dont le rendement a été inhabituel.

Le niveau exceptionnel des élasticités des recettes fiscales par rapport au PIB a, en effet, spontanément, mais aussi très inhabituellement, gonflé les recettes fiscales.

Elasticités en valeur des recettes fiscales par rapport au PIB

1997

1998

1999

2000

2001 1)

2002 1)

Elasticité calculée 2)

1,5

0,5

2,5

2,2

2

1,1

Ecart à une élasticité unitaire

+ 0,5

- 0,5

+ 1,5

+ 1,2

+ 1

+ 0,1

1. Prévisions
2. Source : Rapport économique, social et financier pour 2002.

Au cours de la période, les élasticités des recettes fiscales ont, presque constamment, dépassé, et sensiblement, l'élasticité unitaire qui est celle de longue période.

L'élasticité des recettes fiscales au PIB 1)

1. Pour 2001 et 2002 : prévisions.

Source : Direction de la Prévision, bureau des Etudes fiscales .

En tendance, les recettes fiscales ont progressé bien davantage que le PIB.

Variation du PIB et des recettes fiscales en valeur

1997

1998

1999

2000

2001

2002

PIB

3,2

4,4

3,4

4

3,9

4,2

Recettes fiscales (élasticité observée)

4,8

2,2

8,5

8,4

7,8

4,2

Recettes fiscales (élasticité unitaire)

3,2

4,4

3,4

4

3,9

4,2

Sur la base des élasticités décrites par le rapport économique, social et financier, elles auraient spontanément augmenté de 41,5 %, alors que si elles avaient suivi le PIB, elles n'auraient progressé que de 25,4 %.

Les recettes fiscales nettes s'élevaient à 1 359 milliards en 1996. En 2002, elles se montent à 1 729,6 milliards de francs (+ 370 milliards de francs), une fois pris en compte les transferts de recettes fiscales à la sécurité sociale. Or, entre ces deux dates, le rendement du système fiscal a spontanément haussé les produits fiscaux nets à 1 923 milliards (+ 564 milliards). La totalité des recettes « rendues » aux Français (195 milliards) s'explique par l'emballement du système fiscal.

Si celui-ci ne s'était pas réalisé, c'est-à-dire si les recettes fiscales avaient progressé comme le PIB, le supplément de recettes fiscales se serait élevé à 345,2 milliards de francs contre les 564 milliards de francs observés. Ces 345,2 milliards de francs représentent les « vrais fruits » de la croissance, c'est-à-dire le produit fiscal, à pression fiscale inchangée. Les 218,8 milliards en excédent (564 - 345,2 milliards de francs) ne sont que le produit de l'emballement du système fiscal.

On observera deux choses :

• Le gouvernement n'a pas rétrocédé la totalité des recettes fiscales exceptionnelles perçues ; il s'en faut de 24 milliards de francs. D'ailleurs, le taux de pression fiscale de l'Etat (rapport des recettes fiscales nettes au PIB) s'est accru entre 1996 et 2002. Il était en 1996 de 17,09 points de PIB. Il est, en 2002, de 17,33 points de PIB.

• A efforts d'allégements inchangés (- 195 milliards de francs), il eut fallu, pour atteindre le déficit de l'Etat de 2002 (- 1,4 point de PIB), réduire les dépenses d'autant, dans le contexte d'un rendement unitaire du système fiscal.

La « réduction » alléguée des prélèvements obligatoires a simplement consisté à restituer une partie des produits résultant d'un rendement du système fiscal qui a été, vraisemblablement, exceptionnel au cours de la période. Pour « restituer aux Français les fruits de la croissance », le niveau des allégements fiscaux aurait dû excéder sensiblement ce qui a été pratiqué. A ces allégements, il aurait fallu adjoindre le supplément des recettes fiscales résultant de l'accélération de la croissance effective de la France au-delà de sa croissance potentielle. Mais, cela aurait impliqué une réelle maîtrise des dépenses publiques.

En effet, sur la base d'un rendement unitaire du système fiscal et d'une croissance effective qui aurait été parallèle à la croissance potentielle de l'économie française au cours de la période 1997-2002 (+ 2,5 % par an), le niveau des recettes fiscales nettes aurait été, en 2002, de 1 687,9 milliards de francs 12 ( * ) , soit un niveau inférieur à celui prévu pour 2002. L'écart avec les recettes fiscales nettes prévues en 2002 s'élève de fait à près de 41,7 milliards de francs (0,4 point de PIB).

Ainsi, la combinaison d'un écart de croissance favorable et d'un rendement exceptionnel du système fiscal ont apporté 260,5 milliards de francs de recettes non-durables . En tenant comme acquis les 195 milliards de francs d'allégements fiscaux, il eut fallu, pour atteindre la cible du déficit public de 2002, tout en restituant aux Français la totalité des « fruits de la croissance », réduire les dépenses publiques de 65 milliards de francs par rapport au niveau qui est le leur à cette échéance. Le gouvernement a préféré les conserver pour financer autant de dépenses publiques.

Votre rapporteur veut souligner, enfin, les paradoxes des discours politiques qui prétendent « rendre aux Français les fruits de la croissance ». En réalité, nos administrations publiques, en vivant constamment à crédit, prélèvent sur les générations à venir les fruits d'une croissance hypothétique .

* 12 En supposant une augmentation moyenne des prix du PIB inchangée, soit 1 359 milliards de francs x 1,242 (soit le taux de croissance potentielle du PIB entre 1996 et 2002).

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