V. LES ÉCONOMISTES CRÉENT UN MARCHÉ DU DROIT À L'ERREUR GARANTISSANT À LA FOIS LE FREINAGE ET LA RELANCE DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE

Tout d'abord, un rappel : les conditions initiales de répartition des droits à émission résultent de décisions politiques plus que d'un examen objectif de la situation.

Cependant, au moment des négociations, la France avait souhaité l'application de critères objectifs, tels que le niveau d'émissions par habitant. Mais les États-Unis d'Amérique ont refusé de s'engager sur une telle base .

A. LES PAYS DU « NORD » S'OCTROIENT DES DÉPASSEMENTS NÉGOCIÉS

La Russie et l'Ukraine ont obtenu que leurs émissions de gaz sur la période 2008-2012 soient stabilisées et non pas réduites par rapport à l'année 1990. Or, il est évident que cette année de référence revient à prendre comme donnée de départ l'état de l'économie résultant du modèle soviétique, connu pour être particulièrement dispendieux en énergie. Par la suite, les pays de la Communauté des États Indépendants (CEI) ont connu une forte récession économique, et, de ce fait, peuvent se présenter en vendeurs potentiels d'une quantité importante de permis négociables, ce qui autorisera les pays acheteurs à dépasser leur quota contre rémunération, mais ne réduira en rien l'émission effective de gaz à effet de serre à l'échelle du monde.

Paradoxalement, les États-Unis d'Amérique pourront , par exemple, continuer à émettre sept fois plus de gaz à effet de serre par habitant que le taux moyen mondial 65 ( * ) tout en gageant ce gaspillage d'énergie présent et futur sur les anciens gaspillages de l'économie soviétique.

Faut-il avaliser un tel système au nom de la réduction des émissions de gaz à effet de serre ? Faut-il accepter que certains pays développés aient même obtenu le droit d'augmenter leurs émissions ?

Il peut être rappelé qu'à la suite de la conférence de Kyoto, les États-Unis d'Amérique, le Canada, le Japon, l'Australie et la Nouvelle-Zélande avaient tenté de créer, avec la Russie et l'Ukraine, une sorte de bulle de coopération pour tirer tout le profit du mécanisme du protocole. Même s'ils ne sont pas parvenus alors à un accord interne sur la répartition des objectifs, cette tentative a bien montré les limites du mécanisme mis en place et les véritables finalités de certains partenaires. C'est pourquoi, loin de se lamenter de la récente remise en cause du protocole de Kyoto par le nouveau président des États-Unis d'Amérique, il aurait peut-être été plus constructif de revisiter les bases de cet accord international afin de mieux faire correspondre les objectifs affichés du protocole avec les modalités retenues pour sa mise en oeuvre.

* 65 En moyenne, un habitant de la Planète émet une tonne d'équivalent carbone par personne et par an, un Français, deux tonnes, un Allemand, trois tonnes et un Américain du Nord, sept tonnes.

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