VI. LA NOTION D'ALTERNANCE ET LE RYTHME DES MANDATS POLITIQUES CONDAMNENT-ILS LES PROJETS À LONG TERME À L'ABSENCE DE SOLUTIONS ?

Tout au long de l'élaboration de la présente étude, votre Rapporteur a souvent relevé chez ses interlocuteurs un léger scepticisme amusé à propos du caractère éloigné de l'horizon de l'étude. S'inquiéter des politiques à mener du fait de l'évolution probable du climat en 2100 releverait-il davantage de l'exercice de style que d'un mandat politique ?

Telle n'est pas l'opinion de votre Rapporteur qui considère avec satisfaction que l'OPECST se trouve particulièrement dans son rôle en menant une réflexion prospective, même à l'horizon 2100 . De plus, ce terme est exigé par la nature même du sujet de l'étude, l'évolution climatique à cinq ou dix ans ne présentant pas un grand intérêt. En effet, un climat se caractérise par une tendance qui doit être confirmée par au moins une trentaine d'années d'observations et de relevés.

En outre, au terme du présent rapport, il apparaît que 2100 ne marque aucunement le terme d'une éventuelle évolution mais, au contraire, que toutes les courbes de projection maintiennent une pente ascendante en 2100, certaines études indiquant désormais des chiffres jusqu'en 2300 .

Il a été exposé dans le présent rapport que la durée de vie de certains gaz à effet de serre leur garantissait des effets jusqu'en 2100 et même bien au-delà, pendant plusieurs milliers d'années. Tout infléchissement des politiques énergétiques, industrielles, de transports mettrait donc bien des années à faire sentir ses effets et, ce, probablement d'ailleurs, de manière peu spectaculaire.

De la sorte, comment sera-t-il possible de convaincre quiconque, en 2100, que, sans l'adoption, en 2002, de telle ou telle mesure efficace, les changements climatiques auraient produit des conséquences négatives ? Cela sera impossible à observer à la fin du présent siècle, les dangers redoutés ayant précisément été évités.

Comment, à l'inverse, atténuer le choc psychologique d'un événement extrême survenant en 2100 en précisant que, sans une politique volontariste conduite au début du siècle, dans la lointaine année 2002, l'événement eût été bien pire ?

Et, même si aucune politique mondiale ambitieuse n'était menée en 2002 et que l'opinion publique de 2100 s'en prenne à sa classe politique en cas d'événements climatiques extrêmes, la question ne sera sûrement pas alors de peser les responsabilités respectives des dirigeants au pouvoir en 2002.

Il existe donc bien une discordance entre les préoccupations à très long terme nécessitant des actions immédiates et les notions même d'alternance comme de durée des mandats politiques dans la mesure où les effets des politiques à mener ne peuvent être que très lointains, excédant la durée de tout mandat, et n'auront cependant une existence que si la ligne d'action choisie est suivie durant tout le siècle, quelles que soient les alternances politiques.

En outre, la plupart des décisions prises bénéficieraient surtout, voire seulement, aux générations futures considérées comme un ensemble mondial . Il peut donc se faire qu'un État consente des sacrifices immédiats qui profitent, dans cinquante ou cent ans aux habitants d'un pays lointain, voire d'un pays hostile...

Votre Rapporteur l'a déjà rappelé bien des fois, les impacts des changements climatiques concernent l'avenir du vaisseau spatial Terre et font prendre conscience de la solidarité obligée de tous ses passagers .

Il dépend de chacun d'entre nous que l'horizon éloigné réintègre le champ des préoccupations politiques des citoyens et de leurs élus.

Peut-être de nouveaux forums sont-ils à imaginer pour cela ?

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