M. Jérôme SEYDOUX, président du Conseil de surveillance de Pathé, président de l'Association pour la télévision numérique

La TNT présente la caractéristique d'être une espèce de cocktail. On y retrouvera tous les opérateurs actuels de la télévision, avec en plus des nouveaux. Or ils n'ont jamais travaillé tous ensemble, et il faut ici que tout le monde le fasse, chacun tirant néanmoins sa carte.

Il y a donc forcément plusieurs modèles économiques, puisque chacun a le sien, différent de celui des autres. Quoi qu'il en soit, pour que chacun réussisse, il faut que l'ensemble fonctionne.

Observons donc les problèmes communs.

Si l'on n'a pas une couverture hertzienne suffisante, le système ne fonctionnera pas.

Il faut par ailleurs que cette couverture soit homogène : pour qu'un bouquet puisse être reçu, il faut que toutes les chaînes du bouquet puissent être reçues dans des conditions comparables.

Il faut aussi l'équipement adéquat. Celui-ci pourrait ne pas être trop cher, mais il faut aussi que, commercialement, il soit facile à trouver. Celui qui veut le trouver ne doit pas avoir à faire le parcours du combattant, comme cela peut être le cas pour obtenir le câble chez soi, selon l'endroit où l'on demeure.

Aucune condition particulière ne fera que nous allons mieux fonctionner que d'autres. C'est l'ensemble des paramètres qui doit être résolu, un à un, pour que le système fonctionne de manière globale et que chacun trouve la possibilité de réussir économiquement.

Comme l'a toujours été la télévision, la TNT est un pari, et ce n'est pas le plus difficile.

M. Marc André FEFFER, vice-président du directoire du groupe Canal Plus

Je voudrais tout d'abord démentir les propos que le Figaro nous a prêtés ce matin concernant le changement de standard. Ces questions sont trop sérieuses pour faire l'objet de batailles de communiqués. Nous en discutons avec le CSA et le ministère de l'Industrie, mais nous n'avons, à ce jour, pas changé de position. Nous mesurons ces standards à leur capacité de fonctionner, à leur disponibilité et bien entendu à leur coût.

S'agissant du développement de la télévision numérique terrestre, je résumerai la problématique économique en deux temps.

Nos voisins n'ont pas trouvé, loin s'en faut, un équilibre ou un modèle économique. La question est de savoir si nous sommes tellement meilleurs... C'est le souhait que je forme, mais l'examen du paysage environnant laisse un peu perplexe.

En Grande-Bretagne, ITV Digital est un vrai succès commercial, mais les actionnaires vivent une catastrophe : ils ont déjà dépensé plus de 1,5 milliard d'euros et l'ardoise doit encore s'allonger. C'est un grand sujet d'inquiétude pour les entreprises et le gouvernement britanniques, qui essaient maintenant de trouver un modèle de développement différent.

En Espagne, sans être négligeable, le succès est moindre. Mais là aussi, sur le plan économique c'est une véritable ruine pour la société Quiero TV. Un certain nombre de repreneurs sont évoqués et d'autres solutions sont envisagées.

Comment ont-ils pu en arriver là ?

Dans les deux cas, les gouvernements ont désiré radicalement exclure les opérateurs de télévisions à péage existants. Pour des raison de droit de la concurrence, on a interdit de faire à ceux qui savaient, et l'on a demandé à ceux qui avaient envie de faire de se lancer, alors qu'ils ne savaient pas faire. En caricaturant un peu, c'est ainsi que les choses se sont passées. Il en est résulté un climat de concurrence féroce où tout le monde s'est ruiné.

On peut aussi considérer, au moins en Espagne, une certaine faiblesse de l'offre proposée aux abonnés.

Comment pouvons-nous tirer des leçons de ces échecs, dans les différents domaines et par rapports aux différentes économies auxquelles Jérôme Seydoux faisait allusion ?

Posons quelques questions.

En ce qui concerne les éditeurs, posons la question de l'économie et des recettes des nouveaux entrants qui vont se mettre sur le marché du clair, donc sur le marché publicitaire, alors qu'aucun foyer n'est encore aujourd'hui initialisé. Cette économie du clair en numérique terrestre sera particulièrement tendue.

Au chapitre des dépenses, nous devons examiner le coût de la diffusion. Un coût de diffusion supplémentaire peut être absorbé dans l'économie d'une grande chaîne. Mais il en est tout autrement pour des petites chaînes thématiques existantes ou, a fortiori , pour des nouveaux entrants. Par rapport au satellite, le coût de diffusion est en effet fortement multiplié. Les tarifs proposés aujourd'hui par les opérateurs existants sont préoccupants par rapport à l'économie de ces chaînes. Il sera donc nécessaire de baisser les tarifs ou d'introduire plus de concurrence sur le marché.

On peut aussi se demander si la couverture proposée est bien adaptée. On parle de 110 émetteurs pour couvrir 85 % de la population or, selon nos calculs, 60 émetteurs suffiraient pour couvrir 82 % de la population, tout en réduisant de moitié les coûts de diffusion. Cela mérite débat.

Venons-en à l'économie de la distribution.

Il faut un ou deux distributeurs pour mettre à disposition des terminaux, pour faire le marketing de l'offre, pour résoudre les problèmes commerciaux et techniques, qui sont très nombreux.

Ces distributeurs doivent faire un investissement de base relativement important. Les prix annoncés des décodeurs signifient un investissement et un risque d'entreprise minimum de 200 à 300 millions d'euros.

Que faut-il donc pour se lancer avec un minimum de confort ?

Un bouquet attractif : le CSA ne devra pas se tromper dans ses choix commerciaux.

Un schéma de complémentarité avec le câble et le satellite : une concurrence frontale nous mènerait tous à la ruine.

Il faut, enfin, donner au(x) distributeur(s) une certaine souplesse par rapport à une application trop rigide des règles de concurrence.

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