M. Gérald de ROQUEMAUREL, président-directeur général d'Hachette Filipacchi Médias

Le modèle économique de la presse écrite peut-il servir aux nouvelles télévisions ?

Nous constatons, dans la presse écrite, que le revenu vient de la force de vente, dont le développement permet d'asseoir la puissance du magazine. Cette pénétration auprès du public assoit à son tour la publicité. Celle-ci conduit finalement à segmenter les magazines selon différentes cibles et pôles d'intérêt.

Dans quelle mesure la publicité contribue-t-elle aux revenus de la presse écrite ?

Sur les 770 millions d'euros de chiffre d'affaires brut des publications d'Hachette Filipacchi Médias en France, 470 proviennent de la diffusion et de la vente des journaux, 300 millions de la publicité. Mais sur un pôle comme celui des magazines féminins, le rapport est pratiquement inversé.

Dans le marché très évolué des Etats-Unis, nous retrouvons un poids de plus en plus grand de la publicité. Sur 613 millions de dollars de notre filiale Hachette Filipacchi, 435 millions proviennent de la publicité.

D'où une première règle : plus un marché est arrivé à maturité, plus les acteurs se spécialisent pour se distinguer les uns des autres. Les recettes de diffusion ont tendance à baisser en proportion et l'équilibre économique provient de l'addition des niches rentables publicitairement. Un marché mûr est un marché segmenté.

Les télévisions suivent un cheminement assez semblable. Les chaînes généralistes ont commencé par se vendre, c'est-à-dire par se préoccuper de leur audience en nombre. Depuis que le marché est à maturité, 97 % des foyers étant couverts, le modèle économique est devenu le même que pour le magazine : il faut spécialiser les chaînes pour couvrir de nouvelles niches publicitaires.

Les investissements publicitaires sur les six chaînes nationales représentent désormais près de 80 % de leurs ressources, d'où l'extrême attention portée aux émissions qui peuvent drainer auditeurs et publicité.

Malgré une progression de la durée moyenne d'écoute en France en 2001, les investissements publicitaires ont reculé de 1,6 %. Cette baisse, qui n'a été sensible que sur ces six chaînes nationales, alors que les autres ont vu leur publicité augmenter, est une preuve indiscutable de la maturité du média.

La maturité conduit à la segmentation, les cibles se diversifient, et la marque devient de plus en plus importante. Les chaînes thématiques se sont donc installées et l'arrivée de la TNT en permettra la multiplication.

La meilleure gestion des chaînes en fonction des fluctuations publicitaires aboutira à une meilleure gestion des coûts, ce qui doit conduire à une internationalisation des chaînes. Pour les magazines, cette globalisation nous a permis de mieux étaler nos coûts, d'offrir une réponse mondiale aux demandes de nos grands annonceurs et d'occuper une position privilégiée en matière d'acquisition de droits : rien qui ne soit étranger au monde des chaînes thématiques, les deux modèles économiques convergent.

Bien entendu ce modèle doit tenir compte des recettes d'abonnement, essentielles tant pour les bouquets satellitaires que pour les câblo-opérateurs. Toutefois, la lourdeur des investissements ne change pas complètement la donne : ainsi pour TF1, qui a investi 195 millions d'euros dans TPS, l'équilibre n'est pas espéré avant 2004 et 1,5 million d'abonnés.

Cet élargissement du périmètre financier qui repose sur l'audience payante diminue dans un premier temps la proportion des recettes publicitaires qui seront ensuite essentielles, les chaînes diffusées étant inéluctablement amenées à contribuer au coût.

Il n'y a pas encore, sur le plan du profit, de convergence entre le modèle économique du magazine et celui de la télévision thématique. Le modèle du magazine est très rentable, pour les chaînes thématiques la rentabilisation est à venir.

Elle ne sera acquise qu'en fonction de deux démarches différentes : la gestion serrée des coûts ou les niches internationales.

En somme, on peut donner ce conseil aux chaînes thématiques : pour devenir rentables, soyez modestes ou sortez de France.

La publicité sera donc toujours essentielle, mais centrée sur des cibles segmentées. Elle devra croître en fonction de l'effet d'entraînement du marché international et de choix judicieux proposés au consommateur, choix qui devront, comme pour les magazines, suivre ou même précéder l'évolution socio-économique mondiale.

Ce modèle conduira à renforcer la viabilité des groupes médias en amont et en aval, et à organiser en leur sein la complémentarité nécessaire des magazines, de la télévision et de l'Internet.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page