Débat avec la salle
M.
Joël WIRSZTEL
:
Canal Plus dit à peu près ceci : soit nous sommes
l'opérateur commercial de la TNT, soit cela ne marchera pas. M. Feffer,
avez-vous déjà pris contact avec des candidats potentiels ou
"obligatoires" à la TNT, pour essayer d'organiser le marché, la
distribution ? Comment voyez-vous la distribution commerciale si vous
êtes retenu comme distributeur ?
M. Marc-André FEFFER :
Je me
demande si nous participons au même colloque... Je n'ai jamais dit que
Canal Plus revendiquait le rôle de distributeur unique ou menacerait
sinon de ne rien faire, ni bien entendu que nous voulions "organiser" le
marché !
Nous n'avons pas de contacts particuliers avec les chaînes publiques. Il
est vrai qu'un certain nombre d'éditeurs potentiels en numérique
terrestre sont venus nous voir pour savoir si l'on pouvait faire un bout de
chemin ensemble, eux éditeurs et nous distributeur. Ces conversations se
poursuivent, mais nous attendons tous le rapport qui a été
demandé par le ministre de l'Economie et des Finances à M.
Gallot. Ce rapport jouera un rôle important dans l'appréciation
que pourront faire les uns et les autres des modèles économiques
qui sont examinés.
Intervention de la salle
:
Je constate que le thème du colloque était « Les
nouvelles télévisions » mais qu'on parle surtout de la
TNT.
Pourquoi miser tant d'énergie sur le numérique terrestre qui,
finalement, comme nous l'avons vu, pose beaucoup de problèmes sans avoir
la capacité de répondre pleinement aux attentes des
spectateurs ?
Pourquoi ne pas miser cette énergie sur une des forces de la
France : son réseau téléphonique fort et
moderne ?
M. LAUME,
délégué général
de la FICAM
:
Les programmes qui vont nourrir les différentes chaînes ont
été totalement absents du débat. Or, ils sont actuellement
sous-financés, et les industries techniques en pâtissent.
Où va-t-on trouver l'argent pour financer les programmes à leur
juste valeur ?
M. Jérôme SEYDOUX :
L'argent
des programmes viendra des chaînes elles-mêmes. Avoir plus de
chaînes, plus de diversité signifie bien un budget plus important,
donc plus de dépenses, notamment pour les programmes.
Mais sans connaître les programmes de chacune des nouvelles
chaînes, on ne peut entrer plus dans le détail.
M. Serge HIREL
:
Les secteurs interdits de la publicité ont plusieurs fois
été évoqués pour le financement des
télévisions numériques terrestres. M. de Roquemaurel
pourrait-il se prononcer sur ce sujet ?
M. Gérald de ROQUEMAUREL
:
J'espère que ces secteurs interdits ne le seront plus pour longtemps.
La presse quotidienne régionale est très attentive à cela,
dans la mesure où, si la télévision était ouverte
à la distribution, des recettes importantes risqueraient de lui
échapper. Si l'ouverture de la publicité à la
télévision pour la presse et pour le livre est facilitée,
la distribution va suivre et les éditeurs de la PQR risquent
d'être gravement handicapés.
En fait, il apparaît que Bruxelles un jour ou l'autre libéralisera
la distribution à la télévision. Le débat est donc
déjà vain et il nous faut supprimer les secteurs interdits et
ouvrir la publicité à la télévision pour le livre,
la presse et la distribution.
Il est d'ailleurs anormal que l'on ne puisse pas promouvoir l'écrit,
notamment auprès des jeunes qui, au début, ne regardent que la
télévision. Il ne faut pas pleurer sur le recul de l'écrit
tout en disant qu'on ne peut pas promouvoir l'écrit à la
télévision.
Intervention de la salle
:
Est-ce que des chaînes pourront être diffusées uniquement en
TNT, à part peut-être les chaînes locales ?
M. Marc-André FEFFER
:
Je ne crois pas et ce n'est d'ailleurs pas, me semble-t-il,
l'intérêt des éditeurs et des distributeurs. L'idée
est que ces chaînes se retrouvent sur les différents vecteurs.
M. Amaury de ROCHEGONDE,
Stratégies
:
Maintenant que l'on a assoupli la règle des 49 %, des partages de
coûts, ou des alliances, sont-ils envisagés ?
M. Marc-André FEFFER
:
La primeur des projets nouveaux est réservée au CSA, y compris
dans leur actionnariat.
Canal Plus a un certain nombre de partenariats dans l'édition et la
distribution, mais je ne peux apporter une réponse précise
à cette question. Il y aura sans doute autant de cas de figure que de
candidatures.
M. Jérôme SEYDOUX
:
Je crois que la réponse à la question, c'est qu'avant, nous
étions obligés d'avoir des partenaires ; aujourd'hui, on ne l'est
plus, mais on en aura quand même. Il y aura sûrement des
chaînes candidates en partenariat, à côté d'autres
présentées par un seul opérateur : le choix est
ouvert.
Intervention de la salle
:
L'avènement de la télévision numérique
permettra-t-elle d'encourager la création audiovisuelle et de faire
appel à des productions innovantes et pas seulement à des
programmes existants ou à des rediffusions ?
M. Philippe LABRO
:
Il me semble évident qu'une chaîne qui ne ferait que de la
rediffusion ne présenterait que très peu d'intérêt.
Il est évident qu'un des objectifs des anciens présents ou
nouveaux entrants, c'est de proposer aux téléspectateurs des
nouveautés et de s'appuyer sur la création. Mais cela va
être long, et cher : une grille, telles qu'elles sont toutes
conçues, ne peut pas se passer d'un certain volume de rediffusions.
Simplement l'habileté et la compétence d'un programmateur est de
mettre les rediffusions à certaines heures. Je n'imagine pas qu'un
projet qui soit simplement « de la conserve en
boîte » puisse être viable et même acceptable !
M. Pierre PLEVEN,
Symah Vision
:
On n'a pas beaucoup parlé de l'interopérabilité. N'est-il
pas nécessaire d'établir un standard européen pour le
succès du terminal technique ?
M. Philippe POELS
:
Nous souhaitons bien sûr un standard unique. Je crois d'ailleurs que nous
sommes sur la bonne voie avec le DVB MHP et MEX 5. A défaut de
standard clair, les constructeurs prennent du retard dans le
développement des produits. C'est un des écueils que rencontre la
TNT actuellement.
Je voudrais, par ailleurs, revenir sur la portabilité, sujet que je n'ai
pu approfondir lors de mon introduction et qui me paraît essentiel. C'est
une interrogation pour le numérique terrestre. La portabilité, ce
n'est pas la capacité de recevoir la télévision en
mouvement dans une voiture ou un train. C'est la possibilité de pouvoir
déplacer votre appareil chez vous sans modifier le réglage. Cela
existe pour l'analogique au Japon : on peut détacher l'écran
de sa base et le promener partout dans l'appartement. C'est un produit qui
marche bien, donc il peut y avoir une demande en numérique. Mais on ne
sait pas quel prix le consommateur accepterait de payer pour ce service.
M. Patrick FELIOT,
ETV Média, Projet
Télégénération
:
Nous allons présenter un projet de chaîne pour les seniors et
j'aimerais avoir une réponse précise. Combien de canaux
reste-t-il à attribuer ? Quatre, cinq, six, sept ? Combien
exactement ?
M. Yvon LE BARS
:
Comme je l'ai dit ce matin, il y a 22 canaux qui sont ouverts à
l'appel à candidatures. C'est le chiffre que nous avons annoncé
et qui figure dans le texte d'appel à candidatures. La question que vous
posez se rapporte plutôt au nombre de chaînes gratuites et au
nombre de chaînes payantes. Cette répartition n'est pas faite de
façon définitive, car elle sera fonction de la qualité des
dossiers. Les études économiques que nous avons menées
conduisent, cependant, à penser que l'optimum serait autour d'un
équilibre entre le gratuit et le payant. Si donc on raisonne sur une
trentaine de chaînes, indépendamment des chaînes locales,
nous aurions une quinzaine de chaînes gratuites et une quinzaine de
chaînes payantes. Sur les chaînes gratuites, 10 sont
identifiées : il y a les 8 du secteur public, plus la
diffusion en simulcast de TF1 et de M6. Il resterait donc, dans ce
schéma, environ 5 chaînes gratuites à attribuer. Mais,
encore une fois, c'est une indication. Les acteurs nous ont demandé la
meilleure visibilité possible, nous avons fait tourner des
modèles économiques et nous avons abouti à cette notion
d'équilibre, mais, bien entendu, le résultat final
dépendra de la qualité des dossiers.
M. Philippe FAU,
de STATIC 2358 France
:
Bonjour, on a évoqué un certain nombre de modèles
économiques pour la télévision classique ou
numérique. Je trouve que l'on n'y a pas suffisamment
intégré l'interactivité, on n'a pas parlé des
revenus qu'elle peut générer, ni des moyens qu'elle
nécessite et qui ne sont pas pris en compte au niveau de la TNT.
Me Laurent COHEN-TANUGI
:
Le problème de l'interactivité nous ramène au
positionnement de la TNT par rapport au câble et au satellite.
C'est-à-dire que si on souhaite une complémentarité et que
la TNT offre un bouquet réduit avec un prix plus modeste et un
décodeur rustique, cela limite évidemment les
potentialités d'interactivité. En d'autres termes, fait-on
véritablement concurrence aux chaînes du câble et du
satellite en misant sur l'interactivité, ou considère-t-on que
l'interactivité est accessoire et ne sera pas le coeur de la
TNT ?
ALLOCUTION DE MADAME CATHERINE TASCA, MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA
COMMUNICATION
M. Jacques VALADE, président de la commission des affaires culturelles
Madame
le ministre, je voudrais vous remercier d'avoir accepté notre
invitation.
Vous avez avec la commission des affaires culturelles des rendez-vous
réguliers. Nous vous avons entendue, depuis le début de cette
session, à l'occasion de la préparation du budget, et nous avons
aussi examiné plusieurs textes importants relevant de votre
compétence, qu'il s'agisse du projet de loi sur les musées ou de
la proposition de loi sénatoriale sur les établissements publics
de coopération culturelle -deux textes, je le note au passage, sur
lesquels l'Assemblée nationale et le Sénat sont parvenus à
un accord. Je n'oublie pas le texte sur l'assurance chômage des
intermittents du spectacle -qui concerne beaucoup de ceux qui sont
présents ici- que nous examinerons bientôt à nouveau en
séance publique mais sur lequel nous ne sommes pas arrivés hier
à trouver un accord en CMP.
Mais vous avez accepté aujourd'hui d'intervenir dans un cadre
différent, celui de cette journée thématique sur les
nouvelles télévisions, un sujet que beaucoup d'intervenants ont
recentré sur la télévision numérique terrestre qui,
nous le savons, mobilise actuellement tous les acteurs du secteur audiovisuel.
Je vous remercie une fois encore de nous avoir rejoints en dépit des
contraintes de votre emploi du temps et je vous donne la parole.
Mme Catherine TASCA, ministre de la culture et de la communication
Merci,
Monsieur le Président, de ces mots d'accueil. C'est vrai que nous avons
déjà une longue tradition de travail en commun sur des sujets
qui, je crois, nous passionnent et qui n'ont pas encore trouvé leur
réponse définitive.
C'est donc avec plaisir que j'ai répondu à votre invitation
à participer à cette journée thématique sur les
nouvelles télévisions dont les débats ont exprimé,
comme vous l'avez dit, l'actualité des préoccupations des
parlementaires et des professionnels du secteur de l'audiovisuel.
Je vous demande par avance de me pardonner si mes propos n'enchaînent pas
à la perfection sur les échanges que vous avez déjà
eus. Vous allez, je crois, aborder la question du rôle du politique,
après avoir examiné celle des attentes du public, qui à
mon sens précède toutes les autres, et les conditions techniques
et économiques dans lesquelles il peut être répondu
à ces attentes.
Une approche strictement libérale du fonctionnement de nos
sociétés tend à donner au marché un rôle
quasi exclusif. Pourtant, la télévision, en France comme partout
en Europe, est née de l'initiative de l'Etat, l'ouverture au
privé reste relativement récente.
Mais cette vision d'un primat du marché est contredite par les faits. Il
faut assurément que se constitue un marché viable ; il faut
que, du côté offre comme du côté demande, des acteurs
économiques se retrouvent pour que se développe avec
succès une innovation : l'arrivée des nouvelles
télévisions. On sait que des résistances savent freiner
voire empêcher l'avènement de changements importants. Il faut donc
un catalyseur et un garant pour veiller à la préservation de
certains principes : c'est là que se situe le double rôle du
politique.
Sur la base d'analyses sérieuses et en s'appuyant sur une volonté
définie, le politique doit intervenir. Il ne peut certes pas
créer de toutes pièces un changement qui ne répondrait
à aucune attente, ni s'opposer à une évolution technique
avérée, mais il peut et doit faire en sorte que technique,
public, marché et ambition sur les contenus se combinent au profit du
plus grand nombre possible.
Lorsque l'on parle de nouvelles télévisions, on pense bien
sûr à la télévision numérique, puisque
celle-ci est pour tout de suite, mais on pense aussi à la convergence
des technologies numériques et aux liens qui se développent entre
télévision, Internet et télécommunications ; tout
cela est également en chemin.
Sur ces deux plans, le gouvernement de Lionel Jospin est intervenu dans le
respect des principes que je viens d'énoncer.
Nous ne savons pas aujourd'hui ce que sera le paysage audiovisuel en France
dans les années qui viennent, mais nous pouvons rappeler les acquis de
notre action en termes d'objectifs et en termes de méthode.
Les objectifs sont bien connus : liberté, diversité,
priorité aux contenus.
En ce qui concerne la télévision numérique de terre,
certains ont estimé que nous allions trop vite, d'autres que ce train
est déjà dépassé sur le plan technologique. Je
crois au contraire que nous sommes en phase avec la réalité. Nous
nous situons en effet aujourd'hui encore dans un cadre de consommation
classique de la télévision. La télévision sur
l'Internet est une perspective qu'il faut envisager, mais elle n'a
trouvé pour l'heure ni son économie, ni son public.
S'agissant de la télévision telle qu'elle est appelée
à se dessiner dans un proche avenir, la loi du 1er août 2000 a
fixé quelques principes fondamentaux que j'évoque
fréquemment parce qu'ils fixent pour tous un horizon déterminant.
Quels sont ces principes ?
L'abondance et le renouvellement des acteurs tout d'abord, gage de pluralisme
et de diversité.
Le renouvellement des formats ensuite, en favorisant notamment le
développement des télévisions locales et des
télévisions associatives : il y a encore beaucoup à
faire dans ce domaine.
L'accès du plus grand nombre à ces
télévisions : c'est ce principe qui fonde l'utilisation de
la technologie numérique sur le réseau hertzien.
L'action fondamentale en faveur de la création, sur la base des
règles, aménagées si nécessaire, qui ont fait leurs
preuves pour soutenir la production audiovisuelle originale.
Nous poursuivrons encore sur la voie des aménagements et des
adaptations, avec le développement de l'Internet notamment, et ces
mêmes principes nous guideront dans notre réflexion et dans notre
action.
J'illustrerai ceci pour l'Internet à travers deux thèmes
particulièrement essentiels : les contenus et la régulation.
La formation d'un espace public culturel numérique dense et accessible
à chacun est au coeur de notre démarche. C'est le pendant et le
prolongement de notre politique audiovisuelle : nous défendons la
présence d'un service public audiovisuel fort et la priorité au
contenu. Nous avons ainsi choisi d'offrir aux citoyens l'accès à
un domaine public numérique garant d'un partage de la connaissance et de
la culture. C'est l'enjeu du volet culturel du programme d'action
gouvernemental pour la société de l'information.
A un moment où s'estompe le mythe de la gratuité totale et
où les efforts menés contre le piratage des oeuvres commencent
à connaître des résultats, la constitution d'un domaine
public grâce au formidable gisement du patrimoine culturel national est
déterminante pour l'avenir. Le travail a été engagé
avec par exemple les sites du Louvre, de la Bibliothèque nationale de
France, la base de données des musées nationaux, ou encore le
plan de numérisation de l'Institut national de l'audiovisuel. Il faut
poursuivre dans cette action à long terme qui est un investissement pour
l'ensemble de la collectivité : créer un véritable
espace public numérique accessible à tous.
Il ne s'agit pas là encore de nouvelles télévisions mais,
avant qu'une économie et des usages ne se développent autour de
la technologie de l'Internet, l'objectif est de préserver, dans ce
domaine nouveau, les principes que défend notre gouvernement :
l'accès du public, le refus du tout-marchand et la place à faire
à la création.
De même, il faut dès maintenant et pour l'avenir préserver
les principes de régulation développés dans le secteur
audiovisuel en les adaptant aux nouveaux contenus et aux nouveaux vecteurs.
Certains ont cru et croient peut-être encore que ces nouveaux contenus
soulevaient des problèmes entièrement nouveaux et des
difficultés à ce point insurmontables que toute régulation
devenait un mythe, ou qu'il fallait en inventer une autre d'une nature
radicalement nouvelle. Mais avec le développement de l'Internet haut
débit, avec des standards nouveaux qui concernent les contenus
vidéos et audios, les frontières entre les contenus de l'Internet
et de l'audiovisuel classique s'estompent et continueront de s'estomper. Or,
quel que soit leur mode de transmission et d'accès, et malgré
leur profusion, les problématiques restent les mêmes. La
distribution d'offre de contenus est organisée, l'accès des
producteurs indépendants à ces offres est difficile, la
maîtrise des plates-formes de distribution, comme pour la musique en
ligne par exemple, se concentre, le référencement des
éditeurs pose problème : on retrouve les mêmes
interrogations, les mêmes risques, les mêmes défis et les
mêmes besoins de régulation.
C'est pourquoi j'ai souhaité que le projet de loi sur la
société de l'information fasse place à la
coopération entre le CSA et le Conseil de la concurrence, pour que le
pluralisme et la diversité soient assurés en convergence par le
travail de ces instances.
Le gouvernement, pour sa part, reste ferme sur ses objectifs tout en adaptant
de façon pragmatique les instruments, parce que bien sûr les
techniques évoluent, tout comme l'organisation concrète du
marché.
"Pragmatisme" est le mot d'ordre de la démarche que nous avons suivie
avec constance pour la mise en oeuvre de la loi du
1
er
août 2000. En elle-même, celle-ci a
été un fantastique chantier de concertation et d'adaptation de
nos règles, de nos façons de voir, de nos instruments d'action.
Nous avons pris en compte les arguments développés par les
opérateurs et adapté les textes en conséquence. Toutes les
décisions qui ont été prises depuis cette loi en
témoignent.
Ce colloque intervient d'ailleurs à un moment-clé, puisque le
cadre réglementaire relatif à la télévision
numérique terrestre est complet, ou en tout cas c'est cette semaine que
sera publié le décret sur les obligations de transports, le
fameux "must carry". Ce cadre réglementaire ainsi complété
adapte les règles relatives à la production en tenant compte des
spécificités des grands types de formats de chaînes, en
favorisant la dynamique du second marché, ce qui était attendu
par tous les opérateurs. Le dispositif prévoit aussi un
mécanisme de montée en charge des obligations, afin de tenir
compte de cette économie émergente que constituera la
télévision numérique de terre, et il prend
également en compte des contraintes techniques des opérateurs du
câble.
La gestation de ces textes a été pour tous l'occasion de mettre
en commun ses expériences, chacun de là où il se trouve,
de manière à se projeter dans l'avenir en s'efforçant de
donner le maximum de chance de réussite à ce que nous
considérons tous comme une véritable ouverture et une
véritable chance de transformation de notre paysage de la communication.
Ainsi une étape décisive est franchie. Au cours des prochains
mois, d'autres étapes nous attendent : distribution,
aménagement des fréquences, mise à niveau des antennes.
Jusqu'au lancement effectif de la télévision numérique de
terre, il faudra conjuguer la volonté d'acteurs très nombreux,
très variés et aux intérêts divers. Le gouvernement
contribuera au rapprochement des points de vue des uns et des autres et
à la conciliation des intérêts. Le gouvernement le fera
d'ailleurs pour toutes les formes de nouvelles télévisions. Nous
sommes face au développement de secteurs économiques et culturels
jeunes où se croisent de nombreux univers. Il y a là un tissu
économique et créatif particulièrement novateur et
dynamique, qui a connu des déceptions mais qui cherche à
stabiliser ses modèles économiques et juridiques : nous
devons l'aider.
C'est pour cette raison que sur la question cruciale de l'adaptation du droit
de la propriété littéraire et artistique, j'ai
créé le Conseil supérieur de la propriété
littéraire et artistique. Ouvert à toutes les catégories
professionnelles, ce Conseil s'est très vite mis au travail. Il a
répondu au besoin de concertation, de confrontation et de rapprochement
de ces intérêts divers entre auteurs, artistes-interprètes,
producteurs, éditeurs, diffuseurs, industriels du logiciel, etc. Ce
Conseil nous aide à préparer les adaptations qui nous permettront
de structurer les nouveaux secteurs de production, tout comme le CSA et le CNC
mènent une concertation avec les professionnels sur une autre question
cruciale : la définition de l'oeuvre.
C'est notamment avec le secteur audiovisuel que les grands groupes ont fait
leur entrée avec une forte visibilité dans le monde de la
culture. Si les activités culturelles ont toujours dû conjuguer
création et économie, la nature artisanale de ce secteur l'avait
tenu à l'écart d'une approche véritablement industrielle.
Mais lorsque la réflexion sur les nouvelles télévisions
nous amène sur le terrain très large et pluridisciplinaire de la
technologie numérique, c'est bien la question des "industries
culturelles" qui se pose. Notre action ne peut se permettre d'oublier l'un des
deux termes de ce label : "industrie culturelle".
Nos choix passent donc par une politique résolue qui défende les
principes en adaptant les instruments. Ces principes ne sont pas faits pour
durer à côté de l'évolution des techniques et de
l'économie, mais pour épauler ces dernières et permettre
que se fortifie dans notre pays un secteur qui a fait la preuve de sa
vitalité, de sa capacité de présence au-delà de nos
frontières par l'initiative des opérateurs, et notamment des
opérateurs privés qui ont pris un certain nombre d'options et de
risques.
Je forme le souhait que législation, réglementation et
régulation soient pensées et portées du même pas par
tous ceux qui font vivre ce secteur et que nous puissions avoir l'encadrement
qui assurera le meilleur avenir à l'ensemble de notre
télévision du futur.
Pour savoir comment y parvenir, sachez que je serai très attentive aux
résultats de votre colloque.
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QUATRIÈME TABLE RONDE : VOLONTÉ POLITIQUE ET CHOIX STRATÉGIQUES