M. Pierre LESCURE, directeur général de Vivendi-Universal, président de Canal Plus
Beaucoup
des aspects de la TNT ont déjà été abordés,
mais certaines questions m'ont un peu inquiété.
D'une part, il ne faut pas passer trop vite sur les leçons à
tirer des échecs que connaissent l'Espagne, la Grande-Bretagne et la
Suède.
Soulignons, d'autre part, l'aspect essentiel des décisions que va devoir
prendre le CSA, devenu programmateur, dans un avenir proche. La
différence d'offre va en effet se faire sur un nombre limité de
chaînes. Ce choix sera donc clé dans la première perception
ou séduction proposée.
Quoi qu'il en soit, il en est du numérique pour la
télévision comme il en a été de la FM en radio.
Dans quelques années plus personne ne regardera la
télévision en analogique.
La fixation d'une date de passage me semble en effet une bonne
idée : cela oblige à arbitrer vite, à s'engager vite
et donne à l'ensemble de la population le sentiment qu'il s'agit d'un
mouvement économique, technologique et commercial inéluctable. De
plus, essayer le numérique, c'est l'adopter.
Le plus frappant dans les nouvelles télévisions, et ceci doit
habiter la volonté politique et les choix stratégiques des
acteurs privés, c'est l'incroyable transformation de l'environnement qui
marque la télévision et la communication du son et de l'image en
général. Le numérique change tout dans le rapport entre
l'émetteur et le consommateur, et plus les choses avanceront, plus le
consommateur sera roi.
L'appétit pour l'image et le son est énorme, l'offre et les
services sont multiples, mais on n'a encore rien vu !
Chacun devra garder à l'esprit que le consommateur en voudra pour son
argent. Il y a une volonté absolue d'accéder au contenu ici et
maintenant, et de communiquer vite, partout, avec tous et à tout moment.
Toutes ces nouvelles demandes se croisent et se recoupent : ainsi le SMS,
qui connaît un énorme succès, auprès des jeunes en
particulier, représente la jonction du désir de mobilité
et d'instantanéité.
Nous tentons de satisfaire toutes les attentes de notre public, et cela devient
de plus en plus complexe. Il existe de nombreux types de consommateurs.
Certains attendent une simplicité d'usage, des émissions de
rassemblement, de la variété, d'autres demandent de la
mobilité, de la surprise, de l'exclusivité, de la
proximité.
Un des éléments nouveaux majeurs intervenus ces dernières
années est, pour la première fois, une compétition entre
groupes privés de poids identiques ou presque : TF1 et M6. Cela va
certainement changer beaucoup de choses dans les politiques que vont
développer aussi bien les grands acteurs du privé que l'acteur
public.
Par ailleurs, la télévision fait de plus en plus de
télévision, ce qui nous donne, à Canal, aussi bien en
France qu'au-delà des frontières, espoir et coeur à
l'ouvrage pour nous axer sur le cinéma et le sport, tout en investissant
sur la fiction originale et les documentaires.
Nous pensons qu'il faut à la fois investir dans la production,
l'édition et la distribution. Ainsi, nous pouvons assurer la diffusion
et la circulation de programmes divers et de qualité. Je sais que la
question de l'intégration verticale est quasi tabou, mais
peut-être faudrait-il y réfléchir autrement pour garantir
le pluralisme de la production, encourager les diffuseurs à investir
dans la création et assurer la circulation des oeuvres, gage, elle
aussi, de diversité culturelle.
J'ajouterai qu'il me paraît évident aujourd'hui que notre
dimension européenne, même si elle a été lourde sur
le plan des résultats financiers, est plus que jamais l'axe de notre
stratégie.