3. La réparation : une mesure à encourager

La loi du 4 janvier 1993 a introduit dans l'ordonnance du 2 février 1945 la mesure de réparation . Celle-ci peut être proposée au mineur délinquant soit par le parquet, soit, lorsque les poursuites ont été engagées, par le juge des enfants ou le tribunal pour enfants. Ainsi, cette mesure est tantôt une alternative aux poursuites , tantôt une mesure préjudicielle , tantôt une sanction dans le cadre d'un jugement.

La réparation peut être une réparation directe à l'égard de la victime ou une réparation indirecte dans l'intérêt de la société.

La mise en oeuvre d'une mesure de réparation par le procureur ou la juridiction chargée de l'instruction implique l'accord préalable du mineur et des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale. Lorsque la mesure est prononcée par la juridiction de jugement, celle-ci doit seulement recueillir les observations du mineur et des titulaires.

La réparation est incontestablement l'innovation la plus importante depuis très longtemps dans la justice des mineurs. Cette mesure combine en effet des avantages nombreux. Elle contient une dimension de sanction, elle permet la réparation des dommages causés, elle permet surtout un travail sur le sentiment de culpabilité avec le mineur mis en cause . La réparation n'est ni une médiation, ni une admonestation ni un travail d'intérêt général, mais elle reprend pourtant certaines caractéristiques de toutes ces mesures.

Au cours des dernières années, l'utilisation de la mesure de réparation a connu une progression régulière mais lente. Le nombre de mesures prononcées a dépassé les 10.000 en 1999 et 2000. S'agissant du parquet, le nombre de mesures de réparation, qui n'était pas comptabilisé auparavant, a atteint 4.772 en 2000.

La justice dite « restaurative » est incontestablement une voie à développer dans des proportions beaucoup plus importantes, notamment à l'égard des primo-délinquants. Cette conversion d'un acte négatif en une action positive précédée et suivie d'entretiens éducatifs est très certainement la mesure la plus pédagogique à l'égard d'un mineur, lorsqu'il y est accessible. Il s'agit aussi d'une mesure visible et compréhensible par la victime et la société.

L'utilisation de cette mesure tant par le parquet que par le siège demeure très insuffisante et surtout très inégale sur le territoire. Une étude très complète sur cette mesure montre qu'il existe des disparités considérables dans l'utilisation de la mesure entre les départements.

Volume de mesures de réparation par département
(1999)

Mesures / an

Nombre de départements

Volume de mesures

% des mesures

+ de 200

16

5.896

56,23 %

Entre 100 et 199

17

2361

22,52 %

Entre 50 et 99

16

1190

11,35 %

Moins de 49

50

1038

9,90 %

Source : Philip Milburn, La réparation pénale à l'égard des mineurs, Mission de recherche Droit et justice

Il conviendrait d'aller beaucoup plus loin dans l'utilisation de la mesure de réparation comme cela se fait par exemple aux Pays-Bas où la commission d'enquête s'est rendue.


La réparation aux Pays-Bas

En visite aux Pays-Bas les 16 et 17 avril 2002, la commission d'enquête a visité un bureau Halt (Het alternatif : l'alternative). Lorsque des jeunes ont affaire pour la première ou la seconde fois à la police pour des infractions mineures, la police peut leur proposer de participer à un projet par l'intermédiaire du bureau Halt.

Un jeune soumis à une mesure Halt reçoit une invitation pour un entretien avec ses parents, qui permet de connaître son environnement familial et de s'assurer qu'il n'existe pas de problème plus grave. Un second entretien, en présence du seul jeune, permet un dialogue sur l'acte commis et les moyens d'opérer une réparation, qui peut être directe ou indirecte. La victime est naturellement associée à la procédure à chaque fois que cela est possible.

La durée des activités qui peuvent être accomplies dans ce cadre est comprise entre quatre et vingt heures. La non-exécution de la mesure se traduit d'abord par un avertissement puis par un renvoi devant la justice.

Chaque collectivité de base est tenue par la loi de disposer d'un bureau Halt et il en existe 64 aux Pays-Bas, qui accueillent 23.000 mineurs chaque année. L'administration nationale et les municipalités participent conjointement aux coûts des bureaux Halt, le ministère de la justice finançant la réalisation des mesures.

D'ores et déjà, en France, de nombreuses associations ont été habilitées pour mettre en oeuvre des mesures de réparation, qui peuvent également être prises en charge par la protection judiciaire de la jeunesse.

Ainsi, à Marseille, la commission d'enquête a rencontré les responsables de l'association pour la réadaptation sociale, qui pratique des mesures de réparation. Son directeur a fortement insisté sur la valeur de cette mesure qui, plus que toute autre, prend en compte la faculté d'amendement, de rachat du mineur. Il a ainsi cité l'exemple d'un adolescent ayant agressé une personne âgée, que l'association a envoyé quelques heures dans une maison de retraite accompagner les personnes âgées et qui a souhaité poursuivre l'activité par la suite. Il a toutefois noté la difficulté de trouver des partenariats avec des institutions susceptibles d'accueillir les mineurs pour une réparation ayant un lien avec l'acte qu'ils ont commis.

Il apparaît donc indispensable que la France se dote à grande échelle de maisons de la réparation gérées par des associations ou la protection judiciaire de la jeunesse en association avec les maires, afin que la mesure de réparation puisse être mise en oeuvre dans toute l'étendue des situations où elle peut constituer une réponse adéquate à des actes de délinquance.

Néanmoins, un tel développement ne saurait se faire au détriment de la qualité de la mesure. La réparation, pour fonctionner, ne peut être une mesure stéréotypée. Elle doit être individualisée en fonction de l'acte, du mineur, de la victime. En outre, elle ne peut avoir un sens que si elle est conduite jusqu'à son terme et que son achèvement est marqué par un entretien avec le magistrat qui l'a ordonnée. Comme l'a indiqué M. Louis Dubouchet, directeur d'un cabinet de consultants, devant la commission d'enquête, il arrive trop souvent que, « la sanction n'étant pas administrée correctement, avec un début et une fin, la société inflige surtout une flétrissure aux jeunes. Ceux-ci supportent toute leur vie l'humiliation de n'avoir jamais pu obtenir le pardon. La rédemption est impossible, il n'arrive jamais de moment où ils peuvent reprendre une existence normale ».

Il semble que des mesures très différentes soient actuellement mises en oeuvre sous l'appellation « réparation », certaines s'apparentant plus à un stage d'instruction civique qu'à une véritable mesure de réparation. Il serait préférable de créer une mesure distincte de « stage d'instruction civique » plutôt que de laisser se développer une certaine confusion.

Le parquet dispose donc d'une gamme de possibilités pour répondre à la délinquance des mineurs, qui en font un acteur essentiel de la justice.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page