5. Les « incivilités », dévaluation de la délinquance ?

La notion d'incivilité est apparue dans les années quatre-vingt-dix et vise à décrire « un changement global dans la structure contemporaine de la délinquance et de l'insécurité. Si les crimes de sang ont massivement régressé depuis deux siècles, les statistiques criminelles montrent depuis près de trente ans que l'augmentation de la petite délinquance est une tendance lourde des sociétés libérales 14 ( * ) ».

Les incivilités correspondent donc à cette petite délinquance qui reste souvent impunie et qui est très mal vécue au quotidien par les citoyens.

Il peut s'agir de petits délits comme les tags, les injures ou encore des petites dégradations de biens (sièges de bus ou de métro lacérés, téléphones arrachés dans les cabines téléphoniques, glaces d'abris de bus brisées...).

Certaines incivilités ne constituent pas des infractions au sens du code pénal, mais elles témoignent d'un non-respect des règles de la vie en société : abandon d'objets dans l'espace public (bouteilles de bière, saletés), rassemblement de jeunes dans les halls d'immeubles. En outre, leur répétition les rend d'autant plus insupportables pour les populations qui les vivent au quotidien que ces dernières se sentent démunies face à ces désordres et abandonnées par les institutions (police, justice, mairie).

L'utilisation du terme d'incivilité suscite régulièrement des polémiques car il est soupçonné de contribuer à ce que M. Xavier Raufer a appelé devant la commission d'enquête « la dévaluation sémantique : les autorités françaises ne savent plus appeler les choses par leur nom. [...] On en arrive ainsi à la situation actuelle où, par dévaluation, les crimes deviennent des délits, les délits des contraventions et les contraventions des incivilités. ». Par exemple, l'incendie d'une poubelle d'immeuble et la démolition d'une boîte aux lettres seront qualifiés d'incivilités alors qu'il s'agit de délits.

M. Eric Debarbieux a tenu à relativiser cette critique en estimant que « l'incivilité ne sert aucunement à minimiser la violence et la délinquance ou à méjuger de l'importance de l'insécurité ressentie, au contraire. [...] En montrant l'importance de la petite délinquance non traitée dans l'expérience victimaire elle a ouvert la voie à une nouvelle écoute de l'expérience quotidienne de la délinquance subie 15 ( * ) ».

En effet, nombre de personnes entendues par la commission d'enquête se sont accordées à reconnaître que ce sont les incivilités, et non les formes plus graves de délinquance, qui « empoisonnent » le plus la vie des citoyens aujourd'hui et qui sont en grande partie responsables du sentiment d'insécurité.

* 14 Rapport LARSEF, sous la direction d'Eric Debarbieux, « L'oppression quotidienne : recherches sur une délinquance des mineurs », janvier 2002.

* 15 Id.

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