3. Les relations entre les experts et les magistrats

Les relations entre les magistrats et les experts suscitent une double interrogation. Il peut être tentant, pour un juge, de se décharger de sa mission et de trancher les conflits en s'en remettant à l'avis de l'expert. De leur côté, les experts estiment que les magistrats fixent leurs honoraires de façon discrétionnaire, sans prendre la mesure des charges supportées.

a) Un recours parfois abusif aux experts

Au cours de ses déplacements et de ses auditions, la mission a parfois eu l'impression que, dans certains cas , l'expert apparaissait comme la caution du juge, une solution de facilité permettant à ce dernier, à la fois de moins s'impliquer dans une affaire et de se retrancher derrière un avis technique.

Sans doute l'expertise est-elle parfois nécessaire, car le juge n'est pas un technicien, mais elle enchérit les coûts du procès et allonge les délais .

M. Jean-Bruno Kerisel a reconnu l'existence d'un « risque très clair de dérive. Une enquête effectuée au tribunal de commerce de Paris, voilà deux ans, a montré que 90 % des décisions de justice, lorsqu'une expertise judiciaire avait été ordonnée, reprenait les conclusions du rapport de l'expert. Les juges font-ils suffisamment bien leur travail ? Ce n'est pas à moi de le dire. Nous pensons que le coeur du procès, c'est l'expertise. C'est là que les parties font valoir les éléments de preuve et, si le rapport est bien fait, la tâche du juge en est grandement facilitée (...)

« Chaque année, au seul tribunal de grande instance de Paris, 8.000 expertises judiciaires sont ordonnées. M. Magendie, président du tribunal de grande instance de Paris, a demandé aux juges de désigner moins d'experts et d'essayer de résoudre les problèmes eux-mêmes. Mais le juge n'a pas toujours la capacité de le faire et il est obligé de s'appuyer sur l'adjoint technique qu'est l'expert . »

Il appartient au magistrat de trouver un équilibre entre les délais nécessaires à une justice équitable et le renvoi perpétuel des décisions, entre les rapports d'experts et les arguments des parties.

b) Des conditions de rémunération des experts peu satisfaisantes

Les experts se plaignent de l'insuffisance des rémunérations qui, en l'absence de barème , « sont déterminées au pifomètre » par des magistrats peu au fait des charges engendrées par une expertise.

Ils déplorent également l'obligation qui leur est imposée d'avancer des sommes parfois considérables : « Si l'expertise dure deux ans, il (l'expert) n'est rémunéré qu'au bout de cette période, sur décision du juge, qui prononce une ordonnance de taxe. Ensuite, il lui faut attendre que les parties paient . »

Il convient de veiller à assurer une rémunération équitable afin de ne pas détourner de la fonction nombre de professionnels qualifiés.

L'exemple des experts constitue ainsi, avec celui des avocats, une illustration des relations parfois difficiles qu'entretiennent les magistrats et les auxiliaires de justice.

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