b) Les établissements : des financements totalement enchevêtrés

Les régimes juridiques des différentes catégories d'établissements ont laissé perdurer des modes de financement qui sont venus brouiller la répartition des compétences, telle qu'elle résultait de la loi du 22 juillet 1983.

Le financement des établissements accueillant des personnes handicapées est réparti à l'heure actuelle entre les différents acteurs à la fois selon le public accueilli et selon le type d'établissement :

- les établissements pour enfants et adolescents handicapés sont intégralement financés par l'assurance maladie. Seule l'intégration scolaire en milieu ordinaire est prise en charge par le budget de l'Education nationale ;

- concernant les établissements pour adultes handicapés , le financement est partagé : les structures d'hébergement sont financées par les départements, les soins éventuels sont pris en charge par l'assurance maladie, tandis que les structures d'aide par le travail relèvent d'un financement de l'Etat ;

- cette répartition des compétences connaît des frontières variables selon les catégories d'établissement : ainsi les maisons d'accueil spécialisées (MAS), qui reçoivent des adultes handicapés dont l'état nécessite une surveillance médicale et des soins constants, sont financées à 100 % par l'assurance maladie alors que les foyers à double tarification (FDT), dont la vocation est similaire, voient leur financement pris en charge par l'assurance maladie pour les dépenses afférentes aux soins tandis que l'hébergement reste à la charge des départements.

Cette répartition complexe des compétences est surtout préjudiciable aux départements dont la part dans le financement des établissements ne cesse d'augmenter , du fait de l'insuffisance de l'action de l'Etat. En témoigne la création des FDT qui relèvent au départ d'une démarche expérimentale, visant à pallier le retard pris par l'Etat dans la création de places en MAS. Concernant les établissements d'aide par le travail, le rapport de la mission commune du Sénat sur la décentralisation 18 ( * ) soulignait pour sa part que : « la prise en charge de droit des frais d'hébergement par le département est souvent utilisée par les gestionnaires d'établissements comme variable d'ajustement pour pallier la couverture incomplète des dépenses d'insertion professionnelle insuffisamment financée par l'Etat ».

La mise en oeuvre de l'amendement Creton 19 ( * ) a également suscité des difficultés supplémentaires : pour responsabiliser les organismes chargés de l'offre de places en établissement, l'article 22 de la loi du 13 janvier 1989 prévoit que la décision de maintien « s'impose à l'organisme ou à la collectivité compétente pour prendre en charge les frais d'hébergement et de soins dans les établissements pour adultes désigné par la COTOREP ».

Ce mécanisme est critiquable dans la mesure où il fait entrer dans le financement des établissements pour enfants, jusqu'ici très simple, des acteurs qui n'y avaient pas leur place. D'autre part, rien n'est prévu concernant les dépenses d'insertion professionnelle : ainsi l'Etat est-il exonéré financièrement de sa part de responsabilité dans l'engorgement des établissements pour enfants, du fait du manque de places en CAT.

Votre rapporteur regrette d'autant plus cette dérive du financement vers une place prépondérante du département que celle-ci est préjudiciable aux personnes handicapées : elle engendre en effet un effort financier supplémentaire de la part de ces dernières car l'aide sociale départementale a un caractère subsidiaire : la participation financière de l'intéressé est davantage sollicitée et l'aide accordée peut être récupérable. L'adoption, à l'initiative du Sénat, de l'article 2 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des maladies et à la qualité du système de santé , qui a interdit les recours en récupération de l'aide sociale versée aux personnes handicapées en cas de retour à meilleure fortune, a heureusement limité l'incidence de cette dérive sur les ressources des personnes handicapées, sans toutefois pouvoir totalement l'empêcher.

* 18 Rapport n° 347 de M. Michel Mercier - Mission commune d'information du Sénat chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer des améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales (juin 2000).

* 19 Voir plus loin IV - B - 1.

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