b) Un régime financier globalement satisfaisant

En contrepartie des obligations et des contraintes pesant sur eux, les propriétaires de monuments historiques bénéficient d'aides directes et d'avantages fiscaux.

(1) Les aides directes

Les propriétaires privés peuvent bénéficier de subventions. Il s'agit d'une possibilité présentée comme un droit, en dépit de la lettre de l'article 11 du décret du 18 mars 1924 qui stipule que « le classement d'un immeuble n'implique pas nécessairement la participation de l'État aux travaux de restauration, de réparation ou d'entretien. Lorsque l'État prend à sa charge une partie des travaux, l'importance de son concours est fixé en tenant compte de l'intérêt de l'édifice, de son état actuel, de la nature des travaux projetés et enfin des sacrifices consentis par le propriétaire ou tous autres intéressés à la conservation du monument ».

C'est la croyance, largement répandue, au droit au subventionnement, qui est à l'origine de la multiplication des demandes de classement. La preuve a contrario semble fournie par l'expérience de la décentralisation en Corse où le quasi-alignement des aides entre les immeubles présentant un intérêt patrimonial a provoqué une immédiate désinflation des demandes de protection...

L'imposition des propriétaires de monuments historiques dans l'Union

La présente étude analyse les principales dispositions fiscales prises par les pays voisins pour encourager la préservation du patrimoine immobilier ancien par des particuliers, que ce patrimoine fasse ou non l'objet d'une mesure de classement.

Trois questions ont donc été successivement examinées pour chacun des pays retenus, c'est-à-dire pour l'Allemagne, l'Angleterre et le Pays de Galles, l'Espagne, l'Italie et la Suiss e.

- Au moment de l'acquisitio n, à titre onéreux ou à titre gratuit, l'acquéreur d'un immeuble ancien est-il exempté, totalement ou partiellement, des droits d'enregistrement, de succession ou de donation ?

Pendant la période de détentio n, le propriétaire a-t-il la possibilité de déduire ses dépenses d'entretien ? Ses revenus locatifs sont-ils soumis à un régime particulier ? Paie-t-il l'impôt sur la fortune ou l'impôt foncier annuel à un taux réduit ?

- Lors de la revent e, bénéficie-t-il de mesures dérogatoires, relatives aux plus-values par exemple ?

Cet examen fait apparaître que, à la différence de l'Angleterre et du Pays de Galles ainsi que de la Suisse, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie ont mis en place un dispositif fiscal assez varié au bénéfice des propriétaires d'immeubles anciens.

1) En Angleterre et au Pays de Galles, tout comme en Suisse, les mesures fiscales favorables aux propriétaires d'immeubles anciens sont peu nombreuses


Si par exemple la loi anglaise prévoit l'application de la TVA au taux zéro à certains travaux effectués sur les immeubles classés ou inscrits, cette mesure ne peut pas s'appliquer aux simples travaux d'entretien ou de réparation. Quant à l'exemption de l'impôt sur les successions, elle est accordée de façon discrétionnaire par l'administration en fonction de l'importance que représente le bien pour le patrimoine national.

En Suisse, pour les immeubles classés, les frais d'entretien sont déductibles du revenu. En revanche, dans le cas des immeubles non classés, la déduction n'est admise que si les frais engagés n'augmentent pas la valeur de l'immeuble. Certes, les dépenses non déductibles peuvent être réintégrées au prix de revient au moment de la revente et donc diminuer d'autant la plus-value, mais la non-déductibilité d'une partie des frais d'entretien dissuade les particuliers d'acquérir des immeubles anciens en mauvais état.

2) Les mesures fiscales favorables aux propriétaires d'immeubles anciens sont beaucoup plus variées en Allemagne, en Espagne et en Italie

Les textes relatifs aux différents impôts comportent des mesures dérogatoires favorables aux propriétaires d'immeubles anciens. Le bénéfice de ces mesures est généralement réservé aux propriétaires d'immeubles classés.

Dans ces trois pays, les frais d'entretien sont déductible s, mais selon des modalités différentes. En Allemagne, ils sont déductibles du revenu, sur 10 ans à raison de 10 % par an. En Espagne et en Italie, ils ouvrent droit à une réduction d'impôt, respectivement limitée à 15 % et à 19 % de leur montant. En outre, en Espagne, les frais susceptibles d'être pris en compte à ce titre sont plafonnés à 10 % du revenu imposable. Par ailleurs, en Espagne, les investissements réalisés pour l'acquisition d'immeubles classés sont soumis au même régime fiscal que les frais d'entretien.

Ces trois pays prévoient aussi l'exemption, totale ou partielle, de plusieurs impôts ou retiennent une assiette réduite pour leur calcul.

Ainsi, les biens classés sont exclus de l'assiette de l'impôt sur les successions en Italie. En Allemagne, certains en sont également exonérés totalement, tandis que d'autres le sont à hauteur de 60 %. En Espagne, tous font l'objet d'un abattement de 95 %.

Pour l'impôt sur les donation s, l'Allemagne et l'Espagne retiennent les mêmes règles que pour l'impôt sur les successions, tandis que l'Italie prévoit une imposition forfaitaire d'un montant négligeable (130 €).

En Allemagne et en Espagne, les immeubles classés sont exemptés de l'impôt foncier annue l, perçu au profit des communes. En Italie, où les immeubles classés ne sont pas exemptés de cet impôt, une assiette favorable est toutefois retenue : la valeur cadastrale la plus faible de la zone cadastrale où ils se trouvent.

En Espagne, les immeubles classés sont exemptés de l'impôt annuel sur le patrimoin e, qui n'existe ni en Allemagne ni en Italie.

*

* *

Les mesures fiscales prises en faveur des particuliers propriétaires d'immeubles anciens sont très diverses d'un pays à l'autre et sont complétées par des aides directes apportées sous forme de subventions. En effet, l'absence de mesures fiscales dérogatoires constitue souvent la contrepartie de la préférence accordée aux aides directes.

Etude complète disponible à l'adresse suivante :

http://intranet.senat.fr/lc/lc101/lc101.html



(2) Les avantages en matière d'impôt sur le revenu

Les articles 41 E à J de l'annexe du code général des impôts dispose que les charges foncières sont déductibles du revenu en totalité pour les monuments ouverts au public et à 50 % pour les autres, étant noté que ce taux est porté à 100 %, que le monument soit ouvert ou non, lorsque les travaux de réparation ou d'entretien sont subventionnés par le ministère de la culture.

Agrément délivré au titre de l'article 156
du code général des impôts

Le 1° ter du II de l'article 156 autorise, dans certaines conditions et limites, la déduction des charges foncières afférentes à certains immeubles faisant partie du patrimoine national et ne procurant pas de recettes pour la détermination du revenu global du propriétaire. Cette déduction est :

- de plein droit pour les immeubles classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire ;

- subordonnée à l'obtention d'un agrément pour les immeubles faisant partie du patrimoine national en raison de leur caractère historique ou artistique particulier.

Le 3° du I de l'article 156 autorise l'imputation, sur le revenu global, des déficits fonciers afférents à des immeubles procurant des recettes et répondant aux mêmes conditions.

Les statistiques en possession de la direction de la législation fiscale ne permettent pas de distinguer le nombre d'agréments délivrés 8( * ) par les directeurs des services fiscaux compétents au titre de 1° ter du II de l'article 156 de ceux accordés en vertu du 3° du I de cet article. Cela dit, l'essentiel des agréments délivrés concerne la déduction des charges foncières (1° ter du II). Au total, le nombre d'agrément s'élève à :

- 68 en 2000,

- 220 en 2001.

La progression enregistrée en 2001 résulte des agréments accordés au titre des immeubles labellisés par la Fondation du Patrimoine (procédure visée à l'article 156, d'application effective depuis l'année 2000). Pour les années 2000 et 2001, le nombre d'agrément « Fondation du Patrimoine » s'élève à 177, dont la grande majorité a été délivrée en 2001.

Plus précisément, lorsqu'un immeuble classé monument historique, inscrit à l'inventaire supplémentaire, ou agréé par le ministre de l'économie et des finances, procure des recettes imposables dans la catégorie des revenus fonciers et n'est pas occupé par son propriétaire, ce dernier détermine son revenu dans les conditions de droit commun, c'est-à-dire en déduisant des recettes retirées de cet immeuble les charges de la propriété énumérées à l'article 31 du code général des impôts. Si, pour cet immeuble, il constate un déficit foncier, ce dernier est imputable sans limitation de montant sur son revenu global, y compris, le cas échéant, pour la partie qui provient des intérêts d'emprunt.

Lorsque l'immeuble classé, inscrit ou agréé, ne procure aucune recette imposable (l'immeuble n'est pas ouvert à la visite ou est ouvert gratuitement au public), le propriétaire peut, en application de l'article 156-II-1° ter du code déjà cité, déduire de son revenu global, dans les conditions et limites fixées aux articles 41 E à 41 J de l'annexe III au CGI, tout ou partie des charges foncières qu'il a engagées sur cet immeuble.

Dans le cas où l'immeuble procure des recettes imposables et est occupé par son propriétaire -immeuble loué partiellement ou dont certaines pièces sont ouvertes à des visites payantes-, il convient de faire application concurremment des deux régimes décrits ci-dessus : les charges foncières se rapportant à la partie de l'immeuble ouverte au public sont prises en compte pour la détermination d'un déficit foncier qui est imputable sans limitation sur le revenu global ; les charges se rapportant à la partie de l'immeuble dont le propriétaire se réserve la jouissance sont imputables sur le revenu global dans les conditions indiquées ci-dessus (articles 41E à 41 J de l'annexe III au CGI).

La dépense fiscale en matière de monuments historiques

La dépense fiscale résultant des avantages fiscaux accordés en matière de monuments historiques est évaluée à 7,6 millions d'euros (50 millions de francs). Le ministère de la Culture communique chaque année le montant des subventions allouées pour la réalisation de travaux de réparation et d'entretien aux propriétaires -particuliers et collectivités locales- d'immeubles classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire.

La part des subventions affectées aux immeubles possédés par les particuliers représente environ 15 % de cette somme. A l'intérieur de ces 15 %, 90 % des subventions sont affectées aux immeubles classés et 10 % aux immeubles inscrits. Ce mode d'évaluation, fourni par le Ministère de la culture, s'explique par le fait que les subventions accordées pour les immeubles classés et pour les immeubles inscrits sont réparties entre ces deux catégories d'immeubles à l'échelon des directions départementales. La détermination précise de la part affectée aux immeubles possédés par les particuliers supposerait la consultation de l'ensemble des directions déconcentrées.

Le montant des travaux réalisés est reconstitué en tenant compte du taux de subventionnement accordé (50 % pour les immeubles classés, 15 % pour les immeubles inscrits). Ces montants sont retenus sous déduction des subventions perçues pour évaluer la dépense fiscale. Aucune donnée concernant le nombre de foyers fiscaux bénéficiant de cette déductibilité n'est disponible.

On note qu'est parue le 22 janvier 2002 une instruction ( 5D-1-02) du ministère des finances donnant satisfaction à une revendication des propriétaires de monuments historiques procurant des recettes imposables . Ceux-ci sont désormais autorisés à déduire pour leur montant réel les primes d'assurances se rapportant aux locaux visités , alors que la prime était antérieurement comprise dans la réduction forfaitaire de 14 %.

(3) Le régime des monuments historiques au regard des droits de mutation et de l'ISF

Les dispositions prévues à l'article 795 A autorisent l'exonération des droits de mutation à titre gratuit afférents aux transmissions de monuments classés ou inscrits et des biens meubles qui en constituent le complément, ainsi qu'à compter du 1 er janvier 1995, des parts de SCI familiales détenant des biens de cette nature, à condition qu'ait été signée une convention assurant l'ouverture au public.

Le nombre de conventions intervenues depuis l'entrée en vigueur du dispositif à la suite du vote de la loi de programme sur le patrimoine monumental du 5 janvier 1988, soit moins d'une cinquantaine, témoigne tout comme le nombre des conventions récemment signées, du peu de succès de la procédure.

 

1999

2000

2001

2002

Nombre de conventions

6

(5)*

5

-

5

(3)*

2

(1)*

Évaluation des immeubles (K€)

1 456

2 043

1 700

206

Évaluation des meubles (K€)

389

-

676

62

*conventions portant également sur des meubles

Le coût global de la mesure est négligeable, comme en témoigne le fait que la dépense fiscale soit mentionnée dans le fascicule des voies et moyens, assortie de la mention «  », epsilon.

Depuis la mise en place du dispositif, une seule convention a fait l'objet d'un retrait au cours de l'année 1999.

L'évaluation de la valeur des monuments historique au sens fiscal

L'estimation de la valeur vénale des monuments historiques en matière de monuments historiques et d'impôt de solidarité sur la fortune est faite par les services fiscaux sur la base des principes suivants.

Aux termes de l'article 666 du code général des impôts, les droits proportionnels ou progressifs d'enregistrement et la taxe proportionnelle de publicité foncière sont assis sur les valeurs.

Conformément à l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale peut prendre en compte la valeur vénale réelle d'un bien chaque fois que le prix ou l'évaluation fixé(e) par les usagers lui est inférieur(e).

La valeur vénale s'entend du prix qui pourrait être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande sur un marché réel compte tenu de l'état dans lequel se trouve le bien lors de la mutation et des clauses de l'acte de vente (cass. com. 23 octobre 1984, aff. GFA de Plaimpied).

En pratique, et conformément à ces principes, l'estimation d'un bien immobilier par l'administration fiscale repose sur la prise en compte d'éléments réels d'ordre physiques (caractéristiques du bien, confort, qualité architecturale, état d'entretien...), socio-économiques (environnement, urbanisation...) et juridiques (existence d'un bail, indivision...).

Ces règles générales sont applicables pour l'évaluation des demeures et bâtiments classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques.

Il est précisé que, pour l'évaluation des demeures et bâtiments classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, il est tenu compte de la nature spécifique de ces biens, des charges souvent importantes qui les grèvent, du nombre limité d'acquéreurs potentiels et des difficultés qui, dans certains cas, en découlent pour les vendre. II en va de même des contraintes qui pourraient résulter, pour les propriétaires de tels biens, de leur ouverture plus ou moins fréquente au public et de leur utilisation à des fins d'animation collective dans un but essentiellement culturel (en ce sens, R.M. Nicolas Dupont-Aignan, Dép. JO AN du 29juin 1998, n° 13-318).

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