a) L'effort variable des collectivités publiques induit une diversité des taux d'aide

La France n'a pas les mêmes traditions locales, le même « esprit de clocher », qui, à l'étranger, fait du patrimoine un élément constitutif de la conscience politique locale. Les républiques urbaines d'Italie, les villes libres d'Empire et les villes des Flandres possèdent un patrimoine qu'elles enrichissent depuis la fin du Moyen-age mais il faut attendre en France les années récentes pour voir apparaître la fierté , jusque là étouffée par le centralisme, des collectivités locales pour leur patrimoine.

Ce réveil patrimonial des collectivités territoriales s'est accompagné de la montée en puissance des interventions financières des départements, surtout ainsi que, accessoirement, des régions, aboutissant, compte tenu des aides de l'État et aujourd'hui de l'Europe, à des taux d'aides éminemment variables à travers le territoire national.

(1) Les aides européennes

Les aides en provenance des fonds structurels européens sont fixées pour une période qui va actuellement de 2000 à 2006. Pour en bénéficier, il faut appartenir aux zones dites de « catégorie 2 ».

L'aide communautaire présente un caractère complémentaire, en ce sens qu'elle vient s'ajouter au soutien public ou privé. Elle est distribuée sur la base des documents uniques de programmation, en l'occurrence les contrats de plan État -région, dont le volet culturel n'est qu'un aspect relativement limité.

Le taux d'intervention communautaire maximum est de 50 %, en application du règlement n° 1260/1999 du 21 juin 1999.

Le tableau ci-dessous montre que peu de régions profitent des Fonds structurels européens.



Il est impératif de profiter des facilités offertes à ce titre dans la mesure où, d'une part, les enveloppes pour la période d'après 2006 sont en cours de négociation mais pourraient bien baisser après l'élargissement, et où d'autre part à plus court terme, les aides non utilisées seront désormais caduques si elles ne sont pas utilisées dans les deux ans de l'engament des crédits, en application de la règle dite « du dégagement d'office ».

(2) La diversité des taux d'intervention de l'État

Les textes ne mentionnent aucun taux plafond pour les monuments classés, bien qu'une circulaire de 1991 recommande de ne pas dépasser 80 %. Pour les monuments inscrits, il résulte de la loi de 1913 que des subventions peuvent être attribuées dans la limite de 40 % du montant total des travaux.

En fonction des régions et des critères appliqués par le CRMH, le taux d'intervention varie de 10 à 60 % pour les monuments classés et de 10 à 40 % pour les monuments inscrits, pour lesquels la moyenne serait de 20 %.

(3) Des compléments des collectivités territoriales éminemment variables

Les interventions des collectivités territoriales ne reposent sur aucune base réglementaire définie. Certains conseils généraux rassemblent toutefois, dans un opuscule constituant un guide des aides, les règles applicables.

Ces modalités sont très variables selon les régions ou les départements ainsi que dans le temps.

L'étude lancée par La Demeure historique sur les cofinancements publics concernant les monuments historiques privés, protégés, classés ou inscrits, souligne la diversité des taux selon les régions.

Pour les monuments classés, un certain nombre de régions atteignent 50 % (Auvergne, Bretagne, Franche-Comté, Languedoc-Roussillon, Limousin, Lorraine, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais, Haute-Normandie, Pays de la Loire, Picardie, Poitou-Charente, Provence-Côte d'Azur) avec un maximum de 60 % pour le Limousin et le Centre.

Pour les monuments inscrits, les niveaux d'intervention effectifs sont beaucoup plus faibles. Ils se situent entre 10 et 15 % pour l'Alsace, l'Aquitaine, la Bretagne, le Centre, le Nord-Pas-de-Calais et les Pays de la Loire. Seule la région Limousin atteint le taux de 40 % pour cette catégorie de monuments.

Les interventions des conseils régionaux sont relativement limitées et concernent, en règle générale, uniquement des monuments classés , sauf pour les régions de Bretagne, de Corse et des Pays de la Loire. Ainsi, les régions Alsace, Centre, Languedoc-Roussillon, Lorraine, Midi-Pyrénées, Basse-Normandie et Poitou-Charentes interviennent de façon, présentée dans l'étude la Demeure historique, comme limitée, voire exceptionnelle.

Au niveau départemental, le taux d'intervention des conseils généraux est souvent le même pour les monuments classés et inscrits. Il varie de 5 à 50 % dans l'Oise et dans le Nord, en passant par 40 % pour des départements comme la Mayenne ou la Sarthe.

L'étude souligne la diversité de l'attitude des conseils généraux vis-à-vis des monuments inscrits : soit le taux d'intervention est supérieur à celui des « classés » pour compenser la moindre participation de la DRAC, tel est le cas des départements de l'Ain, de l'Isère, de la Moselle, de l'Oise, de la Seine-Maritime et de la Somme ; soit, au contraire, certains conseils généraux n'aident pas les « inscrits » comme dans les départements de l'Allier, des Bouches-du-Rhône, du Cantal, des Deux-Sèvres, du Lot et des Pyrénées Orientales.

En définitive, il faut souligner qu'un bon tiers des conseils généraux n'apporte aucun soutien aux travaux entrepris sur des monuments privés : Hautes-Alpes, Ardennes, Ariège, Aube, Aude, Corrèze, Creuse, Dordogne, Doubs, Essonne, Gard, Gers, Haute-Garonne, Gironde, Marne, Haute-Marne, Landes, Loir-et-Cher, Haute-Loire, Loiret, Meuse, Nièvre, Orne, Pas-de-Calais, Hauts-de-Seine, Tarn-et-Garonne, Val-de-Marne, Vaucluse, Haute-Vienne, Vosges, Yonne, Yvelines.

A ces différences de taux d'intervention, s'ajoutent des différences d'assiette et de modalités de calcul. Tandis que la subvention de l'État est définie à partir du montant total TTC des travaux, les concours des conseils généraux sont calculés, dans certains cas, sur les montants hors taxes et se basent aussi bien sur l'ensemble du coût de l'opération que sur la seule part restant à la charge du propriétaire.

Peu de départements fixent des seuils minima -ils sont par exemple de 2.200 €, soit 80.000 francs pour la Côte d'Or- ; en revanche, l'État exige un montant minimum de travaux de l'ordre de 1.500 euros ou un montant minimum de subvention de l'ordre de la moitié de ce montant.

Enfin, nombreux sont les départements qui fixent des plafonds pour le montant des travaux qui vont, dans les cas les plus fréquents, jusqu'à 150.000 € (un million de francs) 13( * ) .

(4) Décentralisation et égalité des monuments devant les aides publiques

Ce rapide état des lieux, qui mériterait sans doute d'être confirmé de source ministérielle, démontre la grande variabilité des interventions publiques. Non seulement les taux globaux d'intervention sont très variables selon les lieux, mais encore les conséquences de la distinction entre monuments classés et monuments inscrits sont très différentes selon les départements.

La Demeure historique s'interroge sur ce qu'elle appelle « l'égalité des chances des monuments historiques privés en matière de cofinancement public ».

La décentralisation est perçue comme un enjeu important « car elle pourra renforcer des contrastes existants ou, au contraire, les rééquilibrer »par l'association, qui conclut à la nécessité de l'intervention de l'État : « de ce point de vue là, le rôle régulateur de l'État demeure important... ».

Votre rapporteur spécial estime, en effet, la question importante, mais il s'interroge sur la compatibilité entre la volonté de laisser une plus grande autonomie aux collectivités locales, et le maintien d'une stricte égalité face aux aides publiques.

Dans une logique de décentralisation, certaines collectivités pourront faire des efforts variables dans tel ou tel domaine, et il est donc évident que tous les citoyens ne seront pas sur le même pied du point de vue de ce qu'ils peuvent attendre de la puissance publique.

A cet égard, le rôle de l'État central est précisément, non pas tant de compenser les inégalités qui pourraient résulter des différents engagements des collectivités territoriales, que de s'assurer que la protection nécessaire et suffisante des monuments est bien mise en place sur l'ensemble du territoire.

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