b) Vers un nouveau partage des compétences entre l'État et les collectivités locales
Le
secteur culturel se prête mal au découpage et à la
répartition des compétences, «
du fait de l'articulation
nécessaire des différentes fonctions qui le régissent et
du décloisonnement des domaines artistique et culturel »
,
comme l'a souligné le rapport de M. René Rizzardo sur la
décentralisation culturelle de 1990.
Mais cela tient, aussi, aux réticences du ministère de la culture
à transférer aux collectivités territoriales des
compétences qu'il s'estimait seul capable d'exercer. Les termes de la
loi du 7 janvier 1983, repris à l'article L. 1111-2 du code
général des collectivités territoriales, ont
consacré ce non-partage des compétences culturelles en disposant
que les communes, les départements et les régions concourent avec
l'État, entre autres missions, au développement culturel.
Nombreux sont ceux qui sont en train de réfléchir à une
nouvelle répartition des compétences entre l'État et les
collectivités territoriales. A cet égard, deux approches sont
concevables, une
approche analytique
détaillant,
compétence, par compétence ce qui peut-être
transféré et une
approche plus globale, par bloc de
compétences
. Cette dernière est fondamentalement politique,
et sur le contenu de ces compétences il n'y a guère de consensus
et au contraire, beaucoup d'hésitations, alimentées par les
expériences en cours.
Le partenariat culturel entre l'État et les collectivités
territoriales connaît un début d'organisation dans le cadre de la
politique contractuelle -à travers la mise au point du volet culturel
des contrats de plan État-région ou l'expérience nouvelle
des protocoles de décentralisation culturelle- et de
l'élaboration du schéma collectif des services culturels.
En tout état de cause, il est vrai que l'on peut se poser certaines
questions préalables
que n'ont pas manqué d'évoquer
nombre de fonctionnaires des conservations régionales, lorsqu'ils
s'inquiètent de ces projets de décentralisation.
Est-il d'abord opportun de conduire une réflexion alors même que
l'organisation de l'administration territoriale est susceptible
d'évoluer ?
Existe-t-il une véritable demande de centralisation émanant de
collectivités qui ont pu faire l'expérience ce que l'État
leur transférait les compétences sans leur donner les moyens
financiers de les exercer ?
(1) Un préalable : faire de la maîtrise d'ouvrage « État » l'exception et non la règle
Tout au
long de l'enquête, on s'est trouvé face à un
paradoxe
:
l'intérêt des collectivités
locales pour le patrimoine
, soucieuses d'animation sociale et touristique,
est
contredit par leur peu d'enthousiasme à assumer des
responsabilités opérationnelles en matière de
restauration
.
Il est en tout état de cause important
d'inciter les
collectivités territoriales à assumer, chaque fois qu'elles sont
propriétaires du monument, leur responsabilité de maître
d'ouvrage
.
Peut-être faut-il tout simplement donner de vraies responsabilités
aux collectivités locales. Ce qui est sûr, c'est que la situation
de surcharge des services des CRMH résulte, pour une large part, du fait
qu'elles sont amenées à exercer la
maîtrise d'ouvrage
pour des monuments classés n'appartenant pas État
, prestation
actuellement gratuite
, qui pourrait, si les habitudes n'étaient
pas substantiellement infléchies, être
à terme
directement ou indirectement facturée
.
(2) Les compétences régaliennes combinaison d'un noyau dur et de prérogatives diffuses
La
plupart des professionnels de la filière du patrimoine souhaitent que le
classement reste de la compétence de l'État.
Telle est la conclusion évidente qui ressort de l'examen des
différents documents de travail exprimant les réflexions
concertées de tout ou partie des milieux professionnels.
Pour certains d'entre eux, il faut envisager une certaine restructuration du
parc d'immeubles protégés :
• Dans une hypothèse minimale, la décision d'inscription
reste la compétence de l'État, le changement consistant
simplement à offrir aux départements une possibilité
d'initiative et d'instruction des mesures de protection, ainsi que la gestion
des monuments protégés ;
• Dans d'autres schémas, la décision d'inscription à
l'inventaire supplémentaire est décentralisée au niveau de
la région pour les immeubles et des départements pour des objets,
étant entendu que la définition de l'étendue spatiale de
la protection et des abords peuvent être selon les cas relever, ou non,
de l'État.
Dans une perspective plus analytique, la compagnie des architectes en chef,
témoigne clairement de cette idée que les compétences
forment un continuum difficile à scinder en sphères relevant de
deux autorités différentes.
Ainsi, lorsqu'il évoque les possibles transferts de compétences,
M. François Botton, le président de la compagnie, a tendance
à raisonner par métier.
Feraient ainsi partie, de son point de vue, des «
métiers
de l'État
» :
• l'expertise initiale, et notamment la conduite des
études
;
• les décisions « opposables », et notamment
les
travaux d'office ;
• la gestion des immeubles appartenant à l'État ainsi que
des monuments d'intérêt national majeur
;
• la péréquation entre les régions ;
• les questions de méthode
pour assurer la cohérence
des descriptions d'inventaire et de l'état sanitaire ;
• le contrôle de la qualification des opérateurs qu'ils
s'agissent des maîtres d'oeuvre ou des entreprises ;
• enfin, le pilotage des opérations de référence ou
destinées à repérer des champs nouveaux du patrimoine.
En revanche, relèveraient de la compétence des
collectivités territoriales les activités suivantes :
• la
surveillance de l'état sanitaire
;
• la couverture du terrain pour la définition des politiques de
restauration et de programmation ;
• l'instruction des dossiers de protection
;
• la maîtrise d'ouvrage des opérations sur les
édifices publics n'appartenant pas à l'État et ne
constituant pas un monument d'intérêt national majeur ;
• la
programmation et le financement des opérations de mise en
valeur ;
• les actions tendant à la diffusion de l'information et à
la communication à destination des publics.
Les ACMH soulignent l'intérêt qu'il y a à laisser le plus
possible la maîtrise d'ouvrage aux propriétaires privés,
sauf en ce qui
concerne les études qui selon eux doivent continuer
à relever de l'État
,
« en raison de leur
caractère stratégique et de la nécessité de les
abstraire d'un contexte de pure opportunité ».
Ils indiquent que ce
rééquilibrage en faveur
des
propriétaires
privés
aurait un effet
bénéfique en parvenant à
maintenir hors du champ des
marchés publics une certaine masse de travaux
des monuments
historiques, ce qui permettrait de conserver un vivier d'artisans
spécialisés conservateurs d'un certain nombre de savoir-faire
locaux dont la faiblesse administrative leur interdit de participer aux
marchés publics.
(3) Les tentatives expérimentales pour définir des blocs et des niveaux de compétences
Des
expériences ont d'abord été lancées au niveau
réglementaire ; elles se trouvent relancées, dans des
conditions non exemptes d'ambiguïtés, par l'adoption de l'article
111 de la loi du 27 février 2002 sur la démocratie de
proximité
Avant d'examiner le contenu de ces transferts de compétences, il faut
évoquer la question essentielle du niveau auxquelles elles pourraient
être exercées : région, département, structures
intercommunales ad hoc. Tel est bien un des objets des expériences en
cours qui ont pour but à la fois de déterminer la nature des
compétences transférables mais aussi le niveau pertinent.
Le 29 mars 2002, ont été remis à Mme Catherine Tasca et
à M. Michel Duffour, alors respectivement ministre de la culture et
de la communication et secrétaire d'État au patrimoine et
à la décentralisation culturelle, le
rapport d'étape du
groupe national de suivi et d'évaluation des protocoles de
décentralisation culturelle
, présidé par M.
René Rizzardo. Ce rapport d'étape rédigé par
M. Jean-Marie Pontier, a fait un premier point des expériences en
cours.
Il s'agit d'une initiative novatrice dans la mesure où
l'expérimentation n'a été que rarement pratiquée,
l'exemple le plus récent étant, en 1997, le conventionnement
ferroviaire.
Les protocoles, qui sont présentés comme
« une mise
en débat des rôles respectifs des collectivités
publiques »
, doivent ouvrir «
le champ de nouvelles
articulations possibles entre les interventions des personnes
publiques
». En fait, au-delà d'un vocabulaire
incantatoire, il y a la volonté de dire « qui fait
quoi » ou plutôt « qui peut faire quoi et à
quel niveau » dans un champ culturel où les rôles sont
actuellement, sinon mal définis, du moins imbriqués de
façon très étroite.
Le rapport de M. Jean-Marie Pontier rappelle que l'expérimentation a
pour objet de donner des indications sur le contenu et le niveau des transferts
de compétences de l'État vers les collectivités locales.
Il souligne, à cet égard, que le Parlement a
accéléré le mouvement en formalisant
l'expérimentation en cours. Il note que le champ couvert par les
protocoles est plus large que celui de l'article 111 de la loi du 27
février 2002.
« L'expérimentation prévue par
la loi pourra donc, selon lui, se rajouter à l'expérimentation
des protocoles, ou se conjuguer avec elle, mais non la
suppléer
». Il précise que «
les
protocoles signés en 2001 ne sont pas concernés par la nouvelle
loi, sauf à inclure par des avenants au protocole les
possibilités nouvelles ouvertes par la loi »
.
Votre rapporteur spécial a eu connaissance de la
circulaire du
20 février 2002
à la signature des directeurs de cabinet
des deux membres du gouvernement sus-mentionnés. Cette note
précise la façon dont devront être traités par
l'administration les demandes d'expériences qui pourraient être
faites en application de l'article 111.
Les projets de convention rédigés au niveau local, feront l'objet
d'une validation par un comité de pilotage ministériel
présidé par la directrice de l'architecture et du patrimoine et
comprenant des représentants de la délégation au
développement et à l'action territoriale et de la direction de
l'administration générale, ainsi que des services
déconcentrés du ministère de la culture. Ce comité
de pilotage bénéficiera de l'appui du groupe national de suivi et
d'évaluation.
Les protocoles de décentralisation
Aux
protocoles expérimentaux lancés dans un cadre administratif,
à la suite notamment d'une déclaration à
l'Assemblée nationale le 17 janvier 2001 de M. Lionel Jospin,
s'ajoutent désormais les expériences découlant de
l'article 111 de la loi du 27 février 2002 sur la
démocratie de proximité.
Les sept premiers protocoles signés en 2001 ne portent pas que sur le
patrimoine mais concernent également les enseignements artistiques et
les arts plastiques. Ils ont été signés pour une
durée de trois ans. Ils ont pour objectif :
1. de clarifier les rôles et d'identifier les nouvelles
compétences culturelles pour les collectivités
territoriales ;
2. de développer et d'améliorer le service public de la
culture pour le patrimoine et les enseignements artistiques ;
3. de dégager les dispositions susceptibles d'inspirer les
prochaines étapes de la décentralisation.
On note que les partenaires de l'État peuvent être aussi bien les
départements que les régions, étant rappelé que les
compétences culturelles intercommunales sont du ressort de l'application
d'autres textes législatifs et des dispositifs contractuels existants.
Sur le plan des méthodes, les protocoles s'appuient sur un document
cadre, d'orientation ainsi que sur un document de référence. Ce
dernier document est éventuellement assorti d'un ou plusieurs contrats
particuliers.
Au-delà des moyens budgétaires déjà
mobilisés, les parties prenantes, État et collectivités,
apportent une contribution supplémentaire. Les expériences font
l'objet d'une évaluation par un groupe national de suivi et
d'évaluation, présidé par M. René Rizzardo,
directeur de l'Observatoire des politiques culturelles installé à
Grenoble.
Les protocoles en cours en 2001 étaient les suivants :
- numérisation des fonds patrimoniaux dans le cadre d'un protocole
signé avec les conseils généraux et le conseil
régional de la région Aquitaine ;
- service patrimonial au sein de la collectivité dans le cadre d'un
protocole expérimentation du transfert de la gestion des édifices
et objets inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments
historiques dans le cadre d'un protocole signé avec le
département de l'Isère ;
- réalisation de l'inventaire dans le cadre d'un partenariat avec
le conseil régional de Lorraine, ainsi que les conseils
généraux de la Meuse, de la Meurthe-et-Moselle, de la Moselle et
des Vosges ;
- mise en oeuvre du nouveau partage des tâches comportant,
notamment, la structuration d'un véritable signé avec le
département de la Lozère ;
- développement des enseignements artistiques dans le cadre d'un
protocole signé avec la région Nord-Pas-de-Calais ;
- expérimentation d'une prise de responsabilité de la
collectivité en matière de restauration et de mise en valeur du
patrimoine inscrit dans le cadre d'un protocole passé avec la
région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
La note apporte « un certain nombre de précisions
techniques », qui apparaissent comme tendant à restreindre le
champ des initiatives. C'est ainsi qu'il est précisé tout d'abord
que
les édifices inscrits ou proposés à l'inscription
appartenant à l'État, sont exclus de
l'expérimentation
. En outre, les conventions devront prévoir
que l'État reste chargé de veiller à ce besoin de
cohérence nationale, que ce soit au niveau de la doctrine ou des
méthodes ou dans l'application, puisqu'un pouvoir de substitution de
l'État doit être prévu en cas de défaillance grave.
Par ailleurs, il est demandé au rédacteur de conventions de
veiller «
à ce qui figurent des clauses adaptées
préservant la plus-value scientifique qu'apportent les intervenants dans
les procédures actuelles, notamment les
architectes en chef des
monuments historiques et l'inspection des monuments historiques
».
Enfin, il est précisé que les personnels exerceront leurs
attributions dans les territoires d'expérimentation dans la limite de
leurs compétences expérimentalement transférées,
sans mise à disposition statutaire des personnels
, sur la base
d'un engagement de l'État de dégager le temps nécessaire.
Le jeu est un peu plus ouvert concernant le niveau de collectivité
territoriale à retenir. En matière de monuments historiques,
c'est à priori la région pour la protection et, pour les travaux,
la région ou le département.
En matière de protection, il est indiqué que l'État devra
conserver ses capacités d'initiative, et donner des instructions
précise sur la procédure à suivre.
La procédure expérimentale d'instruction des demandes serait la
suivante : l'instruction relèverait des cellules des DRAC, s'il
s'agit d'édifices appartenant à l'État, mais non pour les
autres monuments, pour lesquels la collectivité territoriale pourrait
recourir à d'autres chargés d'études à condition
qu'ils respectent la méthodologie des DRAC.
La procédure en
commission régionale du patrimoine et des
sites
doit être adaptée en prévoyant, notamment, la
co-présidence du préfet et du président du conseil
régional
, tant pour la commission elle-même que pour la
délégation permanente.
Selon la circulaire, c'est le président du conseil régional qui
signe la décision de refus de protection, ainsi que les
arrêtés d'inscription définitive ou préalable
à un classement ; en revanche, les décisions de classement
continueront de relever de la compétence ministérielle sur
proposition du préfet, ainsi que les instances de classement.
DÉCENTRALISATION : L'EXPÉRIENCE CORSE
Lors
d'un colloque qui s'est tenu le 17 septembre 2002 au Palais du Luxembourg, M.
Jacques Moulin, architecte en chef des Monuments historiques, compétent
pour la région corse, a fait le bilan du transfert à cette
collectivité de la compétence en matière de patrimoine en
application de la loi dite Joxe de 1990.
M. Jacques Moulin a souligné que la collectivité territoriale de
Corse a constitué un service de qualité et mis en place des
financements importants.
Il a rappelé qu'après avoir tenté de reproduire le
fonctionnement de la DRAC pour s'efforcer d'assurer à la fois la
maîtrise d'ouvrage et de montage financier des opérations, la
Corse a renoncé à ce système notamment pour éviter
de se trouver dans la position critiquable de pouvoir exercer une tutelle sur
une autre collectivité territoriale.
La Corse se contente de financer les études documentaires et de financer
les travaux sur des bâtiments et objets en laissant la maîtrise
d'ouvrage aux propriétaires.
M. Moulin a mis l'accent sur l'intérêt porté par les
communes à leurs propriétaires pour des raisons identitaires et
signalé les attentes des intéressés : un
interlocuteur unique responsable de l'entretien comme des restaurations
et capable de vérifier ses propres travaux.
L'architecte en chef des Monuments historiques de Corse a fait état de
l'effacement progressif de la DRAC. Il a indiqué à cet
égard qu'un certain nombre de chantiers, comme celui de la
cathédrale d'Ajaccio ou du site d'Aléria, n'avaient guère
connu de progrès ces dernières années. Cette situation
trouve son origine dans ce que votre rapporteur spécial a perçu
comme une perte de légitimité puisque la DRAC n'est plus en
mesure d'approuver ou de désapprouver sans pouvoir prescrire quoi que ce
soit au stade des projets.
Les architectes des bâtiments de France de leur côté ont
cessé toute intervention d'entretien sur les monuments historiques
n'appartenant pas à l'État et ils se contentent désormais
sur la réglementation des abords et le conseil architectural.
L'architecte en chef des monuments historiques a perdu, faute de financement
d'État, son monopole, et n'est plus qu'un architecte
spécialisé dans la réfection des bâtiments anciens
soumis à la concurrence.
La nouvelle loi de décentralisation accentue les effets de la loi de
1990 en confiant à la collectivité territoriale de Corse la
propriété des principaux édifices historiques appartenant
à l'État. Ce changement obligera cette collectivité
à créer un service de maîtrise d'ouvrage.
En ce qui concerne la procédure de gestion des travaux sur les
édifices inscrits, les déclarations préalables, qui
resteront adressées aux services de l'État, seront simplement
transmises au président de l'autorité d'expérimentation.
Trois autres protocoles du même type doivent être signés
en 2002 sur des thèmes patrimoniaux
:
- un avec le département de la Creuse, dans le cadre d'une collaboration
avec la Région Limousin,
- deux avec les régions Poitou-Charentes et Midi-Pyrénées.
Ces projets ont fait l'objet d'un travail préparatoire entre services
déconcentrés de l'État et collectivités
territoriales, mais aucun protocole n'a encore été signé.
Par ailleurs la Région Midi-Pyrénées et la région
Lorraine ont été choisies par le ministre de la culture et de la
communication comme les deux régions où il souhaite pousser et
élargir l'expérimentation en matière de
décentralisation culturelle. Le protocole mettant en place
l'expérimentation avec la région Midi Pyrénées
devrait donc être prochainement conclu ; le protocole signé
par la région Lorraine avec l'État à la fin de 2001
devrait être renforcé et son champ d'expérimentation
élargi.
Quant aux conventions fondées sur l'article 111 de la loi
« Démocratie de proximité », aucune n'avait
été mise en place à la fin septembre 2002
. Les
demandes émanant de collectivités territoriales en vue de
bénéficier de la mise en oeuvre de cet article n'ont d'ailleurs
pas été très nombreuses à ce jour. Citons, sans que
cette liste soit exhaustive, que :
- le président du conseil général du Loiret a
demandé à être informé des modalités et
conditions de cette expérimentation mais n'a pas confirmé
à ce jour sa candidature ;
- le président du conseil régional de région Bretagne a
manifesté son intérêt et demandé des renseignements,
puis a retiré la candidature de sa région ;
- le département du Nord a fait savoir qu'il souhaitait engager les
démarches pour que son département bénéficie de
cette expérimentation ;
- la même demande a été exprimée par le
président du conseil du Bas-Rhin, en association avec le
président du conseil régional d'Alsace.
En revanche, le département de l'Isère a fait savoir qu'il
souhaitait s'en tenir au protocole de décentralisation culturelle
signé en 2001 et qu'il ne demandait pas d'élargir celui-ci aux
dispositions de l'article 111.
(4) Régions ou départements ?
En
conclusion de cet état des lieux, le rapporteur spécial a
tendance à penser que, même s'il faut attendre de pouvoir tirer
les conclusions des expériences en cours, un certain nombre de principe
semblent s'imposer :
• la responsabilité des mesures de protection relève a
priori plus naturellement du niveau régional
, où avec les
CRMH et les CRPS a déjà été acquise une
expérience en la matière et où les services des
collectivités se trouveraient naturellement en correspondance avec
l'administration d'État, chargée de veiller au contrôle de
légalité ;
• en revanche, toutes les questions comme celles de l'entretien et des
travaux ou comme de l'inventaire, ont besoin d'être traitées
à un niveau de terrain, c'est-à-dire au niveau du
département, même si pour les grands chantiers de
restauration
des monuments, la maîtrise d'ouvrage
déléguée ou la conduite d'opération doit être
traitée de façon préférentielle au
niveau
régional
.
Certes, on peut faire valoir qu'il s'agit, avec la protection, de
prérogatives régaliennes que l'État ne peut pas abandonner
aux autorités locales et, même, que beaucoup d'entre elles ne sont
même pas demandeuses ; mais, globalement il semble que l'on a tout
à gagner à associer les collectivités territoriales
à la protection et à la mise en valeur de leur patrimoine :
il faut
déclencher un processus d'appropriation collective du
patrimoine
, qui fera perdre à la protection son caractère
largement coercitif. Le risque de dérapage apparaît d'autant plus
faible que l'État conserverait intégralement son pouvoir de
contrôle.
Votre rapporteur spécial exprime ici des réflexions sur ce que
pourrait être un partage des tâches et des responsabilités
entre les collectivités territoriales.
Si la définition des règles du jeu et des grandes orientations
relève naturellement de l'État, la mise en oeuvre de la politique
culturelle peut incomber aux collectivités territoriales, sous
réserve de la gestion de certains équipements ou
opérations d'intérêt manifestement national.
S'agissant de la répartition des rôles au niveau local, votre
rapporteur spécial a tendance à penser que, si
l'échelon du département est celui de la proximité
,
l'échelon régional est le niveau
où peut se faire
jour la nécessaire
cohérence de la politique culturelle
.
Au niveau départemental, peut-être réalisé tout ce
qui demande une présence constante sur le terrain : la gestion des
autorisations, notamment en matière d'abords, la conduite de
l'Inventaire ainsi que la surveillance et l'entretien du parc de monuments.
Mais le
niveau régional
apparaît, tout bien
réfléchi, à votre rapporteur spécial, comme
l'échelon de droit commun de la politique culturelle
. D'abord,
parce qu'il est actuellement le niveau auquel l'État intervient et a
accumulé une expérience de l'action déconcentrée.
C'est là que se trouvent les services de la conservation
régionale et que fonctionne la Commission régionale du patrimoine
et des sites. Ensuite, parce qu'elle est le siège de l'administration
des affaires culturelles d'État, la région est le bon niveau pour
assurer la cohérence dans l'action ainsi qu'une certaine
objectivité dans les aides.
Par sa dimension, et du fait qu'elle agira nécessairement en liaison
avec des départements de tempérament et de sensibilité
différents, la région est à même de garantir un
traitement équitable des demandes.
Faire de la région l'échelon de droit commun de l'action
culturelle en matière de patrimoine monumental ne signifie pas un
dessaisissement du département qui devrait être en mesure de
bénéficier de subdélégations de pouvoirs lui
permettant d'assumer pleinement leurs responsabilités.
In fine
, le cofinancement doit être maintenu, mais dans le cadre
d'un véritable partenariat. A cet égard, il convient d'inscrire
l'organisation à mettre en place dans la perspective de l'initiative
prise par le Sénat dans le cadre de la loi d'orientation du
4 février 1995 tendant à créer la notion de chef
de file.
L'article 65 de cette loi a en effet prévu qu'une loi de
clarification des compétences entre l'État et les
collectivités locales doit définir « les conditions
dans lesquelles une collectivité pourra assumer le rôle de chef de
file pour l'exercice d'une compétence ou d'un groupe de
compétences relevant de plusieurs collectivités
territoriales ».
En dépit de la censure par le conseil constitutionnel du II de cet
article -au motif qu'il n'est pas possible de renvoyer à une
convention
le soin de désigner la
collectivité chef de
file
susceptible d'exercer des compétences conférées
aux autres collectivités
par la loi
-, il est question de relancer
cette idée à l'occasion de la relance institutionnelle de la
décentralisation. L'on peut interpréter la décision du
conseil constitutionnel, non comme condamnant la notion, mais simplement comme
censurant le fait de n'avoir pas défini les pouvoirs et les
responsabilités afférents à cette fonction.
Comme cela avait été envisagé à l'occasion de
l'examen de la loi du 25 juin 1999 d'orientation pour
l'aménagement et le développement durable du territoire, -mais
non retenu dans le texte définitif-, la désignation d'une
collectivité chef de file pouvait s'accompagner de la définition
d'un cadre juridique de nature conventionnelle précisant les obligations
des uns et des autres.
On note que quatre protocoles sur sept utilisent la notion de chef de file,
selon des modalités et avec des portées variables,
explicité ainsi dans le protocole signé par la région
Lorraine comme étant une « délégation consentie
de responsabilités »