c) Utiliser la Fondation du patrimoine comme un auxiliaire de terrain
Créée par la loi du 2 juillet 1996, la fondation
du
patrimoine, organisme privé a but non lucratif, reconnue
d'utilité publique par un décret du 18 avril 1997, a pour objet
de promouvoir la sauvegarde, la connaissance et la mise en valeur du patrimoine
non protégé par l'État.
Identifier des édifices et des sites menacés, participer par un
soutien financier à la réalisation de programmes de restauration
et contribuer, par l'attribution d'un label comportant des avantages fiscaux,
à la sauvegarde du patrimoine menacé, tels sont les objectifs
majeurs de la Fondation.
A ces tâches, s'ajoutent des missions plus générales
consistant à favoriser le partenariat entre les associations et les
pouvoirs publics ainsi que la création d'emplois et la transmission des
métiers.
La Fondation du patrimoine a adopté une organisation
décentralisée reposant sur un réseau de
délégations régionales et départementales. Au sein
du conseil d'administration, figurent des représentants d'institutions
nationales et locales ainsi qu'un certain nombre de mécènes
fondateurs
14(
*
)
.
L'État n'est plus le dépositaire unique de l'action publique. Un
État qui entend agir seul se prive de relais qui accroissent
l'efficacité de son action.
C'est dans le cadre de la réforme de l'État, qu'il convient de
relancer la Fondation du patrimoine, qui par son organisation
décentralisée, largement fondée sur le volontariat,
constitue l'auxiliaire de proximité de l'action de l'État, de
nature à constituer le lieu de rencontre entre tous les partenaires du
patrimoine publics et privés.
Les ressources de la Fondation sont constituées par du
mécénat en provenance des particuliers et des entreprises. Les
dons faits à la Fondation sont déductibles de l'impôt sur
le revenu à concurrence de 50 % de leur montant et dans la limite
de 10 % du revenu imposable, en application de l'article 200 du Code
général des impôts et, pour les entreprises,
déductibles du bénéfice imposable des
sociétés, dans la limite de 3,5 pour mille du chiffre d'affaires,
en application de l'article 238 bis du même code.
La Fondation peut octroyer un label qui est susceptible de permettre l'octroi
d'avantages fiscaux pour les propriétaires, lorsque l'opération a
reçu l'accord de l'architecte des bâtiments de France.
Les projets, qui portent sur des bâtiments non protégés,
doivent répondre à certains critères. Notamment, les
travaux doivent présenter certaines caractéristiques de nature
patrimoniale ou sociale. En effet, l'objectif de la Fondation n'est pas
simplement de préserver un environnement de qualité, il est aussi
de réintégrer le patrimoine dans les activités
quotidiennes des Français.
Trois types d'immeubles sont concernés : les immeubles non
habitables constituant le petit patrimoine de proximité, tels que
pigeonniers, lavoirs, fours à pain ; les immeubles habitables
caractéristiques de l'habitat rural, ainsi que les immeubles habitables
ou non, situés dans les zones de protection du patrimoine architectural,
urbain et paysager.
Les travaux doivent concerner les parties visibles de la voie publique, sauf
pour les éléments de patrimoine non habitable
. Il s'agit
essentiellement de travaux concernant les toitures, les façades et les
pignons.
La déduction fiscale, dont peut bénéficier le
propriétaire, est de :
• 50 % du montant supporté par le propriétaire
-après déduction des subventions perçues-, si les
subventions recueillies sont inférieures à 20% du montant des
travaux ;
• 100 % du montant supporté par le propriétaire
-après déduction des subventions perçues-, si les
subventions recueillies excèdent 20%.
Le label est accordé par le délégué régional
de la Fondation après accord du service départemental de
l'architecture et du patrimoine.
Enfin, la Fondation du patrimoine lance aussi des opérations de
mécénat de proximité. Lorsque, s'agissant de projets dont
la maîtrise d'ouvrage est assurée par une commune ou une
association, l'opération ne parvient pas à réunir les
financements nécessaires, la Fondation se charge de lancer des
souscriptions pour trouver des fonds complémentaires moyennant une
commission de gestion de 3 %.
Votre rapporteur spécial s'est penché sur les intentions du
législateur lorsqu'il a créé la Fondation du Patrimoine. A
cette occasion, il a constaté que l'on avait cherché à
prendre modèle sur le National Trust britannique et que, loin de se
limiter à l'octroi d'un label fiscal, la Fondation avait initialement
pour objectif de relayer l'action de ce qui était alors la Caisse
nationale des monuments historiques et des sites.
A la lecture du rapport de M. Jean-Paul Hugot, la Fondation aurait eu
initialement pour vocation de jouer le rôle d'interface entre le
secteur public et le secteur privé
en reprenant notamment des
actions pilotes jusqu'alors menées par la Caisse en matière de
« routes historiques », de « villes d'art et
d'histoire » et de « pays d'art et d'histoire ».
Sans doute le rapport allait-il trop loin, faisant relever de la Fondation une
mission de promotion des éditions sur le patrimoine et en lui permettant
de prendre en gestion certains monuments appartenant à des
collectivités locales pour leur bâtir des projets de monuments.
Faut-il relancer cet aspect des compétences de la Fondation qu'elle n'a
pas pu développer faute de moyens et de volonté politique ?
La question mérite d'être posée.
Votre rapporteur spécial a considéré que la
Fondation
devait, en tout état de cause,
avoir un rôle
pilote dans la sauvegarde et la mise en valeur
du patrimoine dit
« non protégé ».
C'est dans ce but qu'il
souhaite lui en donner les moyens en proposant de lui a
ffecter une
ressource
en harmonie avec sa vocation, en l'occurrence,
le produit des
successions vacantes
.
LE PRODUIT DES SUCCESSIONS VACANTES
Années |
En francs |
En euros |
1990 |
88 460 804 |
(13 485 763) |
1991 |
86 717 171 |
(12 762 600) |
1992 |
75 622 920 |
(11 528 640) |
1993 |
71 068 646 |
(10 834 345) |
1994 |
74 048 745 |
(11 288 658) |
1995 |
100 368 219 |
15 301 036) |
1996 |
90 896 652 |
(13 857 105) |
1997 |
91 001 512 |
(13 873 091) |
1998 |
104 929 667 |
15 996 425 |
1999 |
88 668 159 |
13 517 374 |
2000 |
84 984 437 |
12 955 794 |
2001 |
62 630 327 |
9 547 932 |
Tout ou partie de ce produit, dont le montant, selon les années, est compris entre 10 et 15 millions d'euros, pourrait venir utilement encourager, en liaison avec les collectivités territoriales, la remise en état du petit patrimoine et favoriser, en liaison cette fois-ci avec les associations, la mise en valeur du patrimoine et des sites.
*
* *
Pour
conclure ce rapport, il convient d'ajouter au relativisme, dont votre
rapporteur spécial faisait état dans sa présentation,
un paradoxe budgétaire
.
On ne manquera pas, en effet, de remarquer qu'un certain nombre des
propositions contenues dans ce rapport, pourrait se traduire par des
dépenses accrues, à court terme,
même s'il est
possible d'agir par voie de redéploiement de crédits ou de
personnels.
Certes,
l'augmentation des moyens à consacrer aux opérations
d'entretien devrait être aisément dégagée par une
diminution des ouvertures de crédits au titre des dépenses
d'investissement
.
Mais, au niveau de la gestion de ces dépenses, il faut s'attendre
à des coûts supplémentaires, soit que l'on opte pour le
renforcement des services qui en ont la charge, services départementaux
de l'architecture et du patrimoine ou services à créer dans les
collectivités territoriales, soit que l'on confie un nombre plus
important d'opérations à des architectes agréés
qu'il faudra bien rémunérer.
De même,
l'augmentation du nombre des architectes en chef
des
monuments historiques
, tout comme celle des architectes
habilités à travailler dans le secteur à l'issue d'une
procédure d'agrément, pourrait déboucher sur des
dépenses et des coûts supplémentaires. A ces facteurs de
dépenses supplémentaires, s'ajouterait
la nécessaire
revalorisation des vacations perçues par ces fonctionnaires en leur
qualité de « Conseils du ministère de la
culture » et la création d'inspecteurs fonctionnaires
.
Une troisième catégorie de mesures, consistant en la
création d'agences de maîtrise d'ouvrage est, elle aussi, porteuse
de dépenses, si l'on ne parvient pas à constituer ces nouveaux
organes par réaffectation de personnels et de moyens.
A ceux qui y verraient une sorte de contradiction interne dans un rapport
animé par un souci d'économie, votre rapporteur spécial
fera valoir que
l'on a sans doute
, ces dernières années,
trop investi sans avoir les moyens de maîtriser la dépense.
Trop de projets, pas assez de personnels pour les suivre, ont conduit à
laisser les maîtres d'oeuvre prendre l'ascendant sur les maîtres
d'ouvrage avec, pour conséquence,
une dérive des
dépenses résultant, non de coûts unitaires trop
élevés, mais de
projets inadaptés aux moyens
disponibles
, voire carrément surdimensionnés par rapport aux
besoins.
Le même raisonnement vaut pour les perspectives de
décentralisation dressées dans ce rapport. Transférer des
compétences en matière patrimoniale aux collectivités
territoriales devrait avoir également pour conséquence une
augmentation des coûts de fonctionnement, ici non au niveau de
l'État central mais des administrations publiques dans leur ensemble.
Cela ne suffit-il pour condamner une telle évolution ?
Votre rapporteur spécial ne le pense pas, à la fois parce qu'il y
a sans doute-sous réserve des audits souhaités par votre
rapporteur spécial- une sous-administration de la dépense
d'investissement, et parce que la montée en puissance des
collectivités territoriales est de nature à favoriser un
dynamisme, gage d'augmentations de productivité.
Derrière la plupart des propositions de ce rapport -qui se
présente plus comme une boite à idées que comme un
mécano prêt à l'emploi- il y a un fil directeur
essentiel : la conviction que
s'il doit être mis face à
ses responsabilités, le propriétaire doit aussi se voir donner
les moyens de les exercer.