ANNEXE II -
CONTRIBUTION DE MAÎTRE EDOUARD LACROIX, AVOCAT
À LA COUR
I. LA
PROCÉDURE DÉCONCENTRÉE DES UNITÉS TOURISTIQUES
NOUVELLES A VINGT-CINQ ANS : BILAN ET PERSPECTIVES DE RÉFORME
La politique de la montagne a plus de quarante ans, si l'on considère
qu'elle est née avec la délimitation de cette zone en tant que
support d'une intervention publique identifiée comme telle. La
nomination du premier commissaire à la montagne en 1967 et la mise en
oeuvre de la politique de rénovation rurale constituent une autre
étape. En 1971, sont établis les fondements de soutien
spécifique à l'agriculture, dont celle de montagne. En 1973, un
Comité Interministériel d'Aménagement du Territoire (CIAT)
est consacré à la « politique de la
montagne » dont la formule est ainsi officialisée. L'Europe
prend le relais en 1975 avec la Directive 75/268 sur l'agriculture des zones de
montagne et défavorisées.
Sur un plan plus sectoriel, celui du tourisme, des actions successives des
pouvoirs publics vont être conçues et entreprises,
s'intégrant avec plus ou moins de bonheur dans cette politique globale
d'aménagement. Les sports d'hiver d'abord, mais aussi le tourisme
estival sont reconnus comme des outils de développement, dont on
cherchera à favoriser la complémentarité avec
l'activité agricole, forestière et pastorale. A ce titre, le Plan
Neige 1971-1975 et surtout la directive du 22 novembre 1977,
annoncée en 1976 dans le discours du Président de la
République à Vallouise consacré à la protection et
à l'aménagement de la montagne, marquent définitivement la
volonté des pouvoirs publics d'intégrer le tourisme dans la
politique en faveur de la montagne. De cette directive, sanctionnée par
un décret et non par une loi, naît la procédure des
Unités Touristiques Nouvelles (UTN). La loi n° 85-30 du
9 janvier 1985 dite « Loi Montagne » la reprendra dans
un contexte de décentralisation des circuits de décision,
liée à la décentralisation issue des textes de 1982-1983.
C'est l'objet du chapitre I du Titre IV intitulé
« de l'aménagement et de la protection de l'espace
montagnard - des règles d'urbanisme dans les zones de
montagne », dont l'article 72 insère un certain nombre de
dispositions aux articles L. 145-9 à L. 145-13 du code de
l'urbanisme.
Cette remarque n'est pas mineure. En effet, de la directive de 1977 à la
« Loi Montagne », la procédure UTN a subi quelques
changements significatifs que « l'instance d'évaluation »
installée en avril 1995 a justement soulignés. La suppression du
«plan pluriannuel de développement touristique » (PPDT)
qu'imposait la directive de 1977 a, sans doute, gêné
l'autorité chargée d'autoriser la création d'une UTN,
ainsi que les opérateurs et les élus, la réglementation
n'imposant plus une démarche préalable pédagogique et
fédérative. Mais cela n'a pas empêché certains
préfets de massif, comme celui de Rhône-Alpes, de subordonner dans
certains cas l'examen d'une demande d'autorisation UTN à la
présentation par l'ensemble des communes concernées d'un
« schéma de cohérence » ressemblant fort
à un PPDT. On peut en définitive regretter que la
procédure issue de la « Loi Montagne » apparaisse
davantage comme destinée à maîtriser la consommation
d'espace qu'à intégrer des projets dans une démarche
d'aménagement global.
« L'instance d'évaluation » relève qu'il
s'agit d'une procédure d'urbanisme à l'amont des
procédures opérationnelles. C'est, d'après elle,
« un bon outil de connaissance des enjeux mais il ne s'agit pas d'une
procédure de développement » (
La politique de la
montagne
. Rapport d'évaluation. Conseil National d'Evaluation.
Commissariat Général du Plan. Volume I PP. 393-395. La
Documentation Française 4
ème
trimestre 1999).
Quoiqu'il en soit, la procédure UTN a modelé la montagne
française depuis un quart de siècle. Il n'est donc pas
illégitime, dans le doit fil des conclusions de « l'instance
d'évaluation », de réfléchir à de
possibles inflexions des dispositions législatives qui l'ont
instaurée, ne serait-ce que pour tenir compte de l'évolution
constatée dans la pratique et la fréquentation de la montagne. La
volonté des pouvoirs publics de rassembler les conditions optimales pour
un développement économique et social de cette part importante du
territoire (23 % de sa superficie et 8 % de sa population) ne s'est
jamais démentie. Elle ne peut que s'adapter à une
réalité différente, aujourd'hui, de ce qu'elle
était il y a un quart de siècle. Le précédent
gouvernement avait confié à une mission interministérielle
le soin de « réfléchir à l'adaptation de la
procédure des unités touristiques nouvelles ». Sans
attendre ses conclusions, il n'est pas anormal que la Mission Commune
d'information du Sénat s'interroge, elle aussi, sur la pertinence
actuelle de cette procédure, au vu de ses résultats et du
contexte dans lequel, désormais, s'applique la politique de la montagne.
C'est l'objet de la première partie de cette contribution. Seront
ensuite exposés quelques éléments de réflexion sur
ce que pourrait comporter une réforme de cette procédure.
*
* *
Cette
rubrique portera sur trois domaines que la « Loi
Montagne », ainsi que d'autres dispositions législatives ou
réglementaires ont marqués de leur empreinte ou qui,
eux-mêmes, par leur évolution, ont influé sur la
portée attendue de ces dispositions.
A. LE CADRE INSTITUTIONNEL
a) Importance de la jurisprudence
Les lois de décentralisation de 1982-1983 sont venues bouleverser les
relations entre les collectivités territoriales et l'Etat. Le
contrôle du représentant de celui-ci s'effectue par
l'appréciation a posteriori de la légalité des actes et
décisions qu'elles prennent, et un certain nombre de compétences
leur sont transférées. Si le tourisme fait partie, et depuis
longtemps des compétences partagées, il n'en est plus de
même pour l'urbanisme, notamment. Ainsi, le maire agissant au nom de la
commune délivre les permis de construire dans la majorité des
cas. Le juge administratif, auquel peuvent être
déférées les décisions des exécutifs locaux,
va donc intervenir plus systématiquement dans le processus
administratif. De là, l'importance de la jurisprudence des tribunaux
administratifs, des cours administratives d'appel et du Conseil d'Etat dans
l'application de la « Loi Montagne ». Ces juridictions
seront le garant et l'interprète de la volonté du
législateur et les justiciables, en l'occurrence le milieu associatif
par exemple, leur donneront l'occasion de la préciser, de l'affiner pour
aboutir à une construction jurisprudentielle, de cas d'espèce en
cas d'espèce. La lutte contre l'habitat dispersé, la notion
même d'unité touristique nouvelle trouveront dans les arrêts
du Conseil d'Etat les définitions que la loi ou le décret ne
donnaient pas. A défaut, de la part de l'Etat, d'avoir formulé
une doctrine administrative, comme le note « l'instance
d'évaluation », le juge administratif a dit le droit à
partir du fait. Il en est résulté, au-delà des retards
liés aux délais de procédure, une incertitude latente que
bon nombre de juristes ont soulignée.
b) L'organisation administrative des massifs
La loi du 9 janvier 1985, elle, est venue organiser administrativement la
montagne, par la création du Conseil National de la Montagne et
l'identification des massifs qu'elle dote de comités. C'est à ces
derniers, ou plus exactement à la commission spécialisée
constituée en leur sein, que sont soumis les projets d'unités
touristiques nouvelles. Quant à la décision d'autorisation de
celles-ci, elle est transférée du niveau ministériel au
niveau régional. Elle est dévolue au préfet coordonnateur
de massif. Il s'agit, là, d'un processus logique de
déconcentration que la dynamique de promotion de la montagne comme
espace différencié impliquait. « L'instance
d'évaluation » reconnaît la valeur pédagogique du
nouveau dispositif, même si, de l'avis de membres des commissions
spécialisées, l'absentéisme et la faible motivation, face
à des dossiers sans intérêt stratégique, ont
altéré la crédibilité de ces organes ou, plus
exactement, ne l'ont pas conforté.
c) La montagne dans les contrats de plan Etat-Régions
Enfin, les Régions, érigées en collectivités
territoriales de plein exercice, se sont intéressées à la
montagne, comme le montre leur implication dans les contrats de plan
Etat-Régions. Ainsi le IX
ème
plan (1984-1988) portait
l'effort sur l'adaptation des équipements régionaux et de l'offre
touristique dans les stations. Cinq régions ont intégré
cette préoccupation, articulée autour du concept de contrat de
« Station-Vallée ». Le X
ème
plan
(1989-1993) auquel l'Etat a consacré 85 MF et les régions
35 MF au titre du contrat de plan s'est intéressé aux
opérations significatives structurantes « susceptibles
d'améliorer l'organisation et la professionnalisation des acteurs,
d'adapter l'offre touristique aux besoins des clientèles, notamment
européennes et d'aboutir à une meilleure rentabilisation de
l'aménagement touristique du territoire ».
Concrètement, pour la montagne, cela concernait l'aménagement
d'espaces touristiques et la modernisation de l'offre. Ainsi ont
été signés une quarantaine de contrats de stations
moyennes et 17 contrats dits « zones nordiques ». Le
XI
ème
plan (1994-1999) contenait des mesures plus
diversifiées et spécifiques à chaque massif. La
totalité de ceux-ci, à l'exclusion du Massif Central, a
bénéficié des dotations contractualisée.
Rhône-Alpes a formalisé 22 contrats de station,
Provence-Alpes-Côte d'Azur a retenu la formule des contrats d'objectifs
sur 16 stations. Le XII
ème
plan (2000-2006) contient une
mesure nouvelle, celle des conventions interrégionales de massifs,
intéressant la totalité du territoire classé en zone de
montagne et prévoyant la participation de toutes les régions
concernées. Sont prévus 2,187 milliards de francs sur les
7 ans dont 1,213 milliard de la part de l'Etat. Ces contrats visent
à la connaissance des marchés et de la clientèle, le
développement d'actions de communication, l'appui aux filières et
à leur création enfin la requalification immobilière. Les
régions ont en outre poursuivi leur effort dans le prolongement des
mesures qui figuraient dans le contrat de plan précédent. Ainsi
Provence-Alpes-Côte d'Azur, avec les « contrats
Montagne », Rhône-Alpes, les contrats de stations au profit de
la moyenne montagne.
B. LE CADRE RÉGLEMENTAIRE
Les dispositions de la « Loi Montagne » devaient, pour
assurer leur pleine efficacité, reposer sur la mise en oeuvre d'une part
de la réglementation, antérieure à sa promulgation et de
celle qui a dû être élaborée ensuite pour
répondre à ses exigences. L'effet conjugué de cette action
normative sur le terrain est appréciable, comme on le verra dans les
trois domaines suivants.
a) Les documents de planification urbaine
La « Loi Montagne » confirme l'intérêt majeur
du plan d'occupation des sols, préalable à la réalisation
des équipements et aménagements destinés à la
pratique du ski alpin : instauration de servitudes destinées
à assurer le passage des pistes de ski, le survol des terrains par les
remontées mécaniques, le passage des pistes de montée,
etc. Les schémas directeurs allègent les projets d'unités
touristiques nouvelles de la procédure spéciale d'instruction.
« L'instance d'évaluation » est assez critique sur
l'usage fait par les collectivités de cet instrument
d'aménagement. Il convient de relativiser cette appréciation.
Sans doute n'était-il pas réaliste d'imaginer que la montagne
allait se couvrir de documents d'urbanisme. En 1999, on comptait
39 schémas directeurs approuvés dont 8 l'ont
été après 1985, 7 étaient en cours
d'élaboration, 4 sont révisés, 17 sont en cours de
révision. Paradoxalement, ils concernent davantage le Massif Central
(17) que les Alpes (Alpes du Nord 5, Alpes du Sud 7). En revanche, les
collectivités des Alpes du Nord (Savoie d'abord, Haute-Savoie ensuite)
se sont dotées de plans d'occupation des sols en plus grand nombre que
les Alpes du Sud, bien devant les Pyrénées, le Jura , les Vosges
et le Massif Central. Il semblerait que ce mouvement se confirme en ce qui
concerne les schémas de cohérence territoriale. En revanche, il
faut regretter que les prescriptions particulières de massif,
prévues par l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme auquel
renvoient les articles L. 147-5 de ce même code et 72 de la
« Loi Montagne » n'aient pas vu le jour, même si
4 schémas de cohérences ont été
approuvés, qu'un cinquième soit en cours d'approbation et que des
dossiers UTN de ( micro) massif aient été constitués.
b) La protection de l'environnement
Ce n'est pas une préoccupation récente, y compris et sans doute
d'abord pour la montagne. Le premier « parc national »,
celui du Pelvoux, a été créé par un décret
de 1913. Il a été suivi de la création de quatre autres
entre 1963 et 1983. Dès 1970, sont institués les parcs naturels
régionaux. La loi sur la protection de la nature de 1976 consolide et
développe le réseau des réserves naturelles et la
directive sur l'aménagement et la protection de la montagne de 1977
conforte la préservation patrimoniale. La procédure UTN en est un
élément.
La « Loi Montagne » participe de cette continuité
dans les préoccupations des Pouvoirs Publics. Elle souligne, en son
article 1, l'importance des enjeux environnementaux, rappelant la vocation
des parcs nationaux et régionaux à contribuer à leur prise
en compte (articles 93 et 94). On estime qu'en 1996, plus de 89 % de
la surface couverte par une protection forte (parcs naturels, réserves
intégrales et réserves naturelles) sur le territoire
français se situe en zone de montagne. 20 % des communes de
montagne sont concernées par un parc national ou régional, une
réserve naturelle volontaire, un arrêté de protection de
biotope ou une forêt de protection. 30 % de la superficie
montagnarde est aujourd'hui protégée contre 12 % en moyenne
nationale.
On peut ainsi considérer que tout ce qui pouvait justifier ou
mériter une protection a fait l'objet d'une mesure, parmi celles que
l'arsenal législatif ou réglementaire français contient.
Il faut noter que la mise en oeuvre de la procédure UTN, le plus souvent
en compensation des autorisations accordées, a permis l'intervention de
91 mesures de protection, dont 21 réserves naturelles,
53 classements de sites,11 forêts de protection et
7 arrêtés de biotope. Il est vraisemblable que ce
résultat, satisfaisant, sera consolidé par la loi
n° 99-533 du 25 juin 1999, pour l'aménagement et le
développement durable du territoire, comme par la concrétisation
de Natura 2000. Parmi les auditions auxquelles la Mission Commune
d'Information s'est livrée, mérite d'être relevée,
de ce point de vue, celle de la représentante du ministère en
charge de l'environnement : « nous disposons de tous les outils
possibles pour protéger les milieux naturels ruraux et forestiers ainsi
que des moyens de gestion nécessaires ». La « Loi
Montagne » y a puissamment contribué et la montagne y
participe grandement.
c) La réglementation des remontées mécaniques
Indépendamment de la procédure UTN, la « Loi
Montagne », dans son article 49, institue une procédure
de double autorisation pour l'installation des remontées
mécaniques, la première avant l'exécution des travaux, la
seconde avant la mise en exploitation. Ces dispositions sont
intégrées au code de l'urbanisme (article L. 445-1), ce qui
se conçoit, dès lors que cette double autorisation est
délivrée par l'autorité compétente pour la
délivrance du permis de construire. On pourrait toutefois regretter que
cette optique strictement urbanistique, indépendamment des
considérations de sécurité, qui sous-tendent ce texte,
n'ait pas laissé place, dans l'instruction, à des
considérations financières, en raison du caractère
fortement capitalistique de tels investissements.
La réglementation, qui aurait pu être jugée comme lourde et
complexe semble acceptée et appliquée. L'Etat, d'ailleurs, a fait
de son mieux pour que cette mission régalienne de sécurité
soit à la fois incontestée et exécutée d'une
manière performante. C'est la vocation essentielle du service technique
des remontées mécaniques et des transports guidés (STRMTG)
installé à Saint-Martin-d'Hères, aux portes de Grenoble,
qui relève du ministère en charge des transports. Notons au
passage que le législateur a mis à profit l'examen et le vote de
cette loi pour soumettre les services de transports terrestres de personnes
organisées par les collectivités territoriales ou leurs
groupements au contrôle technique et de sécurité de l'Etat
(article 50 de la « Loi Montagne ») ! Disposant
de relais implantés dans chaque massif au sein de directions
départementales de l'équipement, le STRMTG est chargé
d'apporter au préfet du département où sera
installée la remontée mécanique l'avis technique qu'il
relayera auprès de l'autorité compétente pour
délivrer soit l'autorisation de construire, soit celle d'exploiter
l'équipement. Cet avis est important puisqu'il détermine la
délivrance ou le refus de cette double autorisation.
La France occupe la première place dans le monde par l'importance de son
parc (15 % de l'ensemble avec environ 4.000 engins). Cette
activité a généré plus de 635 millions de
passages durant la campagne 2000-2001. La réglementation
française donne toute satisfaction, puisque, sur les dix
dernières années, ont été enregistrés
6 accidents mortels liés à l'utilisation des
remontées mécaniques. Elle fait même autorité,
puisque la directive européenne 2000/9/ CE relative aux
installations à câble transportant des personnes doit beaucoup au
STRMTG. Ce dernier vient d'être retenu comme « organisme
notifié » aux côtés de son homologue allemand,
dans le cadre de cette directive.
A un moment où, on va le voir, l'évolution du marché du
ski incitera les opérateurs à moderniser le parc des
remontées mécaniques pour apporter à la clientèle
plus de sécurité et de confort, cette constatation d'une
réglementation intégrée et adaptée est rassurante.
S'il est concevable que la procédure liée à la
première autorisation puisse faire l'objet d'un allègement, car
les constructeurs livrent du matériel conforme aux normes, -et la
directive européenne viendra leur rappeler-, il faut insister sur le
fait que la réglementation française doit être maintenue.
C. L'ÉVOLUTION DU MARCHÉ TOURISTIQUE
Au moment où l'on s'interroge sur l'opportunité d'apporter
quelques retouches à la « Loi Montagne » et
notamment à ses dispositions dans le domaine du tourisme, il
paraît s'imposer de se livrer à un exercice de prospective sur ce
que représente, en termes de marché, donc de clientèle,
l'activité qu'induit l'exploitation de l'espace montagnard.
Ce marché a considérablement évolué. On est loin de
cette forme de tourisme née du thermalisme et du climatisme de montagne
vers 1850 ou même de la création des stations de sports d'hiver
dites de la première génération, juste avant et surtout
après la seconde guerre mondiale. Aux stations pieds dans la neige
succèdent les stations ski aux pieds, puis les stations dites
intégrées. L'offre de lits et d'équipements est
alimentée par une demande quasi exponentielle, et l'on peut s'interroger
sur le nombre et la capacité de nos sites à accueillir cette
clientèle de masse. Croissante depuis des décennies, elle a
représenté 195 millions de nuitées pour la campagne
1997-1998 et paraît se situer désormais à ce niveau. Ce
chiffre, suivant les données rassemblées par le Service d'Etudes
et d'Aménagement Touristique de la Montagne (SEATM) se décompose
ainsi : 2/3 pour le tourisme d'été, dont 1/3 en station, 2/3
en secteur diffus, 1/3 soit 65 millions de nuitées en hiver
essentiellement en stations, dont 2/3 dans les Alpes du Nord qui
représentent 75 % du chiffre d'affaires des remontées
mécaniques, dont 50 % sont à l'actif de 14 stations.
Le Commissariat au Plan a confié au groupe de prospective de la demande
touristique à l'horizon 2010 la mission d'éclairer pouvoirs
publics et professionnels sur les grandes tendances de celle-ci. On en
retiendra :
- une contraction du marché des sports d'hiver, la demande
étant à peu près stabilisée. Les sports de glisse
seront concurrencés par des pratiques « plus
douces ». L'évolution démographique de l'Europe
conforte cette analyse, moins de 8,5 millions de moins de 64 ans,
ceux qui pratiquent le ski, plus de 7,7 millions de plus de 65 ans
davantage attirés par ces « pratiques douces ». Les
données pour la France sont légèrement différentes.
En 2010, les plus de 60 ans y seront aussi nombreux que les moins de
20 ans. En 2020, ils constitueront 27 % de la population, et les
moins de 20 ans 22,7 % ;
- un retour à des valeurs essentielles du tourisme, à
travers un mouvement lent, pour des formes de vacances plus familiales, moins
longues, plus réparties dans l'année (surtout avec les
conséquences, à peine décryptées aujourd'hui, de la
réduction du temps de travail), sans doute moins sportives en termes de
performances, mais tout aussi actives, ou du moins génératrices
d'émotions et de sensations agréables (il s'agit de plus en plus
d'être, et pas seulement de faire) ;
- une concurrence des marchés européens proches, qui
conserveront probablement leur clientèle autochtone ;
- une recherche du confort immobilier familial, un urbanisme de stations
moins citadines, une garantie de sécurité non seulement des
remontées mécaniques mais aussi des pistes, une
préférence pour les interconnexions des massifs skiables, la
certitude de trouver à tout moment de la haute-saison une neige de
qualité et, hors le moment du ski, des animations intelligentes,
d'autant que le client ne peut encore exiger du soleil sur commande.
Déjà, l'étude SEMA-METRA de 1988 révélait
que le marché français pour les vacances de sports d'hiver
entrait dans sa phase de maturité. Désormais il s'y trouve. Le
«Carnet de Route de la Montagne » guide méthodologique
2001 réalisé par le SEATM et l'AFIT, reprenant une étude
de Cofrema-Sociovision de 1999, qui actualisait une première
étude de 1992, confirme et précise ces tendances.
Le tourisme estival en montagne, qui s'adresse au secteur diffus, recherche une
diversité d'activités. Sa demande, moins spécifique, exige
moins d'investissements lourds et une variété
d'équipements de loisirs. Le tourisme d'été en montagne
demeure un tourisme traditionnel, lié aux vacances scolaires plus qu'aux
données climatiques. Il n'est pas sûr que l'étalement des
vacances, dont on ne parle plus guère, apporte des changements dans le
comportement de la clientèle. Pour les opérateurs des grandes
stations de sport d'hiver, la saison estivale ne constitue pas encore un
appoint indispensable, mais elle tend à devenir une condition de survie
de nombreux sites, surtout en moyenne montagne, quand leurs atouts hivernaux
s'avèrent modestes face aux exigences croissantes des clients.
C'est bien le tourisme hivernal, et ses grandes tendances, qui dictera la
stratégie des grandes stations françaises de sports d'hiver, mais
on peut s'interroger sur ce positionnement singulier en Europe, la plupart des
grandes stations étrangères ayant une activité
significative en été.
Le contexte dans lequel la « Loi Montagne » avait
été votée, et celui dans lequel elle a été
appliquée, ont connu un certain nombre de mutations, d'abord en raison
des propres effets de la loi, ce que cherchait le législateur, ensuite
du fait que la montagne, espace géographique habité et espace
d'activité, ne pouvait qu'être concernée par la mise en
oeuvre de politiques globales ou sectorielles s'appliquant à l'ensemble
du territoire. Notre société, enfin, a enregistré des
modifications dans ses comportements, et sa consommation de loisirs
présente des caractéristiques nouvelles. Même les
changements à l'échelle de la décennie sont perceptibles.
Ceci incite les pouvoirs publics à demeurer attentifs à ces
signes, s'ils veulent que tout dispositif législatif demeure en phase
avec son environnement. L'efficacité de la « Loi
Montagne » ne saurait échapper à cette règle. En
outre, ce qui, en termes d'organisation administrative voire politique, se
concevait difficilement et, par conséquent, ne pouvait être mis en
oeuvre il y a un quart de siècle devient désormais possible et
même souhaitable. Les institutions, elles aussi, évoluent.
Ce sont ces considérations qui sous-tendent les propositions
présentées de réforme de la « Loi
Montagne » dans le domaine de l'aménagement touristique.
D. LE DROIT À L'EXPÉRIMENTATION
Les orientations gouvernementales, d'inspiration décentralisatrice,
ouvrent des perspectives au profit des collectivités territoriales
candidates à l'exercice d'un droit à l'expérimentation. La
politique de la montagne, et tout particulièrement celle relative
à son aménagement touristique, se prêteraient
aisément à cette démarche, à condition, bien
entendu, que les exécutifs locaux le souhaitent.
Divers arguments militent en faveur de l'exercice de ce droit.
En premier lieu, la « Loi Montagne » a créé
une dynamique à partir d'une démarche fortement
centralisée. La directive montagne réservait les décisions
concernant les UTN au niveau ministériel. La loi du 9 janvier 1985
déconcentre celles-ci dans les mains du préfet coordonnateur de
massif, mais institue un droit à la consultation au profit du
comité de massif, ce qui implique déjà les
collectivités territoriales, dont des élus participent à
l'exercice des attributions de ces organismes. Les conseils régionaux,
par les contrats de plan, participent à l'effort financier en faveur des
stations. La prochaine étape, qui laisserait une place plus grande
à la décentralisation, s'inscrirait dans cette évolution.
Il s'agit, en second lieu, d'une politique sectorielle, géographiquement
parlant. Ceci encadre la portée de l'expérimentation et
atténue les effets qu'une administration centrale hésitante
pourrait redouter d'une extension. Il convient d'ajouter que les mesures
spécifiques déjà largement mises en oeuvre au profit de
l'économie montagnarde n'ont pas provoqué de demandes
reconventionnelles au profit d'autres parties du territoire. La contagion
à partir des dispositions objet de l'expérimentation
représente donc un risque mineur.
Les différents massifs répartis sur notre territoire sont
à la fois intrinsèquement homogènes et suffisamment
différenciés entre eux. On peut ainsi escompter que
l'expérimentation, conduite simultanément dans plusieurs massifs,
suivant des modalités qui seraient propres à chacun, et pour des
champs de compétence à géométrie variable,
donnerait à cette expérimentation une incontestable richesse.
Enfin, la « Loi Montagne », ce qui demeure encore
exceptionnel dans notre système administratif, a fait l'objet d'une
évaluation. La méthodologie que l'instance qui en a
été chargée a dû élaborer, avec les
tâtonnements inhérents à ce type de démarche, ne
pourra que servir à celle qu'impliquera l'expérimentation. Quant
aux conclusions auxquelles elle a abouti, elles constitueront une base
pertinente pour fonder utilement la nouvelle procédure
d'évaluation.
E. LE TRAITEMENT DIFFÉRENCIÉ DE LA HAUTE MONTAGNE ET DE LA
MOYENNE MONTAGNE
La politique de la montagne a été fondée sur un zonage
auquel était lié un système d'aide. La procédure
UTN est venue se calquer sur ce zonage. On a vu combien le développement
du tourisme hivernal a entraîné une disparité dans les
capacités d'accueil et d'équipement en remontées
mécaniques des stations. Si, d'après le classement de Jacky
Herbin, cité par l'instance d'évaluation (rapport p. 336),
la zone de montagne compte 4.122 communes, 826 n'ont aucune
activité touristique, 1.184 ne connaissent qu'un tourisme
d'été, 1.772 offrent un faible tourisme d'hiver,
340 communes sont caractérisées par un tourisme d'hiver
développé et 22 communes supportent les grandes stations
alpines.
Quant à la procédure UTN, elle a concerné pour les 2/3 les
Alpes du Nord, 48 % des dossiers instruits intéressaient la zone de
haute montagne, moins de 8 % de la superficie de l'ensemble de la montagne
française. Enfin, la réalisation des projets autorisés
accusait, en 1994, un taux de consommation faible (77 % pour les Alpes du
Nord, 46 % pour le massif Central, 43 % pour le Jura, 35 % pour
les Alpes du Sud et 30 % pour les Pyrénées).Si l'on doit
tirer de cette constatation une conséquence, c'est que les massifs tels
que le Massif Central, le Jura, les Vosges ne peuvent être traités
comme les Alpes ou les Pyrénées.
Aussi, la proposition qui est faite est de suspendre l'application de la
procédure des Unités Touristiques Nouvelles dans le massif
Central, le Jura et les Vosges, dès lors que les projets qui devraient
lui être soumis intéressent des communes disposant d'un plan
d'occupation des sols approuvé ou désormais d'un plan local
d'urbanisme. Lorsqu'un projet concernerait plusieurs communes, cette dispense
reposerait sur l'adoption d'un schéma de cohérence territoriale.
Mais la procédure des Unités Touristiques Nouvelles comporte une
disposition intéressante qu'il serait sans doute dommage d'abandonner
même en moyenne montagne : l'évaluation économique du
projet, y compris dans le cas où il ne prévoit pas de mobiliser
des fonds publics. Ce volet de la procédure a certainement permis de
limiter le développement de « friches
touristiques », c'est à dire d'hébergements ou
d'équipements prématurément abandonnés faute de
rentabilité de leur exploitation. Le paysage étant un capital
précieux et fragile de la moyenne montagne, tout ce qui peut
éviter de l'endommager inutilement doit être
préservé, d'autant que de nombreuses aides, nationales ou
européennes, poussent à des investissements sans garantie
suffisante de la pérennité du fonctionnement.
Pour assurer cette évaluation économique du projet, deux mesures
peuvent être suggérées. La première porte sur les
compléments d'information des dossiers de permis de construire
d'équipements touristiques qui seraient dispensés d'autorisation
de création d'une Unité Touristique Nouvelle, de façon
à ne pas abandonner l'approche financière que comportait une
telle autorisation. Ainsi l'autorité délivrant le permis de
construire pourrait s'entourer de l'avis d'un expert en l'occurrence le
trésorier payeur général, ou faire
référence, le cas échéant, à la convention
telle qu'elle est prévue à l'article 42 de la
« Loi Montagne » qui, elle, intègre les
considérations économiques. La seconde, qui suppose une
intervention législative conduirait à l'instauration d'une
caution couvrant les frais de démolition en cas d'arrêt
prolongé de l'exploitation pour éviter des friches touristiques.
Ce dispositif se rapprocherait de celui du code minier pour la remise en
état des carrières et des gravières en fin
d'exploitation.
F. LA PROCÉDURE DES UTN SERAIT MAINTENUE DANS LA HAUTE MONTAGNE
DES ALPES, DES PYRÉNÉES ET DE LA CORSE
La moyenne montagne de ces massifs serait traitée comme celle des
massifs dispensés de cette procédure, à moins que les
projets intéressent, par leur implantation ou leurs perspectives de
développement, à la fois la haute et la moyenne montagne, auquel
cas ils relèveraient de la procédure UTN.
Reste à définir ce qu'est la haute montagne des Alpes, des
Pyrénées et de la Corse. Cette approche devrait être
réaliste, et non technocratique. Elle pourrait faire l'objet d'une
délimitation par le truchement des prescriptions particulières,
ce qui permettrait de disposer de critères adaptés à
chaque massif. L'altitude, la notion de compensation des handicaps naturels
(ayant conduit à fixer à 1.300 m la limite entre haute et
moyenne montagne en agriculture), les difficultés d'accès et de
liaisons pour des domaines skiables en réseau pourraient entrer en ligne
de compte dans cette approche. Une procédure de délimitation
à laquelle serait associé le Conseil régional serait
conforme à l'esprit de décentralisation qui devrait
désormais inspirer cet élément de la politique de la
montagne que représente son aménagement touristique.
G. UNE AVANCÉE DE LA DÉCENTRALISATION : LE TRANSFERT
DE COMPÉTENCE DU PRÉFET DE MASSIF À UN EXÉCUTIF
LOCAL EN MATIÈRE D'UTN
La « Loi Montagne », par la création des
comités de massifs, était parvenue à en faire un lieu
d'échange et un interlocuteur auprès des conseils
régionaux. Ces derniers ont pu, ainsi, bénéficier d'une
approche particulière et peut-être privilégiée des
problèmes que posent ces espaces, aisément identifiables au sein
du territoire régional. Depuis au moins trois contrats de plan, les
massifs figurent comme interlocuteurs pour la définition et la mise en
oeuvre de programmes Des lignes de crédit ont été
individualisés. On peut penser que les assemblée
régionales ont acquis une sensibilité aux problèmes de
leurs massifs montagnards. Il existe une prise de conscience régionale
de la spécificité de ceux-ci.
Ces divers éléments, qui révèlent une
transformation des mentalités des élus régionaux, incitent
à suggérer, comme cela avait été ressenti lors des
discussions sur les lois de décentralisation, que des compétences
passent des mains du représentant de l'Etat dans celles du
Président du Conseil régional, la déconcentration au
profit du préfet ayant constitué une sorte de transition. La
procédure des unités touristiques nouvelles se prête bien
à ce transfert, dès lors que textes et pratique balisent
désormais la matière, et que les grands projets paraissent se
raréfier. L'expérimentation trouverait là un excellent
terrain d'intervention.
Dans l'hypothèse où un projet intéresserait deux
régions, il devrait être sanctionné par un
arrêté conjoint des deux présidents (Alpes et
Pyrénées).
Les services de l'Etat seraient, en tant que de besoin, mis à
disposition de l'exécutif régional, pratique que la
décentralisation a largement encouragée.
Resterait, bien entendu, au représentant de l'Etat le contrôle de
légalité de droit commun.
Le département des Pyrénées-Atlantiques pourrait faire
l'objet d'un statut particulier, dans la mesure où la région
Aquitaine ne comporte pas d'autre espace de montagne, où ses stations de
montagne ne sont ni reliées, ni connectables à celles des
Hautes-Pyrénées, et où le Conseil Général
des Pyrénées-Atlantiques est fortement impliqué dans
l'équipement et le fonctionnement des stations. Ainsi, le
président du Conseil Général des
Pyrénées-Atlantiques deviendrait l'autorité chargé
de décider la suite à donner aux demandes d'autorisations de
création d'unités touristiques nouvelles sur le territoire de ce
département.
L'Andorre développe une offre touristique tellement concurrentielle
contre les Pyrénées françaises qu'il serait sans doute
opportun d'inciter l'Ariège (et donc la Région
Midi-Pyrénées) et les Pyrénées-Orientales (et donc
la Région Languedoc-Roussillon) à coordonner ceux de leurs
projets touristiques en montagne qui entrent dans le champ de la concurrence de
l'Andorre. Or la structure de coordination existe : la
Confédération Pyrénéenne du Tourisme, regroupant
notamment les 3 Régions (Aquitaine, Midi-Pyrénées,
Languedoc-Roussillon). On peut penser que la nouvelle responsabilité
confiée aux Régions Languedoc-Roussillon et
Midi-Pyrénées, si elles l'acceptent, les conduirait naturellement
à recourir à cet outil et à rechercher cet objectif.
On peut enfin souligner que le transfert de compétence du préfet
de la région Corse au président de la Collectivité
Territoriale ne ferait que consacrer un état de fait, l'Etat n'ayant pas
mis en place en Corse les structures prévues par la « Loi
Montagne ».
H. UNE CONDITION À CE TRANSFERT : L'ADOPTION PAR LA
RÉGION DE PRESCRIPTIONS PARTICULIÈRES DE MASSIF
La « Loi Montagne » avait permis l'élaboration et
l'adoption de ce document, d'autant qu'avec sa promulgation, avaient
été supprimés les Plans Pluriannuels de
Développement Touristique. « L'instance
d'évaluation » avait regretté ce vide
méthodologique, qui explique que la procédure UTN soit
restée une procédure d'urbanisme et de protection plus que
d'aménagement. La décentralisation du processus de
décision, en impliquant davantage les élus, légitimerait
ce préalable dont les pouvoirs publics et, sans doute, les
opérateurs tireront le meilleur profit, en termes de clarté des
choix et de sécurité des procédures. En effet, cet outil
de planification puiserait sa force juridique dans le recours à
l'article L. 145-7 /I / 3 du code de l'urbanisme (article 68 de la
« Loi Montagne ») qui prévoit qu'un décret en
Conseil d'Etat viendrait sanctionner ces prescriptions. On peut penser que les
conditions de leur élaboration, la publicité qui les entourerait
et la garantie d'un accompagnement technique par les services de l'Etat, avant
l'aval par le Conseil d'Etat, préviendraient tout contentieux
intempestif.
En conclusion, au vu d'un bilan somme toute positif, la politique de la
montagne supporterait aisément désormais les aménagements
proposés. Ils ne remettraient pas en cause un acquis dont les
gouvernements successifs ne peuvent qu'être satisfaits dans la protection
des équilibres, l'économie des espaces et la constitution d'un
domaine skiable remarquable. Bien au contraire, par un recours original et
novateur à la dynamique de la décentralisation, cette politique
trouverait un nouveau souffle, en même temps que seraient gommées
les quelques faiblesses ou imperfections qu'un quart de siècle
d'application ont pu faire apparaître ou accentuer, dans
l'émergence d'une appréhension globale et prospective du
développement de la montagne.
II. LES REMONTÉES MÉCANIQUES, APPAREILS DE TRANSPORTS PUBLICS
DE VOYAGEURS : INTÉRÊT ET PORTÉE DE CETTE
QUALIFICATION
A. LES REMONTÉES MÉCANIQUES FONT L'OBJET, EN DROIT
FRANÇAIS, D'UN STATUT PARTICULIER, NÉ D'UN ENSEMBLE
LÉGISLATIF ET RÉGLEMENTAIRE PROGRESSIF ET
DIVERSIFIÉ.
Peuvent, notamment, être cités les textes suivants :
- la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 dite
« loi d'orientation des transports intérieurs » ou
« LOTI » ;
- la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au
développement et à la protection de la montagne, dite
« Loi Montagne » ;
- la loi n° 2002-3 du 3 janvier 2002, relative à la
sécurité des infrastructures et systèmes de transport, aux
enquêtes techniques après événements de mer,
accident ou incident de transport terrestre ou aérien et au stockage
souterrain de gaz naturel, d'hydrocarbures et de produits chimiques, dite
« loi SIST » ;
- les dispositions du code de l'urbanisme et spécialement les
articles L. 145-3 et R. 145-10, L. 445-1 à 445-4 et
R. 445-1 à R. 445-16.
B. EN LES ÉLABORANT, LES POUVOIRS PUBLICS ENTENDAIENT POURSUIVRE
TROIS OBJECTIFS :
- l'organisation et la sécurité des transports ainsi
assurés par ces engins. Les remontées mécaniques sont
toutes reconnues comme des appareils de transports publics, quels que soient
leurs usages effectifs : véritable
« remontée » dédiée au ski et autres
activités de glisse, ou transports urbains par câble pouvant
être sans rapport avec le ski. L'article 43 de la « Loi
Montagne » reprend une disposition qui figurait déjà
dans la loi relative aux transports publics de voyageurs d'intérêt
local du 19 janvier 1979 ;
- l'intégration de ces équipements dans l'aménagement
touristique de la montagne, qui englobe, comme l'indique l'article 42 de
la « Loi Montagne » « l'aménagement
foncier et immobilier, la réalisation et la gestion des
équipements collectifs, la gestion des services publics, l'animation et
la promotion » ;
- la préservation des terrains nécessaires au maintien et au
développement des activités agricoles, pastorales et
forestières et la protection de l'environnement, la loi
n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation d'aménagement
durable étant venue modifier la « Loi Montagne ».
C. DEUX PROCÉDURES ONT ÉTÉ PRÉVUES POUR
ATTEINDRE CES OBJECTIFS, QUI S'APPLIQUENT SPÉCIFIQUEMENT AUX
REMONTÉES MÉCANIQUES :
- celle des Unités Touristiques Nouvelles (UTN), issue de la
« directive Montagne de 1977 » reprise dans la
« Loi Montagne » de 1985, dont les dispositions ont
été intégrées dans le code de l'urbanisme. Elle
vise les équipements « en site vierge de tout
équipement, aménagement ou construction » et
« l'extension ou le renforcement significatif des remontées
mécaniques » (article L. 445-1 à L. 445-9 du
code de l'urbanisme) ;
- celle des articles L. 445-1 à 445-4 et R. 445-1 et
445-2 du code de l'urbanisme qui impose, qu'il y ait ou non autorisation de
création d'une UTN, une double autorisation préalable à la
réalisation des remontées mécaniques, la première
avant les travaux de construction, la seconde avant la mise en exploitation.
D. L'UNE ET L'AUTRE PERMETTENT À L'AUTORITÉ QUI INSTRUIT
LES DEMANDES DE CONSTRUCTION DE VÉRIFIER SI LES CARACTÉRISTIQUES
PRINCIPALES DU PROJET RESPECTENT :
- plus généralement « la mobilisation
simultanée et équilibrée des ressources disponibles en vue
d'une valorisation des aptitudes aux productions agricoles, forestières,
artisanales, industrielles et énergétiques, la diversification
des activités économiques et le développement des
capacités d'accueil et de loisirs nécessaires à la
promotion du tourisme, du thermalisme et du climatisme .., la protection des
équilibres biologiques et écologiques, la préservation des
sites et des paysages, la réhabilitation du bâti existant et la
promotion du patrimoine culturel »...(article 1 de la
« Loi Montagne »). Les infrastructures liées aux
remontées mécaniques et surtout les pistes qu'elles desservent
sont effectivement consommatrices d'espaces. La procédure UTN doit
répondre à cette préoccupation.
- les servitudes publiques, la prise en compte des règles
d'urbanisme et en particulier celle des risques naturels spécifiques,
prévue dans la « Loi Montagne » en son
article 78. Telle est la finalité de l'autorisation
préalable à la construction des remontées
mécaniques ;
- enfin, plus précisément, les règles techniques de
sécurité propres aux remontées mécaniques. Par les
autorisations de mise en exploitation, l'administration relevant du
ministère en charge des transports, qui doit obligatoirement donner un
avis -qui lie le maire-, s'attache à contrôler que les engins ont
été correctement montés et vérifiés,
conformément aux spécifications techniques du projet
autorisé, à la réglementation technique et de
sécurité en vigueur, en plus du respect de règles
d'urbanisme et des servitudes publiques. L'intervention de l'administration
d'Etat, à ce point précis de la procédure, est
fondée sur l'application aux remontées mécaniques de la
réglementation née de la LOTI, même si cette
dernière distingue les remontées mécaniques assurant un
transport régulier de personnes qui ne soit pas uniquement touristique
ou sportif (funiculaires de Montmartre, de Fourvière ou
téléphérique de Grenoble) et les autres. Ces
dernières, certes, ne sont concernées que par les dispositions
des articles 1, 5 et 6, du paragraphe III de l'article 7, des
articles 9, 14, 16 et 17 de la LOTI.
E. QUEL EST L'INTÉRÊT DE CE CLASSEMENT DES REMONTÉES
MÉCANIQUES « TOURISTIQUES ET SPORTIVES » PARMI LES
MODES DE TRANSPORTS PUBLICS, QUI JUSTIFIE CETTE PROCÉDURE EXCEPTIONNELLE
DONT ON A VU LA RELATIVE COMPLEXITÉ ? PEUT-ON S'AFFRANCHIR, ET
JUSQU'À QUEL POINT, DE LA RÉGLEMENTATION QU'INDUIT CETTE
CLASSIFICATION ?
Trois considérations viennent éclairer la réponse à
apporter.
1. Le législateur ne peut éluder l'aspect
sécurité des transports, qu'il considère
traditionnellement comme relevant du domaine régalien. On ne saurait
contester la compétence de l'Etat en la matière, ni sa
capacité à réglementer, ni l'importance qu'il attache
à cette obligation. Ceci n'interdit pas que ce champ de la
sécurité puisse être partagé. En l'occurrence, il
l'est, puisque, d'une part, les communes, et, dans certaines situations
antérieures à la « Loi Montagne », les
départements se sont vu confier le service des remontées
mécaniques. Ces collectivités les exploitent en régie ou
par un système de conventionnement (articles 46 et 47 de la
« Loi Montagne »). D'autre part, si, en application du code
de l'urbanisme, le maire, autorité décentralisée, est
compétent pour accorder les deux autorisations, dès lors qu'il
l'est pour la délivrance du permis de construire, il ne peut le faire
que sur avis conforme du préfet. Le représentant de l'Etat dans
le département demeure le seul compétent pour arrêter le
règlement de police, le règlement d'exploitation particulier et
le plan de sauvetage (circulaire n° 88-63 du 25 juillet 1988).
En outre, si cet avis peut être tacite pour la première
autorisation, il doit être exprès pour la seconde. Ainsi, les
pouvoirs publics ont-ils voulu verrouiller un dispositif dont on ne puisse
contester ni la légitimité ni l'efficacité.
2. L'Etat s'est d'ailleurs donné les moyens de cette politique en
organisant deux services spécialisés, le premier,
interministériel, le Service d'Etudes et d'Aménagement
Touristique de la Montagne (SEATM), est plus spécialement orienté
vers les problèmes économiques et sociaux de l'équipement
de la montagne à des fins de loisirs, le second, le Service Technique
des Remontées Mécaniques et des Transports Guidés
(STRMTG), est le seul habilité à donner son avis au préfet
sur la sécurité des installations. Le premier est localisé
à Challes-les-Eaux, près de Chambéry, le second à
Saint-Martin-d'Hères, près de Grenoble. L'un et l'autre disposent
d'antennes par massif, ce qui leur permet d'assurer une déconcentration
suffisante dans l'instruction des dossiers. C'est au STRMTG que l'on doit un
règlement national des remontées mécaniques
arrêté en 1989. Le seul autre règlement qui soit aussi
complet est celui adopté en Suisse, mais il présente le handicap
d'être plus ancien. Le règlement français fait
autorité dans l'Union Européenne et même au-delà.
Faut-il préciser que le parc des remontées mécaniques
français place notre pays au premier rang mondial (15 % du parc,
par le nombre d'engins). Il a enregistré 635 millions de passages
durant la campagne 2000-2001. Par rapport à un trafic de cette
importance, ont été constatés 6 accidents mortels en dix
ans, alors que, durant cette même période,
420 décès liés à la pratique du ski proprement
dite sont à déplorer.
3. Il ne faut donc pas s'étonner que le «modèle
français » soit devenu une référence
européenne, que la récente qualification du STRMG ne pourra que
conforter. La présidence autrichienne de l'Union a mis à profit
sa présence à la tête de la Commission pour faire adopter
la directive 2000/9/CE du 20 mars 2000 relative aux installations à
câble transportant les personnes (elle n'utilise pas la formule du
transport public). La France a largement contribué à sa
rédaction. Cette directive applicable au 3 mai 2002 sera
obligatoire le 3 mai 2004. Ceci ne devrait pas soulever de
difficultés significatives dans notre pays, qui a déjà
largement intégré l'ensemble des dispositions qu'elle contient.
En outre, le STRMTG sera dans quelques semaines l'un des deux
« organismes notifiés » au titre de
l'article 16 de cette directive, aux côtés du cabinet
allemand TÜV. Cette prééminence française n'est sans
doute pas étrangère à l'installation de bureaux
d'études à Modane par le constructeur Doppelmayr et à
Montmélian par le constructeur Leitner.
Cette immixtion, prévisible, de l'Union Européenne dans la
sphère ses réglementations nationales ne concerne que les
constituants des remontées mécaniques, cabines, câbles,
pinces etc. Il ne s'agit pas d'une directive d'installation, domaine qui
demeure de la compétence nationale. Mais l'existence de deux
réglementations connexes, par une sorte de dynamique, rencontrée
dans d'autres secteurs, amènera, à terme, à constater la
prévalence des textes communautaires.
De ces considérations, il convient de tirer quatre conclusions :
1. La remise en cause de la réglementation française, au nom
d'une recherche de la simplification administrative, ne s'impose pas. Elle ne
présente même pas de légitimité. Elle a
qualifié toutes les remontées mécaniques comme transports
publics de personnes alors que la directive européenne n'utilise pas le
terme transport public -même si une harmonisation européenne du
concept de remontée mécanique devait conduire à ne plus
considérer comme transports de personnes certaines remontées
mécaniques, comme les téléskis (et rien ne permet
actuellement de prédire une telle évolution), tout militerait
pour une réglementation sui generis, qui ne pourrait que s'inspirer
fortement de celle qui existe et qui a fait ses preuves.
2. Les critères conduisant à exonérer certains
aménagements de remontées mécaniques dans des domaines
skiables déjà équipés pourraient être revus,
du fait de la prise en compte, mieux établie désormais par les
collectivités locales, de stratégies d'aménagement
fondées sur l'unité du domaine skiable et la mise en
réseau des remontées et des pistes. De ce point de vue, le
relèvement des seuils financiers des investissements, que les
opérateurs ont accueilli avec satisfaction, n'est sans doute pas un
élément déterminant dans l'allègement
souhaité des procédures. Ce qui importerait, semble-t-il, ce qui,
à coup sûr, serait plus pertinent, serait plutôt la mesure
de la capacité d'un domaine skiable à accueillir l'accroissement
des skieurs que déverseront des remontées mécaniques plus
performantes. La référence à cette notion
d'acceptabilité du nombre des skieurs par l'ensemble des pistes
connectées comme les réseaux des engins rendrait encore moins
pertinent le recours à la valeur de l'investissement l'un des deux
critères aujourd'hui retenu.
3. Il ne serait pas déraisonnable de concevoir un allègement
des procédures, à tout le moins un assouplissement dans la
confection des dossiers destinés à la demande d'autorisation de
construction. La soumission pure et simple de celle-ci à la
formalité du permis de construire, sur lequel porte le contrôle de
légalité constituerait une réforme à la fois
significative et suffisamment encadrée. S'ajouterait à cette
disposition le bénéfice de celles de l'article R. 421-1 du
code de l'urbanisme qui prévoit qu'un certain nombre d'ouvrages
n'entrent pas dans le champ d'application du permis de construire.
4. Les éléments suivants conforteraient cette
orientation :
- la saturation relative du marché, en raison de la densité
actuelle du parc de remontées mécaniques. Les investissements
tendent à l'accroissement des capacités et des débits et
à l'amélioration du confort des skieurs, plus qu'à
l'augmentation du nombre d'engins, comme l'indique le tableau
ci-après ;
- la concentration des organismes constructeurs comme des cabinets
d'études spécialisées, les uns et les autres ayant
intégré remarquablement la législation et la
réglementation nationales ;
- la spécificité de l'aménagement des domaines
skiables par rapport à d'autres aménagements comme les lignes
électriques, n'est pas telle qu'elle justifie une procédure
particulière, analogue au permis de construire, mais différent de
lui, notamment quant à la nature des travaux exonérés du
permis de construire (supports, terrassements, petits bâtiments). Cette
particularité exige une compétence particulière des
agents, en collectivités territoriales ou dans les services
déconcentrés de l'Etat, en plus de celle indispensable au permis
de construire stricto sensu, et elle peut être source de confusion, et
donc de surcoûts administratifs ;
- si l'on estime indispensable d'inciter les maîtres d'ouvrage
à se prémunir contre un permis de construire
délivré pour un projet qui s'avèrerait inacceptable au
niveau de l'autorisation d'exploitation, il suffit de prescrire que
l'instruction de la demande de permis de construire doit comporter la
consultation du service de contrôle des remontées
mécaniques, comme c'est le cas de nombreux établissements
industriels ou agricoles : la règle générale
consistant à associer à l'instruction du permis de construire le
service qui sera chargé de contrôler la future installation
paraît rendre inutile une procédure particulière, surtout
dans un contexte de décentralisation croissante.
Enfin, il convient de soulever peut être d'une manière accessoire
que l'assimilation favorisée par la « Loi Montagne »
(et notamment son usage du terme « remontées
mécaniques ») de toutes les remontées mécaniques
à des équipements touristiques, si elle ne soulève pas de
difficultés d'application aujourd'hui pourrait demain
révéler son caractère artificiel et générer
des conflits de compétence entre différentes autorités
organisatrices.
La lisibilité de cette distinction est faible pour un non-initié,
et le STRMTG a des difficultés à trier, dans les statistiques
officielles, ce qui concerne les remontées dédiées au ski
ou à des loisirs assimilés, et les autres. On comprend mal
pourquoi un système de transport en commun en zone de montagne est, a
priori, un équipement touristique s'il utilise un câble
(téléporté ou funiculaire) et un transport urbain s'il
comporte des roues (autobus ou tramways), alors qu'en dehors de la zone de
montagne tout transport de personne à câble est
considéré a priori comme transport urbain, s'il ne s'agit pas
d'un manège de parc d'attractions.
Deux exemples permettent de mieux comprendre le caractère artificiel de
cette distinction, qui semble vouloir confiner la technologie des transports
à câble dans l'équipement des domaines skiables :
- des stations, telle La Plagne, ont développé un
véritable réseau de transports urbains à câble
reliant les différents pôles d'urbanisation. Des projets sont en
cours dans d'autres, et une telle stratégie, si elle facilite
naturellement les liaisons entre les hébergements touristiques et les
domaines skiables, favorisent aussi une diversification des activités
économiques et l'installation d'emplois non saisonniers, notamment
tertiaires, dans des ensembles urbains d'une taille supérieure à
bien des villes-préfectures, mais jusque là dépourvues de
services publics de transports fonctionnant toute l'année et pas
seulement pendant l'ouverture des pistes de ski ;
- un ascenseur reliant une vallée à un domaine skiable n'a
souvent pas de « ski propre », c'est-à-dire
qu'aucune piste régulièrement entretenue ne relie la gare
supérieure et la gare inférieure. Un tel équipement a
vocation à être intégré dans le réseau de
transports urbains ou intercommunaux comme les autobus qui ont les mêmes
fonctions.
Les caractéristiques communes de tels équipements semblent
être d'une part l'utilisation dans les deux sens (à la
montée comme à la descente) et d'autre part une alternative
à un transport traditionnel par bus : ils ont vocation à
relever des autorités organisatrices des transports urbains ou
interurbains, et non de l'autorité organisatrice du développement
touristique.
Inversement, les remontées mécaniques à finalité
essentiellement touristique ou de loisirs doivent rester dans le champ de
compétence de l'autorité organisatrice du tourisme, même si
elles sont situées dans le périmètre de transports urbains
d'une agglomération ou dans une station déjà desservie par
le réseau de transports en commun de l'agglomération, alors que
ces circonstances pourraient conduire l'autorité organisatrice des
transports urbains à réclamer la maîtrise de tout
équipement qualifié de transport public de personnes au
détriment de l'autorité organisatrice du tourisme.
Un tel reclassement des transports publics de personnes en espace de montagne,
non pas par la technologie (câbles ou roues), mais par la
finalité, ne concernerait qu'un petit nombre de remontées
mécaniques mais de grandes dimensions unitaires. Il n'aurait aucun effet
sur les procédures de contrôle relevant du STRMTG ni donc sur les
exigences de sécurité. Il favoriserait d'une part la synergie
entre les différents modes de transports en commun et d'autre part le
maintien du système de pilotage du produit touristique global. Il
ouvrirait de nouvelles possibilités de financement de transports
à câbles comme transports urbains (subventions, taxe sur les
salaires permise par un périmètre de transports urbains) sans
pour autant empêcher la contribution de l'exploitant du domaine skiable
au financement d'un transport urbain par l'intermédiaire de la
convention de l'article 42, de même que des exploitants de domaines
skiables sont chargés de l'exploitation de transports urbains par bus ou
autobus ou contribuent à des aménagements d'une route nationale
à plusieurs dizaines de kilomètres de la commune organisatrice du
tourisme. En dernier lieu, ce reclassement exonérerait sans
ambiguïté de la procédure UTN tous les équipements
qualifiés de transports urbains.
Enfin, et pour être complet, il faut signaler la volonté de
l'Union Européenne de s'intéresser au financement des
remontées mécaniques. On a vu que la Commission avait
intitulé sa directive 2000/9/CE du 20 mars 2000
« directive relative aux installation à câble
transportant les personnes ». Au delà de la sémantique,
ceci signifie que les remontées mécaniques touristiques ne sont
pas des moyens de transports publics de voyageurs. Elles ne devraient donc pas
être subventionnées. Elle vient de le rappeler au gouvernement
italien (invitation à présenter des observations 2001/C27/08).
III. LES CONVENTIONS D'AMÉNAGEMENT TOURISTIQUE : APPLICATION DES
LOIS « MONTAGNE » ET « SAPIN »
L'article 42 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, dite
« Loi Montagne » confie l'organisation
125(
*
)
des opérations touristiques
à la commune territorialement compétente, ou un groupement de
communes ou un syndicat mixte regroupant des collectivités locales
auquel cette commune aurait explicitement délégué cette
compétence
126(
*
)
.
Il distingue deux formules : la régie et la passation d'un contrat
avec un ou des opérateurs.
Cette disposition est assez originale, pour ne pas dire unique dans l'ensemble
des droits européens. On peut, en effet, s'interroger sur ce rôle
ainsi donné aux collectivités territoriales, aux
privilèges accordés à leurs régies, lorsque l'on
considère les contraintes imposées aux autres opérateurs,
c'est à dire au secteur privé ou, autre exception
française, aux sociétés d'économie mixte.
Le texte prévoit, pour concrétiser la relation entre la
collectivité territoriale et l'opérateur une convention. La mise
en application de cette disposition bénéficiait d'un délai
qu le législateur avait fixé à quatre années
(article 47). La loi n° 88-102 du 30 décembre 1988,
dans son article 64 l'a prolongé de 10 ans. Ainsi, au
11 janvier 1999, toutes les conventions auraient dû être
signées. Pratiquement, elles l'ont été. Mais, en 1998,
soit deux ans avant l'échéance, 245 exploitants sur
584 recensés n'avaient pas de convention avec les autorités
organisatrices, ce qui révèle que le respect de la loi devait
poser aux partenaires quelques problèmes.
Si donc à ce jour, toutes les conventions ou presque sont intervenues,
déjà se pose, pour certains opérateurs la question de la
fin de ces contrats, donc celle des modalités de sortie, lorsqu'ils ont
été signés au lendemain de la promulgation de la loi et
qu'ils valaient concession pour dix-huit ans. En effet, l'application conjointe
de la « Loi Montagne » et de celle n° 93-122 du
29 janvier 1993, dite loi « Sapin », du nom du
ministre de l'économie et des finances qui l'a défendue, oblige
les collectivités territoriales à organiser l'appel à
concurrence pour désigner le nouveau cocontractant -ou pour trouver une
succession à la régie-. Cette perspective entraîne chez les
opérateurs à la fois incertitude et insécurité, en
dépit de la formule, au demeurant vague, qu'utilise le
législateur :
« les contrats prévoient, à peine de nullité...
2° les conditions de résiliation, de déchéance et de
dévolution, le cas échéant, des biens en fin de contrat
ainsi que les conditions d'indemnisation du cocontractant ».
Ce n'est pas la moindre faiblesse de la « Loi Montagne »,
si l'on conçoit par ailleurs que la notion de délégation
de service public dont elle s'inspirait par anticipation est très
légitimée en droit français.
Divers problèmes sont nés, moins à cause des
modalités de sotie de la convention observées à ce jour,
que du sort réservé à des avenants d'extension ou de
prorogation de contrats auxquels le contrôle de légalité
réserve un sort différent, d'un département à un
autre, à l'intérieur même du délai maximum de trente
ans que le législateur a institué.
Au fur et à mesure que les contrats s'exécutent, que
l'échéance de sortie s'approche, ou qu'elle s'impose dans la
perspective stratégique des opérateurs, ou encore
qu'apparaît la nécessité d'un avenant, cette interrogation
prend de l'acuité. L'évolution des formes de tourisme, la
nécessité de l'entretien et de la réfection des
installations et des engins, la recherche de plus de sécurité et
de confort tant dans le matériel offert aux usagers que dans la
configuration et le damage des pistes, le développement des stations,
l'interconnexion croissante de celles-ci constituent autant
d'éléments qui viennent compliquer les paramètres de la
réflexion à laquelle opérateurs et collectivités
territoriales doivent se livrer, bien avant la fin des conventions. A ce jour,
la loi offre une solution qui, au moins dans sa mise en oeuvre est
discutée. On ne peut reprocher aux partenaires de songer à des
formules assurant au moins des garanties à chacun d'eux : maintien de
l'effort d'investissement, attendu de la part des collectivités,
certitude d'une issue financière « juste », si l'on
se réfère au principe de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen instituant l'expropriation, pour les opérateurs.
Avant d'examiner les voies possibles pour répondre aux critiques et aux
aspirations des partenaires, sans doute est-il opportun de faire le point sur
l'environnement juridique et économique du problème posé.
*
* *
A.
L'ENVIRONNEMENT JURIDIQUE
La « Loi Montagne » institue comme autorité
organisatrice de tout aménagement touristique la commune
territorialement compétente ou un groupement de communes ou un syndicat
mixte regroupant des collectivités locales auquel cette commune aurait
explicitement délégué cette compétence. Cette
disposition marque la volonté du législateur de lier
l'élément de développement économique que constitue
le tourisme à la collectivité de base de notre système
institutionnel, même si elle reconnaît que cette compétence
peut être exercée par un groupement de communes ou un syndicat
mixte. Les remontées mécaniques font une exception, puisque, si
elles étaient exploitées avant la promulgation de la loi par le
département, ce dernier peut continuer à en assurer
l'organisation. Il peut aussi, à sa demande, s'associer aux communes ou
à leurs groupements pour organiser ce service, leur confier cette
compétence ou la recevoir de leur part (article 46).
Autre disposition, tout aussi imprégnée de la
prééminence du rôle des collectivités territoriales
dans l'aménagement touristique, ce sont les facilités que les
rédacteurs du texte paraissent accorder aux régies dans
l'exercice de cette attribution. Ainsi est-il stipulé que
« sauf recours à la formule de la régie »,
cette mise en oeuvre peut être confiée à un
opérateur privé, qui peut d'ailleurs être une
société d'économie mixte ou un établissement public
industriel et commercial, encore que celui-ci pourrait exploiter le service en
régie comme le stipule expressément la loi (article 47
alinéa 1°).
L'aménagement touristique, tel que la « Loi
Montagne » le définit, regroupe un ensemble d'activités
que le texte énumère : « études,
aménagement foncier et immobilier, réalisation et gestion des
équipements collectifs, construction et exploitation de réseaux
de remontées mécaniques, gestion des services publics, animation,
promotion » (article 42) . Cette liste est limitative, mais sa
rédaction est assez vaste pour englober la quasi-totalité des
opérations liées à cet aménagement, dès lors
qu'il est en relation avec la politique touristique de la ou des
collectivités sur le territoire desquelles les installations ou travaux
envisagés seront exécutés.
La vocation globale ainsi reconnue aux collectivités territoriales a une
contrepartie, dont la mise en oeuvre peut dissimuler une certaine
complexité et comporte un risque de lourdeur et de contentieux, en
dépit du fait que le législateur a cherché, à
travers les mécanismes qu'il a prévus, à protéger
ces dernières, et, à tout le moins, à veiller à
leur bonne information. C'est ainsi qu'en ce qui concerne
« l'aménagement foncier, la réalisation et la gestion
d'équipements collectifs, la gestion des services publics » -
cette liste est à rapprocher de la précédente - le
cocontractant doit fournir chaque année un compte rendu financier
comportant le bilan prévisionnel des activités et le plan de
trésorerie faisant apparaître l'échéancier des
recettes et des dépenses.
A cette obligation, dont on conçoit l'intérêt, s'en ajoute
une autre : l'intervention préalable d'un protocole d'accord
dès que la mise en oeuvre de l'opération suppose la conclusion de
plusieurs contrats. Ceci interviendra lorsqu'il y a plus d'un opérateur.
Ces contrats devront être individualisés par objet.
On devine combien la gestion de l'ensemble peut être délicate et
complexe, dès la négociation du protocole et de celle des
contrats particuliers, puis au moment de la négociation d'avenant, et,
surtout, lorsqu'un contrat arrive à son terme.
Les remontées mécaniques ont une place à part dans ce
dispositif. Si elles sont citées parmi les objets constitutifs de
l'opération d'aménagement touristique (article 42), elles
sont également régies par les articles 43 et suivants, qui
présentent une certaine redondance par rapport à
l'article 42. On y confirme le rôle exclusif de la commune, ou celui
des groupements ou celui du département. Les formes de gestion sont
celles déjà énumérées à
l'article 42 alinéa 1. On y évoque les obligations
respectives des parties et les participations financières des
opérateurs. Deux alinéas de l'article 47 viennent
éclairer les dispositions de l'article 42 concernant le traitement
de l'opérateur en cas de résiliation, de déchéance
et de dévolution des biens en fin de contrat. Il y est mentionné,
en effet, que la collectivité, dans le cas de suppression du service en
exploitation doit verser à l'exploitant une indemnité de
compensation du préjudice éventuellement subi de ce fait,
indemnité préalable en ce qui concerne les biens
matériels.
Une autre disposition mérite un commentaire particulier. Elle figure
à l'article 48 qui renvoie à la loi du 15 juillet 1845
et aux dispositions relatives à la police, à la
sécurité et à l'exploitation des chemins de fer, et
surtout à l'article 44 qui rend applicables aux remontées
mécaniques dites « touristiques » par opposition
à celles situées dans un périmètre urbain des
dispositions de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982
d'orientation des transports intérieurs dite « loi
LOTI ». Ceci justifie le contrôle technique et de
sécurité de l'Etat. Et, comme il s'agit d'un transport public de
personnes, le service des remontées mécaniques est un service
public auquel s'applique la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993
relative à la prévention de la corruption et à la
transparence de la vie économique et des procédures publiques,
dite « loi Sapin », dont la portée, en ce qui
concerne les remontées mécaniques, se concrétisera par la
mise en concurrence pour les nouvelles conventions, comme à l'expiration
de celles en cours. Les remontées mécaniques sont
concédées dans le cadre d'une délégation de service
public.
On peut défendre que cette application ne concernerait pas les autres
opérations d'aménagement prévues à l'article 2
puisque celui-ci distingue « les études, l'aménagement
foncier et immobilier, la réalisation et la gestion des
équipements collectifs, la construction et l'exploitation du
réseau des remontées mécaniques (traitées aux
articles 43 et suivants), la gestion des services publics, l'animation et
la promotion ». Peut-on en conclure qu'à l'exception des
remontées mécaniques et de la gestion des services publics, les
autres opérations d'aménagement touristique ne sont pas des
services publics et par conséquent, qu'elles n'entrent pas dans la
catégorie des services régis par la procédure de la
délégation de service public ?
Le conventionnement prévu à l'article 42 est le
point-clé du dispositif précisant les relations entre la
collectivité et l'opérateur. On y trouvera ce qui est attendu du
cocontractant, la règle étant qu'il y a un contrat par
opérateur. Le document fixe les conditions de résiliation, de
déchéance et de dévolution ainsi que les conditions
d'indemnisation du cocontractant. Il fait la loi entre les parties. C'est dire
son importance, d'autant qu'il sera l'élément déclenchant
du contrôle de légalité, lorsqu'il sera transmis à
la préfecture ou à la sous-préfecture, avec la
délibération l'approuvant. La « Loi
Montagne » avait prévu qu'un décret devait
définir en tant que de besoin les conditions d'application de cet
article 42. Il n'est pas intervenu, alors que l'on peut penser que le
besoin d'un contrat-type a dû se faire sentir souvent au cours des
négociations entre partenaires. On pourrait faire la même remarque
pour le protocole d'accord préalable à la conclusion de plusieurs
contrats en cas de pluralité d'opérateurs.
Il apparaît que, contrairement à ce que l'on pouvait attendre, la
passation des conventions n'a pas soulevé de difficultés et
qu'aucun contentieux significatif n'est né de cette phase de la
procédure. Il convient de noter, toutefois, que, si une bonne partie des
collectivités territoriales a usé des délais prévus
à l'article 47 modifié de la « Loi
Montagne », c'est moins, semble-t-il, à cause des lenteurs des
négociations qu'en raison du confort que présentait ce
délai de quatre puis dix ans ainsi proposé à des
partenaires peu désireux de remettre en cause un modus vivendi donnant
satisfaction, même si ce délai ne pouvait être
utilisé qu'à l'initiative de la collectivité territoriale.
En revanche, le contenu de ces conventions a soulevé un certain nombre
de problèmes liés à la durée de la concession,
notamment dans le cadre d'avenants. Cette durée doit être, selon
la loi, modulée en fonction de la nature et de l'importance des
investissements consentis par l'aménageur ou l'exploitant. La
« Loi Montagne » institue deux durées maximales de
18 ans, ce qui paraît être le droit commun, et de 30 ans,
ce qui devrait être exceptionnel. Seules, en effet, la durée de
l'amortissement technique ou l'exécution d'équipements
échelonnés dans le temps peuvent justifier un délai
supérieur à 18 ans et ce délai ne peut être
supérieur à 30 ans.
La loi « Sapin », certes contraignante, notamment pour les
formalités de désignation du délégataire de service
public, à l'expiration de la convention en cours, si celle-ci
était la prorogation du contrat antérieur à la
promulgation de la « Loi Montagne », l'est moins en ce qui
concerne la prorogation des délais. Ses principales dispositions sont
reprises à l'article L. 1411-2 du code général des
collectivités territoriales. Il en résulte que si un contrat ne
saurait être conclu pour une durée indéterminée, une
délégation de service public peut être prolongée
lorsque le délégataire est contraint, pour la bonne
exécution du service public ou l'extension de son champ
géographique et à la demande du délégant, de
réaliser des investissements matériels non prévus au
contrat initial, de nature à modifier l'économie
générale de la délégation et qui ne pourraient
être amortis pendant la durée de la convention restant à
courir que par une augmentation de prix manifestement excessive. Cette
prolongation n'est pas assortie de délais.
On peut toutefois concevoir qu'elle ait une fin, comme la convention de
départ, encore que le Conseil Constitutionnel dans la décision
n° 92316 du 20 janvier 1993, rendue précisément
sur la « loi Sapin » a affirmé que, si le
législateur a précisé que la durée de la concession
ne devait pas excéder la durée normale d'amortissement du bien,
il a laissé ainsi sous le contrôle du juge une marge
d'appréciation suffisante aux collectivités concernées
pour la négociation des contrats dans chaque cas d'espèce, eu
égard à la multiplicité des modes de calcul
d'amortissement ainsi qu'à la diversité et à la
complexité des installations susceptibles d'être
concernées. Dans le même esprit et dans la même
décision, il a déclaré non conforme à la
Constitution le fait que le législateur, en imposant par surcroît,
en toutes circonstances, que ces prolongations ne puissent augmenter de plus
d'un tiers la durée initialement prévue sans égard
à la diversité et à la complexité des situations
susceptibles d'être ainsi affectées, « a imposé
sans justification appropriée une contrainte excessive qui est de nature
à porter atteinte à la libre administration des
collectivités locales ».
Dans les faits, les opérateurs concessionnaires sont ainsi sous l'effet
de la « Loi Montagne » qui fixe des délais maximum
et de la loi « Sapin » qui oblige en fin de concession
à procéder à un nouvel appel à concurrence.
En outre, si la « Loi Montagne » n'écarte pas de
prorogations de concession, celles-ci ne sauraient conduire à un
conventionnement pour une durée supérieure à trente ans.
En revanche, le code général des collectivités
territoriales, à partir de la loi « Sapin »,
autorise la prorogation d'une concession dans deux cas et ne fixe pas de
délai. L'un d'eux, on l'a vu, concerne : la réalisation
d'investissements matériels non prévus au contrat initial pour la
bonne exécution du service public ou l'extension de son champ
géographique. Mais si cet investissement est de nature à modifier
l'économie générale de la délégation et
qu'il ne peut être amorti pendant la durée de la convention
restant à courir que par une augmentation de prix manifestement
excessive, la collectivité concédante doit alors procéder
à la passation d'un nouveau contrat.
Ainsi l'opérateur subit les effets contraignants des deux dispositions
législatives.
Il n'en demeure pas moins que le contrôle de légalité qui
constitue une étape importante dans le processus de conventionnement a
encore accentué la complexité du maquis juridique dans lequel la
rédaction des conventions s'aventure pour aboutir à des documents
acceptables par le représentant de l'Etat. En effet, des
disparités sont apparues d'un département à l'autre, d'un
arrondissement à l'autre, cette dernière circonscription
étant généralement le niveau reconnu pour le
contrôle des actes des collectivités locales, les communes et
leurs groupements. Même si aucun contentieux n'a été
développé, parce que le contrôle de légalité
a été exercé à titre préventif et que les
actes litigieux ont été soit retirés, soit amendés,
l'impression d'insécurité juridique plane sur les relations
collectivités territoriales - représentant de l'Etat, moins sans
doute sur les clauses initiales des conventions que sur leurs avenants.
B. L'ENVIRONNEMENT ECONOMIQUE
L'aménagement touristique de la montagne repose sur la
réalisation et la gestion d'un certain nombre d'équipements,
parmi lesquels les remontées mécaniques tiennent une place
majeure. On y associe très souvent les pistes, dont la
préparation, l'entretien et la surveillance constituent une charge non
négligeable. Enfin et depuis quelques années, les installations
liées à la production de neige de culture connaissent une forte
croissance. C'est essentiellement sur l'ensemble de ces dépenses
liées à la pratique du ski, et surtout du ski alpin, que vont
porter les commentaires qui suivent.
Ces commentaires ont pour but de déterminer, entre autres
considérations, combien le contexte législatif et
réglementaire né de la « Loi Montagne » et de
la « loi Sapin » peut peser sur le niveau et la
qualité des équipements proposés à la
clientèle hivernale : ils ne concernent donc, parmi les conventions
passées en application de la « Loi Montagne », que
celles comportant une délégation de service public. Cette
restriction ne signifie pas que les autres conventions ne soulèvent pas
de difficulté de mise en oeuvre, mais simplement que ces
difficultés ne tiennent pas à la coexistence des lois
« Montagne » et « Sapin ».
La pratique du ski et, d'une manière générale,
l'équipement de la montagne à des fins sportives engendre un
besoin d'investissements qui fait que ce secteur d'activité est
fortement capitalistique. L'instance d'évaluation, installée en
avril 1995 à l'initiative du commissariat au plan, estime dans son
rapport (Documentation française 4
ème
trimestre
1999), en reprenant les chiffres cités par le Service d'études
pour l'aménagement touristique de la montagne (SEATM) qu'il faut de
l'ordre d'un million de francs (152.000 euros) d'investissements par
emploi créé. Une autre étude conjointe du SEATM, du
syndicat national des téléphériques de France (SNTF) et du
Service technique des remontées mécaniques et transports
guidés (STRMTG), actualisée en juillet 2000, indique que la
valeur à neuf du parc français actuel peut être
estimé à 27 milliards de francs (plus de 4 milliards
d'euros) pour 3.000 téléskis,
700 télésièges et 300 autres
téléportés. L'évolution du parc, en vue de
l'amélioration du confort des skieurs et de l'augmentation du
débit des engins, marquée par une forte diminution des
téléskis, l'accroissement du nombre des
télésièges à pinces fixes ou débrayables
devrait conduire rapidement à une valeur globale de 33 milliards de
francs (plus de 5 milliards d'euros).
De fait, le parc des remontées mécaniques se transforme mais, en
même temps, il vieillit. Les changements de matériels ou leur
adaptation ne compensent pas ce phénomène. L'étude
conjointe déjà citée SEATM-SNTF-STRMTG
révèle que l'âge moyen constaté était en 2000
de 25 ans pour les téléskis et de 15 ans pour les
téléportés, et il semble bien que ces valeurs continuent
de croître d'une demi-année tous les ans. Ces chiffres sont
à rapprocher des durées des conventions prévues par la
« Loi Montagne », soit 18 et 30 ans. S'ajoute à
cela le fait que le développement du parc est intervenu dans les
années 60-70. Les coûts de maintenance grandissent au fur et
à mesure du vieillissement, la périodicité des grandes
visites se resserre. Toujours d'après l'étude déjà
citée, une grande visite pour un simple télésiège
à attaches fixes représentait en 2000 un coût moyen compris
entre 700 000 et 800 000 francs (107.000 et 122.000 euros).
En même temps que les opérateurs ont à faire face à
cette obsolescence du matériel, la clientèle impose une course
à l'équipement à laquelle il faut répondre, si l'on
veut à la fois l'attirer et la fidéliser. La modernisation du
parc paraît être une réponse pertinente :
télésièges à attache débrayables plus que
télésièges à attaches fixes (19 et 14 en 2001),
télésièges 8 places ou 6 places plus qu'à
4 places (respectivement 3, 14 et 4 en 2001). Sur les
35 téléskis démontés en 2001, 3 ont
été remplacés par des télésièges
débrayables 6 places. Or, les nouveaux engins sont plus
coûteux : 21 millions de francs pour un
télésiège débrayable, 11,5 millions de francs
pour un télésiège à attaches fixes.
A l'évolution du parc s'ajoute l'obligation pour les stations d'offrir
à la clientèle hivernale une neige à la fois au
rendez-vous et de qualité. D'où le développement
spectaculaire et significatif des installations de neige de culture depuis
20 ans. Les investissements étaient estimés à
222 millions de francs en 2000, ils se sont élevés à
240 millions en 2001. Les réserves collinaires
représentaient cette année-là 17 millions de francs.
Les deux tableaux ci-après, également tirés du bilan des
investissements dans le domaine skiable français en 2001 confirment les
tendances indiquées.
A cela s'ajoute le coût de fabrication puis de préparation de la
neige de culture estimé pour la campagne 2000-2001 à
5,56 Francs par mètre carré de neige prête à
skier.
Ainsi, l'on peut estimer à 400 millions le coût annuel
consacré à l'amélioration et à la présence
de la neige en saison hivernale. Enfin, l'adaptation permanente des pistes
(configuration, pente, obstacles latéraux) aux attentes de la
clientèle nécessite des investissements croissants, notamment en
ce qui concerne l'équilibre entre pistes faciles et difficiles, et la
réduction des conséquences des chutes ou maladresses.
Ce qui peut apparaître comme une fuite en avant est, en
réalité, une réponse nationale à une concurrence
vive entre les destinations européennes de sports d'hiver. La France,
première par le nombre de stations, de remontées
mécaniques, le nombre de lits et de nuitées, et le chiffre
d'affaires, voit sa clientèle nationale tentée par d'autres
destinations proches (Suisse, Andorre, Italie, Autriche) et sa clientèle
internationale sensible aux produits offerts par ces pays. Les
opérateurs nationaux qu'inquiète cette concurrence, nourrie par
la qualité des prestations offertes et aidée par les conditions
d'intervention moins contraignantes que connaissent leurs homologues
européens dans le domaine du tourisme hivernal et du tourisme de
montagne tout court ne peuvent qu'aspirer au moins à un nivellement des
législations et des réglementations. Il est, à cet
égard assez difficile de connaître les régimes d'aides
consenties et le dispositif juridique encadrant le statut des
opérateurs. L'Union Européenne, certes, s'intéresse
à ce problème. Il n'est pas sûr qu'à ce jour elle
soit parvenue à cerner l'ensemble des instruments qu'utilisent ces
états membres pour appliquer leur politique d'aménagement
touristique.
D'où l'intérêt, pour nos opérateurs, que soient
revues les règles de passation des conventions et surtout de leur
renouvellement, que soient revues les règles d'intervention des avenants
et que soient garanties les conditions de fin de concession. Si le texte de la
« Loi Montagne » se montre clair et équitable, son
application - puisqu'il n'a pas été possible encore de
vérifier si elle était acceptable par eux, continue
d'inquiéter. Au-delà du calcul du montant de l'indemnité,
qu'un contentieux long et complexe dans bon nombre de cas viendra contrarier,
ils peuvent s'interroger sur la capacité des collectivités
territoriales à régler ces indemnités, le moment venu, et
à honorer leurs engagements.
En s'intéressant aux opérateurs, on ne doit pas oublier
également que les collectivités territoriales sont non seulement
organisatrices mais aussi partenaires dans l'aménagement touristique de
la montagne. Elles peuvent également redouter une mise en concurrence en
fin de concession, qui pourrait les amener à changer de partenaires
contre leur gré, après des années de collaboration, et,
pour un grand nombre de stations, des années de succès dans leur
politique d'aménagement touristique de la montagne et de
développement économique. Les stations de sports d'hiver ne sont
pas réductibles à leurs domaines skiables, et les
collectivités territoriales sont de plus en plus sollicitées dans
un grand nombre de domaines : espaces publics, hébergements
touristiques, animation culturelle, transports urbains.
Le positionnement de l'offre touristique d'une station dans la concurrence
très vive, notamment internationale, résulte de la combinaison
d'éléments (domaine skiable, hébergements, services et
commerces) ne dépendant pas tous de la collectivité, et la
qualité de chaque élément (comme l'accueil) est rarement
normalisable comme peut l'être celle de l'eau distribuée par un
réseau public ou la régularité de la tension d'un
réseau électrique. La satisfaction globale du client passe donc
par une grande efficacité d'un système de
« gouvernance » où tous les acteurs ont contact avec
la clientèle, dans lequel la commune doit s'impliquer fortement, et qui
nécessite de lui conserver les plus grandes marges de manoeuvre
notamment dans la délégation de la gestion des remontées
mécaniques ou des domaines skiables : elle doit pouvoir tout aussi
bien se séparer d'un exploitant qui n'adhèrerait pas à un
projet global de station que poursuivre son partenariat avec un exploitant qui
se révèlerait un puissant moteur d'un tel projet.
Le contexte législatif dans lequel le conventionnement en matière
d'aménagement touristique, et essentiellement d'ailleurs celui portant
sur les remontées mécaniques, est appliqué, s'avère
indiscutablement pénalisant. La situation française est à
de nombreux égards plus contraignante que celle de la Suisse, celle
d'Andorre, nos voisins immédiats et premiers concurrents, et même
des autres pays de l'Union Européenne, en dépit d'une tendance
à l'harmonisation des procédures des marchés publics.
C. MODIFICATION DE LA LOI OU INTERPRÉTATION DE LA LOI
Objectivement, ces deux lois peuvent être considérées comme
des lois majeures, auxquelles le législateur hésitera à
apporter des modifications sauf nécessités graves ou des
amendements mineurs. Cela est indiscutable pour la loi
« Sapin » dont l'intitulé, déjà,
révèle l'extrême sensibilité du domaine qu'elle
régit. Certes, née avec et liée à
l'actualité, elle servira longtemps de référence. En
outre, son intégration dans le code général des
collectivités territoriales lui donne une assise plus forte encore. La
« Loi Montagne » ne participe pas à cette valeur
moralisatrice. C'est une loi d'aménagement, qui consacre toute la place
de la montagne dans le patrimoine de notre pays, elle est placée
d'ailleurs sous le signe de la « solidarité de la
Nation ». Les dispositions sur le conventionnement ne sont
évidemment pas l'élément central du document
législatif.
Mais, c'est une loi qui a prévu des domaines particuliers qu'elle entend
réglementer spécialement. C'est une « lex
specialis ». Ainsi, pourrait-on considérer que la loi
« Sapin », dans le domaine du conventionnement, même
si elle s'y applique, ne peut venir la contrarier dans ce qu'elle a
d'original : les durées des conventions, suivant le principe que
« ce qui est spécial déroge à ce qui est
général ».
Une modification de l'article 42 est donc souhaitable, au moins pour le
mettre en harmonie avec la loi « Sapin », en
écartant la disposition relative à la durée des contrats,
ou au moins celle de la durée maximale des trente ans qui verrouille
toute possibilité de prorogation par avenant. Car, aujourd'hui, tout
opérateur n'est pas incité à envisager un investissement
dans les quinze ou dix dernières années de vie de sa convention.
L'abrogation de ces durées aurait un autre mérite, celui de
faciliter l'harmonisation sur un même domaine skiable, des dates de
début et surtout de fin des conventions passées par les
collectivités organisatrices et les opérateurs.
On peut aussi s'interroger sur la portée à la fois politique et
juridique de la décision du Conseil Constitutionnel de 20 janvier
1993 appréciant les dispositions de la loi « Sapin »
en regard des libertés locales. Cette considération ne
dépasse-t-elle pas la hiérarchie que l'on peut concevoir entre
les lois générales et les lois spéciales ?
Une autre solution mériterait d'être explorée. Son
processus de mise en oeuvre est plus aisé à concevoir et à
concrétiser. C'est l'avis du Conseil d'Etat. On objectera que ce n'est
pas le premier sur ce sujet puisque la Haute Juridiction avait
déjà considéré le 2 septembre 1986
« qu'en cas de prorogation du contrat avec ou sans modification, la
durée maximale de dix huit ans, ou le cas échéant de
trente ans, s'applique à nouveau à compter de cette
prorogation ». Cet avis ne semble pas avoir été
respecté en l'espèce.
Si, depuis, a été votée la loi
« Sapin », celle-ci n'aurait pu que conforter la position
du Conseil d'Etat, ou au moins ne pas en altérer la portée
puisque, pour les délégations de services publics, elle
proportionne la durée des concessions à celle de l'amortissement
des investissements.
Il convient d'ajouter que dans un avis d'Assemblée du 9 janvier
1995, le Conseil d'Etat a précisé que la procédure de
publicité et de mise en concurrence prévue par la loi
« Sapin » a vocation à s'appliquer à
l'ensemble des services publics qui font l'objet d'une délégation
par la voie du contrat. Les remontées mécaniques sont un service
public (arrêt commune d'Huez, 23 janvier 1959).
L'hésitation ou plutôt l'interrogation ministérielles n'ont
pas échappé ni aux élus ni aux opérateurs. Des
courriers ministériels, des réponses aux questions de
parlementaires confirment ce sentiment. Il conviendrait d'y mettre un terme.
Aussi, semble-t-il, l'idée d'une consultation du Conseil d'Etat fait
à nouveau son chemin. C'est ainsi qu'il faut analyser une correspondance
du directeur du cabinet du ministre de l'équipement, des transports et
du logement au président d'une association de maires du temps de
l'ancien gouvernement.
Le changement de gouvernement, semble-t-il, ne paraîtrait pas avoir
entraîner de modifications dans les bonnes dispositions de
l'administration centrale. Il est donc opportun de veiller à ce qu'elle
demeure.
Au-delà de ces considérations juridiques dont l'importance est
capitale, et qui impose une clarification du dispositif juridique car la
situation présente entraînera un contentieux lourd, même
s'il est diffus, d'autres observations méritent d'être faites.
D. AUTRES DISPOSITIONS
Il est indispensable en premier lieu que l'ensemble des partenaires ait une
connaissance précise et actualisée de l'état des
conventionnements, des difficultés rencontrées dans leur
élaboration, leur sanction au niveau du contrôle de
légalité, leur contentieux éventuel et les aléas de
leur application. La constitution d'un observatoire dont la composition serait
calquée sur celle des groupes de travail qui réfléchissent
notamment dans le cadre de l'article L. 2321-2 du code
général des collectivités territoriales. Les
préfets auraient l'obligation de transmettre à cet observatoire
les conventions reçues et de l'informer des suites données, y
compris contentieuses. Au fur et à mesure que se présenteront des
dossiers de fin de contrat, avec leurs implications financières,
l'attention de cet observatoire devra se porter sur les capacités
budgétaires des collectivités à en supporter le cas
échéant les conséquences.
La variété des conventions ? dans leur forme comme dans leur
contenu, n'est pas toujours un signe de rigueur. Elle peut cacher parfois une
incapacité compréhensible des collectivités territoriales
disposent de faibles moyens en personnel. D'où la
nécessité, souvent exprimée d'ailleurs par le SEATM, de
rédiger une sorte de vade-mecum rationalisant les formules. Cette sorte
de guide pratique aurait une valeur pédagogique essentielle qui pourrait
éclairer à la fois élus et opérateurs dès la
phase des premières négociations.
Enfin il est à prévoir, si l'on se réfère aux
premières difficultés nées de fins de conventions, y
compris en cas de déchéance ou de résiliation que des
contentieux naîtront de l'interprétation et de l'application des
clauses prévues aux contrats. Même si la rédaction de
ceux-ci présente a priori toutes les qualités de clarté.
La création d'une instance de médiation au niveau régional
s'avèrerait utile pour tenter de suggérer des solutions amiables.
Elle éviterait ainsi des procès coûteux engendrant des
délais et souvent traumatisants pour les partenaires. Cette instance
pourrait intervenir dans une procédure exploratoire quelques
années avant la fin de la concession pour déterminer les
éléments de référence qui seraient retenus lorsque
le contrat arrive à son terme. L'échelon choisi aurait le
mérite d'inciter le Conseil régional à ne pas se
désolidariser des conséquences de la succession
d'évènements que la fin des concessions, intervenant
vraisemblablement au même moment, peut transformer en
éléments majeurs de nature à remettre en cause
l'économie de nombreuses collectivités ou à leur assurer
un nouvel essor.