TROISIÈME PARTIE -

PROMOUVOIR UN AMÉNAGEMENT SPÉCIFIQUE
ET SOLIDAIRE DANS LES MASSIFS

I. STRUCTURER L'AMÉNAGEMENT DES TERRITOIRES EN MONTAGNE

A. MAINTENIR LES SERVICES DE PROXIMITÉ

L'évolution de l'implantation des services de proximité sera un facteur essentiel de maintien ou de départ des personnes installées en montagne. On se trouve en effet trop souvent prisonnier d'une spirale implacable : la faible densité de population en montagne est invoquée pour y légitimer l'insuffisance des services de proximité, cette dernière accentuant encore les départs de personnes résidant en montagne.

1. Les services publics

a) Un déclin sur l'ensemble du territoire montagnard

Selon les informations fournies par la DATAR, les implantations publiques en montagne présenteraient une « relative stabilité ».

Ce jugement doit être fortement nuancé. En effet, le moratoire sur la fermeture des services publics en milieu rural décidé en 1993 a été supprimé en 1998 par le Gouvernement de M. Lionel Jospin.

Ainsi, si l'implantation des services publics administratifs est relativement stable, tel n'est pas le cas de certains services publics industriels et commerciaux. En particulier, dans le cas de La Poste on peut s'inquiéter des conséquences de la libéralisation progressive du marché du courrier (qui concernera les plis de plus de 100 grammes en 2003 et de plus de 50 grammes en 2003 -contre 350 grammes actuellement-, avant une éventuelle libéralisation totale en 2009).

Comme le soulignait en 1999 le rapport d'information de notre collègue Gérard Larcher 26 ( * ) , près d'un cinquième des 17.000 points de contact postaux enregistrent moins de deux heures d'activité par jour. Par ailleurs, La Poste ne semble pas pouvoir supporter seule le coût de cette présence sur l'ensemble du territoire. Ainsi, sur les 17.000 bureaux de poste, seulement 12.000 sont de plein exercice, l'objectif des dirigeants de La Poste étant de les ramener à 8.000, les autres devant être transformés en « points contact postaux » (dans les bureaux de tabac, les cafés, les épiceries, les supérettes...), notamment en zone de montagne.

b) L'insuffisance des institutions existantes

Les institutions existantes ne sont pas à la hauteur des enjeux.

(1) Les commissions départementales, compétentes pour l'organisation des services publics

Tout d'abord, la loi «montagne» prévoit (article 15) que dans chacun des départements comprenant une zone de montagne, une commission propose au président du conseil général et au représentant de l'Etat dans le département les dispositions de nature à améliorer l'organisation des services publics en montagne, notamment en facilitant et en développant leur polyvalence.

Ces dispositions peuvent, le cas échéant, faire l'objet d'un schéma d'organisation et d'implantation des services publics établi de manière conjointe par le président du conseil général et le représentant de l'Etat dans le département.

Ces commissions ont ensuite été généralisées à l'ensemble du territoire par la loi n° 95-115 du 4 février 1995, sous l'appellation de commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics.

Ces commissions ont cependant un rôle insignifiant, faute de pouvoir de décision.

(2) Le rôle des préfets face aux fermetures de services publics

De même, à la suite du CIADT du 15 décembre 1998, les projets de fermeture des services publics devraient être coordonnés sous l'égide des préfets (circulaire du 7 juillet 2000).

Selon les informations fournies par la DATAR, ce dispositif complexe n'est pas appliqué.

c) Quelles solutions ?
(1) Conclure un accord-cadre au plan national ?

La question de l'implantation des services publics en montagne ne semble pouvoir être dissociée de celle de leur implantation dans les zones rurales en général.

Ainsi, la DATAR a suggéré à la mission commune d'information que soit conclu un accord-cadre national entre l'Etat, les associations d'élus et les grands services publics et parapublics, fixant les principes d'une coopération au niveau local. Cette solution mérite d'être envisagée, de même que l'organisation de cette coopération au niveau législatif.

Ce cadre général devrait préciser, notamment, les modalités selon lesquelles les collectivités locales pourraient participer au financement du maintien de certains services publics sur leur territoire, ainsi que les cas où ce financement serait assuré par l'Etat. On pourrait en particulier imaginer que l'Etat s'engage à assurer un tel financement, en contractualisant avec les communes disposant d'un véritable « projet de territoire » (dans le cadre d'un pays, de communautés de communes...).

(2) Le service public postal

Dans le cas du service public postal, il peut sembler souhaitable d'inclure dans le prochain contrat de Plan Etat-La Poste des obligations en matière de maintien des bureaux de poste en zone de montagne.

On peut également rappeler les propositions faites par notre collègue Gérard Larcher dès 1997, et renouvelées en 1999.

Les propositions du rapport Larcher de 1999

Dans un rapport d'information présenté en 1999 27 ( * ) , notre collègue Gérard Larcher propose, notamment, les mesures suivantes :

- faire supporter par La Poste, en tout point du territoire, le coût du service universel postal ;

- faire assumer par l''Etat les incidences financières des actions exigées de La Poste, quand elles correspondent aux normes d'aménagement postal des territoires établies par la loi d'orientation postale à élaborer ;

- possibilité pour les élus locaux de fixer, sur les territoires où ils ont autorité, des normes plus ambitieuses que celles définies par le législateur, en mobilisant les ressources nécessaires au financement des surplus de dépenses pouvant en résulter, quand ces normes excèdent les limites de la solidarité nationale instituée par le Parlement ;

- instituer un fonds d'aide à la modernisation du réseau postal, financé par une partie de la taxe professionnelle versée par France Télécom, ou du produit d'une hausse du prix du timbre, pour soutenir ces initiatives locales.

Certains élus de montagne se sont manifestés auprès de l'Association des maires de France, pour faire savoir qu'ils étaient prêts à accepter des expérimentations sur leur territoire. Ainsi, en Haute-Savoie, la commune de Saint Gervais accepte une expérimentation pour son point contact postal de Saint Nicolas de Véroce, et celle d'Excenevex envisage une contractualisation avec un commerce, qui deviendrait le bureau de poste local.

Proposition n° 52. : Améliorer le cadre de la coopération locale en matière de services publics, en particulier en zone de montagne, ce qui pourrait notamment passer par :

- au niveau national, l'adoption de dispositions législatives et/ou la conclusion d'un accord-cadre (fixant notamment les modalités de participation des collectivités locales au financement du maintien des services publics concernés, ainsi que la manière dont l'Etat assurerait ce financement dans le cas des communes disposant d'un « projet de territoire ») ;

- dans le cas de La Poste, l'inclusion dans le prochain contrat de Plan Etat-La Poste des obligations en matière de maintien des bureaux de poste en zone de montagne, la mise en oeuvre des propositions des rapports Larcher de 1997 et 1999 et la réalisation d'expérimentations en zone de montagne.

2. Les autres services de proximité

Le maintien des services publics n'est que l'un des aspects de la question plus globale des services de proximité.

a) Les services de santé

Il convient tout d'abord de souligner le rôle essentiel des services de santé pour le maintien de la population sur le territoire. Force est de constater que celui-ci est trop souvent insuffisant, contribuant ainsi à la désertification de certaines zones de montagne 28 ( * ) .

b) Le commerce de proximité

L'article 55 de la loi «montagne » prévoit que « l'existence en zone de montagne d'un équipement commercial et d'un artisanat de services répondant aux besoins courants des populations et contribuant à l'animation de la vie locale est d'intérêt général ».

(1) Les moyens mis en oeuvre

Selon les indications fournies par M. Patrice Vermeulen, directeur des entreprises commerciales, artisanales et des services, entre 1992 et 2001, le FISAC (fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce) a aidé 867 opérations portées par de petites entreprises de moyenne montagne, et 72 opérations portées par de petites entreprises de haute montagne, pour un total de l'ordre de 30 millions d'euros. Cette contribution du FISAC a représenté environ 20 % des aides qu'il a distribuées au total, et 55 % des décisions qu'il a prises, mais la tendance serait à l'accroissement de l'aide en faveur des zones de montagne.

En particulier, le secrétariat d'Etat aux PME a engagé 1,5 million d'euros dans le Massif central et 1 million d'euros dans les Pyrénées pour favoriser des expériences en matière de création d'activités et d'accès aux services privés. Dans le Massif central ont ainsi été réalisées plusieurs expérimentations : mobilisation des élus locaux en matière d'accueil des nouveaux actifs dans le Limousin, développement de l'accès aux services de diffusion de la presse et installation de distributeurs de billets de banque dans les chefs-lieu de canton (conseil général de l'Ardèche).

De même, dans les Alpes ont été mis en place des espaces ruraux emploi-formation (EREF), qui ont vocation à s'intégrer dans les maisons de services publics (22 points sur les 80 existant au niveau national). Les EREF ont pour l'instant été mis en place au sud du massif, leur généralisation au nord étant prévue grâce aux crédits de la convention interrégionale de massif (1 million d'euros en provenance du FNADT).

(2) Une politique mal orientée ?

On peut s'interroger sur les orientations de cette politique.

(a) Une politique qui néglige le petit commerce traditionnel

Tout d'abord, M. Patrice Vermeulen a indiqué à la mission commune d'information que la politique menée par son ministère ne consistait pas à « maintenir des petites épiceries qui ne vendraient que quelques boîtes de conserve périmées et chères ou des commerces non-alimentaires du type quincailleries, mais à favoriser la venue des jeunes, ainsi que l'implantation d'activités économiques, notamment touristiques ». Ainsi, cette politique favorise :

- l'incitation de la grande distribution à s'implanter dans les zones rurales ou de montagne ;

- l'approvisionnement des personnes âgées grâce à des systèmes de tournées organisés par les supermarchés, soutenus par le FISAC.

On peut s'interroger sur la pertinence de cette approche, qui revient à négliger totalement le petit commerce traditionnel.

(b) Une politique dont ne bénéficient que les zones où la demande est déjà présente

Ensuite, M. Vermeulen a souligné que son ministère ne favorisait le développement du commerce que dans les zones dans lesquelles la demande était déjà présente.

On se trouve donc dans un cercle vicieux : les zones en déclin démographique ne bénéficient pas de la politique menée, ce qui accentue celui-ci.

Proposition n° 53. : Renforcer les moyens de la politique de développement des services de proximité en zone de montagne, et rendre cette politique plus favorable aux zones peu densément peuplées ainsi qu'au petit commerce traditionnel.

* 26 Gérard Larcher, Sauver la Poste : est-il encore temps pour décider ?, rapport d'information 463 (98-99), commission des affaires économiques.

* 27 Rapport précité.

* 28 Cf. annexe IV du présent rapport.

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