B. DÉFINIR DES OUTILS D'ADAPTATION ET DE PRÉCISION

1. Les difficultés d'application des outils existants

La loi prévoit deux possibilités de précision des règles d'urbanisation en zone de montagne, à travers les prescriptions de massif et les directives territoriales d'aménagement (DTA).

Ces documents s'insèrent au même niveau dans la hiérarchie des documents d'urbanisme (indiquée par l'article article L.111-1-1 du code de l'urbanisme), étant rappelé que les documents d'un rang inférieur doivent être compatibles avec celui du rang immédiatement supérieur existant.

Il convient de souligner que ces documents, de nature réglementaire (décret en Conseil d'Etat), ne permettent pas d'adapter les règles fixées au niveau législatif, mais ne font que les expliciter.

Niveau législatif

Dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral des articles L. 145-1 et suivants et L. 146-1 et suivants du code de l'urbanisme

Décret en Conseil d'Etat

DTA et prescriptions de massif

Schémas de cohérence territoriale (SCOT) et schémas de secteur

Plans locaux d'urbanisme (PLU), cartes communales ou documents en tenant lieu

Le tableau ci-après indique les principales caractéristiques des prescriptions de massif et des directives territoriales d'aménagement (DTA).

Prescriptions de massif et directives territoriales d'aménagement

Prescriptions de massif

Directives territoriales d'aménagement

Base juridique

Article L. 145-7 du code de l'urbanisme

Articles L. 111-1-1 (en général) et L. 145-7 (zones de montagne) du code de l'urbanisme

Champ d'application

Tout ou partie d'un massif non couvert par une DTA

Certaines parties du territoire, en particulier tout ou partie des massifs

Contenu

Orientations fondamentales de l'Etat en matière d'aménagement et d'équilibre entre les perspectives de développement, de protection et de mise en valeur des territoires

Principaux objectifs de l'Etat en matière de localisation des grandes infrastructures de transport et des grands équipements, ainsi qu'en matière de préservation des espaces naturels, des sites et des paysages

Contenu relatif au massif

Prescriptions particulières

Tout ou partie des éléments pouvant figurer dans une DTA

Adaptation de certains seuils et critères (ceux des études d'impact spécifiques aux zones de montagne découlant de la loi du 10 juillet 1976, et ceux d'enquête publique spécifiques aux zones de montagne découlant de la loi du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques)

Désignation des espaces, paysages et milieux les plus remarquables du patrimoine montagnard et définition des modalités de leur préservation

Précision des modalités d'application du principe de continuité (1) et de la préservation des activités agricoles (2)

Elaboration

Possibilité de proposition des conseils régionaux intéressés et du comité de massif

Possibilité, pour les comités de massif, de recommandations particulières à certaines zones sensibles et, notamment aux secteurs de haute montagne

Approbation

Décret en Conseil d'Etat

Décret pris après :

- avis du comité de massif et de sa commission permanente, des communes et des EPCI compétents en matière de documents d'urbanisme concernés ;

- enquête publique

En l'absence de proposition de leur part, décret pris après avis des conseils régionaux intéressés et du comité de massif

Nombre

Aucun de ces documents n'a encore vu le jour.

(1) Paragraphe III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme. (2) I de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme.

a) L'existence à éclipses des prescriptions particulières de massif depuis la loi « montagne»

La loi « montagne » a introduit une disposition selon laquelle il était possible que chaque massif se dote d'une « prescription particulière de massif », approuvée par décret en Conseil d'Etat, de manière à disposer d'un document donnant une lecture adaptée à la diversité des réalités des massifs.

Près de vingt ans après la loi « montagne », ces prescriptions de massif n'ont pas vu le jour, ce qui provient notamment d'interrogations sur l'efficacité de la procédure retenue. Ainsi, la loi n° 95-115 du 4 février 1995 (dite « loi Pasqua ») a abrogé la faculté d'élaborer une prescription de massif. La loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 (« SRU ») a ensuite rétabli la possibilité d'un tel dispositif.

Selon le III de l'article L. 145-7 du code de l'urbanisme, des décrets en Conseil d'Etat peuvent définir des prescriptions particulières pour tout ou partie d'un massif non couvert par une directive territoriale d'aménagement.

Il est précisé que les prescriptions de massif comprennent tout ou partie des éléments pouvant figurer dans une directive territoriale d'aménagement (DTA).

Afin d'éviter des problèmes de chevauchement avec une DTA, il est également prévu que les prescriptions de massif couvrent tout ou partie d'un massif non couvert par une DTA. Ainsi, la place laissée aux prescriptions particulières de massif est résiduelle.

Les services de l'Etat ont tenté d'élaborer une prescription particulière de massif relative au Massif central, mais ce projet n'a pas abouti. Le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire a estimé, à l'occasion de son audition par la mission commune d'information, qu'il convenait sans doute de « reprendre ce chantier » 74 ( * ) .

b) L'échec des directives territoriales d'aménagement, créées par la loi du 4 février 1995
(1) Présentation des DTA

Les directives territoriales d'aménagement (DTA) ont été créées par l'article 4 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

Elles « peuvent fixer, sur certaines parties du territoire, les orientations fondamentales de l'Etat en matière d'aménagement et d'équilibre entre les perspectives de développement, de protection et de mise en valeur des territoires 75 ( * ) » (article L.111-1-1 du code de l'urbanisme).

(2) Les directives territoriales d'aménagement dans les zones de montagne

Les DTA font l'objet de dispositions spécifiques dans le cas des zones de montagne. La principale disposition concernée est le I de l'article L.145-7 du code de l'urbanisme.

Cet article prévoit que les DTA peuvent être établies sur tout ou partie des massifs.

Tout d'abord, elles peuvent adapter certains seuils et critères (ceux des études d'impact spécifiques aux zones de montagne découlant de la loi du 10 juillet 1976, et ceux d'enquêtes publiques spécifiques aux zones de montagne découlant de la loi du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques).

Ensuite, elles peuvent désigner les espaces, paysages et milieux les plus remarquables du patrimoine montagnard et définir des modalités de leur préservation.

Enfin, elles peuvent préciser les modalités d'application du principe de continuité territoriale (paragraphe III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme) et de la préservation des activités agricoles (paragraphe I de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme).

Ces directives sont établies par décret en Conseil d'Etat après avis ou sur proposition des conseils régionaux intéressés et du comité de massif.

Les comités de massif peuvent élaborer des recommandations particulières à certaines zones sensibles et, notamment aux secteurs de haute montagne.

La DTA (et non plus la loi « montagne ») est directement opposable aux documents d'urbanisme comme aux autorisations d'utilisation du sol, et notamment aux permis de construire (Cour administrative d'appel de Marseille, 18 mars 1999). Cependant, il est possible à l'occasion d'un recours contre un plan local d'urbanisme ou contre un permis de construire d'invoquer par voie d'exception l'illégalité d'une DTA qui n'aurait pas respecté la loi « montagne » sur un point précis.

(3) Les DTA sont restées à l'état de projets concernant essentiellement des territoires à fort dynamisme

Comme l'a reconnu M. Louis Besson, alors secrétaire d'Etat, à l'occasion de la discussion de la loi SRU 76 ( * ) , les DTA ont été orientées vers les zones à fort développement, en particulier démographique.

Ainsi que l'a souligné notre collègue Jean François-Poncet, « une telle orientation ne figure nulle part dans le projet de loi. C'est un choix qui a été fait par le Gouvernement, mais on aurait parfaitement pu étendre ces directives à la montagne ».

Surtout, malgré cette orientation, aucune DTA n'a jusqu'à présent vu le jour , si l'on excepte le schéma d'aménagement de la Corse (à la fois littoral et montagnard), qui, selon l'article L. 144-5 du code de l'urbanisme, a les mêmes effets qu'une DTA. Deux DTA proprement dites sont à l'étude : celle des Alpes du Nord et celle des Alpes-Maritimes. Cette dernière est la plus avancée puisque, après enquête publique, elle est en attente d'être approuvée par décret en Conseil d'Etat.

2. Quelles préconisations ?

a) Confier au comité de massif l'élaboration des prescriptions de massif ?

La procédure d'élaboration des prescriptions de massif doit tout d'abord être réformée.

La procédure d'adoption par décret en Conseil d'Etat ne peut pas expliquer l'absence de tels documents. Elle doit en outre être conservée, car elle offre l'intérêt d'assurer une certaine sécurité juridique, dans la mesure où il est peu probable qu'un document approuvé par décret en Conseil d'Etat soit ensuite annulé par ce même Conseil d'Etat.

Le problème se situe donc au niveau de l'élaboration des prescriptions de massif. En effet, tout comme les directives territoriales d'aménagement, celles-ci sont actuellement élaborées par l'administration, dont plusieurs personnes auditionnées par la mission commune d'information ont estimé qu'elle était souvent peu pressée d'aboutir. Il serait donc vraisemblablement plus efficace que l'élaboration de ces documents soit confiée aux collectivités territoriales.

La solution la plus appropriée pourrait être de confier la rédaction des prescriptions particulières de massif à un comité de massif rénové. Actuellement, l'article L. 145-7 du code de l'urbanisme prévoit seulement la consultation du comité de massif.

Le comité de massif devrait auparavant se doter d'une commission d'urbanisme.

Une telle réforme pourrait s'appliquer à plusieurs massifs, dans le cadre de la politique d'expérimentation en matière de compétence des collectivités locales qui devrait être permise par la prochaine révision de la Constitution.

Proposition n° 73. : Confier aux comités de massif (dotés d'une commission d'urbanisme) l'élaboration des prescriptions particulières de massif, cette procédure étant mise en oeuvre dans le cadre de la future politique d'expérimentation en matière de compétence des collectivités locales.

b) Autoriser dans la loi les prescriptions particulières de massif à prévoir des adaptations mineures
(1) La reconnaissance par la loi de cette faculté

Les prescriptions particulières de massif, de nature réglementaire (ce sont des décrets en Conseil d'Etat) ne permettent pas actuellement d'adapter les règles fixées au niveau législatif, mais ne font que les expliciter.

Il serait possible de modifier la loi afin que celle-ci prévoie cette possibilité, tout en l'encadrant suffisamment afin d'éviter des abus (ainsi qu'une probable inconstitutionnalité). Ainsi, pour les normes chiffrées, la loi pourrait fixer certaines fourchettes, indiquant qu'à défaut de précision par une prescription de massif, c'est un certain chiffre qui s'applique.

(2) Les domaines concernés

Les domaines pouvant faire l'objet d'adaptation seraient énumérés par la loi.

Ainsi, les prescriptions particulières de massif pourraient adapter, selon les régions, la définition du hameau.

Un autre domaine potentiellement concerné est celui des travaux effectués sur les chalets d'alpage et des bâtiments analogues (qui pourraient être définis par la prescription de massif).

La distance d'urbanisation par rapport à la rive des lacs pourrait également être adaptée par ces prescriptions de massif.

c) Encourager un effort de programmation territoriale à travers les documents d'urbanisme, et reconnaître à certains de ces documents une faculté d'adaptation

La programmation territoriale à travers les documents d'urbanisme (SCOT, PLU, cartes) doit être encouragée.

Dans cette perspective, il pourrait être utile, dans une « logique de projet », de doter certains de ces documents (SCOT et PLU) d'une faculté d'adaptation mineure des règles législatives, dans un cadre à définir. Ces adaptations ne seraient autorisées qu'après réalisation d'une étude paysagère intégrée au document d'urbanisme (soumise à enquête publique) et avis conforme du préfet.

Cependant, cette procédure présenterait l'inconvénient, par rapport à celle qui consisterait à reconnaître un tel pouvoir d'adaptation aux prescriptions particulières de massif, de ne pas assurer de sécurité juridique équivalente à celle que constitue, pour ces dernières, l'adoption par décret en Conseil d'Etat. En effet, compte tenu du nombre de documents concernés, il ne serait pas envisageable que ceux-ci soient ainsi adoptés.

Proposition n° 74. : Permettre aux prescriptions de massif, ou à défaut à certains documents d'urbanisme (SCOT et PLU), après réalisation d'une étude paysagère et avis conforme du préfet, d'adapter les règles d'urbanisme dans certains domaines (définition du hameau, travaux effectués sur les chalets d'alpage, urbanisation par rapport à la rive des lacs...).

* 74 Réponse écrite.

* 75 « Elles fixent les principaux objectifs de l'Etat en matière de localisation des grandes infrastructures de transport et des grands équipements, ainsi qu'en matière de préservation des espaces naturels, des sites et des paysages. »

* 76 Séance du 4 mai 2000.

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