III. 3. A LA RECHERCHE DES DÉTERMINANTS DE L'INVESTISSEMENT : LE RÔLE DES CONTRAINTES FINANCIÈRES
Cette
section fait la synthèse des modèles de l'investissement sur des
données françaises.
L'investissement des entreprises est déterminé selon une logique
assez semblable dans les principaux modèles macro-économiques
français : les perspectives de production
(l'accélérateur) jouent un rôle central, mais d'autres
variables interviennent fréquemment. La prise en compte d'autres
déterminants de l'investissement en biens d'équipement des
entreprises que l'anticipation de la croissance des
débouchés
, comme la
profitabilité
des
entreprises, le coût ou les conditions de financement de
l'investissement, enrichissent le pouvoir explicatif des modèles
traditionnellement retenus. Plusieurs modèles de type
« accélérateur-profit » (INSEE, Banque de
France) donnent des résultats extrêmement satisfaisant pour la
France. La contribution des coûts relatifs des facteurs demeurait en
général mais les résultats empiriques récents, sur
données individuelles, apportent maintenant des éléments
d'éclairage (voir le chapitre 3). Les principales divergences entre les
modèles concernent l'appréciation de la dimension
financière et le rôle des taux d'intérêt, et
reflètent une difficulté générale à
intégrer les variables financières et réelles,
particulièrement embarrassante dans une période où
l'économie réelle subit des chocs financiers de grande ampleur.
A. LES MODÈLES « ACCÉLÉRATEUR-PROFIT »
A la fin
des années 1970, la demande et le coût relatif des facteurs
constituaient les déterminants les plus satisfaisants de
l'investissement (Muet, 1979). Cependant, dans la première moitié
des années quatre-vingt, le pouvoir explicatif du modèle
accélérateur - coût relatif des facteurs s'est fortement
affaibli (Artus et Morin, 1991).
La détérioration de la situation financière et le
surendettement des entreprises au cours de cette période a conduit
à introduire des indicateurs exprimant une contrainte de
solvabilité. Si l'investissement peut buter sur une contrainte de
solvabilité, il est déterminé principalement par le niveau
des profits, celui de l'endettement ainsi que par le niveau des taux
d'intérêt. L'introduction d'une variable de profit dans les
équations d'investissement soulève néanmoins de nombreuses
difficultés. Tout d'abord, le statut théorique de cette variable
est mal assuré. S'agit-il d'une contrainte financière ou d'un
indicateur de profitabilité de l'investissement.
Plusieurs modèles macro-économiques retiennent une
spécification de type
« accélérateur-profit », comme le
modèle AMADEUS
95(
*
)
de
l'INSEE (voir aussi Herbet, 2001). Ils permettent d'expliquer de façon
satisfaisante l'évolution de l'investissement en biens
d'équipements ou global en France sur la période. L'estimation de
ces équations fait apparaître une grande significativité de
la sensibilité à long terme du taux d'investissement au taux de
profit. Toutefois, compte tenu des variations de la profitabilité, la
contribution du taux de profit à la dynamique de l'investissement ne
paraît forte que dans les années 1980 (Morin, Norotte et Venet
1987) ou à la fin des années 1990 (Herbet, 2001). Par son
ampleur, elle reste cependant faible par rapport à celle de la valeur
ajoutée.
Dans les recherches d'Herbet (2001), ces résultats ne sont pas propres
à l'économie française puisque les mêmes
déterminants (production et taux de profit) se retrouvent pour les
États-Unis, le Canada, le Japon, l'Italie et l'Espagne. Un
résultat fort de ces travaux est que dans tous les pays, le taux
d'investissement dépend positivement du taux de profitabilité (un
point de profitabilité en plus, qu'il provienne d'une baisse des taux
d'intérêt ou d'une hausse de la rentabilité
économique entraîne en moyenne une hausse de l'ordre de 0,3 point
du taux d'investissement). L'assurance d'une profitabilité durable se
traduit par un effort plus prononcé d'investissement, susceptible
à terme de renforcer la croissance.