II. TRAITER SOCIALEMENT LES PROBLEMES DE SOCIETE

Il est évident que la solution des problèmes d'ordre scientifique est insuffisante. Elle doit impérativement être accompagnée de mesures visant pour l'essentiel à :

- donner à nos concitoyens des outils de dialogue collectif ainsi que des éléments d'information et des moyens d'action personnels,

- donner aux élus locaux la possibilité de connaître le « Plan d'Occupation des Toits » de leur commune et les moyens de dialoguer utilement avec les opérateurs, grâce, notamment à une charte-type.

A. LES ACTIONS CONCERNANT LA POPULATION

1. Donner des outils de dialogue au sujet des antennes-relais

§ Au niveau local, des instances de concertation ont été prévues par la circulaire du 16 octobre 2001. Comme celles qui avaient été créées par la circulaire du 31 juillet 1998, elles sont constituées de représentants des services déconcentrés de l'Etat, des collectivités locales, des services locaux de l'ANFR et des opérateurs de télécommunications concernés. Mais il est, de plus, prévu que les préfets pourront, « outre la DDASS, adjoindre à ces instances des représentants des associations ou organismes intéressés (riverains, parents d'élèves, etc...) pour définir avec eux des actions d'information à mettre en place. »

Ces instances de concertation sont un outil de dialogue très important car, d'une part, elles se situent à un niveau local, proche des citoyens et, d'autre part, elles peuvent permettre d'entendre les riverains en amont d'une éventuelle installation d'antenne-relais.

C'est pourquoi les représentants locaux de l'Etat doivent être vivement incités à mettre en place ces instances et à rendre compte de leurs activités.

§ En outre, il pourrait être bénéfique de permettre aux personnes intéressées de s'informer et de débattre au sein de forums de formation et de délibération, ainsi que le suggèrent de nombreux sociologues.

« Un autre scénario correspondrait à une situation où, suite à l'ouverture de controverses scientifiques, de lancements de plus en plus fréquents d'alertes, de développement d'épisodes judiciaires, notamment outre-atlantique, etc..., il apparaîtrait nécessaire de structurer le questionnement sur les problèmes liés à l'usage du téléphone mobile en organisant une veille scientifique, en lançant des procédures systématiques d'expertise (collective notamment), voire des procédures plus ouvertes encore (56 ( * )). »

2. Faciliter l'accès à l'information et donner des moyens d'action individuels

§ Téléphonie mobile et sécurité routière

Il existe un risque réel lié à l'usage d'un téléphone mobile, qui n'est pas en rapport avec les champs électromagnétiques mais avec le défaut d'attention dont font preuve les personnes qui téléphonent alors qu'elles sont au volant de leur voiture. De nombreuses études françaises et étrangères montrent que téléphoner en conduisant entraîne une multiplication du risque d'accident par un facteur 4, ce qui est considérable. De plus, contrairement à une idée largement répandue, l'utilisation de kits mains-libres n'est pas un élément de sécurité car les accidents surviennent souvent à cause du manque d'attention du conducteur.

Le Code de la route ne permet pas actuellement de réprimer spécifiquement l'utilisation d'un téléphone lors de la conduite, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays (57 ( * )). La répression passe généralement par le biais du défaut de maîtrise du véhicule, notion générale d'interprétation variable et qui ne permet de réprimer que l'utilisation de téléphones tenus à la main.

Il conviendrait donc d'inclure dans le Code de la route une disposition permettant de réprimer spécifiquement l'usage du téléphone lors de la conduite, quelle que soit la modalité d'utilisation de ce téléphone (à l'exception probablement des personnes devant assurer un service d'urgence).

Il conviendrait également d'inclure systématiquement des éléments de sensibilisation à ce danger dans toutes les campagnes de sécurité routière.

§ Information sur le DAS (débit d'absorption spécifique).

Il est impératif de donner à chaque usager de téléphone portable le moyen de connaître et, s'il le souhaite, de réduire son niveau d'exposition personnel aux champs électromagnétiques liés à son téléphone.

Depuis avril 2002, le niveau de DAS est indiqué dans les notices que contiennent les coffrets de vente des téléphones mobiles.

Mais cette information doit pouvoir faire partie des éléments d'appréciation et de choix donnés aux consommateurs avant l'achat de leur téléphone.

C'est pourquoi le niveau de DAS de chaque appareil doit être indiqué sur la fiche de présentation qui est placée à côté de chaque appareil exposé dans les magasins de téléphonie et les grandes surfaces de vente.

Par ailleurs, il conviendrait que les vendeurs de téléphones portables sachent expliquer aux éventuels acheteurs ce que recouvre la notion de DAS.

Enfin, quand les nouveaux terminaux tenus à la main et privilégiant l'utilisation visuelle se généraliseront, on peut envisager qu'ils indiquent à l'usager les variations du niveau de DAS au cours d'une conversation.

§ Moyen de réduire le DAS

Indiquer le niveau de DAS de son téléphone ne suffit pas. Il faut donner au consommateur le moyen de le réduire en utilisant un kit mains-libres (ou « oreillettes »).

En France, tous les coffrets complets portant les marques des opérateurs contiennent désormais un kit mains-libres. De plus, le couple « mobile-kit », pour ces téléphones est efficace car les opérateurs les vendent généralement avec, pour chacun, l'oreillette fabriquée par le constructeur du téléphone et adaptée à ce modèle.

Le problème de l'optimisation du couple « mobile-kit » pour la réduction du DAS se pose donc pour les appareils achetés auparavant, lorsque les oreillettes n'étaient pas fournies avec les téléphones ainsi que pour les « mobiles nus », c'est-à-dire achetés hors coffret.

Les possesseurs de ces téléphones peuvent, en consultant les sites Internet des constructeurs, savoir quelle oreillette correspond le mieux à leur mobile. Mais le plus souvent, ils ne connaissent pas l'existence de ces informations et ils ignorent même que l'efficacité de l'oreillette est fonction de sa bonne adaptation au téléphone.

De plus, de nombreuses oreillettes vendues parmi les accessoires dans les grandes surfaces de ventes portent la mention « compatible » avec tel ou tel mobile, mais n'ont pas été fabriquées et testées par les constructeurs de ces téléphones. Elles sont sans doute compatibles mais pas nécessairement bien adaptées pour une réduction efficace du DAS.

Il conviendrait donc de placer à l'endroit où sont vendues les oreillettes une affichette rappelant que :

- l'exposition aux champs de radiofréquence de l'utilisateur d'un kit mains-libres est beaucoup plus basse que celle de l'utilisateur d'un téléphone placé près de la tête,

- la réduction optimale de cette exposition est obtenue par une oreillette bien adaptée au type de téléphone utilisé,

- des indications précises sont disponibles sur les sites Internet des constructeurs et auprès de la personne chargée dans ce magasin, de la vente des accessoires.

Les distributeurs d'équipements et d'accessoires de téléphone mobile doivent en effet être en mesure de réunir et de tenir à jour une documentation facilement consultable pour les consommateurs.

Résultats des mesures de champs avec kits mains libres

« Une quarantaine de mesures ont été effectuées aux fréquences 900 et 1800 MHz, avec 5 modèles de téléphones et 5 types de kits piétons.

Jamais le DAS au niveau de la tête n'a été accru avec le kit piéton. Le DAS, en présence d'un kit, varie de 0,39 à 0,007 W/Kg selon le couple mobile-kit et la configuration d'utilisation. La réduction moyenne est de l'ordre d'un facteur 50 dans les conditions normales d'utilisation, la réduction la plus faible étant de 2 seulement dans le pire cas. L'efficacité de deux kits, pour un même mobile et dans des conditions normales d'utilisation varie d'un facteur 1 à 10. » (58 ( * ))

§ Information sur l'exposition personnelle aux champs électromagnétiques

- Mesure dans le temps dans une habitation

Un dosimètre familial pourrait être placé dans un foyer afin d'apporter à l'ensemble de ceux qui y vivent un élément d'information localisé. Ce type d'appareil est actuellement à l'étude en Allemagne pour des recherches sur le sommeil.

- Mesure in situ

Un certain nombre de laboratoires proposent de réaliser des mesures de champs électromagnétiques.

L'Agence Nationale des Fréquences a établi une liste de laboratoires de contrôle technique qui s'engagent à respecter le protocole de mesures et à lui communiquer les résultats des mesures pour constituer une base de données nationale.

Un moyen d'offrir aux citoyens une information cohérente et correcte serait d'établir une procédure d'agrément permettant de contrôler les prestations des différents laboratoires de mesure, et notamment de vérifier qu'ils se conforment à une procédure de mesure standardisée. Cet agrément pourrait être accordé par l'Agence sur la base d'une accréditation COFRAC (Comité français d'accréditation).

3. Traiter spécifiquement les professionnels exposés aux champs électromagnétiques

Le besoin d'un cadre réglementaire concernant l'exposition des personnes aux champs électromagnétiques en milieu professionnel, qui puisse être appliqué aux employés du secteur de la téléphonie mobile est clairement exprimé, notamment par les médecins du travail. Le processus de rédaction au niveau communautaire de la directive « champs électromagnétiques au travail » devrait faire l'objet d'un suivi particulier de la part des ministères concernés, notamment le ministère des affaires sociales, le ministère de la santé, le ministère de l'économie des finances et de l'industrie et le ministère de la défense.

La mise en place du cadre réglementaire français devrait s'appuyer sur les réseaux de l'Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) et des Caisses Régionales d'Assurance Maladie (CRAM), notamment pour les aspects prévention et formation qui méritent d'être développés sur ce thème pour s'adresser aux médecins du travail, ingénieurs santé, sécurité et environnement, représentants du personnel (Comités d'hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail ou Directions du Personnel pour les petites entreprises) et les inspecteurs du travail.

La présence d'un représentant de l'AFTIM au sein du conseil scientifique de la Fondation évoquée plus loin répond également à cette préoccupation.

* (56) Intervention de Claude Gilbert (Responsable du programme : risques collectifs et situations de crise au CNRS) au colloque d'avril 2000.

* (57) cf. L'utilisation du téléphone et la conduite automobile - Les documents du Sénat - Série Législation comparée - LC 113 - octobre 2002

* (58) Extrait du rapport de la DGS.

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