4. Une gestion mutualisée du patrimoine immobilier universitaire ?
A côté d'un transfert de propriété aux établissements eux-mêmes ou à la région, l'idée d'une gestion extérieure ou mutualisée du patrimoine immobilier universitaire, via une structure spécifique de type établissement public administratif, a été évoquée par divers interlocuteurs de la mission.
a) Un dispositif susceptible de s'appliquer à quelques sites universitaires importants
L'ancienne directrice de l'enseignement supérieur a
notamment
estimé que dans l'hypothèse d'un transfert de la gestion du
patrimoine universitaire à la région, celle-ci était
susceptible d'être confiée à un EPA, en particulier dans
des régions à fort potentiel universitaire, comme
Rhône-alpes, où peuvent exister des politiques communes entre
établissements suscitant des échanges ou des partages de
patrimoine.
De telles structures de gestion immobilière pourraient également
être expérimentées puis évaluées pour les
pôles européens, tels Strasbourg, Bordeaux ou Grenoble qui
développent depuis longtemps de fortes relations inter-universitaires,
et notamment pour des sites universitaires scientifiques importants (Louis
Pasteur à Strasbourg, Bordeaux I, Toulouse...).
Elle a cependant considéré qu'une telle superstructure
administrative, qui coifferait des sites universitaires moins importants, comme
Toulon ou Perpignan, ne constituerait qu'une sorte d'
« emplâtre administratif » et ne pourrait conduire
qu'à allonger le processus de décision en matière de
gestion.
Elle a cependant noté que le précédent de l'EPA de
Jussieu, qui a été créé pour mener à bien,
dans «
une situation politique devenue
ingérable
», une opération très complexe de
mise en sécurité et de restructuration, dépassant de
très loin la seule gestion immobilière quotidienne, ou même
lourde, pouvait difficilement être transposé et servir de
modèle aux autres universités ; à cet égard,
la mission s'est étonnée légitimement que la
présidence de cet établissement public administratif ait
été confiée à un universitaire -ses qualités
n'étant évidemment pas en cause- dont ce n'est pas le
métier, même s'il est assisté d'un ingénieur des
Ponts et Chaussées, et même si les présidents
d'université tendent à devenir depuis quelques années, par
la force des choses, de redoutables gestionnaires amenés à
négocier périodiquement avec l'État, dans le cadre des
contrats quadriennaux, et avec la région, dans le cadre des contrats de
plan.
Sur un plan général, et dans l'hypothèse d'une
mutualisation de la gestion immobilière des universités, la
mission se demande si l'établissement public susceptible d'être
créé devrait être dirigé par un enseignant-chercheur
ou par un directeur général
« ingénieur » ?
Pour sa part, l'actuel directeur de l'enseignement supérieur a
exprimé quelques doutes quant à la capacité des
établissements à gérer un patrimoine de plus en plus
important et diversifié, sauf à disposer d'une organisation
inter-universitaire très professionnalisée, par ailleurs
compatible avec le respect de l'autonomie universitaire. Il a ainsi
indiqué qu'une politique mutualisée de gestion des sites
universitaires, dans un dispositif de type établissement public,
évaluée par les chancelleries, autoriserait un niveau d'expertise
satisfaisant.
Rappelant, à cet égard, le rôle du dispositif
académique comme maître d'ouvrage dans la mise en oeuvre du plan
U2000, il a estimé qu'un niveau académique trop faible conduisait
le plus souvent la collectivité territoriale à prendre le
relais : il importe donc de trouver le meilleur niveau régional ou
inter-régional pour assurer une gestion immobilière satisfaisante.
Selon lui, alors que les besoins universitaires territoriaux sont aujourd'hui
satisfaits, il conviendrait de renforcer l'organisation du système
universitaire en créant un nouvel établissement public
d'enseignement supérieur et de recherche, intégrant toutes les
composantes de l'enseignement supérieur, qui pourrait fournir un
véritable dispositif d'expertise aux universités, notamment dans
leurs relations avec les collectivités territoriales.
b) Les réactions des académies
La
création éventuelle d'un établissement public immobilier,
au niveau académique, ayant pour mission de gérer un patrimoine
immobilier qui serait loué par les établissements universitaires
ou par les grandes écoles suppose que soient définis la dotation
initiale de cet établissement public immobilier ainsi que les liens
contractuels qu'il devrait entretenir avec les établissements
d'enseignement supérieur concernés.
- Selon
l'académie de Lyon
, une telle solution permettrait
d'individualiser des données techniques et économiques fiables
relatives à la gestion du patrimoine et serait de nature à
introduire davantage de professionnalisme dans la gestion immobilière
d'universités ou de grandes écoles, dont l'activité reste
centrée sur l'enseignement et la recherche : l'équilibre
budgétaire de l'établissement public immobilier conduirait
nécessairement à développer une gestion
prévisionnelle, une planification pluriannuelle des programmes de
maintenance et de grosses réparations, dont le financement serait
assuré par la constitution de dotations aux amortissements.
Une telle formule n'est pas inédite puisque des entreprises ou des
services publics sont fréquemment conduits à isoler la gestion de
leur patrimoine de leur activité principale : une
société anonyme peut ainsi être locataire d'une
société civile immobilière, Réseau ferré de
France est distinct de la SNCF, Voie navigable de France exploite un
réseau que lui a remis l'État et pour lequel les usagers versent
une redevance...
-
L'académie de Clermont-Ferrand
rappelle que les
universités ont besoin de se doter des moyens nécessaires, en
particulier en terme de postes de techniciens.
Elle estime que la mutualisation serait une bonne formule permettant
d'éviter de « recréer les mêmes
compétences » dans des établissements voisins, en
notant qu'il s'agirait plus d'un problème de partage d'expertise que de
« masse critique » et que cette mutualisation pourrait par
exemple être envisagée pour l'acquisition de nombreux progiciels.
- S'agissant d'une éventuelle mutualisation de la gestion de
plusieurs universités,
l'académie d'Orléans-Tours
l'estime difficile à mettre en oeuvre dans la mesure où chaque
université prend souverainement ses décisions au sein de son
conseil d'administration : si la mutualisation est techniquement
envisageable au niveau du rectorat, ou de la chancellerie des
universités, qui a déjà le statut d'établissement
public, celle-ci apparaîtrait en fait plus comme une mesure de
déconcentration que comme un transfert de propriété.
-
L'académie de Besançon
a indiqué pour sa
part qu'une gestion des biens immobiliers au niveau du rectorat, en dehors des
tâches courantes qui resteraient à la charge des
établissements, reviendrait à confier au service des
constructions existant une mission peu différente de l'actuelle en
termes d'objectifs, mais différente au fond : la maîtrise
d'ouvrage sur les opérations dont l'État n'aurait plus la
propriété serait déléguée et se
substituerait à une maîtrise d'ouvrage directe sur des
bâtiments d'État.