DEUXIÈME PARTIE -

UNE POLITIQUE À LA DÉRIVE :

DES INSTRUMENTS DE LUTTE VIEILLIS ET INSUFFISANTS

I. UNE ORGANISATION INTERMINISTÉRIELLE ET UN ARSENAL LÉGISLATIF IMPORTANT

A. LA MILDT : LES DIFFICULTÉS DE L'INTERMINISTÉRIALITÉ

1. La genèse de la MILDT

Après quinze ans de vicissitudes institutionnelles, la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie trouve sa forme définitive en 1996 avec le décret n° 96-350 du 24 avril 1996 portant création de la MILDT et la plaçant sous l'autorité du Premier ministre.

On rappellera que le décret n° 99-808 du 15 septembre 1999, relatif au comité interministériel de lutte contre la drogue et la toxicomanie et de prévention des dépendances, et à la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, élargit le champ de compétences de la MILDT à l'ensemble des pratiques addictives et des substances psychoactives, licites et illicites.

LES ÉTAPES SUCCESSIVES DE L'INTERMINISTÉRIALITÉ

Depuis 1982, cinq structures interministérielles différentes chargées de mettre en oeuvre la politique de lutte contre la drogue et la toxicomanie se sont succédées, ainsi que sept programmes, rapports et autres plans gouvernementaux censés donner un nouveau souffle à cette politique et proposer de nouvelles orientations souvent inadaptées.

La mission interministérielle a changé plusieurs fois d'appellations et d'attributions. Selon les époques, elle a été rattachée aux services du Premier ministre, au ministère de la Santé et de la Solidarité ou au ministère de la Justice.

La première structure était la « mission permanente de lutte contre la toxicomanie » aux attributions définies par le décret du 8 janvier 1982. Elle est devenue la « mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie » (MILT) en 1985 et en 1989 ; à côté de cette mission interministérielle, une « délégation générale à la lutte contre la drogue » (DGLD) a été créée. En 1990, la MILT et la DGLD fusionnent pour devenir la « délégation générale à la lutte contre la drogue et la toxicomanie » (DGLDT) rattachée au Premier ministre. Dernier avatar de cette structure mouvante : la « mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie » (MILDT) est créée en 1996.

Divers plans gouvernementaux, notamment celui du 21 septembre 1993 complété par les orientations du programme gouvernemental du 14 septembre 1995, ont cherché à apporter des réponses à l'extension du phénomène toxicomane, sans toujours prendre en compte l'évolution des modes de consommation. Le dernier en date est le plan gouvernemental du 16 juin 1999.

La MILDT, créée par le décret du 24 avril 1996 , est aujourd'hui placée sous l'autorité du Premier ministre. Elle anime et coordonne l'action de vingt départements ministériels concernés par la lutte contre la drogue et la prévention des dépendances, notamment dans les domaines de la prise en charge sanitaire et sociale, de la prévention, de la répression, de la formation, de la communication, de la recherche et de la coopération internationale.

Elle anime, soutient et coordonne les efforts des autres partenaires publics et privés que sont les collectivités territoriales, les institutions spécialisées et acteurs de la société civile (associations).

Au niveau local , son action est relayée par les chefs de projets désignés par les préfets, qui mettent en oeuvre la politique interministérielle dans les départements et bénéficient à ce titre des différents instruments de la coordination interministérielle tels les conventions d'objectifs ou les plans départementaux de prévention.

La MILDT prépare et met en oeuvre les décisions du comité interministériel de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances qui concernent, depuis le plan gouvernemental du 16 juin 1999, aussi bien les consommations de drogues illicites que l'abus d'alcool, de tabac et de médicaments psychoactifs , c'est-à-dire l'ensemble des pratiques addictives.

Le fonctionnement actuel de la MILDT est régi par le décret n° 99-808 du 15 septembre 1999 relatif au comité interministériel de lutte contre la drogue et la toxicomanie et de prévention des dépendances et à la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.

Il s'agit ainsi d'intégrer la nécessité de mieux prévenir et de prendre en charge les conséquences de l'usage du tabac, de la consommation abusive d'alcool, ainsi que de l'emploi excessif ou détourné de médicaments psychoactifs.

2. Les critiques adressées à la MILDT et la définition du plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances (1999-2002)

Le 7 juillet 1998, la Cour des comptes rend public un rapport très critique sur l'ensemble du dispositif de lutte contre la toxicomanie qui constate l'échec de la mise en oeuvre de la politique interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie et une rupture dans les objectifs de cette politique.

Les critiques formulées par la Cour des comptes étaient principalement de trois ordres.

La Cour constatait d'abord les limites de l'efficacité de la structure interministérielle . Ces limites étaient notamment d'ordre budgétaire. Les crédits votés au titre de l'action interministérielle étaient attribués selon des enveloppes constantes aux ministères concernés pour financer les mêmes mesures d'année en année, sans évaluation ni analyse prospective. Ces pratiques de reconduction automatique limitaient la capacité de proposition et d'impulsion de la MILDT et conduisaient à financer des actions qui, pour l'essentiel, relèvent des crédits de fonctionnement courant des ministères. La Cour suggérait donc que les crédits interministériels soient désormais utilisés pour financer des actions innovantes que les ministères devraient ensuite reprendre et poursuivre sur leur budget propre.

En outre, la Cour relevait que la capacité d'initiative de la MILDT était compromise par les délais de mise à disposition des fonds aux ministères utilisateurs, retardant de fait la mise en place des financements auprès des acteurs de terrain. Enfin, la Cour s'inquiétait également des délégations d'attribution à de multiples associations et de leur contrôle insuffisant.

La Cour insistait ensuite sur la nécessité d'améliorer les connaissances et préconisait en conséquence l'élaboration d'une politique basée sur des données fiables résultant d'études et de recherches dans toutes les disciplines concernées par le sujet ;

Enfin, la Cour soulignait les lacunes de la coordination interministérielle . Au-delà de quelques dossiers sur lesquels elle avait pu jouer un rôle fédérateur, la MILDT n'était pas parvenue à dépasser un rôle de distributeur de crédits ni à animer une véritable politique interministérielle dans des domaines tels que la prévention, la formation, la communication ou la recherche.

En outre, elle n'exerçait pas un réel contrôle sur les crédits délégués. En effet, au niveau national, ces crédits étaient fondus dans les budgets propres des ministères, et au niveau local les sources de financement étaient multiples. La Cour constatait que la multiplicité des administrations concernées et l'implication croissante des collectivités locales rendaient difficile, voire impossible, l'identification de tous les crédits affectés et donc le contrôle de leur emploi.

Parallèlement, la Cour insistait sur l'insuffisante coordination des actions de lutte contre la drogue dans le domaine international et dénonçait « l'instabilité chronique » de la mission ayant connu près d'une quinzaine de présidents depuis sa création en 1982 et ayant été dans les dernières années rattachée successivement au Premier ministre, puis au secrétariat d'Etat à la Santé, un temps au ministère de la Justice, puis à nouveau au Premier ministre sous forme d'une mise à disposition du ministère de l'Emploi et de la Solidarité et du secrétariat d'Etat à la Santé.

Suite à la publication du rapport de la Cour des comptes, le Premier ministre a demandé à la nouvelle présidente de la MILDT, nommée en juin 1998, de lui adresser un ensemble de propositions visant à renforcer la coordination interministérielle aux échelons national et local, à évaluer régulièrement l'efficacité des projets financés, à définir les besoins et planifier le développement de nouvelles actions dans le cadre d'un nouveau plan gouvernemental de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances.

Ces propositions aboutirent au lancement du nouveau plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances adopté par le gouvernement le 16 juin 1999.

LES GRANDES LIGNES DU PLAN TRIENNAL DE LUTTE CONTRE LA DROGUE ET DE PRÉVENTION DES DÉPENDANCES (1999-2002)

Ce plan tient compte de l'évolution extrêmement rapide des comportements de consommation en particulier chez les jeunes, du développement des polyconsommations associant produits licites et illicites ainsi que de la multiplication des produits qui circulent et dont la teneur n'est pas toujours connue avec précision.

Ce plan s'attache également à coordonner les actions des différents ministères impliqués dans la lutte contre la drogue et dans la prévention des dépendances. Il repose sur un ensemble d'orientations et de mesures qui tiennent compte des observations de la Cour des comptes :

- une meilleure connaissance du phénomène : l'objectif est d'améliorer le dispositif national d'observation, d'études et de recherche afin de pouvoir anticiper les évolutions. La MILDT a ainsi lancé un nouvel appel d'offre et a cherché à mobiliser de nouvelles équipes de recherche. En s'appuyant sur l'OFDT dont les compétences doivent être élargies, elle a développé des enquêtes épidémiologiques régulières notamment en milieu scolaire et à l'occasion des journées de préparation à la défense. Elle a par ailleurs mis en place deux observatoires en temps réel, l'un (SINTES) pour connaître la composition des drogues de synthèse qui circulent sur les lieux de consommation et l'autre (TREND), à partir d'un réseau sentinelle, pour mieux appréhender la réalité des comportements de consommation, en milieu festif et dans la rue. L'OFDT a en outre été chargé d'une mission d'évaluation globale de la mise en oeuvre du plan triennal.

- une politique d'information et de communication inscrite dans la durée à destination de l'usager et plus largement du grand public . L'objectif est de mettre à disposition de celui-ci des informations scientifiquement validées afin qu'il soit plus attentif à sa propre consommation ainsi qu'à celle de ses proches. C'est l'objectif de la campagne de communication lancée le 26 avril 2000 avec la diffusion d'un livre d'information sur les drogues et les dépendances : « Savoir plus, risquer moins ».

- une politique de prévention plus en prise avec la réalité des pratiques de consommation . Le but est de permettre d'éviter les consommations mais aussi le passage d'un usage occasionnel ou expérimental à un usage nocif. L'objectif affiché de la MILDT est de prendre en compte les modalités et les contextes de consommation, la personnalité de l'usager, sans cloisonner les actions en fonction du produit utilisé. Dans cette perspective il a été demandé à chaque chef de projet d'établir un plan départemental de prévention qui fixe des objectifs quantitatifs et qualitatifs réalisables et évaluables et qui concerne tous les comportements de consommation à risque des jeunes en milieu scolaire ou hors milieu scolaire. Ces plans devraient être opérationnels à la fin de l'année 2000. Ils tardent cependant à se mettre en place.

- une prise en charge plus précoce des usagers excessifs de drogues, d'alcool, de tabac, de médicaments ou de produits dopants . Il s'agit de renforcer la capacité du dispositif de droit commun (médecins généralistes, services hospitaliers) à repérer les consommations nocives, les services spécialisés (centre de soins aux toxicomanes et consultation ambulatoire en alcoologie) devenant des lieux de référence et de formation pour ces derniers.

La MILDT affiche également l'objectif de rapprocher les dispositifs de soins spécialisés qui sont aujourd'hui encore excessivement cloisonnés. Plusieurs doivent permettre de réaliser ces objectifs : développement des réseaux de médecins généralistes, renforcement des structures spécialisées en alcoologie et tabacologie, préparation du transfert du financement des centres de soins spécialisés aux toxicomanes à l'assurance maladie et création d'équipes de liaison en addictologie dans tous les hôpitaux de plus de 200 lits.

Pour développer la politique de réduction des risques à destination des usagers les plus marginalisés, de nouveaux lieux d'accueil, programmes d'échange de seringues et équipes mobiles de proximité sont en cours de création.

- une meilleure articulation des politiques pénales et des politiques sanitaires et sociales. L'objectif est de permettre à chaque usager de drogues ou usager excessif d'alcool interpellé de bénéficier d'une orientation sanitaire et sociale dans le cadre d'une alternative aux poursuites, aux sanctions, ou à l'incarcération. Dans le cadre des orientations définies par le garde des Sceaux (circulaire du 17 juin 1999), la MILDT a mis en place des conventions d'objectifs entre les préfets et les procureurs de la République. Ces conventions existent aujourd'hui dans 75 départements et doivent être généralisées à la fin de l'année 2000.

- une meilleure coordination de la coopération internationale : définition de priorités géographiques en fonction des flux de trafics, notamment en Asie centrale et Asie du Sud-est, et dans les pays d'Europe orientale.

- la volonté de créer une culture commune à tous les professionnels spécialisés ou non : diffusion de documents d'information divers, ouverture d'un site internet (www.drogues.gouv.fr, élaboré en partenariat avec le Comité français d'éducation pour la santé - CFES - Drogues Info Service, l'OFDT et Toxibase), mise en place de programmes de formation, création dans chaque département ou région d'un Centre d'information et de ressources sur les drogues et les dépendances (7 en 1999, 21 en 2000).

- enfin la MILDT, à la suite des observations de la Cour des comptes, a cherché à clarifier l'utilisation des crédits interministériels et a revu ses modalités de financement des actions de ses différents partenaires ministériels (examen plus rigoureux des demandes de crédits aux seules actions identifiées ou identifiables innovantes, mise en place de nouvelles procédures d'évaluation, consolidation de certaines dépenses dans les budgets des ministères concernés). Pour améliorer le fonctionnement de la MILDT et lui conférer une certaine pérennité et stabilité, il a par ailleurs été décidé de procéder au transfert des emplois des fonctionnaires mis à disposition par les différents ministères. Ce transfert d'emploi est en cours et s'étalera sur deux années au moins.

En outre, dans son rapport 75 ( * ) d'information sur le contrôle budgétaire de la MILDT du 16 octobre 2001, la commission des finances du Sénat avait insisté sur les dysfonctionnements persistants de cette structure interministérielle en évoquant notamment le démarrage difficile et encore insuffisant des procédures d'évaluation et de compte-rendu des opérations pilotées par la MILDT ainsi que la persistance d'un financement par le budget de la MILDT de dépenses récurrentes ou de simple fonctionnement des ministères.

La MILDT est aujourd'hui composée de 43 agents, dont 22 chargés de mission qui sont des fonctionnaires mis à disposition par les différents ministères entrant dans le champ d'action de la MILDT, soit 20 départements ministériels au total.

La MILDT travaille essentiellement sur la base de réunions interministérielles, entre 10 et 20 par an d'après les informations fournies par M. Didier Jayle, nouveau président lors de son audition par la commission d'enquête.

Un nouveau plan gouvernemental quinquennal de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances, faisant suite au plan triennal 1999-2002, devrait être lancé en 2003.

3. L'évaluation de la MILDT : un bilan mitigé

Dans son rapport d'évaluation du plan triennal 76 ( * ) , l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies souligne que « malgré ses efforts, la MILDT n'apparaît pas en mesure de contribuer à la réalisation des objectifs visés avec un égal degré d'effectivité, condition préalable à une quelconque efficacité ».

Lors de son audition par la commission d'enquête, M. Michel Setbon, chercheur au CNRS ayant participé à cette évaluation, a précisé que le champ d'action de la MILDT pouvait être différencié selon trois cercles concentriques figurant trois niveaux d'engagement distincts.

• Le premier cercle, le plus proche du centre représenté par la MILDT, recouvre le champ où son action prend la forme d'un pilotage « en direct » : la MILDT joue alors le rôle de maître d'ouvrage et constitue l'acteur central d'un certain type d'action, de certains axes stratégiques ou de parties d'entre eux. A cet égard, M. Michel Setbon a cité l'exemple de l'information du grand public ou de la mise en place d'une culture commune sur la politique de lutte contre la drogue, pour lesquelles il a estimé que la MILDT avait joué « un rôle d'acteur moteur et central sans s'attacher directement à des ministères particuliers ».

• Le second cercle d'action de la MILDT correspond à un champ relevant d'un pilotage contractuel : il inclut les actions où la présence interministérielle est réelle, mais réduite pour l'essentiel à une allocation de ressources, sans être en mesure de peser sur le terrain de l'action ou de faire évoluer les comportements des acteurs. A ce sujet, M. Michel Setbon a précisé lors de son audition : « il s'agit d'un espace d'activité ou d'action où sa présence (...) est essentiellement traduite par des contrats d'objectifs avec des ministères, des institutions associatives ou non, et des acteurs divers sous forme de contractualisation mais sur lesquels elle n'a pas d'action propre directe. C'est donc essentiellement à travers le financement qu'elle essaie de générer et d'impulser son action ».

• Enfin, le troisième cercle, le plus lointain, est celui du pilotage par une coordination formelle : il recouvre toutes les actions qui échappent au volontarisme et à ses incitations, illustrant les limites de la fonction de coordination face à des acteurs autonomes disposant de ressources et de registres d'action organisés autour d'enjeux spécifiques (répression, justice, action internationale). M. Michel Setbon a précisé que, dans ce cas de figure, la MILDT était « sans pouvoir réel vis-à-vis d'administrations ou d'acteurs qui (...) n'ont pas réellement besoin d'elle. Il s'agit de la justice, de la police, qui ont leur logique d'action, leur financement ».

M. Michel Setbon a ajouté : « En fonction de l'identification de ces trois champs, nous avons pu constater que la MILDT a pu installer ou inscrire des priorités qui n'étaient pas identifiées au départ de la mise en place de son plan (...) ce constat nous incite à réfléchir au contenu de la fonction interministérielle , qui est une vraie question, à ses possibilités actuelles, à son évolution et aux conséquences qu'il y aurait à renforcer ou à affaiblir ses pouvoirs selon les différents cercles. A notre avis, c'est une question qui demande réflexion. Il s'agit vraiment de se demander ce que peut ou ce que doit faire la MILDT et ce qui peut sortir de son champ ».

Il existe donc aujourd'hui, à la veille d'un nouveau plan, sans doute quinquennal, de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances, un besoin réel de réflexion quant au contenu opérationnel de la fonction interministérielle.

Interrogée par la commission sur les difficultés à conduire une politique interministérielle en matière de lutte contre les drogues, Mme Nicole Maestracci, ancienne présidente de la MILDT, a estimé que « dans notre pays, les administrations ne sont pas extrêmement portées vers l'interministériel : nous avons des administrations (...) verticales qui n'ont pas la culture de l'interministériel, (...) c'est une observation qu'on peut faire dans d'autres domaines que celui de la drogue. Sous cette réserve, à partir du moment où on leur a proposé des outils, elles s'en sont servi et c'est ainsi que, surtout dans les deux dernières années, nous avons beaucoup mieux travaillé, dans ce domaine, avec les différentes administrations. Cela s'est fait avec des limites ; je ne vais pas vous dire que nous avons réussi dans tous les domaines, mais un véritable travail interministériel s'est mis en place et, en tous cas, les résistances que nous avions eues au début n'ont plus eu cours ».

M. Didier Jayle, actuel président de la MILDT, a, pour sa part, estimé que la MILDT est « une mission interministérielle qui fonctionne vraiment, sans doute insuffisamment au niveau des cabinets. C'est un de mes rôles de la rendre plus proche des différents cabinets ». Il a ajouté : « La MILDT est une structure relativement légère, pluridisciplinaire et véritablement interministérielle dans sa conception et dans son fonctionnement ».

La commission d'enquête ne peut donc que prendre acte d'une amélioration du fonctionnement interministériel de la MILDT ainsi que d'une plus grande acceptation, voire appropriation de cet outil par les différents ministères concernés.

Dans ses réponses au questionnaire adressé par la commission, le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales estime que « la MILDT doit conserver une vocation réellement interministérielle et intégrer les aspects répressifs, dès lors qu'une coordination doit être entreprise entre les ministères chargés de l'application de la loi et les autres départements. Au delà du champ purement opérationnel qui reste de la prérogative des ministères concernés, la MILDT peut, le cas échéant, apporter une plus value en termes de concertation entre les ministères répressifs eux-mêmes dans des domaines tels que la formation, les aspects normatifs, etc. ».

4. La faiblesse du pilotage local

Si le pilotage interministériel national de lutte contre la toxicomanie s'est significativement amélioré, le pilotage local reste un des points faibles de la MILDT. M. Didier Jayle a ainsi précisé lors de son audition par la commission : « En termes d'organisation de la MILDT, je crois qu'il y a un gros problème, qui est celui de la déconcentration. (...) Le problème est qu'actuellement les chefs de projet départementaux, il y en a un par département, sont nommés par le préfet. La MILDT en est informée. Ces chefs de projet sont le plus souvent les DDASS, dans deux tiers des cas, et dans un tiers le directeur de cabinet du préfet. Même si le directeur de cabinet du préfet peut être extrêmement intéressé par le problème de la toxicomanie, ce n'est qu'un dossier en plus de beaucoup d'autres qu'il a à gérer ». Il a ajouté : « Je crois que la MILDT manque vraiment d'un meilleur maillage au niveau local et d'une coordination régionale avec des personnels MILDT ».

Enfin, en application d'une circulaire du Premier ministre du 13 septembre 1999, des chefs de projet départementaux désignés par les préfets assurent la coordination locale des actions de la MILDT en termes de lutte contre la toxicomanie : réunion d'un comité de pilotage, mise en place du programme départemental de prévention et de formation, mise en oeuvre de la convention d'objectif justice-santé, répartition des crédits déconcentrés, réorganisation des soins en liaison avec la DDASS, lien avec les collectivités locales, articulation avec les contrats de ville, les contrats éducatifs locaux ou les contrats locaux de sécurité.

En outre, des coordinateurs régionaux ont été désignés par les préfets de région pour assurer notamment la complémentarité avec les programmes régionaux de santé et les programmes de formation des échelons déconcentrés et des conseils régionaux.

La question essentielle, s'agissant de l'efficacité de la coordination locale, est celle de la disponibilité des chefs de projet pour effectuer une tâche qui est devenue de plus en plus lourde depuis l'adoption du plan triennal. Les chefs de projets départementaux devraient pouvoir s'appuyer sur plusieurs cadres de catégorie A pour conduire les dossiers.

L'autre question importante est celle de la pérennité des actions . Ainsi, les plans départementaux ou les conventions justice-santé devraient pouvoir faire l'objet d'engagements pluriannuels se traduisant par une contribution au financement du fonctionnement des structures et pas seulement au financement des actions.

Enfin, l'ensemble des actions financées par le chef de projet font l'objet d'une évaluation en amont dans le cadre du comité de pilotage et en aval dans le cadre des bilans transmis annuellement. Toutefois, le rapport d'information de la commission des finances du Sénat précité portant sur l'utilisation des crédits de la MILDT, estimait que « si la MILDT ne veut pas demeurer un simple distributeur de crédits, elle se doit de développer sa capacité de contrôle et d'évaluation sur les actions et les organismes qu'elle contribue à financer. L'exemple le plus prégnant à cet égard reste sans doute sa grande difficulté à évaluer les actions menées localement par les services déconcentrés de l'Etat ».

5. Le budget de la MILDT

La MILDT dispose d'un budget de fonctionnement inscrit au budget des services généraux du Premier ministre (SGPM) et d'un budget d'intervention inscrit au chapitre 47-16 du budget de la santé.

De 1998 à 2002, les crédits interministériels consacrés à la lutte contre la toxicomanie sont restés stables, autour de 46 millions d'euros. Leur utilisation a toutefois fait l'objet d'une réorientation, à la suite des conclusions sévères du rapport public de la Cour des comptes en 1998, ainsi que pour accompagner la réalisation des objectifs du plan triennal.

On rappellera que le budget de la MILDT finance trois types de dépenses :

- les actions des ministères membres du comité interministériel, dans les domaines de la prévention, de la réduction des risques, de la formation, de la lutte contre le trafic et de la coopération internationale, financées par les crédits répartis entre les ministères ;

- les subventions accordées aux groupements d'intérêt public aux associations et aux organismes publics oeuvrant dans le domaine de la lutte contre la drogue et la toxicomanie, financées par les crédits d'intervention propres de la MILDT ;

- les programmes départementaux de prévention, les centres d'information sur les drogues et les dépendances ainsi que la prise en charge des toxicomanes incarcérés ou sortant de prison, financés par les crédits déconcentrés, délégués aux chefs de projets départementaux , étant rappelé que les conventions départementales justice-santé sont également financées par des crédits déconcentrés.

La réorientation des crédits interministériels à partir de 1999 a conduit à privilégier la recherche et l'amélioration des connaissances sur les drogues, notamment via le développement des activités de l'OFDT, l'information du grand public, la formation des professionnels et les crédits déconcentrés aux départements. La définition de ces nouvelles priorités s'est faite au détriment des crédits délégués aux différents ministères pour mener leurs propres actions et notamment des crédits d'équipement auxquels les ministères répressifs étaient habitués. En outre, le fonds de concours pour la lutte anti-drogue créé en 1995 dans le but notamment de financer ces équipements n'a jamais fonctionné faute de traçabilité des produits et matériels saisis. Le ministère de la justice a d'ailleurs adressé aux greffes une circulaire relative à la mise en oeuvre du fonds de concours pour la lutte anti-drogue, le 15 février 2002, afin de le relancer.

En 2003, les crédits interministériels consacrés à la lutte contre la toxicomanie se sont élevés à 40 millions d'euros, soit une baisse de 12,2 % par rapport à 2002. Cette diminution résulte d'un transfert des frais liés à la prise en charge des toxicomanes du budget de la santé vers l'assurance maladie, chargée de financer désormais les centres de soins et de prévention en addictologie (CSPA).

LES CHANGEMENTS DE PÉRIMÈTRE BUDGÉTAIRE DE L'ACTION INTERMINISTÉRIELLE POUR LA LUTTE CONTRE LA TOXICOMANIE

(en euros)

LFI 2002

PLF 2003

Evolution
(en %)

Chapitre 47-15, article 30 (pour 2002)

Programmes et dispositifs de lutte contre les pratiques addictives : dépenses non déconcentrées

Chapitre 47-11, article 30 (pour 2003)

Lutte contre les pratiques addictives dépenses non déconcentrées (nouveau)

1.235.746

1.235.746

0,0

Chapitre 47-15, article 40 (pour 2002)

Programmes et dispositifs de lutte contre les pratiques addictives : dépenses non déconcentrées

Chapitre 47-11, article 40 (pour 2003)

Lutte contre les pratiques addictives dépenses non déconcentrées (nouveau)

117.228.944

9.724.444

- 91,7

Chapitre 47-16, article 10

Action interministérielle de lutte contre la toxicomanie

45.578.000

40.000.000

- 12,2

TOTAL

164.042.690

50.960.190

- 68,9

* 75 Rapport n° 28, session 2001-2002, de M. Roland du Luart, rapporteur au nom de la Commission des finances du Sénat.

* 76 Rapport rédigé sous la direction de MM. Michel Setbon, Olivier Guérin, Serge Karsenty, Pierre Kopp, non encore rendu public.

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