2. Assurer une mobilité optimale du personnel

Il est vraisemblablement risqué de laisser indéfiniment en contact les mêmes professionnels avec les mêmes personnes handicapées , s'agissant, en particulier, de handicap physique . M. André Loubière, directeur des actions médicales et sociales de l'Association française des myopathies (AFM), a tenu ces propos à la commission d'enquête : « La règle historique consistant à considérer qu'une grande connaissance d'une personne et de sa famille permet d'être plus apte à lui venir en aide est, selon mon point de vue, fausse. Je pense, au contraire, que la proximité entraîne des facilités et des exagérations qui peuvent très aisément basculer dans la maltraitance ».

On soulignera que la question de la mobilité du personnel ne se pose pas nécessairement dans les mêmes termes, selon les types de handicap.

En tout état de cause, le « turn over » est un indicateur ambivalent : une rotation excessive du personnel signe en effet la mauvaise santé d'un établissement. La contradiction serait en partie levée si l'on distingue le turn-over des derniers embauchés, comme M. Christian Chasseriaud, président de l'Association française des organismes de formation et de recherche en travail social (AFORTS), l'a indiqué à la commission d'enquête.

L'exemple provient encore du milieu associatif . M. André Loubière, directeur des actions médicales et sociales de l'Association française des myopathies (AFM), a relaté son expérience à la commission d'enquête : « Je plaide en faveur d'un turn-over organisé et non d'un jeu de chaises musicales inconsidéré. Le projet d'établissement ou de service doit intégrer ces éléments et les justifier. [...] En ma qualité de responsable de service, j'ai mis en place, il y a un certain temps, un turn-over des professionnels . Dans un premier temps, cette mesure a été extrêmement mal vécue. Toutefois, lorsqu'un organisme extérieur a interrogé les personnes un an plus tard sur les incidences de cette mesure pour les usagers et les personnels, la quasi-totalité des réponses était positive. Dans un premier temps, cette mesure a été vécue comme un arrachement, les professionnels auxquels on demande de changer leur lieu de pratique pouvant éprouver un sentiment de maltraitance. Cependant, dans un deuxième temps, l'aspect positif de cette mesure a été reconnu par ces mêmes professionnels . »

Cet exemple devrait inspirer tant le secteur associatif que le secteur public .

Etablir une certaine fluidité entre des professions relativement proches en terme d'exigence de formation contribuerait également à faciliter la mobilité souhaitée. Dans cette perspective, M. Jean-Marc Braichet, chef du bureau « Formation des professions de santé » au ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a fait part à la commission d'enquête d'un projet fort intéressant : « La formation des AMP, comme la formation des aides-soignants, dure une année. Elle n'est pas pour autant totalement identique. Il en va de même pour les auxiliaires de puériculture, dont nous avons assez peu parlé mais qui, elles aussi, peuvent être concernées par des faits de maltraitance. La formation des auxiliaires de puériculture comporte un tronc commun d'une durée de six mois avec la formation des aides-soignants. Il existe également des modules communs avec les AMP. Malgré ces rapprochements, la formation des aides-soignants reste différente de celle des AMP. La formation des AMP relève de la direction générale de l'action sociale, tandis que la formation des aides-soignants et des auxiliaires de puériculture relève de nos services. Sur ces trois professions, ainsi que sur les auxiliaires de vie sociale , dont la formation a été entièrement rénovée en 2002, nous essayons de travailler entre directions afin de déterminer davantage de modules communs et de passerelles facilitant le passage d'une profession à une autre. »

La validation des acquis de l'expérience (VAE) ( supra ) ouvre également des horizons. Dans la mesure où elle ne sera pas instrumentalisée pour normaliser la situation de « faisant fonction » sans formation initiale, la VAE, qui permettra aux professionnels du secteur d'évoluer et de changer de métier sous un certain nombre de conditions de formation complémentaire et d'ancienneté, pourra constituer un instrument de mobilité à la fois puissant et pertinent.

Le problème de la rotation ne se pose pas exactement dans les mêmes termes pour les personnels de direction. Selon M. Michel Legros, responsable du département pédagogique « politique et institutions » à l'Ecole nationale de santé publique (ENSP), « La solution réside [...] davantage dans une aide à l'ouverture, dans laquelle la formation occuperait évidemment une place importante, que dans la mise en place de rotations qui ne feraient que déplacer les problèmes dans un autre établissement . Ainsi, les acteurs ne demeureraient-ils pas dans un strict face à face avec les personnes qu'ils accueillent. »

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