1. Favoriser les liens avec la famille

Au terme de l'article 13 63( * ) de la loi du 2 janvier 2002, il est prévu qu'« en vue d'assurer le respect du droit à une vie familiale des membres des familles accueillies dans les établissements ou services [...], ces établissements ou services doivent rechercher une solution évitant la séparation de ces personnes ou, si une telle solution ne peut être trouvée, établir, de concert avec les personnes accueillies, un projet propre à permettre leur réunion dans les plus brefs délais, et assurer le suivi de ce projet jusqu'à ce qu'il aboutisse.  Dans ce but, chaque schéma départemental des centres d'hébergement et de réinsertion sociale évalue les besoins en accueil familial du département et prévoit les moyens pour y répondre ». La commission d'enquête souhaite donner corps à l'esprit qui anime ce dispositif.

a) Renforcer la mobilité entre la famille et l'établissement

Autoriser le retour hebdomadaire dans les familles sans contingentement

Ce point est développé ci-dessus (chapitre III).

Développer les formules d'hébergement temporaire

Il est aujourd'hui nécessaire de répondre aux nouvelles aspirations auxquelles les personnes handicapées sont en droit de prétendre. Elles doivent être davantage maîtresses de leur destin, et pouvoir assumer leurs responsabilités. Il est donc indispensable de leur offrir un choix plus vaste de prise en charge, du maintien à domicile avec des services compétents qui permettent aux personnes de dépasser leur dépendance, à l'accueil temporaire ou au semi-internat. L'objectif est de supprimer toutes formes de relégation à l'écart des activités sociales lorsqu'elles ne s'imposent pas absolument, et qui constituent autant de formes insidieuses de maltraitance.

Il faut également tenir compte des familles, et de leur possible exténuation, qui augmente naturellement leur potentiel de maltraitance. Mme Dominique Gillot, ancienne secrétaire d'Etat aux personnes âgées et aux personnes handicapées, insiste sur cette nécessité de soulager les familles : « Vous avez évoqué l'accueil temporaire. Je suis bien sûr d'accord avec vous. Aujourd'hui, cet accueil temporaire n'est pas encore très développé. Cela fait partie de nos actions prioritaires. Vous me rétorquerez que nous avons beaucoup d'actions prioritaires, mais le fait est que la situation devient urgente. [...] Le recours à l'accueil temporaire est une évidence : toutes les personnes handicapées ne peuvent pas être prises en charge par la société. Il s'agit d'un simple constat. Des personnes lourdement handicapées sont à la charge de leur famille 24 heures sur 24 et 365 jours sur 365. Pour ces familles, la situation est insupportable et intolérable. Elle devrait l'être également pour la société. D'où l'idée d'un accueil temporaire durant un week-end, une semaine, au moment des vacances, ou durant quelques jours si un autre problème familial survient. L'objectif est de permettre aux familles de souffler. L'atmosphère familiale pouvant parfois se révéler étouffante, en sortir pendant quelques jours peut également faire du bien aux personnes handicapées. Il s'agit d'une réponse indispensable, et ce d'autant plus que ces personnes ne sont pas prises en charge par la société. À mes yeux, cette solution devra perdurer car je souhaite que nous nous dirigions vers des réponses extrêmement souples et évolutives reposant sur la possibilité, pour les personnes handicapées, d'aller et venir . Il faudrait que, selon les moments de leur vie, voire les moments de l'année pour certaines, elles puissent faire le choix de vivre soit à domicile soit en établissement. Nous n'en sommes pas encore là aujourd'hui, mais j'espère ce sera le cas demain. L'accueil temporaire est donc une réponse essentielle. ».

Aujourd'hui, le premier obstacle à l'hébergement temporaire est le mode de tarification, qu'il conviendrait également de réformer dans cette perspective. Ainsi, cette disposition de l'article 15, déjà citée, de la loi du 2 janvier 2002, doit prendre corps : « Les établissements et services sociaux et médico-sociaux délivrent des prestations à domicile, en milieu de vie ordinaire, en accueil familial ou dans une structure de prise en charge. Ils assurent l'accueil à titre permanent, temporaire ou selon un mode séquentiel, à temps complet ou partiel, avec ou sans hébergement, en internat, semi-internat ou externat . ».

Dans l'attente, une initiative locale, signalée à la commission d'enquête par Mme Gisèle Printz, membre de la commission d'enquête, peut être prise en exemple : il existe dans une commune de la Moselle un regroupement d'associations qui participent systématiquement au « Télethon ». Elles ont décidé de construire un accueil temporaire pour personnes handicapées. Cet accueil pourra prendre en charge une personne handicapée durant quelques heures, afin de permettre à la famille, par exemple, de faire une course. Il sera financé par le département, par des fonds européens et par la Caisse d'allocations familiales (CAF).

D'une façon générale, la commission d'enquête estime essentiel de développer les capacités d'hébergement temporaire, tant pour le bien-être des personnes handicapées que de leurs familles. Des formules souples de cette nature peuvent aussi parfois, à terme, éviter ou différer sensiblement un hébergement « à plein temps ».


Proposition

Etudier les voies et moyens d'un développement sensible des formules d'hébergement temporaire.


Laisser entrer les familles

Dans toute la mesure du possible, il conviendrait que les établissements évitent, dans leur règlement, de programmer trop strictement les horaires de visite.
En effet, certaines familles, du fait de leurs contraintes familiales ou professionnelles, peuvent se trouver en difficulté pour rendre visite à leur enfant ou à leur parent handicapé à cause de la rigidité des horaires. Outre la maltraitance directe qui résulte de l'espacement des visites, il convient de souligner que la famille est particulièrement à même de repérer les situations d'inconfort subies par leurs proches, et de faire en sorte qu'il y soit remédié. La souplesse souhaitée constitue donc un moyen de prévention de la maltraitance.

Prendre en compte la dimension territoriale

Les schémas d'organisation sociale et médico-sociale, élaborés au niveau national et départemental, constituent désormais le lieu privilégié de la prise en compte de la dimension territoriale. Il convient donc, comme il a été dit, d'accorder tout le soin nécessaire à leur conception.

En effet, un mauvais maillage peut être à la source de maltraitances allant jusqu'à l'insupportable
, quand il en résulte un éloignement dissuasif pour les familles. Les propos tenus à la commission d'enquête par M. Patrick Segal, ancien délégué interministériel aux personnes handicapées sont, à cet égard, éloquents : « Je me dois d'évoquer également la maltraitance des parents dont l'enfant est placé dans un établissement situé loin de chez eux. Je fais référence à nos concitoyens vivant dans les départements d'outre-mer (DOM) et qui, de Guadeloupe ou de Martinique, assistent impuissants au placement de leur enfant dans un établissement situé en Belgique. Au fond, n'y a-t-il pas là une forme de maltraitance des familles, une forme de déni de citoyenneté ? Affirmer que le bien-être d'une personne qui n'est pas en mesure de gérer elle-même ses problèmes, qui ne possède aucun repère, ni dans l'espace ni dans le temps, et dont la communication reste très limitée, se trouve au sein d'un établissement situé à 9.000 kilomètres de chez elle, relève d'une vision totalement discutable. J'estime, pour avoir eu l'occasion de travailler en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, que nous nous trouvons face à une situation de traiter mal extrêmement patente. Je pense que la révision de la loi de 1975, dont il est fortement question à l'heure actuelle, devra se pencher sur ce problème . »

De plus, à la maltraitance directe qui résulte de la rareté des visites, s'ajoute le fait, comme il a été mentionné précédemment, que la privation de la famille ôte le meilleur rempart contre les maltraitance en institution.

b) Renforcer l'ouverture sur l'extérieur

Eviter l'isolement géographique de l'établissement

Les nouveaux établissements devraient être systématiquement construits sinon en zone urbaine, du moins dans des emplacements présentant une densité démographique appréciable. La signification de l'inclusion géographique des établissements est tangible, tant pour les personnes handicapées et leurs parents que pour la population : elles ne sont pas placées au ban de la société.

Comme la visibilité de la structure et de ses occupants s'en trouve localement améliorée, la probabilité que soient prises des initiatives locales en leur faveur est accrue, car, d'une façon générale, la cause des personnes handicapée progresse chez ceux qui les fréquentent. En revanche, l'isolement géographique constitue un facteur supplémentaire de risque de maltraitance.

Il est donc particulièrement dommageable que de nombreux projets d'implantation au coeur des villes rencontrent une vive opposition, qui confirme, par ailleurs, l'intérêt d'une campagne de communication généraliste propre à susciter une meilleure tolérance ( supra ).

Sur un plan pratique, il s'avère parfois intéressant de rapprocher certains établissements afin de favoriser les visites et les expériences. Ainsi, dans un foyer de vie, il a été indiqué à la commission d'enquête que l'établissement avait renoncé à accompagner certains de ses pensionnaires vers des centres d'aide par le travail (CAT) trop éloignés, compte tenu du personnel disponible.

Toutefois, les regroupements géographiques ne doivent pas être systématiques 64( * ) , et ils peuvent se heurter à la contrainte d'un maillage territorial satisfaisant.

Par ailleurs, M. Patrick Gohet, délégué interministériel aux personnes handicapées, a souligné l'importance, pour les CAT, de choisir une situation géographique propice à la délégation des travailleurs handicapés auprès d'une autre collectivité ou d'une entreprise. La commission d'enquête souscrit à cette orientation.

Favoriser les échanges et les sorties

Il doit être préalablement rappelé - cela a déjà été évoqué - que le contexte de la réduction du temps de travail a eu des répercussions sensibles, et semble-t-il mal anticipées, sur l'organisation du travail et de la vie quotidienne dans les établissements. Ainsi, voyages et sorties sont devenus plus difficiles à organiser, alors qu'il existe pourtant une demande émanant à la fois des résidents et des salariés.

L'ouverture devrait s'effectuer dans deux directions . D'une part, dans le domaine non médical , vers les dispositifs existant en milieu ordinaire, particulièrement en matière d'accès à la culture et aux loisirs, notamment à partir d'activités gérées au niveau municipal. D'une façon générale, il convient de mobiliser les ressource locales , afin, notamment, selon le Collectif des démocrates handicapés (CDH), d'« établir des liens concrets de citoyenneté entre les habitants et les résidents des institutions sociales et médico-sociales : vie municipale, réseaux de transports, manifestations locales, liens de solidarité ».

D'autre part, une certaine ouverture serait souhaitable dans le domaine de l'accès aux soins, particulièrement pour le handicap mental . Ainsi, d'après M. Roland Broca, président de la Fédération française de santé mentale (FFSM), « Il conviendrait de diriger les usagers pour leurs soins de toute nature vers un médecin généraliste ou un spécialiste exerçant en cabinet privé ou dans un hôpital public. Les usagers auraient ainsi un traitement identique à celui de tout assuré social. Il ne s'agirait plus dès lors d'instaurer un système de recrutement de praticiens appropriés pour l'établissement, attachés à l'établissement. Les effets pervers d'une politique préconisant la mise en place d'un fonctionnement médical « maison » au sein de l'établissement ont été constatés dans les prisons . Il en va de même pour les soins médico-psychologiques , qui pourraient être dispensés dans des consultations publiques, ou par des psychothérapeutes privés dans certains cas, dans leur cabinet de consultation. Cette façon de faire encouragerait et favoriserait la prise d'autonomie, la responsabilisation et la socialisation des usagers. »

Par ailleurs, il faut être extrêmement vigilant sur la qualité des centres de vacances et des activités sportives proposées aux personnes handicapées, dont l'encadrement est parfois qualitativement et quantitativement très insuffisant. Ces établissements ne rentrent pas, en effet, dans la catégorie des établissements et des services sociaux et médico-sociaux, et ne présentent donc pas les mêmes garanties. Il conviendrait, pour les centres de vacances accueillant des personnes handicapées prises en charge par les établissements et des services sociaux et médico-sociaux, de remédier à cette asymétrie des exigences. Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'état aux personnes handicapées, a déclaré à propos de certains centres de vacances : « [...] D'autres emmènent théoriquement en vacances des personnes lourdement handicapées. En fait de vacances, ils vivent l'enfer car l'encadrement, l'accompagnement et les compétences sont insuffisants . »


Proposition

Evaluer les besoins et adapter la réglementation pour offrir une qualité de prise en charge suffisante dans les centres de vacances.

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