4. Favoriser l'intervention des tiers
Il est
tout simplement moins facile de recevoir de
« leçons » de ses pairs que d'une
personnalité extérieure, y compris en matière de
bientraitance.
Le propos de M. André Loubière, directeur des actions
médicales et sociales de l'Association française des myopathies
(AFM) est, à cet égard, fort éclairant :
« Je me référerai à une
expérience que j'ai vécue, il y a peu, dans le domaine de la
qualité. Vous n'êtes pas sans savoir que
la démarche
qualité a été développée depuis quelques
années dans les entreprises privées
. Des personnels
dédiés à la qualité ont été mis en
place. Ils étaient supposés avoir tout pouvoir pour
pointer du
doigt les dysfonctionnements et appeler les modifications nécessaires.
Qu'est-il advenu de ces personnels ? Bon nombre d'entre eux ont
été licenciés ou mis à l'écart. Cette
démarche n'a donc pas abouti.
Ce personnel dépendait du chef d'entreprise. Je m'appuie sur l'exemple
de la démarche qualité initiée dans les
sociétés privées. On a trouvé les moyens de mettre
à l'écart les salariés affectés à la
démarche qualité.
Cet exemple me porte à croire qu'il
serait vain de penser qu'une autorité à l'intérieur de
l'établissement puisse être une autorité de
référence à laquelle une personne se sentant
lésée ou maltraitée pourrait s'adresser en toute
liberté. Il faut qu'il existe un lieu dans lequel des personnes peuvent
être saisies.
»
Le recours à un professionnel extérieur doit également
permettre d'aider les personnes les plus démunies à mettre des
mots sur des situations de violence.
D'ores et déjà, la loi du 2 janvier 2002 a prévu la
possibilité, pour les personnes handicapées, de recourir à
une «
personnalité qualifiée
».
Cet aspect a été traité au chapitre 2 du présent
rapport : la commission d'enquête a préconisé
d'élargir la possibilité de saisine de ce médiateur
à tout témoin de maltraitances, notamment aux personnels des
établissements.
Par ailleurs, l'intervention de tiers pourrait être favorisée
via
le conseil de la vie sociale institué par
l'article
L. 311-6 du code de l'action sociale et des familles
(issu de
l'article 10 de la loi du 2 janvier 2002) qui dispose en effet que :
«
Afin d'associer les personnes bénéficiaires des
prestations au fonctionnement de l'établissement ou du service, il est
institué soit un conseil de la vie sociale, soit d'autres formes de
participation. Les catégories d'établissements ou de services qui
doivent mettre en oeuvre obligatoirement le conseil de la vie sociale sont
précisées par décret.
Ce décret
précise également,
d'une part,
la composition
et
les compétences de ce conseil et, d'autre part
,
les autres formes
de participation possibles.
».
La commission d'enquête
estime que les conseils de la vie sociale doivent permettre d'ouvrir les
établissements en direction de personnes extérieures
(par
exemple les « personnalités
qualifiées » ou les assistantes sociales de secteur)
qui ne sont pas directement immergées dans les problèmes
relatifs aux personnes handicapées.
Concernant les personnels, le recours direct à un intervenant
extérieur ne serait pas non plus dénué
d'intérêt.
Il pourrait notamment permettre, en donnant
à chacun la possibilité de s'exprimer librement, de lutter contre
certains accords tacites -potentiellement vecteurs de maltraitances-, qui
peuvent exister dans les équipes. Plus généralement,
l'application de la lettre et l'acclimatation de l'esprit la loi du
2 janvier 2002 pourraient requérir une opération de plus
grande envergure, comme M. Pascal Chevit, directeur de l'Ecole nationale de la
santé publique (ENSP), l'a suggéré à la commission
d'enquête : «
Nous pourrions, dès lors,
nous interroger sur l'intérêt que présenterait la
création d'un dispositif s'apparentant à celui ayant
été mis en place, au cours des dernières années,
pour accompagner la réforme des établissements accueillant des
personnes âgées dépendantes. Il s'agirait d'une mission
nationale d'appui intervenant dans la formation -ou tout au moins dans la
mise en place des dispositifs de formation- l'accompagnement et
l'information, et constituant non seulement un recours pour les professionnels
et les institutions mais également une capacité d'observation,
d'analyse et de réaction.
»