C. ELÉMENTS D'ÉVALUATION
L'
évaluation
de l'efficacité des mesures
de
baisse des charges sociales est une
entreprise très
délicate
. Même s'il convient de se féliciter des nets
progrès de méthode réalisés en ce domaine, qui est
désormais un classique des processus d'évaluation des politiques
publiques, le raffinement des méthodes n'est pas tel qu'elles puissent
être totalement conclusives.
L'examen d'une controverse récente, occasionnée par la parution
d'une évaluation relative aux allégements de charges sociales sur
les « bas salaires »
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a abondamment illustré les
difficultés de l'évaluation. On s'y réfère ici
moins pour ce motif que pour souligner quelques données fondamentales.
Quelques mots sur l'évaluation des politiques
d'allégements
de charges sociales
Les
évaluations de l'impact des mesures de réductions de charges
sociales sont confrontées à des difficultés de
méthode, qui peuvent être présentées comme suit.
Il faut d'abord
isoler
l'effet
des allégements de
charges
de l'effet sur l'emploi
des autres facteurs susceptibles
d'intervenir
(les « facteurs contextuels »).
Il faut également tenir compte des
effets induits
.
Le
premier problème
est particulièrement ardu à
résoudre dans la mesure où les politiques d'allégements de
charges, qu'elles soient ciblées ou générales,
s'appliquent souvent de façon indiscriminée.
Il n'existe donc pas le plus souvent de
« groupe-témoin » dont les comportements puissent
être comparés avec le « groupe-sujet »,
c'est-à-dire le groupe des bénéficiaires de la mesure. Au
demeurant, lorsque ce groupe existe, les différentes
« variables de contrôle » qui permettent de
distinguer les deux catégories utiles aux comparaisons doivent
être soigneusement sélectionnées.
Le recours à des méthodes alternatives, telles les enquêtes
d'opinion, est une voie envisageable mais dont les résultats appellent
une certaine prudence.
La question des
effets induits
est elle aussi épineuse. On peut
la décliner en trois sous-questions. Comment les allégements
sont-ils financés et avec quels effets ? Existe-t-il des effets de
destructions d'emplois à côté des effets de
créations d'emplois, du fait, par exemple, d'un changement des
conditions de concurrence ? Au-delà des résultats
immédiats en termes de créations d'emplois, l'impact des emplois
créés est-il entièrement favorable ou doit-on prendre en
compte des données complémentaires qui tendent à
atténuer l'utilité des emplois créés ? Par
exemple : des « trappes à bas salaires »
apparaissent-elles ? L'emploi évolue-t-il vers des emplois peu
qualifiés ?
La multiplicité et l'importance de ces difficultés ne doivent pas
être considérées comme des arguments contre
l'évaluation - sans évaluation, comment
décider ? - mais bien plutôt comme des défis
à relever.
La capacité des évaluations réalisées à
affronter ces difficultés est en tout cas un critère certain de
leur qualité.
Les
évaluations empiriques
de l'efficacité en termes
d'emploi des allègements de charges sociales sont assez peu concluantes,
du fait des difficultés de méthode (v. ci-dessus) que rencontrent
ces travaux, et les
évaluations
a priori
, sur la base de
modèles microéconomiques ou macroéconomiques concluent
à des fourchettes d'estimations importantes (de 100.000 à 500.000
par exemple pour la France).
Dans ces conditions, la mise en évidence par l'étude
susmentionnée d'un très fort effet des mesures
d'allégements de charges sociales mises en oeuvre entre 1994 et 1997 a
provoqué une réelle controverse.
En un mot, alors que, selon une évaluation concomitante
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)
, l'élasticité de
l'emploi non-qualifié à son coût avait été
estimée à 0,6, - une baisse du coût du travail non
qualifié de 1 point entraîne une augmentation de l'emploi
non-qualifié de 0,6 point -, les résultats de l'étude
en cause s'éloignaient beaucoup de cette évaluation avec une
élasticité supérieure à 2.
Sans entrer dans le détail technique de cette controverse, on peut
rappeler les éléments essentiels du débat. Ils contiennent
en effet les données fondamentales d'une politique dont le succès
apparaît conditionné à un contexte favorable.
Mais, il faut aller au-delà et s'interroger sur d'éventuels
effets pervers de certaines formes d'allégements de charges sociales.